La Commission des clauses abusives,
Vu les dispositions du code de la consommation et notamment les articles L. 132-1 à L. 132-5 et R. 132-1 à R. 132-2-1 ;
Entendu les représentants des professionnels concernés ;
Considérant que les activités de services à la personne sont très diverses et ont en commun leur lieu d’exercice, le domicile du client ; que la liste des activités concernées est fixée à l’article L. 7232-1 du code du travail ( services de la famille : garde d’enfants à domicile, cours de soutien scolaire, assistance informatique et Internet, services de la vie quotidienne : travaux ménagers, travaux de jardinage, services aux personnes âgées, handicapées ou dépendantes); que les contrats de soutien scolaire font également l’objet de la recommandation n° 10-01;
Considérant que deux types de contrats sont habituellement proposés par les professionnels à leurs co-contractants non-professionnels ou consommateurs dans le secteur des services à la personne : les contrats de prestations de services dits « en mode prestataire » (I) et les contrats de mandat dits en « mode mandataire » (II) ; que les clauses de nature à créer un déséquilibre significatif dans les relations entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs au détriment de ceux-ci sont soit des clauses propres à chaque type de contrat (I et II), soit des clauses communes aux deux types de contrats (III) ;
Considérant que plusieurs contrats ayant pour objet la mise à disposition de personnel ne précisent pas clairement les droits et obligations du consommateur ou non-professionnel à l’égard de l’intervenant, sur lequel il exerce pourtant un rôle d’encadrement ;
Considérant que les contrats de services à la personne en « mode mandataire » portent sur le placement de personnel auprès de personnes physiques employeurs ainsi que pour le compte de ces derniers l’accomplissement des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l’emploi de ce personnel ; que certains de ces contrats informent insuffisamment le consommateur de sa qualité d’employeur ;
I. Considérant que les contrats en « mode prestataire » sont des contrats par lesquels le professionnel s’engage à fournir une prestation de services exécutée par un intervenant dont il reste l’employeur (A) ou une mise à disposition à titre onéreux d’une personne physique au moyen d’une convention (B)
A. Prestation de services exécutée par un intervenant dont le professionnel reste l’employeur
1°) Considérant qu’une clause stipule « (..) Les mineurs non émancipés disposent d’une capacité résiduelle pour les actes que l’usage les autorise à accomplir en raison de leur caractère modeste. Au vu du montant des prestations proposées par X, celles-ci conservent ledit caractère modeste. Par conséquent, toute demande d’intervention faite sans autorisation des parents ou d’un tuteur légal sera présumée jugée par ses parents ou son tuteur légal comme ne dépassant pas ce caractère modeste. Dans le cas d’une intervention plus lourde les parents ou un tuteur légal devront délivrer une autorisation, faute de quoi leur responsabilité serait engagée. » ; que cette clause est abusive en ce qu’elle a pour objet d’engager financièrement, dans tous les cas, le consommateur, parent ou tuteur légal, pour les prestations sollicitées par le mineur non émancipé ;
2°) Considérant que certaines clauses autorisent le professionnel à modifier, en cours d’exécution du contrat, le prix de la prestation, sans préavis et sans réserver au consommateur ou non-professionnel la faculté de résilier le contrat ; qu’il s’agit notamment de clauses stipulant que « les prix peuvent être modifiés par l’entreprise sans préavis, sous réserve d’en informer le client », ou encore « Lors des révisions de tarifs, le nouveau tarif s’appliquera et le client en sera avisé, au préalable, par lettre simple » ; que de telles clauses, qui sont de nature à permettre une modification unilatérale du contrat en dehors des cas prévus par l’article R. 132-2-1, IV du code de la consommation, sont présumées abusives de manière irréfragable, au sens de l’article R. 132-1, 3° de ce code ;
3°) Considérant que certains contrats prévoient que le professionnel est, pour toutes les obligations prévues à sa charge, tenu d’une obligation de moyens et non de résultat, que d’autres prévoient que dans l’hypothèse où le professionnel serait dans l’impossibilité d’effectuer la prestation pour une raison non imputable au client, celle-ci ne donnera lieu à aucun dédommagement, que d’autres clauses prévoient que :
- « l’indemnisation du préjudice total sera limitée au préjudice direct subi par le client sans pouvoir dépasser le montant des sommes qui lui auront été facturées au titre du contrat » ;
- « le client s’engage tant en son nom que par celui de ses assureurs à renoncer à tout recours à l’encontre du prestataire au-delà des garanties fixées par l’attestation d’assurance délivrée par la compagnie » ;
que de telles clauses sont abusives au sens du 6° de l’article R. 132-1 du code de la consommation, en ce qu’elles tendent à limiter le droit à réparation du consommateur ou du non-professionnel en cas de manquement du professionnel à ses obligations ;
4°) Considérant que certains contrats prévoient que « la prestation sera due et facturée en cas de non-exécution de la prestation du fait du client pour quelque raison que ce soit », que cette clause est, par sa généralité, abusive en ce qu’elle ne réserve pas l’hypothèse des motifs légitimes que pourrait invoquer le consommateur ou le non-professionnel ;
5°) Considérant que certains contrats imposent un mode unique de règlement par prélèvement bancaire automatique; que cette clause est abusive en ce qu’elle limite indûment la liberté de choix du moyen de paiement du non-professionnel ou du consommateur ;
6°) Considérant qu’un contrat prévoit qu’en cas de décès du client, « le contrat est résilié sur présentation du certificat de décès et que le mois en cours sera dû par le représentant du client même en l’absence d’intervention »; que cette clause est abusive en ce qu’elle permet au professionnel de facturer des sommes au titre d’un contrat résilié par l’effet du décès du consommateur, au titre de prestations n’ayant pas été réalisées ;
7°) Considérant que plusieurs contrats stipulent que « tout événement indépendant de la volonté de la société et faisant obstacle à son fonctionnement normal est considéré comme un cas de force majeure » ; que de telles clauses sont abusives en ce qu’elles donnent une définition de la force majeure plus large qu’en droit commun ;
8°) Considérant que de nombreux contrats interdisent au client, sauf autorisation expresse du prestataire, d’employer de manière directe ou indirecte tout salarié que lui a proposé la société pour effectuer des prestations à son domicile ; que de telles clauses sont abusives en ce qu’elles laissent croire au consommateur ou au non-professionnel qu’il est indéfiniment tenu par l’interdiction d’embaucher le salarié qui lui a été présenté par le prestataire;
9°) Considérant que plusieurs contrats prévoient qu’en « cas d’action judiciaire ou toute autre action en recouvrement de créances engagée par le professionnel, les frais de sommation, de justice ainsi que d’honoraires d’avocat et d’huissier et tous les frais annexes seront à la charge du client » ; que ces clauses, en ce qu’elles mettent à la charge exclusive du consommateur ou non-professionnel certains frais de recouvrement, contreviennent à l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, qu’elles sont illicites et que maintenues dans les contrats, elles sont abusives ;
10°) Considérant que certains contrats comportent des clauses qui stipulent : « le client dispose d’un délai d’un mois pour faire valoir ses droits et contester le montant de la facture. Une fois ce délai révolu, aucune réclamation ne pourra être enregistrée ultérieurement » ; que ces clauses sont abusives en ce qu’elles laissent croire au consommateur ou non-professionnel qu’il ne dispose, pour agir en justice, que d’un délai inférieur au délai légal ;
11°) Considérant que certaines clauses prévoient que les dommages subis par le client « au cours de l’exécution de la prestation » ou « du fait de l’intervention du personnel » du prestataire devront être signalés dans un délai de vingt-quatre heures et que, passé ce délai, la responsabilité du professionnel ne pourra plus être recherchée ; qu’au regard de l’article L. 137-1 du code de la consommation, qui dispose que « par dérogation à l’article 2254 du code civil, les parties au contrat entre un professionnel et un consommateur ne peuvent, même d’un commun accord ni modifier la durée de prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de celle-ci », de telles clauses sont illicites ; que, maintenues dans un contrat entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel, ces clauses sont abusives ;
12°) Considérant que certains contrats stipulent que « les parties rechercheront avant toute action contentieuse un accord amiable » ; qu’une telle clause est de nature à entraver l’action en justice du consommateur ; qu’ainsi, elle est abusive au sens du 10° de l’article R. 132-2 du code de la consommation ;
B. Mise à disposition à titre onéreux d’un intervenant
13°) Considérant qu’un contrat stipule que « le bénéficiaire a la faculté de se rétracter par courrier recommandé avec accusé de réception, dans un délai de 7 jours francs à compter de la date du jour de sa signature sur le bulletin de souscription, sans aucune pénalité financière (sauf les frais d’adhésion) » ; qu’en cas de souscription à domicile, cette clause est illicite au regard de l’article L. 121-26 du code de la consommation, en ce qu’elle permet au professionnel de conserver des frais ne correspondant pas à des prestations fournies avant l’exercice, par le consommateur, de son droit de rétractation dans le délai visé à l’article L. 121-25 du même code ; que, maintenue dans les contrats, elle est abusive ;
14°) Considérant qu’un contrat contient la clause suivante : « En cas d’absence pour maladie, la société n’est pas tenue d’assurer le remplacement du salarié. Néanmoins, des solutions seront systématiquement envisagées au cas par cas » ; que cette clause est abusive en ce qu’elle permet au professionnel de se dispenser de ses obligations contractuelles hors cas de force majeure ;
15°) Considérant que plusieurs contrats prévoient que « Le Bénéficiaire s’engage à ne pas embaucher ni à régler directement l’intervenant » ; que de telles clauses sont abusives, en ce qu’elles laissent croire au consommateur ou au non-professionnel qu’il est indéfiniment tenu par l’interdiction d’embaucher l’intervenant qui a été mis à sa disposition par le prestataire ;
II. Contrats de mandat dits en « mode mandataire »
16°) Considérant que plusieurs contrats comportent les clauses suivantes :
- « Il a été expressément convenu par les parties contractantes que le mandataire n’ayant qu’une obligation de moyens, sa responsabilité ne pourra être engagée qu’à raison d’une faute lourde » ;
- « Après embauche par le particulier de la personne présentée par X, la responsabilité de cette dernière ne saurait être recherchée en cas d’insatisfaction du particulier (…) ou quant à son adéquation (de la personne) avec les tâches à accomplir. Le particulier renonce à tout recours à l’encontre de X sur ces motifs » ;
que ces clauses sont irréfragable ment présumées abusives au regard de l’article R. 132-1, 6° du code de la consommation, en ce que, en exigeant la preuve d’une faute lourde ou en prévoyant une renonciation du consommateur ou du non-professionnel à tout recours, elles sont de nature à supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice par lui subi en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ;
17°) Considérant qu’un contrat stipule qu’« afin de se décharger des tâches administratives liées à l’embauche d’un salarié à domicile, le souscripteur-employeur mandate irrévocablement la société X pour (…) » ; que cette clause est abusive en ce qu’elle tend à laisser croire au non-professionnel ou au consommateur qu’il n’a, en aucun cas, la possibilité de mettre fin au mandat ;
18°) Considérant qu’un contrat prévoit que « toute action en responsabilité se prescrira dans un délai de trois mois après la fin du solde des comptes du mandataire (paiement des intervenants et des charges sociales) » ; que l’article L. 137-1 du code de la consommation dispose « par dérogation à l’article 2254 du Code civil, les parties au contrat entre un professionnel et un consommateur ne peuvent, même d’un commun accord ni modifier la durée de prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de celle-ci » ; qu’en application de l’article 2224 du code précité « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ; qu’en conséquence, une telle clause en limitant à trois mois toute action en responsabilité du consommateur ou du non-professionnel à l’encontre du professionnel est illicite ; que, maintenue dans les contrats, elle est abusive ;
III. Dispositions communes aux deux types de contrats
19°) Considérant que certains contrats stipulent que le professionnel peut rompre le contrat sans préavis ; que, selon l’article R. 132-2 4) du code de la consommation, la clause qui a pour effet ou pour objet de « reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable », est présumée abusive ;
20°) Considérant que certains contrats d’aide et d’accompagnement à domicile destinés à des personnes âgées, des personnes adultes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques ou des personnes relevant de l’aide sociale à l’enfance donnent le libre choix de la durée du contrat ; que de telles clauses contreviennent à l’article L. 313-1-2 du code de l’action sociale et des familles qui dispose que sont obligatoirement à durée indéterminée les contrats de services d’aide et d’accompagnement à domicile agréés à destination de ces personnes ; que, maintenues dans les contrats, ces clauses sont abusives ;
21°) Considérant que plusieurs contrats indiquent qu’après déduction fiscale, le coût résiduel de la facture ou le coût véritable ne sera que de 50% en raison des dispositions fiscales accordant une déduction de l’impôt sur le revenu concernant l’année écoulée, à hauteur de 50 % des sommes engagées ; que, par ces clauses, le professionnel laisse croire au consommateur ou non-professionnel que la déduction fiscale est automatiquement acquise, ce qui n’est pas le cas ; que ces clauses sont, dès lors, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
22°) Considérant que certains contrats prévoient que le tribunal compétent en cas de litige est celui du siège de l’entreprise ou du professionnel ; que d’autres stipulent que le tribunal compétent est le tribunal de commerce ; que ces clauses contreviennent aux dispositions des articles 42 et suivants du code de procédure civile et à l’article L. 141-5 du code de la consommation ; qu’elles sont illicites et, maintenues dans les contrats, abusives ;
Recommande que soient éliminées des contrats de services à la personne
I. en « mode prestataire », les clauses ayant pour objet ou pour effet,
A. lorsque le professionnel s’engage à fournir une prestation de services exécutée par un intervenant dont il est l’employeur :
1°) D’engager financièrement, dans tous les cas, le consommateur, parent ou tuteur légal, pour les prestations sollicitées par le mineur non émancipé ;
2°) D’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement le prix de la prestation de services, en cours d’exécution du contrat, en dehors des cas prévus par l’article R. 132-2-1, IV du code de la consommation ;
3°) De limiter le droit à réparation du consommateur ou du non-professionnel en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ;
4°) De permettre au professionnel de facturer une prestation non-exécutée du fait du client, non professionnel ou consommateur, sans réserver le cas des motifs légitimes ;
5°) D’imposer le prélèvement automatique comme unique mode de paiement ;
6°) De facturer des prestations non réalisées relatives à une période postérieure au décès du consommateur ;
7°) D’écarter la responsabilité du professionnel par le moyen d’une définition de la force majeure plus large qu’en droit commun ;
8°) De laisser croire au consommateur ou au non-professionnel qu’il est tenu indéfiniment par l’interdiction d’embaucher le salarié qui lui a été présenté par le prestataire ;
9°) De mettre à la charge du consommateur ou du non-professionnel les frais de recouvrement des sommes dues avant l’obtention d’un titre exécutoire ;
10°) De laisser croire au consommateur ou non-professionnel qu’il dispose, pour agir en justice, d’un délai inférieur au délai légal ;
11°) De déroger aux règles légales fixant les délais pour agir en justice ;
12°) D’entraver l’exercice d’actions en justice du non-professionnel ou du consommateur en stipulant une clause imposant un recours amiable préalablement à toute action en justice ;
B. lorsqu’elles visent à mettre un intervenant à disposition du consommateur ou du non-professionnel :
13°) De permettre au professionnel, lorsque le contrat est souscrit à domicile, de conserver des frais ne correspondant pas à des prestations fournies avant l’exercice, par le consommateur, de son droit de rétractation ;
14°) De permettre au professionnel de ne pas fournir la prestation convenue en cas de maladie de l’intervenant, hors le cas de force majeure ;
15°) De laisser croire au consommateur ou au non-professionnel qu’il est tenu indéfiniment par l’interdiction d’embaucher l’intervenant qui a été mis à sa disposition par le prestataire ;
II – en « mode mandataire », les clauses ayant pour objet ou pour effet :
16°) De restreindre ou d’exclure la responsabilité du professionnel en cas de mauvaise exécution de ses obligations ;
17°) De laisser croire au non-professionnel ou au consommateur, que le mandat est irrévocable et qu’il ne peut dès lors, en aucun cas, mettre fin au mandat ;
18°) De réduire la durée de la prescription de droit commun pour toute action en responsabilité dirigée contre le professionnel ;
III – en « mode prestataire » ou « mandataire », les clauses ayant pour objet ou pour effet :
19°) De reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable ;
20°) De prévoir que des contrats d’aide et d’accompagnement à domicile à destination de personnes âgées, de personnes adultes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques ou de personnes relevant de l’aide sociale à l’enfance puissent être à durée déterminée ;
21°) De laisser croire au consommateur ou au non-professionnel que l’avantage fiscal prévu pour l’emploi de personnes à domicile lui est automatiquement acquis ;
22°) De déroger aux règles légales de compétence des juridictions.
Recommandation adoptée le 15 mars 2012 sur le rapport de Mme Corinne Solal.