La commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;
Vu le code civil, et notamment ses articles 1134, 1152, 1231, 1382, 1384, 1641, 1719 ;
Vu le code de procédure civile, et notamment son article 48 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, et notamment ses articles 37 et 50 ;
Vu l’article 37 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ;
Vu la loi n° 7-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement et aux décrets d’application n°s 77-1133 et 77-1134 au 21 septembre 1977 parus au Journal officiel du 8 octobre 1977, aux arrêtés du 9 novembre 1972, du 30 juillet 1979, du 15 janvier 1980 et du 25 juin 1980 ;
Vu la loi n° 74-908 du 29 octobre 1974 relative aux économies d’énergie ;
Vu l’arrêté n° 83-817 du 5 février 1983 ;
Entendu les représentants des professionnels intéressés.
Considérant que le gaz de pétrole liquéfié est une source d’énergie domestique répandue en milieu rural et semi-rural et que le parc de réservoirs installés en 1982 dépassait largement 400 000 unités ;
Considérant que, la plupart du temps, les contrats de mise à disposition (par consignation ou location de vente), d’entretien du réservoir et de fourniture de G.P.L. sont indissolublement liés ;
Considérant que, si cette subordination de vente peut se justifier en raison des impératifs de sécurité pour les contrats de mise à disposition ou de vente et d’entretien, elle ne s’impose pas pour les contrats de mise à disposition ou de vente et de fourniture de G.P.L. ;
Considérant que les contrats de fourniture sont conclus pour des périodes de longue durée, de trois à neuf ans, qui empêchent les consommateurs de s’approvisionner à la demande auprès d’autres fournisseurs, d’utiliser des sources d’énergie moins coûteuses qui leur deviennent accessibles (ex. gaz de ville) ou de bénéficier d’éventuelles économies d’énergie et leur sont donc extrêmement défavorables ;
Considérant que les contrats de fourniture sont souvent reconduits pour des périodes de durée égale au terme initial et ne peuvent être en général résiliés qu’avec un long préavis (le plus souvent six mois) ce qui limite encore la liberté contractuelle du consommateur ;
Considérant qu’un certain nombre de contrats prévoient de lourdes pénalités de résiliation qui correspondent à la somme des loyers restant à payer jusqu’au terme en cours et à tout ou partie des frais d’installation, de démontage et de transport du réservoir ;
Considérant que le consommateur n’a pas en règle générale le choix du moment de la livraison du G.P.L. dans la mesure où les sociétés fixent elles-mêmes leur programme de tournée sans l’en avertir ;
Considérant de surcroît que la livraison étant payable au comptant, le consommateur peut ne pas être en mesure d’en assurer le paiement ;
Considérant que, lorsque le consommateur peut obtenir la livraison à date fixe, ce service fait l’objet d’une facturation complémentaire ;
Considérant que les contrats font référence au tarif en vigueur au jour de la livraison et que, par conséquent, le prix de vente du G.P.L. n’est ni déterminé ni déterminable ;
Considérant que les sociétés distributrices donnent une définition très large des cas dans lesquels la livraison peut être retardée ou interrompue à titre de « force majeure » alors que ces cas (grève, actes concertés du personnel, incendie, inondation, émeute, barrières de dégel, difficultés de circulation ou d’approvisionnement. . .) ne présentent pas, en règle absolue, le caractère extérieur, imprévisible et insurmontable dont les juges déduisent au cas par cas l’existence de la force majeure ;
Considérant que, alors que les sociétés distributrices fournissant le G.P.L. mettent à disposition le réservoir et assurent son entretien, les contrats attribuent cependant la responsabilité de la garde du réservoir au consommateur, contrairement à la jurisprudence interprétant les articles 1384 et 1719 du code civil ;
Considérant qu’en conséquence des règles de responsabilité ainsi fixées dans un sens qui lui est défavorable, le consommateur peut être contraint de s’assurer pour des risques qui ne lui incombent pas ;
Considérant que les contrats des sociétés distributrices qui vendent le réservoir et qui l’entretiennent ne mentionnent nullement l’existence de la garantie du vendeur des articles 1641 et suivants du code civil, ce qui est en contradiction formelle avec l’article 4 du décret du 24 mars 1978 ;
Considérant que toutes les clauses ne précisent pas exactement la nature, la périodicité et la prise en charge des opérations d’entretien (routine, dépannage, contrôle triennal, contrôle décennal) et que nombre de sociétés distributrices ne fournissent a posteriori au consommateur aucun document faisant état du détail et de la date de leurs interventions ;
Considérant que le consommateur ignore, à la signature du contrat, le montant des frais d’installation, de montage, de démontage et de transport qui lui incombent ;
Considérant que les frais induits par le contrôle décennal (montage, remontage, transport, etc.) sont entièrement supportés par le consommateur désigné par le sort et qu’il serait plus équitable de mettre au point une mutualisation de ces frais entre tous les consommateurs qui bénéficient de ce contrôle ;
Considérant que, dans les cas où elles acceptent de vendre au consommateur un réservoir installé chez lui depuis plusieurs années, les sociétés distributrices lui facturent un prix de vente qui ne tient pas compte proportionnellement de la durée d’utilisation du réservoir ;
Considérant que les sociétés distributrices se réservent systématiquement la possibilité de céder tout ou partie de leur contrat à une personne physique ou morale de leur choix sans objection possible de la part du consommateur, alors que ce dernier ne peut réciproquement céder le bénéfice de son contrat à un tiers que si celui-ci est agréé par la société distributrice ;
Considérant que certains contrats attribuent en général une compétence territoriale aux tribunaux de Paris, sans préciser que, conformément à l’article 48 du nouveau code de procédure civile, cette attribution n’est valable qu’entre commerçants;
Recommande :
A. – Que soient éliminées des documents contractuels proposés à leurs clients non professionnels ou consommateurs par les sociétés distributrices de gaz de pétrole liquéfié les clauses ayant pour objet ou pour effet :
1. De subordonner la fourniture du gaz de pétrole liquéfié à la vente, la location ou la consignation et l’entretien du réservoir ;
2. D’imposer une durée initiale supérieure à trois ans pour les contrats de fourniture de gaz de pétrole liquéfié, de mise à disposition, et d’entretien du réservoir ;
3. De donner au contrat d’entretien une durée supérieure à celle des contrats de fourniture de gaz de pétrole liquéfié et de mise à disposition du réservoir dans les cas où ces contrats sont proposés par la même société ;
4. De prévoir la tacite reconduction du contrat pour une période supérieure à un an ;
5. De fixer une durée de préavis de résiliation ou de non renouvellement supérieure à trois mois ;
6. En dehors d’une formule d’abonnement, d’imposer une date de livraison et une quantité minimale ;
7. De laisser indéterminé ou indéterminable le prix du gaz de pétrole liquéfié ;
8. De confier au consommateur la garde du réservoir alors que l’entretien de ce réservoir et le contrôle du gaz de pétrole liquéfié incombent à la société distributrice ;
9. De mettre à la charge du consommateur qui résilie le contrat avant son terme, le paiement d’une somme autre que celle couvrant au prorata de la durée effective du contrat, les frais d’installation, de démontage et de transport du réservoir ;
10. De dégager leur responsabilité pour les cas autres que ceux présentant le caractère de la force majeure ;
11. De permettre à la société distributrice de procéder à la cession de son contrat sans que le consommateur soit assuré du maintien de ses droits et obligations contractuels ;
12. De déroger aux règles légales de compétence.
B. – Que, dans tous les cas, la fourniture du G.P.L., la mise à disposition du réservoir (par location ou consignation) ou la vente de ce réservoir et son entretien fassent l’objet d’écrits distincts ;
C. — Que les documents contractuels :
1. Indiquent clairement, lorsque le réservoir est mis à la disposition du consommateur (par location ou consignation) que le consommateur peut l’acquérir à tout moment à un prix déterminable, tenant compte notamment de la durée d’utilisation du réservoir ;
2. Indiquent clairement, lorsque le réservoir est vendu, qu’outre les obligations découlant du contrat d’entretien et de la réglementation sur les appareils à pression, le vendeur du réservoir doit la garantie légale prévue aux articles 1641 et suivants du code civil ;
3. Énumèrent en détail, dans le cadre du contrat d’entretien, la nature et la périodicité des différentes opérations de contrôle :
– triennal ;
– décennal,
et le coût supplémentaire éventuel ;
4. Engagent la société distributrice à remettre au consommateur, après chacune de ces opérations de contrôle, un bulletin précisant la date, l’objet et la nature des contrôles et des réparations éventuelles ;
5. Permettent le paiement mensuel des avances sur consommation (abonnement) avec régularisation une fois par an, dans l’hypothèse où les livraisons sont effectuées à la discrétion de la société distributrice ;
6. Engagent la société distributrice à envoyer par lettre un simple avis précisant le jour de passage avant toute livraison effectuée de sa propre initiative ou à la demande du consommateur ;
7. Fixent à titre d’information, au jour de la formation du contrat, le montant des frais d’installation, de démontage et de transport du réservoir et la proportion que devra en payer le consommateur qui résilie son contrat avant terme.
(Délibéré dans ses séances du 8 juillet, du 16 septembre, du 18 novembre, du 16 décembre 1983 et du 20 janvier 1984, sur le rapport de Mme Régine Loosli-Surans, de l’Institut national de la consommation.).
Voir également :
Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur du GPL