ccass051108.htm
N° de pourvoi : 03-16265
Inédit
Président : M. TRICOT
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Chambéry, 1er avril 2003), que Mme X… s’est fait dérober sa carte bleue Visa international pendant un séjour à l’étranger entre le 24 avril et le 1er mai 1999 ; que des paiements frauduleux ont été effectués au moyen de cette carte entre le 25 avril et le 30 avril 1999 ; que le 1er mai 1999, dès qu’elle a eu connaissance du vol, elle a fait opposition et, qu’à son retour en France, le 3 mai 1999, elle a déposé plainte; que cependant son compte a été débité de 10 280,06 francs ; que Mme X… a fait assigner la Banque Y pour la voir déclarer responsable du préjudice subi et lui réclamer des dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Attendu que Mme X… reproche à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1 ) que « le Guide pratique de la carte bleue » émis par la banque précise que dans l’hypothèse où il y eu à la fois utilisation frauduleuse de la carte sans utilisation du code confidentiel et opposition tardive, le titulaire est couvert sous déduction d’une franchise globale de 600 francs pour les paiements effectués avant l’opposition, tandis que les » conditions générales de fonctionnement de la carte CB » prévoient que dans la même hypothèse, ces opérations restent à la charge du titulaire de la carte sans limitation de montant ; que ces dispositions manifestement incompatibles entre elles appelaient une nécessaire interprétation ; que dès lors, en se fondant cumulativement sur ces deux documents sans procéder à cette interprétation et donc sans résoudre la contradiction résultant du rapprochement de leurs dispositions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ;
2 ) qu’en affirmant « que tant le Guide pratique de la carte bleue » que l’article 11-2 des conditions générales (de fonctionnement de la carte bleue) dispose que « le titulaire de la carte est responsable de l’utilisation et de la conservation de celle-ci….pour les opérations effectuées avant opposition…. si l’opération ne comporte pas de contrôle du code confidentiel dans la limite de 600 francs pour les paiements ou retraits d’espèce au guichet… », tandis que la disposition ainsi rapportée n’est qu’une disposition tronquée des articles 11-1 et 11-2 des » conditions générales » et que le « guide pratique » ne comporte pas une telle disposition, la cour d’appel a dénaturé celui-ci et violé ainsi l’article 1134 du Code civil ;
3 ) que l’article 11-2 des « conditions générales » de fonctionnement de la carte bleue dispose :
« Opérations effectuées avant opposition. Elles sont à la charge du titulaire, indépendamment de toute faute ou imprudence de sa part :
– Si l’opération comporte le contrôle du code confidentiel : dans les limites convenues avec l’émetteur, pour la période concernée pour les retraits d’espèce, dans la limite de 3 000 francs pour les paiements.
– Si l’opération ne comporte pas le contrôle du code confidentiel, dans la limite de 600 francs pour les paiements ou retraits d’espèce aux guichets. Elles sont également à sa charge, mais sans limitation de montant et quelle que soit la nature de l’opération en cas de « faute ou imprudence de sa part, opposition tardive, utilisation par un membre de sa famille » ; qu’il résulte de ces dispositions claires et précises que, pour les opérations effectuées avant opposition, les retraits d’espèce, d’une part, et les paiements, d’autre part, sont à la charge du titulaire de la carte dans des limites différentes si l’opération comporte le contrôle du code confidentiel et dans la même limite de 600 francs si l’opération ne comporte pas ce contrôle ; que, dès lors, en affirmant que cette limite ne concerne que les paiements ou retraits d’espèce « au guichet » et que les autres opérations effectuées avant opposition sont à la charge du titulaire sans limitation de montant en cas de faute ou d’imprudence de sa part ou d’opposition tardive, la cour d’appel a prêté à ces dispositions des distinctions différentes de celles qu’elles édictent et, au surplus inintelligibles ; que ce faisant elle a dénaturé ledit article 11-2 et derechef violé l’article 1134 du Code civil ;
4 ) que tout jugement doit être motivé, la contradiction entre des motifs de faits équivalant à un défaut de motif ; que dès lors, en affirmant successivement que Mme X… avait fait opposition dès le 1er mai auprès du Centre carte bleu en France, alors qu’elle se trouvait encore en Israël (arrêt, p. 4 avant dernier et précédemment dans le rappel des faits, p. 2, 1) et qu’elle n’avait fait aucune diligence (arrêt p. 5, 6ème attendu), et en se déterminant ainsi par des motifs de faits contradictoires, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 ) que tant le « Guide pratique » que les « Conditions générales » distinguent l’opposition tardive de la faute ou imprudence si bien que l’opposition tardive ne saurait par elle-même caractériser une faute ou une imprudence qui, en application des dispositions du « Guide pratique » est seule susceptible de laisser à la charge du titulaire de la carte bancaire volée les opérations effectuées avec elle ; que dès lors, en retenant à l’encontre de Mme X… une faute ou imprudence « dans son opposition tardive » après avoir constaté qu’elle avait fait opposition dès qu’elle avait eu connaissance du vol de sa carte bleue et sans préciser autrement cette faute ou imprudence, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
6 ) que l’article 11-2 des « Conditions générales » en ce qu’il laisse à la charge du titulaire de la carte bleue le montant des sommes résultant d’une utilisation frauduleuse de celle-ci par un tiers en cas d’opposition tardive, c’est-à-dire lorsqu’il ne s’est pas immédiatement aperçu du vol, et décharge la banque de toute indemnisation en pareille hypothèse, constitue une clause abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droit et obligations du titulaire de la carte et de la banque émettrice ; que dès lors à supposer que la cour d’appel, bien qu’elle n’ait pas tenu compte des différences fondamentales des dispositions de ces deux documents contractuels, puisse être regardée comme ayant fait prévaloir les dispositions des « Conditions générales » défavorable au titulaire de la carte sur celles du « Guide pratique » qui lui sont favorables, en retenant à l’encontre de Mme X… la tardiveté de son opposition abstraction faite de l’affirmation de son caractère fautif, elle a alors violé l’article L. 132-1 du Code de la consommation, ensemble derechef les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
7 ) qu’en affirmant que Mme X… avait commis une faute ou imprudence « dans la conservation de sa carte bleue », en la seule considération qu’elle n’avait pas vérifié la présence de sa carte bancaire dans son portefeuille alors que celui-ci ne lui avait pas été volé, et en imposant ainsi au titulaire d’une telle carte bancaire une obligation, dépassant la vigilance normale, de veiller en permanence à la présence de celle-ci parmi ses effets personnels, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
8 ) que c’est à la banque qu’il incombe, au titre de ses obligations de conseil et de sécurité, de vérifier que le titulaire d’une carte bleue y appose sa signature lors de la délivrance de celle-ci au guichet et de justifier qu’il a rempli cette obligation ; que dès lors, en faisant peser sur Mme X… la charge de la preuve que sa carte bleue était signée, preuve au demeurant impossible en cas de vol, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil ;
9 ) que dans ses conclusions d’appel signifiées le 13 avril 2001, Mme X… faisait valoir que les signatures apposées par le ou les voleurs de sa carte bleue sur les facturettes constituaient des imitations grossières de la sienne, ces imitations impliquant que sa signature était bien apposée sur la carte ; que dès lors en affirmant qu’il n’était même pas justifié que la carte bleue volée était signée, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
10 ) que dans les mêmes conclusions d’appel Mme X…, faisait également valoir qu’aux termes de l’article 14 des « Conditions générales » d’utilisation de la carte bleue, la banque était tenue de lui adresser les facturettes dans un délai de 45 jours au plus tard après que la demande en avait été faite, sauf à restaurer la situation de son compte bancaire, mais que la banque n’avait pas respecté cette obligation ; que dès lors en écartant sa demande de restauration du crédit de son compte bancaire sans répondre à ce moyen lui aussi déterminant, la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir rappelé que selon l’article 11-2 des conditions générales du contrat de carte bancaire, dont elle a souverainement interprété les termes, les opérations effectuées avant opposition restent à la charge du titulaire sans limitation de montant, en cas de faute ou d’imprudence de sa part ou d’opposition tardive, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que Mme X… qui faisait état d’un vol de sa carte bancaire entre le 24 avril et le 1er mai, d’un coté, a fait preuve de légèreté et de négligence en ne s’assurant pas de la possession de celle-ci durant toute la période de ses vacances et, d’un autre coté, n’a fait opposition que le 1er mai et n’a pas déposé plainte, sur son lieu de séjour, après la découverte du vol ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel qui n’était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes visées par les neuvième et dixième branches du moyen, a pu, sans contradiction et hors de toute dénaturation, statuer comme elle a fait ;
Attendu, en deuxième lieu, que c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que la clause laissant à la charge du titulaire de la carte bancaire, sans limitation, les opérations effectuées avant opposition, en cas de faute de sa part ou d’opposition tardive, ne constituait pas une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;
Attendu, enfin, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni de ses conclusions que Mme X… ait soutenu devant la cour d’appel les prétentions qu’elle fait valoir à l’appui de la huitième branche de son moyen ; que celui-ci est donc nouveau ; qu’il est mélangé de fait et de droit ;
D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa huitième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme X… à payer à la Banque Y la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille cinq.