La Commission des clauses abusives,
Vu les dispositions du Code civil, notamment les articles 1915 et suivants et 1984 et suivants ;
Vu les dispositions du Code de la Consommation, notamment les articles L. 132-1 à L.132-5 ;
Vu les dispositions du Code monétaire et financier, notamment les articles L. 312-1, L. 312-1-1, L. 312-1-3,L. 312-1-4 ;
Vu l’arrêté du 8 mars 2005, portant application de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt ;
Vu l’arrêté du 4 avril 2005, portant application de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier fixant les modalités d’information de la clientèle et du public sur les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt ;
Entendu les représentants des professionnels concernés ;
Considérant que, pour des raisons d’intérêt général, le législateur fait obligation au consommateur de réaliser ses paiements ou de recevoir ses salaires, à partir d’un certain montant, au moyen d’instruments de paiement scripturaux ;
Considérant que la détention d’un compte et l’utilisation de moyens bancaires de paiement et de retrait d’espèces (chèques, cartes et virements), sont devenues indispensables au consommateur compte tenu des nécessités de la vie courante ;
Considérant que l’utilisation des moyens de paiement bancaires, d’une part, et le développement du crédit, d’autre part, rendent nécessaires, pour l’enregistrement et le dénouement de ces opérations, l’ouverture d’un compte de dépôt auprès d’un établissement de crédit ou organisme visé à l’article L. 518-1 du Code monétaire et financier ;
Considérant que le législateur est intervenu dans la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 (dite loi Murcef) pour imposer aux banques la rédaction par écrit des conventions de » compte de dépôt ouvert aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels « , dont le contenu a été, dans ses grandes lignes, décrit d’abord par une Charte signée par les grands groupes bancaires, puis par les arrêtés ministériels susvisés ; Considérant que, conformément aux dispositions de l’article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit proposent à leurs clients, par écrit, une convention de compte de dépôt qui doit décrire les conditions d’ouverture, de fonctionnement et de clôture du compte ainsi que les services dont le client peut bénéficier ;
Considérant que les documents contractuels d’ouverture de compte de dépôt, proposés par certains établissements de crédit, contiennent des clauses dont le caractère abusif au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation peut être relevé ;
1 – Considérant que plusieurs clauses exonèrent l’établissement de crédit de toute responsabilité, soit pour défaut d’information, soit en raison de l’utilisation des moyens de paiement, soit en cas d’utilisation de moyens de communication à distance dont l’établissement de crédit peut maîtriser les dysfonctionnements, soit en cas de fraude commise par un tiers dans l’hypothèse où la loi a prévu la responsabilité de l’établissement (L. 132-4 C. mon. fin.) ; que de telles clauses, qui laissent croire au consommateur qu’il ne peut rechercher la responsabilité du professionnel, créent un déséquilibre significatif à son détriment ;
2 – Considérant que certaines clauses prévoient que la procuration donnée à un tiers par le titulaire du compte s’étend automatiquement à tous les comptes de ce dernier, sauf indication contraire de sa part ; que cet élargissement automatique du domaine du mandat peut ne pas être bien compris par le client et permettre au mandataire de dépasser les pouvoirs que le mandant a souhaité lui donner ; une telle clause est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
3 – Considérant que l’établissement de crédit a, légalement, la possibilité de refuser la remise de chéquier à un client, mais que l’article L. 131-71 C. mon. fin. l’oblige à motiver sa décision ; que les clauses lui accordant une liberté discrétionnaire sont illicites ; que leur maintien dans les contrats leur confère un caractère abusif ;
4 – Considérant que diverses clauses prévoient de mettre à la charge du client les conséquences financières (commission et intérêts) ou contractuelles (retrait d’instruments de paiement) des incidents de fonctionnement du compte, sans réserver les cas d’erreurs ou de fautes de l’établissement de crédit ; que ces clauses créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
5 – Considérant que certaines clauses prévoient des délais de préavis pour la résiliation des avis de prélèvement ou des virements permanents, dont la durée ne paraît pas justifiée par des impératifs techniques d’exécution ; que, parce que l’écoulement de ces délais peut conduire à laisser s’opérer un paiement non voulu, voire créer un découvert dont le coût et le risque (émission de chèque sans provision) sont à la charge du client, de telles clauses créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
6 – Considérant que les conventions fixent un délai de vérification des relevés d’opérations passées en compte ; que les clauses prévoient que le silence gardé par le client pendant ce délai vaut acceptation des opérations ; que cette présomption est susceptible d’être contredite par la preuve contraire ; que les clauses dont la formulation laisse croire au client qu’à l’issue de ce délai, il ne peut plus contester une opération irrégulière, créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
7 – Considérant qu’une clause prévoit qu’en cas de dépôt d’espèces à un guichet automatique, le ticket délivré au client ne fera pas preuve du dépôt et de son montant ; que la même clause prévoit que la preuve est rapportée par l’inventaire réalisé par l’établissement de crédit postérieurement ; que la clause qui n’autorise pas le client à prouver que le montant qu’il a déposé est différent de celui inventorié, crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
8 – Considérant qu’une clause prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours ; qu’une telle clause, qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile et qui ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
9 – Considérant que plusieurs conventions prévoient l’application de dates de valeur pour les opérations de crédit et de débit enregistrées sur le compte ; que dans la mesure où le calcul des intérêts débiteurs se fait sur la base de ces dates de valeur, et lorsque ces dates ne sont pas justifiées par les délais techniques de dénouement de l’opération (notamment dans le cas de dépôt ou de retrait d’espèces, de virements,…), ces clauses créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
10 – Considérant que certaines clauses permettent de compenser les soldes des différents comptes tenus par l’établissement de crédit au nom du même titulaire et autorisent cet établissement à opérer des virements d’un compte créditeur à un compte débiteur ; que ces clauses peuvent faire perdre certains avantages au client, alors que leur utilisation est laissée à l’appréciation discrétionnaire du seul établissement de crédit ; que ces clauses créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
11 – Considérant que certaines clauses prévoient la perception de frais pour des opérations rares ou des anomalies de fonctionnement du compte, sans autre précision ; que ces clauses n’indiquent pas le moyen dont dispose le client pour s’informer sur la nature de ces opérations ou anomalies et le laissent dans l’ignorance du montant qui sera perçu ; que si ce montant n’est révélé que lors de la perception par débit du compte, sans accord préalable du client et sans que le client puisse la contester, ces clauses créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
12 – Considérant que certains contrats prévoient que, lorsque le compte est clôturé, ce qui entraîne de plein droit la résiliation des conventions de services associés, l’établissement de crédit n’est pas tenu de restituer le prix (ou la » cotisation « ) prorata temporis, alors que le service ne peut plus être exécuté en raison de sa caducité liée à la clôture du compte ; qu’une telle stipulation crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;
Recommande que soient éliminées des conventions de compte de dépôt souscrites par des consommateurs ou non professionnels, les clauses ayant pour objet ou pour effet :
1- D’exonérer l’établissement de crédit de toute responsabilité, d’une part lorsque les dommages et incidents sont dus soit à un défaut d’information imputable au professionnel, soit à l’utilisation de moyens techniques dont il a la maîtrise, d’autre part lorsque la responsabilité du professionnel est prévue par la loi ;
2 – D’étendre automatiquement, sauf précision contraire du client, la procuration donnée sur un compte à tous les comptes détenus par le titulaire auprès de l’établissement de crédit ;
3 – D’accorder à l’établissement de crédit le droit de refuser la remise de chéquier, sans motiver sa décision ;
4 – De faire supporter par le client les conséquences financières et les sanctions contractuelles de tous incidents de fonctionnement du compte, sans réserver les cas d’erreur ou de faute de l’établissement de crédit ;
5 – De prévoir des délais de préavis pour la résiliation d’un ordre permanent de paiement du client, d’une durée non justifiée par des impératifs techniques ;
6 – De qualifier le délai de vérification des relevés de compte, dont l’écoulement sans protestation engendre une présomption de régularité des inscriptions, de délai de » prescription » ou de » forclusion « , laissant croire au consommateur qu’il ne peut plus apporter la preuve contraire ;
7 – De prévoir que le montant du dépôt à un guichet automatique sera fixé exclusivement par l’inventaire de l’établissement de crédit, sans laisser au client la possibilité de rapporter la preuve de la véracité des mentions du ticket de dépôt ;
8 – De permettre à l’établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d’en apprécier l’incidence financière ;
9 – De prévoir, pour le calcul des intérêts débiteurs, des dates de valeur non justifiées par les délais techniques de réalisation de l’opération ;
10 – D’autoriser l’établissement de crédit à compenser les différents comptes du client, si la compensation fait perdre des avantages au client sans proportion avec les frais ou les sanctions qu’elle lui évite ;
11 – De mettre à la charge définitive du client des frais dont le montant est indéterminé et indéterminable avant leur facturation ;
12 – De prévoir que l’établissement de crédit ne sera pas tenu de restituer, prorata temporis, la cotisation versée par le client au titre des conventions de services résiliées par l’effet de la clôture du compte.
Texte adopté le 14 avril 2005 sur le rapport de Mme Régine Bonhomme.
Voir également :
Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur financier