Premier thème : L’office du juge et la question du relevé d’office
1/Rappel de la position classique de la Cour de cassation : L’interdiction du relevé d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle
Ses fondements :
- Le principe dispositif,
- La distinction entre ordre public de direction et de protection.
Les effets :
- Un paradoxe, le juge peut réduire à néant une clause pénale licite, mais “simplement” excessive, alors qu’il ne peut faire valoir le caractère abusif donc illicite d’une telle clause.
- Surtout, lorsque le juge est saisi par le professionnel en paiement d’une créance, il est rare que le consommateur défendeur, notamment par ignorance de ses droits, invoque le caractère abusif de la stipulation qui lui est opposée.
L’apport de la jurisprudence communautaire
- Les arrêts OCEANO GRUPO et FREDOUT.
Il faut remarquer que la “communautérisation” du droit de la consommation et du débat sur l’office du juge s’est faite sur le terrain des clauses abusives et de la directive 93/13/CEE.
- Il y a là un effet direct d’une rédaction de la directive prévoyant la nature de la sanction des clauses abusives (inopposabilité ou nullité). En effet, l’article 6 indique que “les Etats membres prévoient que les clauses abusives ne lient pas le consommateur”.
- Au nom de l’effectivité du droit communautaire, l’obligation faite aux Etats membres d’atteindre cet objectif ne “peut être atteint que si le juge national se voit reconnaître la faculté d’apprécier d’office une telle clause”.
- Ce principe d’interprétation du droit communautaire de la consommation a été étendu par la CJCE au domaine du crédit à la consommation (arrêt RAMPION).
- La loi du 3 janvier 2008 et le pouvoir de relever d’office des moyens relevant du droit de la consommation est venu clore ce débat.
- Cette disposition nouvelle constitue un apport justifié et indispensable à la protection effective du consommateur.
- Cependant, elle pose la question de la parcellisation du droit en ce qu’elle conduit à retenir que l’office du juge dépendrait de la codification de la règle appliquée. L’office du juge serait différent en droit de la consommation, en droit des assurances ou du travail.
- Il aurait été préférable de considérer qu’en toutes matière, le juge peut relever d’office les dispositions d’ordre public.
Les questions restant en débat :
- Pouvoir ou devoir de relever d’office le caractère abusif d’une clause.
- La question du “devoir” n’a pas été posée à la CJCE.
- Il est objecté à juste titre qu’il apparaîtrait difficile de reprocher au juge de ne pas avoir fait valoir un tel caractère abusif et notamment de fonder un pourvoi sur un tel moyen, cela d’autant que le consommateur lui-même n’a pas contesté la validité de la clause.
- Cependant, notre droit connaît déjà des hypothèses d’obligation faite du relevé d’office, ainsi s’agissant des fins de non-recevoir d’ordre public.
- Les termes de l’article 6 de la directive et l’objectif fixé aux Etats membres doivent conduire le juge à se considérer obligé de s’intéresser au caractère abusif d’une clause, en application de son obligation d’interprétation conforme à la finalité des directives communautaire.
Second thème : le choix de la qualification de la clause
Les clauses abusives peuvent souvent être sanctionnées ou leurs effets peuvent être écartés par le biais d’une autre qualification juridique.
Ainsi, la clause pénale abusive pourra souvent être qualifiée d’excessive.
- La clause abusive pourra également heurter une autre disposition protectrice du consommateur, ainsi une clause “aggravant” la situation de l’emprunteur en matière de crédit à la consommation.
- Notion de cumul de protection (cf. rapport Mme Richard sous avis C. Cass. 10/07/06) et de sanction.
Il revient aux parties ou au juge, en cas de relevé d’office, de choisir le fondement juridique sur lequel il écartera la clause.
- Il est certain que le contrôle de proportionnalité est plus incertain que celui de la violation d’une norme expresse ou que celui du simple excès.
- Cependant, les termes de la directive communautaire et la possibilité offerte aux associations d’agir aux fins de suppression de clauses démontrent une volonté législative d’éradiquer les clauses abusives, de les prévenir.
- Dans ces conditions, il paraît utile que le juge se situe sur le terrain de l’abus, déclare illicite certaines stipulations non proportionnées.
Troisième thème : Le juge et la saisine de la CCA
Comme je l’ai déjà indiqué, le contrôle de proportionnalité qui est demandé au juge, l’appréciation du caractère abusif d’une clause sont des questions juridiques extrêmement complexes. De mon point de vue, seule l’étude du corpus de recommandations de la CCA permet d’appréhender cette matière.
Quand le juge doit-il interroger la commission ?
- Il faut rappeler qu’il peut également être sollicité l’avis de la Cour de cassation (cf. avis du 10/07/2006).
- Le principe me paraît devoir rester celui d’une inteprétation par le juge et il est clair qu’en sollicitant l’avis de la CCA, le juge lie sa décision à cet avis.
- En réalité, le choix d’une demande d’avis correspond le plus souvent à une attente de publicité, d’affirmation et de fixation d’une appréciation du caractère abusif d’une clause.