Les 30 ans de la commission des clauses abusives (CCA) sont l’occasion de souligner une fois de plus l’intérêt et l’importance pour l’ensemble des parties prenantes, et notamment pour les entreprises, du dispositif des clauses abusives et de la commission.
Le professionnel est attaché au principe de la liberté contractuelle qui reste un principe fondamental dans les relations commerciales. Les 30 ans de la CCA interviennent à un moment clé pour le futur des relations entre entreprises et consommateurs. Pour le professionnel, la question de la protection du consommateur s’intègre dans une logique de satisfaction de consommateur. La notion de « protection » du consommateur présuppose un rapport de domination. Or, la perception du consommateur par le professionnel est tout autre : le respect et la satisfaction du consommateur reste notre préoccupation principale. Le consommateur est placé au cœur de l’activité de nombreuses entreprises qui ont su mettre en place une vraie logique de fidélisation, dans un contexte concurrentiel fort et mondial. En tant qu’ancien membre de la CCA, c’est aujourd’hui en qualité de président du Comité Droit de la consommation du MEDEF que je souhaite vous exprimer le point de vue des entreprises sur le dispositif des clauses abusives et les recommandations de la CCA.
Avant d’apporter le regard des professionnels sur les travaux de la commission, il convient de préciser dans quel contexte s’inscrit ce sujet.
I. La CCA, une source d’inspiration du changement de paradigme dans les relations entre les professionnels et les consommateurs.
Le Ministre Luc Châtel a récemment confié à Mme Laurent une mission sur la réforme du mouvement consumériste et celle du Conseil National de la Consommation.
Historiquement, il existe une logique d’opposition, de revendications des représentants des consommateurs aux entreprises. Le MEDEF appelle aujourd’hui à un nécessaire changement de paradigme dans les relations entre professionnels et consommateurs et la réforme souhaitée par le Ministre Luc Châtel est une opportunité à saisir pour s’interroger sur nos règles de fonctionnement pour poser les bases d’un changement de culture.
1. La nécessaire mise en place d’une logique partenariale et de confiance
Dans son rapport remis au Premier ministre en 2003, Luc Chatel, alors député, avait saisi l’enjeu. Si toutes ses propositions n’étaient pas adéquates, l’objectif était clair : « de la conso méfiance à la conso confiance ».
La consommation est, en effet, un moteur de l’économie, un véritable levier de la croissance qu’il convient de préserver alors que notre économie traverse une période difficile. Dans cette logique, la confiance des consommateurs dans l’entreprise mais aussi celle de leurs représentants est essentielle pour maintenir la dynamique de consommation.
Il convient donc aujourd’hui de rompre avec une logique de conflits souvent stériles ou dogmatiques et parfois non justifiés. Au contraire, l’enjeu est de s’engager vers une approche partenariale pour dialoguer et travailler de concert à une meilleure élaboration et application des règles.
Changer de culture, c’est aussi passer d’une logique réparation/sanction à une logique de prévention/discussion avec l’engagement de l’ensemble des parties prenantes. Nous pouvons à ce titre nous inspirer de la Commission des clauses abusives, de ses travaux et ses modalités de fonctionnement.
Par conséquent, le MEDEF considère que la réforme du mouvement consumériste doit être l’occasion d’engager une série de mesures permettant d’aboutir à cet objectif du renforcement de la confiance des consommateurs.
Pour ce faire, il faut d’abord mettre fin à une culture du « tout juridictionnel » et éviter une judiciarisation de notre société.
2. Mettre fin à une culture du « tout juridictionnel » et éviter une judiciarisation de notre société
La voie judiciaire peut être une solution dans certains cas, mais elle n’est certainement pas unique ou la plus efficace, et ce n’est pas celle à privilégier par principe. Il ne faut pas se tromper de combat.
En matière de règlement des litiges, l’objectif recherché doit être d’apporter satisfaction au consommateur par des voies de recours simples, souples, rapides, efficaces, de moindre coût et de nature à préserver la relation établie avec l’entreprise.
En ce sens, il est intéressant de privilégier et d’explorer le développement des voies de recours extrajudiciaires et notamment la médiation qui ne peut que favoriser le dialogue entre les professionnels et les consommateurs. Pour le professionnel, qui intègre sa démarche dans une logique de satisfaction, la voie judiciaire est perçue comme un échec, qui entraîne un coût, impacte son image, au-delà de la satisfaction de son client. A ce titre, nous avons décidé de promouvoir la médiation auprès des parties prenantes en publiant prochainement un guide pratique du MEDEF destiné aux entreprises et organisations professionnelles.
A posteriori, notre démarche doit entraîner le développement d’une collaboration renforcée entre les acteurs, pour établir des passerelles de dialogue. Ces espaces d’échanges doivent notamment permettre d’alerter les secteurs professionnels des pratiques observées en coopération étroite avec les associations des consommateurs.
La CCA est un exemple on ne peut plus topique de l’intérêt de mettre en place cette concertation.
II. La CCA et les professionnels
Une commission ne perdure pas 30 ans, si elle ne présente pas un intérêt : son maintien aujourd’hui suffit à faire la preuve de son utilité.
1. Les travaux de la CCA, une référence pour les professionnels
La CCA, véritable instance d’échange, a su depuis 30 ans offrir un travail de qualité, dans le respect des acteurs. Sans le travail d’ « experts » : magistrats, et professeurs de grande qualité notamment MM. Laurent Leveneur et Gilles Paisant, et la clarification des règles de fonctionnement, notamment la question de la confidentialité, de la liberté de parole sous la présidence de M. Jean-Pierre Bouscharain, nous n’aurions jamais connu cette montée en puissance de la qualité et de la crédibilité des travaux de la commission, complexes mais toujours utiles.
C’est dans ce cadre que les recommandations et les avis sont une référence, une base de réflexion forte pour les professionnels des secteurs. Néanmoins, une modification des règles pourrait avoir un réel impact sur l’action à venir de la CCA.
2. Les impacts d’une modification législative sur l’action de la CCA
En effet, le décret visant à identifier et à dresser une liste de clauses « noires », entraîne une modification du cadre d’appréciation.
En matière de clauses abusives, les entreprises ont toujours privilégié une logique de souplesse correspondant à des clauses grises qui permettent de tenir compte de spécificités pratiques des entreprises et des exigences de l’article L.132-1 du code de la consommation et de donner à la CCA tout son rôle.
Le principe consistant à édicter une liste de clauses considérées de façon générale interdites comme abusives peut restreindre son action, ce qui soulève certaines interrogations. En effet, cette restriction remet en question la souplesse et la flexibilité des analyses de la CCA, qui n’est pas une juridiction. La LME a entériné le principe d’une double liste de clauses. Le décret présenté aujourd’hui le matérialise.
En tout état de cause, la bonne application du cadre relatif aux clauses abusives et notamment du décret est un domaine dans lequel nous prenons nos responsabilités.
Le MEDEF informe ses adhérents sur les évolutions du cadre législatif et réglementaire des clauses abusives. Il s’engage également pour accompagner les entreprises dans une application optimisée de ce cadre pour accroître la lisibilité et la visibilité des travaux de la CCA, notamment sur la base d’un guide pratique en cours d’élaboration.
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Au-delà de notre interrogation sur le devenir de la CCA, il est aujourd’hui important de donner une dimension européenne à notre réflexion, pour intégrer une autre vision de la protection du consommateur, qui laisserait place aux interprétations, aux bonnes pratiques et aux discussions.
Nous ne devons pas favoriser la seule approche thérapeutique du droit, exclusivement punitive, répressive. Une relation entre un consommateur et un professionnel n’est pas pathologique par nature : le litige et le contentieux ne doivent être appréciés que sous forme d’exception à la règle.
Nous sommes, aujourd’hui, à la croisée des chemins : notre première préoccupation est et doit rester le consommateur, son respect et sa satisfaction. C’est en ce sens que nous voulons croire au rôle futur de la CCA. Mais avant que certains n’envisagent une modification de son fonctionnement et de ses missions, soyons pragmatiques et regardons évoluer le dispositif à la lumière du récent décret sur les clauses abusives.