(Je voudrais exprimer mes remerciements à M. Christopher Warner du Consumers’ Association, ‘Which?’, pour ses utiles informations et conseils sur le rôle de l’Association en matière de contrôle des clauses contractuelles abusives)
Je voudrais tout d’abord dire ma reconnaissance de pouvoir m’exprimer devant vous aujourd’hui à l’occasion de cette conférence célébrant les trente ans de la Commission des clauses abusives et je voudrais en particulier remercier Mme Kamara pour son invitation. J’ai suivi avec grand intérêt les développements du droit dans ce domaine en France et trouvé dans les nombreuses recommandations de la Commission, eu égard à certains types de contrat ou de clauses, une source d’informations considérable (Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs Com (2008) 614/3 final).
A l’examen de la manière dont les clauses abusives ont été contrôlées en France depuis 1978, je suis frappé en particulier par la complexité des interactions entre les différents organes de contrôle : le législateur, le juge, l’administration et les associations de consommateurs. C’est pourquoi je ferai de ces interactions le thème et le cadre de ce bref exposé sur la protection des consommateurs au Royaume-Uni (et en particulier dans le contexte du droit anglais, malgré la transposition dans une seule loi de la Directive CE pour tout le Royaume-Uni, l : voir Law Commission, Scottish Law Commission, Unfair Terms in Contracts, Law Com. No.292, Scot Law Com No.199 (2005), paras 1.19 – 1.23.) Ce qui va être décrit plus loin va peut-être surprendre, compte tenu de la manière dont le continent voit habituellement le droit anglais, car, parmi les principaux traits, on trouve la prédominance de la loi sur la règle créée par le juge ; l’importance centrale de l’origine européenne en matière de contrôle dans l’interprétation de la législation nationale transposant la Directive européenne, et la primauté des organes publics sur les associations (privées) de consommateurs dans le contrôle des clauses abusives dans les contrats de consommation.
1. La complexité de la législation et son caractère non satisfaisant
Entre 1976 et 1978, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont tous, à deux ans d’écart, mis en place des réglementations législatives en matière de contrôle des clauses abusives, avec cependant des différences considérables dans leur objet et la manière de rendre la protection effective.
Au Royaume-Uni, la loi de 1977 – Unfair Contract Terms Act 1977 – (toujours en vigueur) porte mal son nom puisqu’elle se concentre sur les clauses exonératrices de responsabilité davantage que sur les clauses abusives en général. La loi s’inscrit dans le contexte d’une série de décisions dans les années 1960 et 1970, dans lesquelles la House of Lords avait à deux reprises rejeté une solution jurisprudentielle au problème comme étant contraire aux précédents et aux principes de common law, notamment les principes de liberté contractuelle et de force obligatoire du contrat (Suisse Atlantique Société d’Armament SA v NV Rotterdamsche Kolen Centrale [1967] 1 AC 361 ; Photo Production Ltd v Securicor Transport Ltd [1980] AC 827). La loi de 1977 a interdit certains types de clauses limitatives ou exonératrices de responsabilité (notamment, les clauses visant à exclure la responsabilité des professionnels en cas de négligence causant la mort ou des lésions personnelles – Unfair Contract Terms Act 1977 s. 2(1)) et subordonnent un ensemble de clauses à l’appréciation du caractère équitable et raisonnable par le biais d’un test très ouvert en fonction des circonstances de l’espèce(Ibid., s. 11(1)). Les conditions d’application de ce test sont complexes mais, de manière plus importante, la loi lui a soumis les clauses exonératrices de responsabilité (très largement définies) si elles sont contenues dans un contrat conclu entre deux entreprises incorporant les clauses-type de l’une ou l’autre et si elles sont invoquées par l’une d’elles à l’encontre d’une personne « agissant en consommateur » (Ibid., s. 3), une expression qui appelle une interprétation plus large que celle de « consommateur » dans la Directive EC de 1993.
Dans ce contexte législatif, la nécessaire transposition par le Royaume-Uni de la Directive CE de 1993 a posé un problème difficile : comment le dispositif communautaire – qui impose un test, similaire mais non identique, en matière de contrôle par les juges de l’équité de la plupart des clauses dans les contrats de consommation en général – peut-il être intégré au dispositif existant ? La réponse à cette question fut, à l’époque, négative et on a ainsi superposé le dispositif de contrôle de la Directive aux dispositifs existants dans un ensemble législatif distinct, sans lien formel avec la loi de 1977 : the Unfair Terms in Consumer Contracts Regulations (‘Règlement Clauses Abusives’) – Unfair Terms in Consumer Contracts Regulations 1994 SI 1994/3159 -. Toutefois, la Law Commission (organe public indépendant qui émet des recommandations pour la réforme du droit anglais) a proposé un dispositif législatif –Law Commission, Scottish Law Commission, Unfair Terms in Contracts, Law Com. No.292, Scot Law Com. No.199 (2005) – qui consiste à rassembler les deux ensembles législatifs en matière de contrôle en étendant le dispositif de la Directive au-delà de la protection des consommateurs au bénéfice, pour une grande part, des petites entreprises. Malheureusement, faute de place dans l’agenda parlementaire, ces recommandations ne sont pas encore traduites par l’adoption d’une loi. Et, certainement, si la récente proposition de Directive relative aux droits des consommateurs (supra, n. 0) était adoptée, un travail considérable serait encore nécessaire avant la réalisation de ce projet pour l’harmonisation interne et la réforme au Royaume-Uni.
2. Le contrôle des clauses abusives dans les contrats de consommation
L’approche du Royaume-Uni en matière de contrôle des clauses abusives dans les contrats de consommation sous le dispositif mis en place par la Directive est bien moins source d’embarras.
S’agissant de la première transposition au Royaume-Uni, l’obligation de mettre en place des mesures effectives de prévention, posée par l’article 7 de la Directive de 1993, a été interprétée étroitement, avec pour conséquence de conférer le contrôle exclusif au Directeur général du commerce équitable (Director General of Fair Trading), qui dirige un organisme public non gouvernemental (Office for Fair Trading) créé en 1973 (inter alia) pour la défense des intérêts des consommateurs (Fair Trading Act 1973). Toutefois, en 1999 (et apparemment, à l’initiative de la Commission européenne), le gouvernement britannique a procédé à une nouvelle transposition de la Directive (Unfair Terms in Consumer Contracts Regulations 1999 SI 1999/20832) avec pour principal changement le fait que le contrôle relève désormais de plusieurs autres organismes : des organes publics spéciaux ayant une mission de régulation créés pour la surveillance des anciens services publics (tels que la fourniture de gaz, eau et électricité et les transports ferroviaires) ; « agents des standards commerciaux » (« trading standards officers »), fonctionnaires rattachés à une collectivité publique locale; et le Consumers’ Association (l’Association des Consommateurs), une association privée créée en 1957 qui a pour objet principal de représenter et défendre les intérêts des consommateurs et de leur fournir informations et conseils, son magazine « Which ? » constituant son plus ancien moyen d’action La décision d’étendre un tel pouvoir de contrôle à une association privée était d’autant plus radicale qu’elle était inédite en droit anglais. Tous ces organismes publics et privés ont reçu par la suite des pouvoirs supplémentaires par une loi de 2002 (Enterprise Act 2002, Part 8 -bien que la loi ne se limite pas à transposer la Directive, imposant des conditions plus strictes à plusieurs égards-).
Ce qui m’amène à examiner le contenu réel des pouvoirs conférés à ces organismes. Conformément à cette réglementation, l’OFT est tenu d’examiner toute plaine qui lui est adressée portant sur le caractère abusif d’une clause contractuelle contenu dans un contrat-type , à moins qu’elle ne soit considérée comme « frivole ou vexatoire » (« frivolous or vexatious ») ou qu’un autre « organisme qualifié » ne lui ait notifié qu’il examinerait la plainte (1999 Regulations, reg. 10-1-). L’OFT peut former une action en cessation à l’encontre de toute personne qui userait ou recommanderait l’usage d’une clause contractuelle abusive dans des contrats-types de consommation (1999 Regulations, reg. 10-3-). S’il est jugé par un tribunal qu’une entreprise a usé ou recommandé l’usage d’une clause contractuelle abusive dans un contrat de consommation, celui-ci peut ordonner, s’il l’estime approprié, la cessation de l’usage de tels termes ainsi que la cessation de l’usage de toute clause similaire, dont on a fait usage ou recommandé l’usage, par toute personne (1999 Regulations, reg.12 (3) et (4)) Selon la solution de droit commun en droit anglais, toute personne violant cette ordonnance de cessation (« injunction ») est passible d’une amende illimitée ou d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans au titre du « contempt of court ». L’ordonnance de cessation constitue par conséquent une menace bien réelle !
En termes d’exercice de ses pouvoirs, il se dessine trois caractéristiques principales depuis 1994. En premier lieu, l’OFT a considéré que son rôle premier était autant d’éduquer et de persuader les entreprises de se conformer au standard du raisonnable [use ‘justice’ again ?] établi par la Directive de 1993 que d’intenter des actions en justice à leur encontre : d’ailleurs, cette dernière option semble n’être suivie qu’en dernier recours (Cette approche générale a été récemment cristallisée dans le Statement of consumer protection enforcement principles publié par l’OFT – OFT, December, 2008 -). Il est très aisé de se faire une idée du travail de l’OFT à travers ses diverses publications, y compris ses bulletins semestriels, ses rapports sectoriels spéciaux (à destination des entreprises et des consommateurs) et son « guide général » (Ces rapports sont rassemblés surhttp://www.oft.gov.uk/advice_and_resources/resource_base/legal/unfair-terms/guidance – dernière visite le 11 Mars 2009 -, Voir surtout le Unfair contract terms guidance -OFT 311, Septembre 2008 -). Outre ce dernier, l’OFT présente les décisions dans lesquelles il a examiné une ou plusieurs clauses contenue(s) dans un contrat de consommation, expliquant en quoi elles violent le standard (souvent par référence à la condition de « clarté et compréhensibilité » ainsi qu’à celle d’équité) et conserve une trace de sa propre action. L’OFT n’a eu recours à la justice dans le cadre du contrôle des clauses abusives que dans deux cas, tous deux concernant des contrats bancaires : l’affaire First National Bank (Director General of Fair Trading v First National Bank plc [2001] UKHL 52 ; [2002] 1 A.C. 481) et la récente affaire (et potentiellement, toujours en cours) « Bank Charges » (Abbey National plc v OFT [2009] EWCA Civ 116, below, p. 000). L’approche générale de l’OFT a été suivi, dans son esprit, par les autres organismes publics dans leur domaine d’action.
De manière intéressante, l’Association des Consommateurs a adopté une approche similaire, quoique non identique. Bien que disposant du pouvoir d’intenter une action en justice dans le cadre du contrôle des clauses abusives, elle a décidé de n’en pas faire usage jusqu’à présent (http://www.which.co.uk/about-which/what-we-do/campaign-with-you/our-legal-powers/index.jsp -portant sur ses pouvoirs sous l’empire de l’Enterprise Act 2002-). Au contraire, elle a mobilisé ses ressources sur des problèmes particuliers dans des secteurs particuliers et a lancé des campagnes publiques de grande envergure, notamment, portant sur les contrats d’agents immobiliers, les « frais de rachat d’emprunt » (mortgage exit fees) ; et les frais prélevés par les banques sur le compte de leurs clients en cas de position débitrice de leur compte ou de dépassement de leur plafond de crédit (‘bank charges’). Il existe deux autres raisons (en dehors de celle du caractère limité de ses ressources) pour lesquelles l’Association n’a pas recours à la voie judiciaire. La première raison est que, depuis la loi de 2002 , elle peut faire en sorte que tout abus soit examiné par l’Office of Fair Trading par le biais d’une procédure rapide appelée « super plainte » (« super complaint »), afin de porter à l’attention de l’OFT et des régulateurs les caractéristiques de marché susceptibles de porter substantiellement atteinte aux intérêts des consommateurs (OFT, Super-Complaints, Guidance for designated consumer bodies (July, 2003) para. 2.4). La seconde raison est que, depuis la loi de 2002, l’Association des Consommateurs a été soumise à la limitation de droit commun en matière de révélation des informations reçues dans le cadre de son activité publique (Enterprise Act 2002 Part 9, esp. s. 238(3) imposant d’interpréter “public authority” en conformité avec s. 6 de Human Rights Act 1998), laquelle s’appliquerait aux situations dans lesquelles l’OFT a engagé une procédure pour protéger les intérêts des consommateurs contre les clauses abusives (Enterprise Act 2002, s. 238 and Enterprise Act 2002 (Part 9 Restrictions on Disclosure of Information) (Amendment and Specification) Order 2007 SI 2007 no. 2977, art. 3). L’une des conséquences de ce changement a été de créer une tension entre le rôle traditionnel de l’Association des Consommateurs, consistant à fournir aux consommateurs informations et conseils publics, d’une part, et son obligation légale de ne pas révéler les informations dont elle a connaissance dans le cadre de sa fonction publique de contrôle des clauses abusives dans les contrats de consommation, d’autre part.
3. Les approches judiciaires de la Directive de 1993 et le rapport de celles-ci avec le droit national.
Comme on l’a noté, il existe deux importantes affaires que l’OFT a portées devant les tribunaux en invoquant le caractère abusif de certaines clauses contenues dans les contrats conclus entre les banques et leurs clients, mais on en compte bien davantage dans lesquelles le consommateur a invoqué le caractère abusif d’une clause en défense d’une action formée à son encontre par une entreprise ou, incidemment, dans d’autres types de procédures (E.g. London Borough of Newham v Khatun [2004] EWCA Civ 55; [2005] Q.B. 37). Ces autres affaires concernaient divers secteurs économiques, y compris des contrats d’éducation privée (Broadwater Manor School v Davis County Court Worthing [1999] C.L.Y. 1801), des contrats d’entreprises (Bryen & Langley Ltd v Boston [2005] EWCA Civ 973; [2005] All E.R. (D) 507 (Jul.), Picardi v Cuniberti [2002] EWHC 2923; 2002 WL 31947416), des contrats de conseils d’investissement(Standard Bank London Ltd v Apostolakis (No.1) [2003] I.L.Pr. 766 (Longmore J.); Standard Bank London Ltd v Apostolakis (No.2) [2001] Lloyd’s Rep. Bank. 240 (Steel J.)) et des contrats d’assurance (Bankers Insurance Co Ltd v South [2003] EWHC 380; [2003] P.I.Q.R).
Aujourd’hui, je me contenterai d’étudier l’affaire la plus récente, aussi appelée Bank Charges, mais il convient au préalable de noter que les juges de la House of Lords se sont concentrés non pas tant sur le texte du Règlement anglais de transposition que sur celui de la Directive elle-même, qualifiée de texte « prééminent » (« dominant text ») ([2001] UKHL 52 at [31] per Lord Steyn). Ils ont adopté une interprétation des dispositions ouvertement européenne, ayant à l’esprit tant les principes d’interprétation adoptés par la Cour européenne de Justice (notamment, s’agissant de l’interprétation stricte des exceptions au dispositif de protection). Ce point concernait l’exception posée à l’art. 1(2) de la Directive de 1993 – que les différentes rédactions correspondant aux différentes versions étrangères de cette Directive ([2001] UKHL 52 at [64] per Lord Rodger of Earlsferry).
Le contentieux dans l’affaire des Bank Charges est survenu par le biais d’une action test formée par l’OFT à l’encontre de huit banques portant sur les clauses utilisées dans les comptes courants de leurs clients. L’action visait les clauses en vertu desquelles les banques prélèvent des sommes fixes (d’un montant variable, entre 30 et 45 euros) lorsqu’un client émet un chèque ou exécute un paiement par carte bancaire en débit de son compte et dépassant son autorisation de découvert, peu important que le chèque ait été tiré ou l’ordre de paiement exécuté. Cette affaire s’inscrit dans le contexte suivant : pendant longtemps, les banques n’ont pas facturé à leurs clients la gestion des comptes courants tant que ceux-ci restaient créditeurs, mais à la place ont réalisé des profits, en partie en plaçant les sommes figurant sur les comptes créditeurs et en partie en « prélevant » ces frais de gestion (appelés parfois « default charges » ou « penalty charges »)). Cependant, certains consommateurs ont décidé de réclamer le remboursement des sommes qu’ils avaient versées en invoquant principalement le fait qu’ils n’étaient pas liés par les clauses contractuelles sur le fondement desquelles ont agi les banques, à raison du caractère disproportionné des sommes prélevées par rapport aux frais administratifs pesant sur les banques, et ce en vertu du Règlement Clauses Abusives (Une demande subsidiaire faisait valoir que les clauses en question constituaient des clauses pénales (“penalty clauses”) en common law : ce qui a été rejeté par le juge de première instance et les banques n’on pas fait appel de la décision sur ce point). Les demandes de remboursement ont prospéré grâce aux informations et conseils (y compris les modèles de lettres de plainte) prodigués non seulement par l’Association des Consommateurs mais aussi par les groupements d’aide aux consommateurs ad hoc à travers leur site internet (E.g. le « Consumer Action Group’ » voir http://www.consumeractiongroup.co.uk/). Les banques ont d’abord transigé pour une grande partie de ces plaintes, versant £784m à environ 378,000 clients en 2007. Néanmoins, en 2006, alors qu’environ 12.5 millions de personnes avaient payé des frais de gestion en raison du dépassement de leur découvert, et que quelque 65,000 plaintes étaient en attente de jugement (BBC News 11 Février 2009) devant les tribunaux d’instance (County Courts), l’OFT, l’Autorité des Services Financiers (Financial Services Authority) et les huit principales banques ont accepté de prendre part à des procédures test ; dans l’attente de leur dénouement, toutes les plaintes individuelles ont été suspendues.
Dans ce procès, de nombreuses questions restent en attente d’être jugées – plus particulièrement, la question de savoir si les clauses en cause ont bien été déclarées abusives : jusqu’à présent la question principale a été de savoir si les clauses sur le fondement duquel ont agi les banques doivent être soumises au test de l’équité imposé par la Directive ou si elles entrent dans le champ de l’exemption contenue dans l’article 4(2) (celle-ci a été mise en oeuvre au Royaume-Uni par les 1999 Regulations, reg. 6(2) qui ont suivi fidèlement la rédaction de la Directive). Celui-ci dispose que :
L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. La Cour d’appel (Court of Appeal) a approuvé la décision (ci-dessous) selon laquelle les clauses en question n’entraient pas dans le champ de l’exemption et avaient donc vocation à être appréciées sous le test de proportionnalité (Abbey National plc v OFT [2009] EWCA Civ 116).
A cet effet, la Cour d’appel (Court of Appeal) a consulté avec soin les travaux universitaires discutant à la fois de la Directive et de la décision de première instance ; ainsi, la question centrale de savoir si l’article 4(2) devait s’entendre comme excluant une catégorie de clauses (« core terms ») ou une catégorie de questions (« core issues » ) était tirée d’un célèbre ouvrage en droit des contrats (H. Beale (gen. ed.) Chitty on Contracts (30th edn, 2008) Chap. 15 (S. Whittaker) cité in [2009] EWCA Civ 116 at [12]. Parmi les autres travaux universitaires cités, figurait l’ouvrage de E. Macdonald, “Bank Charges and the Core Exemption” (2008) 71 MLR 987 (sur la décision de première instance); S. Bright “Winning the battle against unfair contract terms” (2000) 20 LS 331 (principalement sur le travail de l’OFT); C. Willett Fairness in Consumer Contracts, The Case for Unfair Terms (2007), para. 5.8.3). Tout en suivant (et souvent en citant longuement) ces travaux, la Cour d’appel (Court of Appeal) a consulté les travaux préparatoires de la Directive concernant l’article 4(2) et a envisagé l’interprétation que retiendrait probablement la Cour européenne de Justice, de même que la décision de la House of Lords faisant autorité. La Cour d’appel en a déduit que :
cette exception a été prévue afin de soustraire à l’appréciation du caractère équitable les clauses concernant l’essence de l’accord entre les parties, que l’on peut véritablement considérer comme le consensus entre les parties, et ainsi comme le pur reflet de la liberté contractuelle ([2009] EWCA Civ 116 at [86]).
Selon la Cour d’appel, la question de savoir si une clause en particulier devait être considérée comme concernant l’essence de l’accord entre les parties (the parties’essential bargain) devrait être posée au regard de l’ensemble des circonstances et du point de vue du consommateur type (Ibid. at [89] – [92]). La Cour d’appel en a conclu qu’aucune des clauses sur lesquelles se fondaient les banques pour le prélèvement des frais ne pouvait être considérée comme concernant l’essence de l’accord entre les parties (Ibid., [93] et seq. esp. at [94] – [98]).
Remarques conclusives
En conclusion, il est juste, selon moi, de rendre hommage aux organismes publics pour leur action dans le contrôle des clauses abusives dans les contrats de consommation. En termes de législation, la Law Commission a proposé un bon modèle de systématisation du régime de contrôle et de réforme. En termes d’application de ce dispositif, les différents organismes publics et, en particulier, l’OFT se sont efforcés d’éduquer, d’inciter, et, si nécessaire, de contraindre les entreprises à adopter des pratiques plus respectueuses des intérêts des consommateurs. De leur côté, les tribunaux ont voulu donner effet à une interprétation ouvertement européenne de la réglementation britannique transposant la Directive CE, et ce en s’appuyant tant sur la doctrine que sur la jurisprudence (anglaises et européennes). Quant aux organismes privés, on a observé le rôle actif joué par l’Association des Consommateurs, qui vient compléter plutôt que concurrencer la fonction de contrôle tenue par les organismes publics ; mais aussi, peut-être de manière plus frappante, à l’ère d’internet, le rôle des groupements de consommateurs dans le lancement de campagnes révélant des exemples particulièrement frappants de clauses abusives : comme le note un éditorial sur le site internet de l‘un de ces groupements de consommateurs : « les demandes de remboursement des frais prélevés par les banques s’inscrivent dans une véritable révolution consumériste qui vient de la base. » (“the move to reclaim bank charges is a real grass roots consumer revolution.”) ( http://www.moneysavingexpert.com/banking/reclaiming-bank-charges-history -dernière visite le 12Mars 2009-). Globalement, s’il est certain que les contrats de consommation contiennent toujours des clauses abusives au Royaume-Uni, on observe, depuis le milieu des années 1990, un changement positif tant dans leur rédaction que dans leur contenu. Il s’agit bien de l’un des meilleurs exemples de partenariat public/privé.