La Commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;
Vu le code civil ;
Vu l’ordonnance du 5 mai 1945 relative aux infractions à la police des services de transports publics de voyageurs ;
Entendu les représentants des professionnels intéressés ;
Considérant que les transports en commun concernent chaque année plusieurs milliards de consommateurs ; que les conditions auxquelles sont soumises la conclusion et l’exécution de ces contrats sont particulièrement complexes, certaines règles étant imposées par la loi, parfois fort ancienne, ou des réglementations très touffues, d’autres résultant des clauses élaborées par les seuls professionnels du transport et imposées par eux à l’adhésion des consommateurs ; que si les recours judiciaires sont rares en raison du faible montant financier de ces contrats, les abus n’en existent pas moins et sont beaucoup plus nombreux ; que les clauses insérées par les transporteurs professionnels dans les contrats de transport de voyageurs rentrent donc bien dans le champ d’application de la loi du 10 janvier 1978 ;
Considérant que les clauses des contrats de transport de voyageurs ne sont pas reproduites sur les billets délivrés mais insérées dans des documents généraux dénommés le plus souvent ‘conditions générales’ ou ‘tarif’ ; que ces documents qui constituent le contrat et font la loi entre les parties sont bien souvent ignorés des voyageurs qui n’en ont pas connaissance ; qu’il est donc fondamental que l’intégralité des clauses imposées à l’adhésion des consommateurs soit portée à la connaissance de ceux-ci lors de la conclusion ; que le moyen le plus efficace consiste dans l’affichage desdites conditions générales de manière visible, et lisible ; que l’on ne saurait se contenter, comme le font certains professionnels, d’affichages d’extraits choisis par le seul professionnel, et qui ne concernent habituellement que les obligations des voyageurs, en passant leurs droits sous silence ; que la seule sanction possible de telles pratiques est de considérer comme inopposables au consommateur les clauses et conditions générales qui n’ont pas été portée à sa connaissance lors de la conclusion du contrat de transport ;
Considérant qu’un certain nombre de clauses habituellement insérées dans les contrats par les professionnels sont manifestement abusives au sens de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ;
Considérant qu’il en va ainsi des clauses par lesquelles le transporteur professionnel se dispense de respecter ses propres obligations ; que tel est le cas, par exemple, des clauses par lesquelles le consommateur est privé de tout droit à réparation de son préjudice, en cas de non-respect des horaires annoncés et offerts par le transporteur ; que le non-respect des horaires n’est admissible que lorsqu’il est dû à un cas de force majeure ou qu’il est dicté par les impératifs de sécurité des voyageurs ; que, dans tous les autres cas, cette clause qui dispense le transporteur professionnel de l’une de ses principales obligations est manifestement abusive ; qu’il en va de même lorsque le transporteur professionnel se dispense par une clause particulière de l’obligation qu’il aurait contractée d’assurer une correspondance ou se réserve de modifier unilatéralement et parfois de manière importante l’itinéraire annoncé et convenu ;
Considérant que dans de nombreux cas, le transporteur réclame au voyageur un supplément au prix du transport en raison des prestations particulières qu’il offre : condition de confort spéciale, condition de rapidité, plages horaires ; que la clause par laquelle le transporteur se dispense de rembourser le supplément au voyageur lorsque les prestations causant ce supplément ne sont pas fournies est abusive ;
Considérant que le prix du billet est systématiquement majoré lorsque celui-ci est délivré durant le transport, et ce, même en l’absence de toute fraude du voyageur qui se présente spontanément au préposé du transporteur, et qui n’a pu prendre son billet au guichet pour de multiples raisons (guichets fermés ou surchargés, appareils distributeurs en panne, voyage impromptu…) que s’il est concevable de faire payer au voyageur le coût réel de l’établissement du billet a posteriori, il est manifestement abusif de lui infliger un surcoût pouvant, dans certains cas, dépasser 1 000 p. 100 de majoration,
Recommande :
A. — 1° Que les conditions générales concernant les droits ou les obligations réciproques des voyageurs et des transporteurs soient portées à la connaissance des voyageurs, et notamment par affichage de façon apparente à proximité du lieu de délivrance des billets ;
Que ces documents précisent en outre le lieu où l’intégralité des documents est effectivement mise à la disposition des consommateurs ;
2° Que ne puissent être opposés aux voyageurs des textes ou conditions qui n’ont pas été portés à leur connaissance avant la conclusion du contrat ;
B. — Que soient éliminées des contrats les clauses qui ont pour objet ou pour effet :
1° De supprimer ou de limiter la responsabilité du transporteur en cas de non-respect par lui des horaires qu’il a lui-même établis et ce sauf cas de force majeure ou dicté par les nécessités de la sécurité des voyageurs ;
2° De supprimer ou de limiter la responsabilité du transporteur en cas de non-réalisation d’une correspondance lorsque celle-ci est annoncée par lui ou résulte de ses horaires ;
3° De permettre au transporteur, hormis les cas de force majeure, de modifier unilatéralement l’itinéraire du transport ;
4° D’exonérer le transporteur d’une obligation de rembourser tout supplément réclamé par lui, lorsque l’exécution du transport ne se révèle pas conforme aux prestations annoncées ;
5° De faire varier le prix avec le lieu de délivrance du billet et notamment de faire payer un supplément fixe ou un pourcentage lorsque le voyageur se présente spontanément aux agents de contrôle pour se faire établir un billet ;
Demeure toutefois autorisée une majoration correspondant au coût réel d’établissement du billet ;
6° De prévoir le paiement d’une amende forfaitaire par le voyageur lorsqu’il n’y a pas eu fraude ou tentative de fraude de la part de celui-ci.
(Délibéré sur le rapport de M. Luc Bihl, dans les séances du 19 novembre, du 22 décembre 1982 et du 25 février 1983.)
Voir également :