Recommandation N°07-02
Contrats de vente mobilière conclue par internet

BOCCRF du 24/12/2007

La Commission de clauses abusives,

Vu les articles L.132-1 à L.132-5 et R. 132-2 du Code de la consommation ;

Entendus les représentants des professionnels intéressés ;

Considérant que, selon l’article 14 de la loi 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, le commerce électronique est défini comme étant l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services; que s’il présente pour le consommateur l’avantage de lui permettre l’accès depuis son domicile, au temps qu’il a choisi, à une gamme de produits et à un nombre de distributeurs jusque là inégalés, et améliore ainsi sa liberté de choix, le commerce électronique n’est cependant pas sans risque pour l’acheteur qui, en particulier, choisit l’objet de la vente à travers un écran sans en avoir la maîtrise physique avant la livraison; qu’il est en outre conduit à payer le vendeur avant la livraison et peut se trouver engagé par un contrat dont l’ensemble des termes n’a pas été porté à sa connaissance ; que le développement considérable de ce mode de commercialisation justifie une attention particulière pour la protection des consommateurs ;

Considérant que l’examen des modèles de convention habituellement proposés par des vendeurs professionnels de biens mobiliers à leurs cocontractants consommateurs a conduit à déceler des clauses dont le caractère abusif, au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation, peut être relevé ;


1° – Considérant qu’il a été constaté que certaines clauses des conditions générales stipulent que leur sauvegarde et leur édition relèvent de la seule responsabilité du consommateur ; que de telles clauses, en ce qu’elles font peser la responsabilité de la conservation et de la reproduction des conditions contractuelles sur le seul consommateur et exonèrent le professionnel de toute obligation de ce chef, contreviennent aux dispositions des articles 1369-4 du code civil et L 134-2 du code de la consommation et sont illicites; que maintenues dans les contrats, elles sont abusives en ce qu’elle peuvent avoir pour effet de priver le consommateur de la faculté d’invoquer le contenu du contrat ; qu’enfin, des conditions générales prévoient qu’elles sont modifiables à tout moment sans préavis et sans préciser que seules celles en vigueur au moment de la conclusion du contrat seront opposables à l’acheteur ; qu’en laissant ainsi croire au consommateur qu’elles confèrent au professionnel le droit de modifier unilatéralement les conditions du contrat, elles engendrent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;


2° – Considérant que de nombreuses conditions générales de vente contiennent des clauses prévoyant qu’en cas de non disponibilité du produit commandé, le vendeur ne pourra en aucun cas voir sa responsabilité engagée ou que celui-ci se réserve le droit de ne pas traiter la commande se rapportant au produit indisponible; que si une clause qui subordonne la validité de la vente à la disponibilité du produit commandé n’est pas, en soi, abusive, elle est, en revanche, de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur dès lors qu’elle est combinée avec une clause exonérant, dans tous les cas, le professionnel de sa responsabilité ;


3° – Considérant que certaines conditions générales habituellement proposées aux consommateurs sont en contradiction avec les dispositions des articles L. 113-3 et L. 121-18 du code de la consommation, 2 et 14 de l’arrêté du 3 décembre 1987 modifié et 19, alinéa 8, de la loi du 21 juin 2004, soit qu’elles affranchissent le vendeur du respect du prix affiché en l’autorisant à le modifier unilatéralement, soit qu’elles dénient au consommateur toute information sur les frais de livraison ;

4° – Considérant qu’un certain nombre de conditions générales de vente prévoient la possibilité pour le vendeur de refuser au consommateur, pour quelque raison que ce soit, la possibilité de confirmer l’acceptation de l’offre ; que ces clauses qui contreviennent à l’article L 122-1 du code de la consommation, sont illicites ; qu’introduites dans la relation contractuelle des parties, elles sont abusives ; que d’autres clauses permettent au professionnel de se dégager d’un contrat définitivement conclu sans que la même faculté soit ouverte au consommateur ; que de telles clauses, qui contribuent à déséquilibrer significativement les obligations des parties au détriment du consommateur, sont abusives ;


5° – Considérant que certaines clauses contractuelles dénient toute valeur à des conditions particulières qui seraient contraires aux conditions générales stipulées par le professionnel; que de telles clauses, qui empêchent de donner effet à toute clause dérogatoire qui aurait pu être convenues entre les parties, ont pour conséquence de conférer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif ;
6° – Considérant que plusieurs contrats contiennent des clauses qui accordent une valeur probante irréfragable aux enregistrements électroniques réalisés sur des supports numériques dont seul le vendeur à la maîtrise ; que de telles clauses, qui laissent au seul professionnel la maîtrise de la preuve des engagements souscrits, sont abusives ; que, par ailleurs, diverses conditions générales confèrent à l’acceptation par  » double clic  » la même valeur qu’une signature électronique, sans autre précision, alors qu’un tel processus contractuel ne répond pas nécessairement aux exigences du décret du 30 mars 2001 relatif à la signature électronique, de telle sorte qu’en laissant croire au consommateur qu’il est présumé engagé par une signature ne répondant pas aux exigences légales, une telle stipulation est de nature à créer un déséquilibre significatif à son détriment ;


7° – Considérant qu’il a été constaté que des conditions générales contenaient une clause de résiliation croisée qui entraîne la résiliation d’un contrat en raison de l’inexécution d’un autre contrat souscrit par le consommateur sans qu’il existe un lien de dépendance entre ces contrats; qu’une telle clause, qui confère un avantage excessif au professionnel, est abusive ; qu’il en est de même de la clause qui reconnaît au professionnel une faculté de résiliation en cas d’inexécution d’obligations imprécises du consommateur ; Qu’il est parfois aussi prévu de faire supporter par le seul consommateur les conséquences de l’utilisation frauduleuse de ses moyens de paiement, et ce, en violation des dispositions de l’article L 132-4 du code monétaire et financier résultant de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ;


8° – Considérant que si toutes les conditions générales étudiées prévoient bien la faculté de rétractation du consommateur prévue à l’article L 121-20 du code de la consommation, nombreuses sont celles qui en subordonnent l’exercice à des formalité excessives, non justifiées au regard de la nature du bien et qui n’ont, manifestement, d’autre but que d’y faire obstacle ; que certaines en subordonnent aussi l’exercice à l’obtention de l’accord du vendeur ou imposent une contrepartie financière ou des frais forfaitaires de retour ; que dans certains cas, l’exercice du droit de rétraction est présenté non pas comme une règle légale mais comme une faculté offerte par l’acheteur au titre d’une garantie  » satisfait ou remboursé « , en méconnaissance des dispositions de l’article L 121-18 du code de la consommation ; que d’autres, encore, procèdent à une confusion entre le droit légal de retour et une faculté conventionnelle, laquelle est limitée à certains produits, soumise à des conditions de formes rigoureuses, subordonnée au recours à un numéro de téléphone payant ou sanctionnée par une retenue sur le prix de vente ; que de telles clauses, qui ont pour effet d’exclure ou de limiter les droits du consommateur reconnus par la loi, sont abusives, sauf en ce qu’elles permettent aux professionnels d’obtenir la restitution du bien dans des conditions qui assurent sa conservation ;


9° – Considérant qu’un certain nombre de clauses figurant dans les conditions générales de vente habituellement proposées aux consommateurs ont pour effet de dispenser le vendeur de son obligation préalable d’information et de l’exonérer de toute responsabilité en cas de défaut de conformité par rapport à la présentation visuelle des biens sur son site de vente, ou subordonnent la garantie légale de conformité du consommateur à des conditions de forme et de délai excessives, manifestement destinées à en paralyser l’exercice ;


10° – Considérant que certaines clauses des conditions générales reconnaissent au professionnel le droit de modifier l’objet de la commande en violation des dispositions de l’article R 132-2 du code de la consommation ; que de telles clauses sont abusives ;
11° – Considérant que des conditions générales stipulent que la date de livraison n’est donnée qu’à titre indicatif ; que de telles clauses, en ce qu’elles ne fixent pas de date limite à l’exécution de l’obligation du professionnel, induisent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et sont abusives ; Considérant que des conditions générales contiennent aussi des clauses qui, en toute hypothèse, exonèrent le vendeur de toute responsabilité en cas de défaut ou de retard de livraison ou qui l’autorisent à se prévaloir de ce défaut ou de ce retard pour résilier le contrat sans indemnités ; que de telles clauses, qui engendrent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, doivent être considérées comme abusives ;


12° – Considérant qu’il est fréquent qu’en violation de l’article L 121-20-3 du code de la consommation, des conditions générales exonèrent le professionnel de sa responsabilité de plein droit, notamment en faisant peser sur le consommateur ou sur un tiers les risques de la livraison, en donnant de la force majeure une acception plus large que celle admise par la jurisprudence, en excluant certains préjudices du champ de sa responsabilité ou en subordonnant la mise en œuvre de sa responsabilité à des conditions de forme ou de délai destinées à paralyser l’action ; que, maintenues dans les contrats, elles sont abusives ;


13° – Considérant qu’un certain nombre de conditions générales entretiennent une confusion entre les garanties contractuelle et légale en ne mentionnant pas l’existence de cette dernière ;


14° – Considérant que malgré leur prohibition à l’article 48 du nouveau Code de procédure civile, les conditions générales de vente comprennent souvent des clauses d’attribution de compétence, en général en faveur du tribunal de commerce du siège du vendeur; que des conditions générales contiennent une clause imposant au consommateur d’introduire toute action contre le vendeur dans un délai de six mois ; qu’enfin, plusieurs conditions générales imposent au consommateur, en cas de litige, de recourir en priorité à une solution amiable ; Que si ces dernières ne sont pas abusives en elles-mêmes dès lors qu’elles n’interdisent pas, en définitive, l’accès au juge, elles le deviennent lorsqu’elles ne rappellent pas que la recherche de la solution amiable n’interrompt pas la durée de la garantie contractuelle et ne stipulent pas qu’elles interrompent les délais pour agir ;


15° – Considérant que certaines conditions générales imposent au consommateur l’adhésion à une assurance couvrant les dommages causés lors du transport alors que, selon l’article L 121-20-3 du code de la consommation, le vendeur est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution de ses obligations ;


16° – Considérant que plusieurs conditions générales confèrent au vendeur le droit de communiquer à des tiers, dont l’identité n’est pas précisée, les données nominatives concernant ses clients afin qu’il puisse leur adresser une prospection directe; qu’en laissant ainsi croire que le consommateur a consenti de façon générale à la diffusion de ses données personnelles en vue d’une prospection directe par voie électronique, une telle stipulation emporte un déséquilibre significatif à son détriment ;

 

 

 

Par ces motifs, la commission des clauses abusives recommande :

1- que soient éliminées les clauses :

– imposant au consommateur la charge de la conservation et de la reproduction des conditions contractuelles et exonérant le professionnel de toute obligation de ce chef ;
– laissant croire au consommateur que lui seraient opposables des modifications unilatérales des conditions générales intervenues postérieurement à la conclusion du contrat ;

2- que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet de dispenser le professionnel de son obligation de livraison d’un bien proposé publiquement à la vente en raison de son indisponibilité lorsqu’il est par ailleurs prévu que le vendeur ne pourra en aucun cas voir sa responsabilité engagée de ce chef ;
3 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet :

– de conférer au professionnel le droit de modifier unilatéralement le prix,
– de conférer au professionnel le droit d’ajouter unilatéralement le coût d’une livraison qui n’a pas été contractuellement fixé ;

4 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet :

– de permettre au professionnel de refuser, pour quelque raison que ce soit, au consommateur la possibilité de confirmer l’acceptation de l’offre,
– de permettre au professionnel de se dégager d’un contrat définitivement conclu sans que la même faculté ne soit offerte au consommateur ;

5 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet de rendre inopposables toutes conditions particulières convenues qui seraient contraires aux conditions générales stipulées par le professionnel ;
6 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet :

– d’accorder une valeur probante irréfragable aux enregistrements électroniques réalisés sur des supports numériques dont seul le vendeur professionnel a la maîtrise,
– de faire croire au consommateur qu’un dispositif d’acceptation par double clic pourrait avoir la valeur d’une signature électronique alors qu’il ne remplit pas les conditions prévues à l’article 1316-4, second alinéa du Code civil et au décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 ;

7 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet :

– d’accorder au professionnel la faculté de résilier le contrat pour cause d’inexécution d’un autre contrat souscrit par le consommateur sans qu’il existe un lien de dépendance entre ces deux contrats, ou pour inexécution d’obligations imprécises du consommateur,
– de faire supporter exclusivement par le consommateur les conséquences de l’utilisation frauduleuse de ses moyens de paiement ;

8 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet :

– de faire croire que l’exercice par le consommateur de son droit de rétractation prévu à l’article L 121-20 du Code de la consommation est subordonné à d’autres conditions que celles prévues par la loi,
– de soumettre l’exercice du droit de rétractation à des modalités pratiques non justifiées par la nécessité d’assurer la protection du bien restitué ;

9 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet :

– de faire croire que l’exercice par le consommateur de son action en délivrance conforme est subordonné à d’autres conditions que celles prévues par la loi,
– d’exonérer le vendeur de son obligation de délivrance conforme ;

10 – que soient éliminées dans les contrats de commerce électronique les clauses ayant pour objet ou pour effet de faire croire que le professionnel est en droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre ;
11° – que soient éliminées les clauses ayant pour effet ou pour objet :

– de stipuler que la date de livraison de la chose n’est donnée qu’à titre indicatif,
– d’exonérer en toute hypothèse le professionnel de sa responsabilité en cas d’inexécution ou d’exécution tardive de son obligation de livraison,
– de conférer au professionnel le droit de se prévaloir en toute hypothèse de l’inexécution ou de l’exécution tardive de sa propre obligation pour résoudre le contrat ;

12° – que soient éliminées les clauses ayant pour effet ou pour objet de faire croire au consommateur:

– qu’il ne peut rechercher la responsabilité du professionnel en cas d’inexécution ou d’exécution défectueuse, partielle ou tardive de ses obligations ou de celles des prestataires auxquels il a recouru,
– qu’il ne peut engager la responsabilité du professionnel s’il n’a pas respecté certaines obligations de forme ou de délai imposées par le contrat et de nature à faire échec à la responsabilité de plein droit prévue par la loi ;

13° que soient éliminées les clauses opérant une confusion apparente entre les garanties légale et conventionnelle, laissant croire que le jeu de la garantie légale serait subordonné aux conditions du contrat ;
14° – que soient éliminées les clauses ayant pour effet ou pour objet :

– de déroger aux règles de compétence territoriale ou d’attribution des juridictions,
– d’interdire au consommateur d’agir contre le professionnel à l’expiration d’un délai qui ne résulte pas de la loi,
– de prévoir que le professionnel ou le consommateur est tenu, en cas de litige, de rechercher préalablement une solution amiable sans rappeler que la recherche de la solution amiable n’interrompt pas les délais pour agir en garantie ;

15 – que soient éliminées les clauses ayant pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur la souscription d’une assurance couvrant les dommages causés lors du transport ;
16 – que soient éliminées les clauses ayant pour objet ou pour effet de réputer donné le consentement du consommateur à la diffusion à tout partenaire non identifié de son vendeur de ses données personnelles en vue de lui adresser une prospection directe par voie électronique.

Recommandation adoptée le 24 mai 2007 sur le rapport de M. Vincent Vigneau

 

Voir également :

Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur des communications électroniques