La commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;
Vu le code civil;
Vu le code de commerce;
Vu le décret n° 50-813 du 29 juin 1950 portant règlement d’administration publique pour l’application au commerce du meuble de la loi du 1er août 1905 modifiée sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, modifié par le décret du 24 mars 1966;
Vu le décret n° 78-464 du 24 mars 1978 portant application du chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;
Vu ses propres recommandations publiées au Bulletin officiel des services des prix, celle relative auxcontrats de garantie et celle concernant les recours en justice (23 février 1979), celle concernant une clause relative à la formation du contrat (8 août 1980);
Vu les saisines de la commission émanant d’organisations de consommateurs;
Entendu les représentants des organisations professionnelles concernées.
Considérant que les consommateurs acheteurs d’objets d’ameublement (en termes juridiques: » meubles meublants « ) doivent être informés des conditions de vente applicables; qu’ils ne peuvent être réputés valablement informés que si ces conditions de vente sont inscrites de façon lisible et peuvent être lues dans des conditions normales: qu’en particulier, les dispositions écrites en caractères trop petits ou avec une encre ne tranchant pas avec la couleur du papier, ou celles mentionnées perpendiculairement aux autres dispositions du bon de commande, ne sont pas suffisamment lisibles;
Considérant que pour appeler spécialement l’attention de l’acheteur sur les conditions de vente ou sur toute autre stipulation, il est nécessaire de les faire suivre de sa signature et, en particulier, lorsqu’elles sont inscrites au verso du document;
Considérant que l’acheteur doit avoir connaissance, au minimum, des conditions de vente applicables en ce qui concerne les modalités de livraison, délais, transport, montage, réclamations, le montant du prix à payer et les garanties éventuellement accordées; que, par conséquent, celles-ci doivent figurer dans le contrat d’achat ou le bon de commande et qu’en aucun cas, conformément à l’article 1er du décret du 24 mars 1978 susvisé, il ne peut être fait référence à des conditions, à des usages et à toute autre stipulation sans en porter le texte sur l’écrit signé;
Considérant que le délai de livraison annoncé constitue un élément important du choix du consommateur; qu’il est, en conséquence, indispensable qu’un délai soit prévu dans le contrat;
Considérant que, conformément à l’article 2 du décret susvisé, un vendeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en cas de manquement à ses engagements et qu’en particulier, il ne peut supprimer ou réduire le droit à réparation de l’acheteur lorsque le délai de livraison prévu n’est pas respecté;
Considérant que, lorsqu’un retard dans la livraison se produit, l’acheteur dispose du droit de résoudre la vente, de se faire rembourser les sommes versées et de demander des dommages et intérêts; qu’en effet, on ne saurait admettre qu’un acheteur soit tenu par le contrat sans limitation de temps alors qu’il peut avoir un besoin urgent des meubles commandés et qu’un autre fournisseur est en mesure de satisfaire sa commande dans des délais plus rapides;
Considérant que, suivant les dispositions de l’article 3 du décret du 24 mars 1978 susvisé, le professionnel ne peut s’attribuer la possibilité de modifier unilatéralement les caractéristiques du meuble tel qu’il a été commandé; que notamment, il ne peut modifier les dimensions annoncées, l’essence ou la teinte du bois, la qualité du matériau, et les aménagements intérieurs du meuble, sans accorder à l’acheteur le droit de résolution du contrat avec les conséquences de droit qui s’y rattachent;
Considérant qu’une offre de vente faite à un consommateur, se référant à un bien en exposition ou à un catalogue, et selon les caractéristiques et le prix prévus par l’étiquetage et le tarif en vigueur, engage le vendeur quand bien même l’offre aurait été faite par l’un de ses préposés; que, toutefois, il n’est pas abusif, notamment dans le cas d’une commande d’un bien non conforme aux normes de référence, de subordonner la conclusion du contrat à la confirmation préalable du commettant de la personne qui a enregistré ladite commande, à la double condition: que le consommateur soit clairement informé de ce délai de confirmation et que ce même délai lui soit accordé pendant lequel il pourra se rétracter;
Considérant que selon l’article 100 du code de commerce, la marchandise sortie du magasin du vendeur voyage aux risques de celui à qui elle appartient sauf recours contre le transporteur, mais que cette disposition est supplétive de volonté et permet une convention contraire;
Considérant qu’il apparaît à la commission que dans cette catégorie de contrat, c’est à celui qui choisit le transporteur que doit incomber la charge des risques du transport; que sauf lorsque l’acheteur emporte la marchandise ou traite lui-même avec le transporteur, le risque doit appartenir au vendeur; qu’en conséquence, eu égard à l’article 100 du code de commerce ci-dessus mentionné, il importe de stipuler dans le contrat cette obligation pour le vendeur;
Considérant que s’il est difficile pour un vendeur d’indiquer, à l’avance, avec précision, l’heure de la livraison, il est tout aussi difficile pour un consommateur de demeurer au lieu prévu de la livraison pendant une journée entière; qu’il ne peut être imposé à l’acheteur des frais supplémentaires de livraison ou de gardiennage de la marchandise, lorsqu’une première livraison n’a pu avoir lieu, du fait du vendeur ou du transporteur choisi par le vendeur ou parce que le moment de la livraison n’a pas été fixé de façon suffisamment précise;
Considérant que l’acheteur doit bénéficier d’un délai raisonnable pour constater la conformité de la marchandise livrée avec la marchandise commandée et qu’il est généralement impossible de procéder à ces constatations au moment même de la livraison;
Considérant que, selon les dispositions légales en vigueur, le prix doit être déterminé et désigné par les parties; que le vendeur ne peut se réserver la possibilité de majorer unilatéralement le prix annoncé lors de la commande; qu’en outre, le vendeur ne peut s’autoriser à modifier le prix à payer en fonction des variations du tarif du fabricant ou de l’importateur;
Considérant que, lorsque la marchandise est importée, le vendeur doit assumer les risques de change et qu’il ne peut dès lors prévoir que le prix fluctuera en fonction du cours des devises;
Considérant que de nombreux contrats d’achat de meubles contiennent des clauses contraires aux principes ci-dessus, que ces clauses sont abusives au sens de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 susvisée,
Recommande:
A. — Que les contrats d’achat (ou bons, bordereaux de commande…) d’objets d’ameublement conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs soient écrits de façon lisible dans des conditions normales et soient signés en bas de chaque page comportant des obligations pour l’acheteur;
B. — Que ces contrats comportent notamment:
C. — Que soient éliminées des contrats d’achat d’objets d’ameublement conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs les clauses déjà interdites, notamment par le décret du 24 mars 1978 susvisé, et celles dénoncées par ses précédentes recommandations susvisées, les clauses suivantes ayant pour objet ou pour effet:
3° de permettre au vendeur de délivrer un meuble dont les caractéristiques sont différentes de celles prévues lors de la commande sans accorder à l’acheteur un droit de résolution de la vente;
4° de prévoir, lors de la signature du bon de commande, un engagement immédiat et définitif de l’acheteur et un engagement éventuel du vendeur;
D. — Que soient en outre éliminées les clauses suivantes ayant pour objet ou pour effet:
3° de permettre au vendeur d’augmenter unilatéralement le prix annoncé;
Délibéré dans les séances des 28 mai, 24 juin et 23 septembre 1980 où siégeaient M. P. Lutz, conseiller à la Cour de cassation, , président, Mlle M. Aubertin, MM. R. Bernard, L. Bihl, J. Calais-Auloy, Y. Cotte, M. Delcourt, R. Grise, B. Gross, P. Leclercq, P. Marleix, N. Renaudin, J. Semler-Collery, P. Simonet, membres.