La Commission des clauses abusives,
Vu les dispositions du Code de la Consommation et notamment les articles L. 132-1 à L.132-5 ;
Vu les dispositions du Code Civil et notamment les articles 1316 à 1316-4 ;
Vu les dispositions du Code du Commerce et notamment les articles L. 241-7, L. 246-1 et L. 251-17 ;
Vu l’article 27 du Code de l’Industrie Cinématographique ;
Vu le décret 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 du Code Civil, relatif à la signature électronique ;
Vu l’auto-saisine de la Commission des clauses abusives lors de sa séance du 20 avril 2000 ;
Entendu les représentants des professionnels intéressés ;
Considérant que depuis la fin du mois de mars 2000, certains exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques proposent aux consommateurs des formules d’abonnement au cinéma donnant droit à des entrées multiples pour une durée initiale annuelle ou semestrielle payable mensuellement et permettant un accès illimité aux salles de leur réseau, ainsi qu’à celles des exploitants indépendants s’étant associés à cette formule ;
a) Présentation matérielle des contrats:
3 – Considérant qu’aucun des contrats examinés ne mentionne la dénomination sociale et l’adresse du co-contractant professionnel ni dans les conditions particulières, ni dans les conditions générales, que seuls figurent dans les conditions particulières, le nom et l’adresse de l’organisme créancier dans un cadre détachable réservé à l’autorisation de prélèvement ; qu’une telle information est obligatoire ; que son absence est préjudiciable au consommateur en ce que, d’une part, le cocontractant responsable de la mauvaise exécution ou de l’inexécution du contrat peut être différent du « créancier » du prix de l’abonnement, tout comme l’abonné peut ne pas être le payeur ; et que, d’autre part, la carte peut être proposée par des sociétés distinctes ;
4 – Considérant que tous les contrats, en raison de leur présentation matérielle, laissent croire que seul le paiement par prélèvement automatique est possible ;
5 – Considérant que les droits et obligations de l’abonné et du payeur – s’il est différent – ne sont pas distingués dans les contrats ; que cette absence de précision crée une ambiguïté dans la connaissance des droits et obligations de chacun d’eux ; qu’il est nécessaire que les droits et obligations de l’utilisateur de la carte et du payeur soient clairement définis et distingués ;
6 – Considérant que le professionnel, débiteur des obligations contractuelles, n’est pas identifié alors que les contrats font référence à un « service abonnés » ou à un « service abonnement » qui est investi d’un certain nombre de prérogatives mais dont l’adresse est différente de celle de « l’organisme créancier » ; qu’il est nécessaire que les contrats définissent et distinguent les droits et obligations de chacun;
7 – Considérant, qu’en cas de règlement de l’abonnement en totalité lors de sa souscription, certains contrats prévoient qu’avant leur terme, le professionnel proposera au consommateur la poursuite du contrat au tarif en vigueur avec option soit pour un paiement mensuel par prélèvement automatique, soit pour une nouvelle durée fixe avec paiement forfaitaire :
b) Formation du contrat:
10 – Considérant que, d’une part, lorsque le contrat est conclu par voie postale, certaines clauses induisent que le consommateur commence à régler son abonnement avant d’avoir reçu sa carte alors que l’expédition de celle-ci ne dépend que du professionnel ; que ces clauses emportent un déséquilibre au détriment du consommateur en ce qu’elles le conduisent à verser des sommes sans bénéficier d’une prestation en contrepartie ;
11 – Considérant que, d’autre part, tous les contrats contiennent une clause aux termes de laquelle : » Tout dossier incomplet ou illisible sera retourné en l’état à l’expéditeur » ou » tout dossier incomplet ou illisible ne sera pas accepté « , et que la plupart de contrats comportent un cadre d’une couleur qui le distingue du reste du texte, demandant au consommateur de fournir des renseignements, qui ne semblent pas indispensables à la délivrance de la carte (e-mail, profession ou catégorie professionnelle, » en recherche d’emploi » et » autres « , salle ou cinéma fréquenté…) ; qu’aucune mention ne précise si ces renseignements sont obligatoires ou facultatifs en violation de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978, que ces clauses sont illicites, et, maintenues dans les contrats, sont abusives ;
12 – Considérant que tous les contrat contiennent des clauses permettant au professionnel de refuser de contracter avec toute personne dont un précèdent abonnement a été résilié pour « fraude » (lors de la souscription du contrat ou dans « l’utilisation de la carte ») ou pour « défaut de paiement »; que ces clauses sont abusives en raison de leur imprécision due à l’absence de définition des obligations du payeur et de l’abonné et permettent au professionnel de sanctionner, en ne souscrivant pas le contrat, quelqu’un qui n’est pas nécessairement responsable des manquements à un précédent contrat;
c) Durée du contrat:
d) Exécution du contrat:
17 – Considérant que tous les contrat prévoient, en cas de règlement mensuel, comme seul moyen de paiement, le prélèvement automatique ; que de telles clauses, qui imposent cet unique moyen de paiement, déséquilibrent les obligations contractuelles ;
18 – Considérant, de même, qu’en cas de règlement de l’abonnement en totalité lors de sa souscription, seul le paiement par chèque et parfois par carte de crédit est prévu, à l’exclusion d’un règlement en espèces ; qu’une telle clause est illicite ; que maintenue dans les contrats, elle est abusive ;
19 – Considérant que tous les contrats prévoient que le « service » informera l’abonné de toute modification tarifaire deux mois avant l’entrée en vigueur de celle-ci et procédera à un ajustement des prélèvements automatiques proportionnel aux augmentations du prix de l’abonnement; que de telles clauses en ce qu’elles s’appliquent pendant la période à durée déterminée du contrat, sont abusives ;
20 – Considérant que certains contrats prévoient que les hausses décidées par le professionnel prendront effet dans un certain délai après avoir été notifiées ; que ces mêmes contrats imposent au consommateur un délai de préavis de résiliation d’une durée supérieure ; que de la combinaison de ces clauses, il résulte que le consommateur ne pourra échapper à une hausse qu’il n’a pas acceptée ; que de telles clauses, qui déséquilibrent le rapport contractuel, sont abusives ;
e) Clauses exonératoires de responsabilité:
f) Clauses relatives à la résiliation du contrat :
25 – Considérant que certains contrats opèrent une distinction entre la date d’effet de la résiliation effectuée par le consommateur (réception de la lettre recommandée avec accusé de réception par le professionnel) et celle effectuée par le professionnel (date d’expédition de la lettre notifiant cette résiliation) ; que ces clauses sont susceptibles de constituer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
26 – Considérant que tous les contrats prévoient des cas de « résiliation immédiate » du contrat en cas de fausse déclaration ; que cette notion, appliquée à une demande de renseignements non essentiels pour la formation du contrat, confère à la clause un caractère abusif ;
27 – Considérant que tous les contrats prévoient des cas de « résiliation immédiate » du contrat en cas d’utilisation « anormale » de la carte ; qu’en raison de son imprécision, cette clause est susceptible de créer un déséquilibre significatif détriment du consommateur ;
28 – Considérant qu’un contrat prévoit, comme motif de résiliation, tout manquement à la « charte » que l’abonné s’est contractuellement engagé à respecter et qu’à défaut le spectateur peut être expulsé et sa carte confisquée ; que cette clause est abusive en ce qu’elle prévoit la résiliation du contrat pour la violation d’obligations non contractuelles, la charte n’étant pas annexée au contrat mais uniquement affichée dans les salles ;
29 – Considérant que la plupart des contrats prévoient que le professionnel peut mettre fin à la formule de carte d’abonnement « à tout moment et pour toute cause légitime », sans avoir à respecter de préavis, alors que le consommateur désireux de résilier le contrat doit, dans tous les cas, observer un délai de préavis ; que ces clauses sont abusives en raison de l’absence de réciprocité des obligations des parties contractantes ;
30 – Considérant qu’en cas de cessation du service à l’initiative du professionnel, un contrat prévoit que lorsque le service a été réglé en totalité lors de la souscription, le consommateur n’aura droit au remboursement des sommes payées d’avance que s’il en fait la demande ; qu’un autre contrat exclut le remboursement au prorata pour le mois en cours ; que ces clauses, qui subordonnent le remboursement des sommes dues au consommateur à une demande expresse ou qui excluent tout remboursement au prorata pour le mois en cours, sont abusives en ce qu’elles rémunèrent le professionnel, sans contrepartie ;
31 – Considérant que dans tous les cas de résiliation, et alors que la carte a été désactivée, l’abonné doit la restituer dans un délai déterminé ; que certains contrats imposent la restitution en cas de suspension ou d’interruption du service ; que tous les contrats prévoient, qu’à défaut de restitution, l’abonné devra verser une indemnité ; que de telles clauses, en ce qu’elles laissent à l’abonné la charge de la restitution de la carte, stipulée au seul profit du professionnel, sont abusives;
g) Clauses relatives aux indemnités forfaitaires.
h) Clauses d’aggravation des charges
i) Clauses attributives de compétence
Recommande:
A/ Que la présentation matérielle du contrat obéisse aux règles suivantes:
3 – Qu’il mentionne la dénomination sociale et le siège social du co-contractant responsable en cas de mauvaise exécution ou d’inexécution du contrat ;
B/ Que le contrat contienne les clauses suivantes ayant pour objet ou pour effet :
6 – De définir et distinguer les droits et obligations de chaque professionnel intervenant ;
7 – De préciser en cas de règlement de l’abonnement en totalité lors de sa souscription et lorsque le professionnel propose le renouvellement de celui-ci :
C/ Que soient éliminées les clauses ayant pour objet ou pour effet :
10 – De prévoir le paiement par le consommateur avant réception de la carte ;
11 – De permettre aux professionnels de refuser de contracter en raison du défaut de réponse à des demandes de renseignements non indispensables à la délivrance de la carte et dont il n’est pas indiqué s’ils sont obligatoires ou facultatifs ;
12 – De permettre aux professionnels, en l’état de l’absence de définition et de distinction des obligations du payeur et de l’abonné, de sanctionner celui d’entre eux qui n’est pas responsable des manquements à un précédent contrat ;
13 – De réserver aux professionnels le droit d’accepter ou de refuser, discrétionnairement, le motif légitime invoqué par le consommateur pour résilier le contrat durant la période initiale ;
14 – D’imposer au consommateur le respect d’un préavis, excédant le mois en cours, en cas de résiliation pour motif légitime pendant la durée déterminée du contrat ;
15 – De prévoir en cas d’acceptation de la résiliation pour motif légitime que le consommateur ne pourra souscrire un nouvel abonnement avant l’expiration d’un certain délai suivant la prise d’effet de la résiliation ;
16 – D’exclure, en cas de vol, de perte ou de dysfonctionnement de la carte, le remboursement des billets achetés, dès lors que le contrat ne prévoit pas de prorogation de son terme pour une durée égale à la période comprise entre la déclaration de l’incident et la délivrance de la nouvelle carte ;
17 – De prévoir, en cas de règlement mensuel, comme unique moyen de paiement le prélèvement automatique ;
18 – D’exclure le paiement en espèces en cas de règlement de l’abonnement en totalité lors de sa souscription ;
19 – De permettre, durant la période initiale du contrat, la hausse du prix de l’abonnement ;
20 – D’imposer au consommateur une hausse de tarif, dés lors que le contrat prévoit un délai de préavis de résiliation d’une durée supérieure au délai d’application de la hausse ;
21 – D’exclure, dans tous les cas, la responsabilité du professionnel pour la fermeture d’une de ses salles concernées par l’abonnement ou si un exploitant cesse d’accepter la carte ;
22 – De prévoir en cas d’interruption ou de suspension du service le seul remboursement des paiements mensuels effectués d’avance à l’exclusion de toute autre indemnisation ;
23 – D’imposer, après la période initiale, au consommateur un préavis en cas de résiliation de l’abonnement, sans prévoir un préavis identique en cas de résiliation par le professionnel ;
24 – De prévoir comme seule modalité de résiliation du contrat, l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception ;
25 – De prévoir des dates d’effet différentes lorsque la résiliation est effectuée par le professionnel ou par le consommateur ;
26 – De prévoir la résiliation immédiate du contrat, en cas de fausse déclaration relative à une demande de renseignements non essentiels à la formation du contrat ;
27 – De prévoir la résiliation immédiate du contrat en cas d’utilisation anormale de la carte ;
28 – De prévoir la résiliation immédiate du contrat, en cas de violation de stipulations qui ne figurent pas dans l’écrit qu’il signe ;
29 – De permettre aux professionnels de mettre fin à la formule d’abonnement, sans avoir à respecter un délai de préavis, alors que l’observation d’un tel délai est requise du consommateur ;
30 – De subordonner, en cas de cessation du service du fait du professionnel, le remboursement des sommes dues au consommateur à une demande expresse de sa part ou d’exclure tout remboursement au prorata pour le mois en cours ;
31 – D’exiger du consommateur dans tous cas de résiliation, de suspension ou d’interruption de service, la restitution de la carte et de prévoir, qu’à défaut, une indemnité de retard sera due ;
32 – De mettre une pénalité contractuelle à la charge du consommateur qui manquerait à ses obligations sans prévoir une pénalité du même ordre à l’encontre du professionnel qui n’exécuterait pas les siennes ;
33 – De prévoir que toute somme versée d’avance sera conservée par le professionnel en cas de refus de contracter de sa part ;
34 – De laisser croire au consommateur qu’il devra payer tous les frais et honoraires nécessaires au recouvrement des sommes dues ;
35 – De déroger aux règles de compétence territoriale ou d’attribution des juridictions.
(Texte adopté le 18 octobre 2001 sur le rapport de M. Pierre Bouaziz)