La Commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;
Vu le code civil;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs;
Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 dite loi montagne;
Vu la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal;
Vu le décret n° 730 du 22 mars 1942 modifié portant règlement d’administration publique sur la police, la sûreté et l’exploitation des voies ferrées d’intérêt général et local;
Les représentants des exploitants de remontées mécaniques entendus;
Considérant que les contrats de remontées mécaniques concernent chaque année plusieurs millions d’usagers qui fréquentent les stations de sports d’hiver pour s’y adonner à la pratique du ski; que si certaines dispositions régissant la conclusion et l’exécution de ces contrats sont imposées par la loi ou des règlements pris par l’autorité publique, il en est d’autres qui sont élaborées par les seuls professionnels et imposées par eux à l’adhésion des consommateurs et usagers; que les clauses insérées par les exploitants de remontées mécaniques entrent donc bien dans le champ d’application de la loi du 10 janvier 1978;
Considérant que les exploitants d’installations de remontées mécaniques ont eu comme principal souci dans le libellé des contrats proposés à l’adhésion des usagers de se prémunir contre d’éventuelles fraudes; que les dispositions de la loi du 9 janvier 1985, de celle du 30 décembre 1985 et du décret du 22 mars 1942 modifié comblent un vide juridique et permettent aux professionnels de lutter efficacement contre la fraude sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter par voie conventionnelle;
Considérant qu’un certain nombre de clauses habituellement insérées dans les contrats par les professionnels sont manifestement abusives au sens de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978;
Considérant que la clause interdisant à l’usager de céder le titre lui donnant droit à l’usage des remontées mécaniques ne peut trouver sa justification que dans la remise quantitative ou le prix préférentiel consenti par l’exploitant; que par contre, il est abusif d’interdire la cession du titre d’accès aux installations lorsque sa validité est limitée à la journée de sa délivrance; qu’une telle clause ne perd son caractère abusif que si l’exploitant délivre par ailleurs des titres d’accès soit pour chaque utilisation des installations, soit pour une durée inférieure à la journée;
Considérant qu’hormis les cas où les titres d’accès aux remontées mécaniques sont anonymes, il est abusif de stipuler qu’aucun duplicata ne sera délivré en cas de perte, destruction ou soustraction frauduleuse d’un titre d’accès;
Considérant que les clauses par lesquelles les exploitants de remontées mécaniques excluent tout dédommagement et tout remboursement total ou partiel du titre d’accès aux installations sont manifestement abusives; qu’il en est notamment ainsi lorsque l’interruption du service de tout ou partie des installations est le fait de l’exploitant; que même dans des cas de force majeure tels que l’interruption des fournitures d’électricité par E.D.F. ou des circonstances atmosphériques exceptionnelles l’exploitant devrait être tenu au remboursement du prix payé par le consommateur;
Considérant que les cas exceptionnels où les contrats de remontées mécaniques prévoient une indemnisation de l’usager en cas d’interruption de service, les modalités imposées à l’usager consistant le plus souvent en une prolongation de la durée de validité du titre d’accès sont manifestement abusives en ce qu’elles supposent que le consommateur pourra prolonger son séjour dans la station;
Considérant qu’en vertu des dispositions légales et réglementaires en vigueur, l’autorité préfectorale doit, par arrêté, approuver un règlement de police et un règlement d’exploitation; que ces règlements sont, en général, conformes à des règlements types élaborés par le ministre chargé des transports; que la méconnaissance par les usagers des règles ainsi prescrites les expose à des sanctions pénales prévues et réprimées par l’article R. 26-15 du code pénal. Que ces mêmes règlements prévoient que l’exploitant ou ses préposés peuvent à titre conservatoire et uniquement pour des raisons liées à la sécurité s’opposer à ce que le contrevenant accède aux installations; que le décret du 22 mars 1942 modifié qui entrera en vigueur le 1er octobre 1986 aggrave la répression des infractions commises au préjudice des exploitants et en facilite la poursuite;
Considérant que la plupart des contrats examinés donnent à l’exploitant des remontées mécaniques le pouvoir de retirer le titre d’accès acquis par l’usager lorsque celui-ci enfreint les règlements de police ou d’exploitation édictés par l’autorité administrative; que cette faculté, qui ajoute aux dispositions de ces règlements, attribue un pouvoir discrétionnaire de résolution des contrats à l’une des deux parties, sans contrôle juridictionnel ou même administratif; que de telles clauses sont manifestement abusives.
Recommande:
Que soient éliminées des contrats les clauses qui ont pour objet ou pour effet :
D’interdire la libre cession des forfaits journaliers :
- lorsqu’il n’est pas proposé de forfaits de durée plus brève ou de tickets à l’unité;
- ou lorsque le titulaire du forfait n’a pas bénéficié d’un avantage tarifaire lié à son appartenance à une catégorie particulière.
D’exclure la délivrance d’un duplicata d’un titre d’accès aux remontées mécaniques en cas de perte, destruction ou soustraction lorsque ledit titre est nominatif.
De supprimer ou de limiter la responsabilité de l’exploitant en cas d’interruption de service de son fait et ce sauf cas de force majeure.
D’exonérer, lors de l’interruption partielle ou totale du service pour cas de force majeure, l’exploitant de son obligation de rembourser le prix ou la fraction de prix correspondant à la durée de l’interruption.
D’imposer à l’usager, à titre de dédommagement ou de remboursement, une compensation sous la forme d’une prolongation de la validité du titre d’accès aux installations.
De permettre à l’exploitant de décider unilatéralement de la résolution du contrat par le retrait du titre d’accès.
(Texte adopté le 19 septembre 1986 sur le rapport de M. Didier Berges.)