La Commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;
Vu le code civil, et spécialement ses dispositions concernant la formation des contrats, les contrats de louage et la responsabilité contractuelle des professionnels;
Entendu les représentants des professionnels concernés;
Considérant qu’aux termes de nombreux contrats proposés à un client souhaitant louer un coffre-fort, le locataire souscrit » aux conditions générales » du service des coffres dont il déclare avoir pris connaissance;
Considérant que le consommateur doit avoir une connaissance précise des obligations qu’il souscrit, que la simple référence à des conditions générales, dont le contenu peut d’ailleurs varier dans le temps, apparaît insuffisante pour que soit assurée une bonne information du consommateur;
Considérant que l’objet du contrat et les obligations respectives des parties doivent être clairement définis;
Considérant que de nombreux contrats proposés aux consommateurs permettent au professionnel de modifier unilatéralement, en cours de contrat, les éléments essentiels de l’accord, notamment le prix, la durée du contrat, les caractéristiques de l’emplacement loué, sans faire dépendre ces modifications d’une clause contractuelle prenant en considération des événements ne dépendant pas de la seule volonté du bailleur;
Considérant que certains contrats proposés au consommateur exonèrent le professionnel de toute responsabilité en cas d’effraction;
Considérant que le professionnel a une obligation de gardiennage, sauf évidemment à s’exonérer en démontrant la force majeure. Considérant que les professionnels tentent abusivement d’écarter totalement l’application des règles de droit commun. Considérant au surplus que la clause est sans effet lorsqu’il est démontré que le professionnel, dans sa mission de gardiennage, a commis une faute lourde;
Considérant que les contrats les plus nombreux limitent, en cas d’effraction, le montant de la réparation du préjudice subi. Considérant que certains contrats contiennent une clause aux termes de laquelle le client s’interdit d’effectuer des dépôts d’objets ayant soit une certaine valeur, soit une certaine nature (billets de banque, par exemple); que cette clause peut avoir pour effet de limiter le montant de la réparation du préjudice subi;
Considérant que de telles limitations sont abusives sauf si le professionnel propose au client d’assurer pleinement le risque moyennant le versement d’un prix plus élevé. Considérant, en effet, qu’une garantie totale obtenue, en fait, par une assurance adéquate offre au client une meilleure prestation dont le coût peut, sans abus, être plus élevé;
Considérant qu’en cas de non-paiement du loyer, de nombreux contrats prévoient – souvent en invoquant un » privilège » du loueur – des procédures expéditives permettant au professionnel de faire ouvrir le coffre et de disposer du contenu, voire de le vendre, avec ou sans la désignation judiciaire de la personne chargée de la vente;
Considérant qu’il apparaît abusif qu’un professionnel puisse se faire ainsi justice sans respecter des procédures d’exécution prévues par la loi. Considérant que le privilège invoqué n’existe pas. Considérant qu’en cas de disparition de fait du locataire, la désignation d’un administrateur judiciaire permet à la banque de reprendre, dans toutes les hypothèses, la disposition du coffre et, le cas échéant, d’obtenir, après saisie, le paiement du loyer sur le produit de la vente,
Recommande:
Que soient éliminées des contrats de location de coffre-fort les clauses qui ont pour objet ou pour effet:
- De rendre opposable au consommateur un document non revêtu de sa signature ;
- De mettre à la charge du consommateur des obligations sans définir de manière précise et objective, notamment les caractéristiques de l’emplacement loué, le prix de la location et la durée du contrat ;
- De permettre au professionnel de modifier unilatéralement, en cours de contrat, le prix, la durée de la location, les caractéristiques de l’emplacement loué sans faire dépendre ces modifications d’une clause contractuelle prenant en considération des événements ne dépendant pas exclusivement de la volonté du professionnel ;
- D’exonérer le professionnel de toute responsabilité en cas d’effraction du coffre loué ;
- De limiter le montant de la réparation du préjudice subi en cas d’effraction sans offrir au consommateur la possibilité de couvrir pleinement ce risque par une majoration de la redevance contractuelle ;
- De limiter la réparation due au consommateur si le sinistre est dû à une faute lourde du loueur ;
- De conférer au professionnel un » privilège » lui permettant, en cas de non-paiement du loyer, de faire ouvrir le coffre et de procéder à la vente de son contenu sans utiliser les voies d’exécution prévues par la législation et admises par la jurisprudence.
(Texte adopté le 21 novembre 1986 sur le rapport de M. Jean Malbec.)