M. Marc Mortureux, directeur du cabinet de M. Luc Chatel, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, chargé de l’industrie et de la consommation
Madame la Présidente, Mesdames, messieurs,
Je vous prie d’excuser le Ministre, qui est retenu par d’autres obligations, mais qui m’a demandé de venir vous faire part d’un certain nombre de messages en son nom.
Pour ma part, je suis particulièrement heureux de participer à cette journée qui marque les 30 ans – l’âge de raison – de la Commission des clauses abusives, créée en 1978 dans le cadre de la loi Scrivener.
La réglementation sur les clauses abusives est au cœur du rapport entre professionnels et consommateurs. En effet, avec l’entrée dans une ère de consommation de masse, se sont développés de nouveaux types de contrats pré-rédigés par les professionnels et soumis à l’accord global des consommateurs, sans que ces derniers n’aient réellement la possibilité d’en négocier les termes, avec un risque certain de déséquilibre dans les relations contractuelles entre les professionnels et les consommateurs au préjudice de ces derniers.
Dans ce cadre, l’encadrement des clauses abusives a pour objet de maintenir un équilibre entre les parties au contrat. Ce dispositif sur les clauses abusives est d’autant plus important que ces dernières années, la problématique des contrats d’adhésion a pris une ampleur toute particulière dans des secteurs d’activité liés au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Le rôle dévolu à la Commission des clauses abusives, rappelons-le, est fixé par l’article L. 132-2 du code de la consommation, ainsi rédigé :
« La commission des clauses abusives, placée auprès du ministre chargé de la consommation, connaît des modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants non professionnels ou consommateurs. Elle est chargée de rechercher si ces documents contiennent des clauses qui pourraient présenter un caractère abusif. »
Force est de constater que trente ans après, la Commission des clauses abusives a confirmé son existence, son utilité et son efficacité. C’est une institution qui fonctionne bien et qui a su trouver sa place au sein des autres institutions françaises en charge du droit de la consommation. Elle se situe également dans le paysage communautaire depuis l’adoption de la directive de 1993, à la mise en œuvre de laquelle elle contribue.
Depuis 30 ans, la Commission des clauses abusives a effectué un travail remarquable tant par sa quantité que par sa qualité : soyez-en tous remerciés, vous les membres actuels et anciens membres.
La Commission des Clauses Abusives a ainsi émis et publié 68 recommandations, allant aussi bien des achats de biens de consommation courante, que de biens immobiliers ou encore d’activités de service. Elle porte désormais son attention sur des secteurs d’activités importants qui connaissent une expansion considérable et nécessitent une vigilance particulière du point de vue de la protection des consommateurs :
- Ainsi, au cours des dernières années, la Commission a plus particulièrement consacré ses travaux à l’examen des contrats conclus via internet, des contrats relatifs aux services groupés de l’internet, du téléphone et de la télévision qu’on appelle « triple play » et des contrats proposant la fourniture de voyage par internet.
- La Commission a également engagé des travaux dans des secteurs d’activité en plein essor où la vulnérabilité des personnes concernées par les contrats justifie une protection attentive des consommateurs. Ainsi en est-il de la recommandation relative aux contrats proposés par certains établissements hébergeant des personnes âgées, publiée en 2008.
- La Commission a également engagé de nombreux travaux sur des domaines importants comme les contrats de soutien scolaire, les contrats de prestations de services à la personne, qui constituent à l’évidence des sujets d’avenir.
Vous l’avez compris, c’est une instance qui démontre tous les jours son utilité. Les propositions de contrats faites par les professionnels aux consommateurs revêtent de nouvelles modalités, que la commission doit suivre au quotidien.
Il est nécessaire que le travail de la commission s’oriente le plus possible vers les problèmes d’actualité et les problèmes nouveaux des consommateurs d’aujourd’hui, ainsi que ceux que l’on peut d’ores-et-déjà anticiper pour demain.
Dans tous ces domaines, le rôle de la Commission dépasse la simple dénonciation des clauses abusives, celles qui déséquilibrent les contrats. Il est aussi et surtout de faire évoluer les comportements vers une plus grande équité dans les relations entre consommateurs et professionnels.
C’est peut-être une interprétation optimiste, mais il est indéniable que la Commission a une influence importante. Ses recommandations constituent certes des normes non obligatoires, mais elles sont toutefois des normes pourvues d’une effectivité juridique incontestable en raison de leur application par les professionnels, de leur influence sur le législateur et de leur consécration par les juges.
Les recommandations ont indéniablement influencé les professionnels, qui ont ainsi supprimé volontairement de nombreuses clauses abusives de leurs contrats. Les professionnels ont compris que le respect des recommandations favorisait la sécurité juridique et la prévention des litiges. Des conditions de vente plus équilibrées ont toutes les chances d’installer un climat de confiance avec les consommateurs.
Les travaux de la Commission des clauses abusives ont également influencé le législateur. On peut se féliciter que la Commission ait révélé certaines lacunes législatives et que celles-ci aient pu être comblées, par exemple en matière de construction individuelle, d’hébergement des personnes âgées, d’assurance ou encore d’agences matrimoniales ….. Il est souhaitable que la Commission continue de jouer ce rôle incitatif, même s’il est bien évident que toutes les recommandations n’ont pas vocation à se transformer en lois.
Les avis et recommandations de la Commission sont avant tout destinés à orienter la jurisprudence. Dès l’origine, la Commission a été investie d’une autorité morale incontestable, même si aucun pouvoir de sanction ne lui a été conféré. Les juges utilisent, en effet, les recommandations de la Commission comme référence, comme élément de motivation supplémentaire pour relever le caractère abusif d’une clause. Depuis maintenant une quinzaine d’années, ils peuvent même solliciter l’avis de la Commission autant que de besoin. Toutes ses recommandations sont donc utilisées par les juges comme un corpus qui vient compléter les dispositions de l’ article L.132-1 et suivant du code de la consommation.
Tout cet ensemble témoigne de la grande richesse et de la grande diversité des sujets abordés ainsi qu’un très haut niveau d’expertise sur le fond.
Mais il était nécessaire d’aller plus loin. D’abord, parce que malgré tous les efforts des différents acteurs de la lutte contre les clauses abusives, ces clauses persistent dans les contrats. Ensuite, parce que l’annexe de la directive de 1993 reprise à l’article L. 132-1 du code de la consommation ne constitue qu’une liste « blanche », indicative et non exhaustive de dix-sept clauses susceptibles d’être déclarées abusives. A ce titre, elle ne présente aucun caractère contraignant. Enfin, parce que de nombreux pays de l’Union européenne se sont dotés d’un système de liste de clauses noires et/ou de liste de clauses grises qui s’avère très efficace.
Les récentes évolutions du dispositif de lutte contre les clauses abusives introduites par la loi de modernisation de l’économie ouvrent des perspectives nouvelles. Comme vous le savez, ces modifications législatives se traduisent par une extension des compétences du pouvoir réglementaire en ce domaine.
Désormais, un décret signé par le Premier Ministre et les Ministres concernés, publié aujourd’hui au Journal Officiel, établit un double régime de clauses abusives, à savoir, une liste de clauses interdites, dites « noires », et une liste de clauses réputées abusives, dites « grises ». Le directeur général de la DGCCRF aura l’occasion de revenir en détail sur ce dispositif au cours de la journée, qui marque une évolution essentielle.
Cette évolution a d’ailleurs influencé le projet de directive européenne sur les droits des consommateurs, qui a été présenté par la Commissaire en charge de la protection des consommateurs sous Présidence française, le 8 octobre dernier. Dans le cadre de ce texte, il est prévu que ce même dispositif de clauses noires et clauses grises soit étendu à l’ensemble des pays de l’Union européenne.
De façon générale, la notoriété de la Commission des clauses abusives est forte, comme en attestent le rapport d’activité de la Commission pour l’année 2008, mais également la notoriété du site internet, qui rencontre également un vif succès avec près de 1,9 million de consultations au cours de l’année 2008.
Le colloque d’aujourd’hui contribue à accroître cette notoriété, ce dont on ne peut que se féliciter.
Je souhaite pour ma part beaucoup de succès pour les prochaines années à la Commission des clauses abusives, d’autant que sa tâche est loin d’être terminée. Les nouvelles technologies, les nouvelles conditions de formation des contrats, l’évolution de leur objet et de leur contenu généreront de manière quasi-certaine la nécessité d’appréhender les nouvelles clauses de ces contrats à l’aune de la réglementation sur les clauses abusives.
Je passe maintenant la parole à Mme Kamara, présidente de la Commission des clauses abusives.