Pour consulter la décision du Tribunal
La Commission des clauses abusives,
Vu les articles L.132-1 et R.132-6 du code de la consommation ;
Vu la demande d’avis formulée par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 2 juillet 2002 dans la procédure opposant l’association XX à la société Y ;
Vu la recommandation n° 84-01 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de fourniture de gaz de pétrole liquéfié en vrac et de mise à disposition ou de vente du réservoir ;
Considérant qu’il résulte du jugement que la société Y propose à ses clients la fourniture de gaz de pétrole liquéfié en vrac et la mise à disposition du réservoir suivant un contrat comportant des conditions générales de référence 61105 et des conditions particulières de références identiques ; que l’avis de la commission est sollicité sur 17 stipulations ;
1) Considérant que les conditions générales comportent des dispositions liminaires ainsi libellées:
« Y s’engage auprès de son client à mettre à disposition et à entretenir une ou plusieurs citernes et à assurer les livraisons de gaz selon les modalités définies dans les conditions générales et les conditions particulières ci-après. Le client accepte d’accorder à Y l’exclusivité de l’approvisionnement en gaz de la ou des citernes sur le site figurant aux conditions particulières. » ; que l’article 3 du contrat qui qualifie cette mise à disposition de prêt à usage prévoit à la charge du client soit le versement d’une consignation, soit le paiement d’un loyer, selon un montant variable en considération de la capacité des citernes ; qu’il résulte de l’économie de ces stipulations que le client consommateur n’a pas la possibilité d’obtenir séparément de la société Y l’une ou l’autre des prestations, alors que, quelles que soient les obligations du professionnel entourant la mise à disposition d’une citerne au regard de la sécurité des utilisateurs et des tiers, aucune raison n’est avancée qui justifie que ces prestations ne puissent être opérées séparément ; que la subordination d’un service, la mise à disposition de la citerne, à la fourniture d’un produit, la fourniture de gaz de pétrole liquéfié, est interdite par l’article L.122-1 du code de la consommation, applicable à toutes les activités de production, de distribution et de services ; que le maintien, dans un contrat, d’une clause illicite, revêt un caractère abusif ;
2) Considérant que l’article 2 des conditions générales stipule que le client a le choix entre les livraisons prévisionnelles et les livraisons à la commande, définit comme livraisons prévisionnelles celles à l’initiative du fournisseur qui estime l’approvisionnement du client en fonction de ses consommations antérieures, avec cette précision que ces livraisons sont opérées à un tarif préférentiel, et comme livraisons à la commande celles à l’initiative du client, étant ajouté que quel que soit le mode retenu, le client doit prévenir le fournisseur lorsque la jauge de la citerne indique qu’il reste seulement un quart de son contenu ; que les conditions particulières du contrat comportent une rubrique intitulée « livraison du gaz » destinée à recevoir le choix entre ces modalités de livraison, ainsi que la possibilité ou non de livrer en l’absence du client ; que les conventions obligeant non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature, il apparaît, dès lors que le consommateur a la faculté de choisir que les livraisons aient uniquement lieu en sa présence, qu’il en résulte nécessairement qu’il devra être préalablement averti du moment choisi pour la livraison pour pouvoir y être présent ; que cette clause n’emporte aucun déséquilibre au détriment du consommateur ;
3) Considérant que l’article 3, alinéa 1er, des conditions générales prévoit qu’un exemplaire du barème Yen vigueur est remis au client à la signature du contrat et qu’ensuite, les barèmes sont tenus à la disposition du client chez le distributeur régional Y et qu’ils peuvent également être consultés sur minitel ; qu’il stipule également que le prix du gaz est établi à la tonne et dépend de la zone géographique du lieu d’implantation de la citerne ; que, relativement au prix du gaz, les conditions particulières ne prévoient d’autre rubrique que celle de la zone de prix du lieu de livraison, du barème et de la tranche de consommation annuelle ; qu’il résulte de cet ensemble de dispositions que le prix, dont on peut supposer le montant connu et accepté au moment de la formation du contrat, est susceptible de varier à la seule initiative du fournisseur et en fonction de critères qui ne sont pas contractuellement définis ; qu’une telle stipulation qui tend à conférer au professionnel, en cours de contrat, la maîtrise du prix de la prestation qu’il s’engage à exécuter, déséquilibre significativement la relation contractuelle ;
4) Considérant que l’article 3, alinéa 7, des conditions générales stipule qu’au cas où le délai entre la date de la commande et celle de la livraison excède un mois, le prix appliqué sera celui en vigueur à la date de la livraison ; qu’aucune stipulation du contrat ne fixant, pour le professionnel, un délai pour exécuter les livraisons, cette clause a pour effet de conférer indirectement à celui-ci la maîtrise de la détermination du prix de sa fourniture chaque fois qu’il détermine la date de sa livraison ; qu’une telle clause a un caractère abusif ;
5) Considérant que l’article 3, alinéa 9, des conditions générales prévoit, dans l’hypothèse où a été choisie la mise à disposition de la citerne par consignation, que la somme versée au moment de la mise en place de la citerne est intégralement remboursée au client sous réserve de la restitution en bon état de la citerne ; que les conventions obligeant à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature, il apparaît que, dès lors que la restitution aura été opérée, avec constat simultané du bon état de la citerne, la restitution de la consignation pourra être exigée ; qu’en ce qui concerne l’appréciation du bon état de celle-ci, dès lors qu’il se déduit des conditions générales et particulières que la citerne livrée n’est pas une citerne d’occasion, seule une détérioration qui excéderait celle résultant de l’usure normale serait de nature à justifier une retenue sur la consignation ; qu’il n’apparaît pas que cette clause emporte un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
6) Considérant que l’article 3, 10ème alinéa, des conditions générales, relatif à l’abonnement, dont les conditions particulières prévoient qu’il est annuel, stipule que le loyer est facturé semestriellement à date fixe et que tout mois commencé est dû ; qu’il résulte de ces dispositions que, bien que l’abonnement soit annuel, le loyer, payable par semestre, est divisible par mensualités ; que, dans la mesure où aucune disposition ne prévoit que la durée de l’abonnement coïncide avec un mois calendaire, l’application de la clause critiquée confère au professionnel un avantage sans contrepartie et a pour effet de déséquilibrer le contrat ;
7) Considérant qu’en son alinéa 4, l’article 4 relatif aux obligations d’entretien des citernes contractées par le fournisseur, prévoit que pour chacune de ces opérations, un rendez-vous est pris avec le client ; que, d’une part, cette stipulation est claire et précise ; que, d’autre part, le contrat ne confère pas de valeur contractuelle aux énonciations des cartons d’annonces de visite d’entretien qui prévoient que le passage du technicien aura lieu entre le…et le…et que, pour plus de simplicité, votre absence de réponse vaudra accord de votre part ; que, ;cette stipulation ne revêt pas de caractère abusif ;
8) Considérant que l’article 6, alinéa 1er, des conditions générales stipule que la durée du contrat est définie d’un commun accord avec le client dans les conditions particulières, lesquelles, à la rubrique « durée initiale du contrat » comportent seulement un espace à remplir suivi du mot « ans » ; que, par sa recommandation susvisée, la Commission avait considéré comme abusives les stipulations imposant une durée initiale supérieure à trois ans pour ce type de contrat, de même, d’ailleurs, qu’elle avait estimé abusives les clauses conférant au contrat d’entretien des citernes une durée supérieure à celle des contrats de fourniture de gaz et de mise à disposition de la citerne, lorsque ces contrats étaient proposés par la même société ; que dans la mesure où la Commission avait défini l’abus comme consistant à imposer, d’emblée, une durée initiale supérieure à trois ans, il n’apparaît pas de nature à déséquilibrer significativement les obligations des parties au détriment du consommateur que la durée initiale du contrat soit expressément laissée à la libre discussion des parties ;
9) Considérant qu’en son deuxième alinéa, le même article 6 prévoit qu’à l’échéance du contrat, le client peut renouveler son contrat par tacite reconduction pour une période d’un an renouvelable et qu’aucune formalité n’est alors nécessaire ; que, parallèlement, le contrat impose au consommateur qui veut mettre fin au contrat, que ce soit au terme initial ou à celui de chaque période annuelle de reconduction, d’en aviser son cocontractant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans le délai de deux mois avant ce terme ; que la situation créée par cette stipulation apparaît déséquilibrée dès lors que le cinquième alinéa du même article soumet la résiliation anticipée à des frais de retrait de la citerne et au paiement d’une indemnité de résiliation dont le montant est fixé par le barème en vigueur au jour de la résiliation, alors même que celle-ci interviendrait pour un motif légitime ; qu’est ainsi conféré à cette clause un caractère abusif ;
10) Considérant que le cinquième alinéa de l’article 6 prévoit qu’en cas de résiliation anticipée du contrat par le client, Y facture les frais de retrait de la citerne, comprenant le démontage et le retour en atelier, ainsi qu’une indemnité de résiliation suivant les montants figurant au barème en vigueur au jour de la résiliation ; que la clause ajoute que lorsque Y a engagé des frais commerciaux lors de la mise en place de la citerne, le client en doit la part non amortie pro rata temporis ; qu’ainsi, alors que la résiliation du contrat peut être fondée sur un motif légitime et qu’aucune stipulation du contrat ne prévoit qu’au terme de celui-ci, le professionnel soit fondé à exiger du consommateur des frais de démontage et de retour de la citerne, la stipulation mettant de tels frais à la charge du consommateur crée un déséquilibre significatif à son détriment, d’autant que ce dernier est en outre pénalisé par l’obligation de payer une indemnité de résiliation dont au surplus le montant n’est pas déterminé selon l’accord des parties, mais se trouve en fait laissé à la discrétion du professionnel ; que la clause critiquée crée au détriment du consommateur, dont elle restreint la liberté contractuelle, un déséquilibre significatif ; qu’elle est abusive ;
11) Considérant que l’article 7, alinéa 1er, stipule que le client comme Y peut demander l’annulation du contrat pour inexécution par l’autre partie de ses obligations et, en sa partie critiquée, que Y se réserve le droit d’invoquer cette clause résolutoire pour des raisons de sécurité, notamment en cas de modification de l’environnement de l’implantation de la citerne ; que cette clause n’institue pas une résolution de plein droit, mais ouvre à chaque partie la faculté de la demander, de sorte qu’en cas de désaccord des parties, elles devront nécessairement recourir au juge, ce qui amènera à la délivrance d’une assignation valant mise en demeure et réserve l’appréciation du magistrat sur la gravité du manquement contractuel et la conséquence à en tirer sur une éventuelle résolution du contrat ; qu’il n’apparaît pas que cette clause crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
12) Considérant que l’article 7, alinéa 2, prévoit que l’annulation du contrat après le délai légal de 7 jours et avant la mise en place de la citerne entraîne des frais administratifs dont le montant figure au barème en vigueur ; que si l’article L.121-26 du code de la consommation interdit à quiconque d’exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque, avant l’expiration du délai de réflexion de sept jours, il résulte a contrario de la clause critiquée qu’elle permet au consommateur de renoncer au contrat, après expiration de ce délai de réflexion, mais avant la mise en place de la citerne, en contrepartie du versement de « frais administratifs » ; que, dans son principe, elle n’apparaît pas de nature à déséquilibrer le contrat au détriment du consommateur, puisqu’elle a pour effet d’élargir la période pendant laquelle celui-ci peut renoncer au contrat ;
13) Considérant qu’après avoir prévu que, sauf dérogation stipulée aux conditions particulières, les paiements doivent être réalisés comptant, sans escompte, à réception de la facture, l’article 8, alinéa 2, des conditions générales énonce que tout retard de paiement à son échéance d’une somme exigible pourra entraîner de plein droit et sans mise en demeure préalable la facturation de pénalités de retard dont le montant résultera de l’application d’un taux d’intérêt égal à une fois et demie le taux de l’intérêt légal, ainsi que la facturation de frais administratifs dont le montant figure au barème en vigueur et cite, à la suite, la loi du 31 décembre 1992 et l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur les prix ; que les conditions particulières, à la rubrique « mode de règlement », prévoient les hypothèses de paiement mensualisé, prélèvement automatique, virement et chèque ; que si la mise en œuvre de la clause critiquée apparaît délicate et si son libellé est ambigu relativement au caractère facultatif, ou de plein droit, de la sanction, il apparaît qu’à considérer que la sanction s’applique de plein droit, elle serait, en pareil cas, de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, en ce qu’elle comprend des « frais administratifs » dont, en cours de contrat, le professionnel peut fixer discrétionnairement le montant ;
14) Considérant qu’après avoir prévu que la société Y prenait en charge les dommages accidentels subis par la citerne ou qui pourraient être causés du fait du matériel mis à disposition, l’article 9 dispose, en son deuxième alinéa, que le client a pour obligation de veiller à la garde et à la conservation de la citerne mise à disposition, conformément au droit commun, et de s’assurer en responsabilité civile auprès d’une compagnie de son choix ; que dès lors que cette clause ne fait, pour partie, que rappeler les obligations de droit commun qui incombent au dépositaire et au surplus l’obligent à s’assurer, n’apparaît pas de nature à créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif ;
15) Considérant qu’en une disposition terminale, placée immédiatement au-dessus de l’espace laissé pour la signature du consommateur, les conditions particulières énoncent que « le client reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales du contrat (Réf. 61105) qui fait partie intégrante du contrat et en avoir accepté l’intégralité des clauses » ; que l’exemplaire des conditions générales produit en copie, qui porte la référence 61105, ne comporte pas d’emplacement spécifique pour recevoir la signature du consommateur et que, par ailleurs, les conditions particulières, apparemment seules destinées à être signées, ne prévoient pas que les conditions générales ont été remises au consommateur, mais seulement que celui-ci en a eu connaissance ; que la clause qui tend à rendre opposable au consommateur des stipulations figurant sur un document qui ne lui a pas été nécessairement remis, apparaît de nature à déséquilibrer le contrat au détriment du consommateur, qui est ainsi dans l’ignorance de ce à quoi il s’est précisément obligé et de l’étendue exacte des obligations du professionnel ;
Est d’avis que sont abusives au sens de l’article L.132-1 du code de la consommation les clauses suivantes du contrat proposé aux consommateurs par la société Y :
1) les disposition liant la fourniture de gaz de pétrole liquéfié à la mise à disposition d’un réservoir, sauf à ce que soit établi un motif légitime résultant d’un impératif de sécurité,
2) l’article 3, alinéa 1er, des conditions générales du contrat,
3) l’article 3, alinéa 7, des conditions générales du contrat, du moins chaque fois que le professionnel détermine lui-même la date de sa fourniture,
4) l’article 3, alinéa 10, des conditions générales du contrat,
5)l’article 6, alinéa 2, des conditions générales du contrat, dès lors qu’il ne réserve pas l’hypothèse d’une résiliation sans frais ni indemnité pour motif légitime,
6) l’article 6, alinéa 5, des conditions générales du contrat,
7) l’article 7, alinéa 1er, des conditions générales du contrat,
8) l’article 8, alinéa 2, des conditions générales du contrat, en ce qu’il prévoit une indemnité contractuelle dont, en cours de contrat, le professionnel peut faire varier le montant,
9) les dispositions terminales des conditions particulières stipulant l’acceptation de l’intégralité des clauses figurant sur un document dont il n’est pas expressément prévu qu’il a été remis au consommateur.
Délibéré et adopté, sur le rapport de M. Jean-Pierre BOUSCHARAIN, en sa séance plénière du 26 septembre 2002.
Voir également :
Recommandation relative à la fourniture de GPL
Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur du GPL