La Commission des clauses abusives,
Vu les articles L. 132-1 à L. 132-5 du Code de la consommation ;
Entendu les représentants des professionnels intéressés ;
Considérant que depuis la période d’élaboration de la recommandation n°85-01 du 19 novembre 1982, a été développé, à la suite des lois de décentralisation, le principe de libre administration des collectivités locales, qui s’applique en particulier en ce qui concerne leur service public industriel et commercial qu’est la distribution de l’eau ; qu’en vertu de ce principe de libre administration, les collectivités locales adoptent désormais le » règlement » de leur service des eaux, quel qu’en soit le mode d’exploitation, en régie directe ou par voie de délégation, sans être tenues de reprendre, comme par le passé, des dispositions prévues par des décrets relatifs à des cahiers des charges type pour l’exploitation par affermage ou concession du service de distribution ; qu’organisant les relations entre les consommateurs abonnés et le service des eaux, le document habituellement appelé » règlement du service de distribution d’eau « , et destiné à être remis aux consommateurs lors de la demande d’abonnement, fait partie intégrante du contrat d’abonnement dont il constitue des conditions générales ; qu’il résulte de ce qui précède que la suppression de toutes les clauses présentant un caractère abusif dans de tels documents peut être directement recommandée, en application de l’article L. 132-4 du Code de la consommation, sans qu’il soit nécessaire désormais de proposer la modification de décrets ;
Considérant que l’examen des documents actuellement remis par les services des eaux à leurs cocontractants consommateurs a fait apparaître la nécessité d’ajouter de nouvelles clauses à la liste de celles dont le caractère abusif avait déjà été dénoncé ;
Considérant que de nombreuses collectivités locales prévoient dans le règlement de leur service des eaux que, lors de la formation du contrat d’abonnement, un dépôt de garantie sera exigé du consommateur ; que le montant de ce dépôt varie d’une commune à l’autre dans d’importantes proportions ; que lorsque le dépôt, dépassant sa fonction de garantie de paiement des factures périodiques à venir, est excessivement élevé, il perd sa justification et déséquilibre significativement les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ;
Considérant que quelques contrats prévoient la réévaluation ultérieure du dépôt de garantie en fonction de l’augmentation du prix de l’eau, des compléments étant alors appelés à être réclamés aux abonnés ; que cette stipulation, qui conduit à alourdir sans cesse une obligation du consommateur, sans qu’aucune contrepartie ne soit prévue sous la forme d’intérêts, présente un caractère abusif, dès lors que l’absence de difficulté dans l’exécution du contrat amenuise le risque d’un défaut de paiement ;
Considérant que le règlement du service des eaux de certaines communes subordonne la conclusion du contrat d’abonnement avec un locataire à l’engagement par le propriétaire du logement de garantir le paiement des sommes ultérieurement dues ; qu’en imposant un tel engagement sans aucune alternative, notamment sous la forme d’un dépôt de garantie, le professionnel abuse de sa situation de monopole et déséquilibre le contrat au détriment du non-professionnel qui peut se trouver chargé d’une obligation pour des fournitures dont il n’aura pas profité lui-même et dont il n’a aucun moyen de maîtriser l’ampleur ;
Considérant que certains contrats laissent à l’abonné le soin de prendre à ses risques et périls toutes les précautions utiles pour garantir contre le gel le compteur du service des eaux ; que dans la mesure où certaines de ces précautions peuvent relever du service des eaux lors de l’installation du compteur et qu’en tant que professionnel celui-ci doit informer le consommateur des précautions complémentaires à prendre, le cas échéant, pour assurer une bonne protection dans des circonstances particulières, la stipulation qui charge l’abonné de prendre seul, et sans information, toutes les mesures contre le gel diminue les obligations du professionnel et déséquilibre de façon significative le contrat ;
Considérant que certains règlements du service des eaux excluent toute responsabilité à l’égard des abonnés à raison de causes résultant de l’exploitation de ce service, telles que des arrêts momentanés, prévus ou imprévus, » des interruptions plus ou moins prolongées dans la distribution ou résultant de la gelée, de la sécheresse, des réparations de conduites ou réservoirs, du chômage des machines ou de toutes autres causes » ; que quelques municipalités font même s’engager leurs administrés, sur le formulaire de demande de branchement de l’eau, » à ne présenter aucune réclamation par suite de perturbation dans l’eau ou sa limpidité » ; que de telles exonérations générales de responsabilité, qui dépassent les seuls cas de force majeure ou d’interruption de la distribution liée à l’aménagement ou à l’entretien du réseau, créent, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Considérant que la plupart des règlements de service des eaux prévoient qu’en cas d’interruption de la distribution résultant de la force majeure ou de travaux, la redevance d’abonnement ne sera réduite au prorata du temps de non-utilisation que si celui-ci excède une certaine durée ; que si les relations contractuelles ne sont pas déséquilibrées de façon suffisamment significative lorsque le seuil retenu reste dans des limites raisonnables, elles le deviennent lorsque celui-ci est fixé au-delà de quarante-huit heures consécutives,
Recommande :
Que soient éliminées des documents destinés à être remis aux consommateurs par les collectivités locales, ou les sociétés qui exploitent par délégation leur service des eaux, les clauses ayant pour objet ou pour effet :
1°) De mettre à la charge du consommateur la constitution d’un dépôt de garantie excessivement élevé ;
2°) De donner un caractère révisable, en cours de contrat, au montant du dépôt de garantie initialement constitué ;
3°) De subordonner la conclusion du contrat d’abonnement avec un locataire à l’engagement par le propriétaire du logement de garantir le paiement des sommes ultérieurement dues, sans prévoir d’alternative à cet engagement ;
4°) D’obliger l’abonné à prendre seul toutes les mesures de protection contre le gel du compteur appartenant au service des eaux, sans l’informer sur les mesures à prendre en complément de celles qui ont été mises en oeuvre lors de l’installation ;
5°) D’exonérer de façon générale le professionnel de toute responsabilité liée à l’inexécution ou à la mauvaise exécution de son obligation de distribution, au-delà des seuls cas de force majeure ou d’interruption de la distribution liée à l’aménagement ou à l’entretien du réseau ;
6°) De fixer, en cas d’interruption de la distribution résultant de la force majeure ou de travaux, un seuil excédant celui de quarante-huit heures consécutives pour ouvrir, au consommateur, droit à la réduction de sa redevance d’abonnement au prorata du temps de non-utilisation.
(Texte adopté le 25 janvier 2001 sur le rapport de M. Laurent Leveneur)
Voir également : recommandation n° 85-01