La Commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services, et notamment ses articles 35 à 3 ;
Vu la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, modifiée par la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Vu le code civil, et notamment ses articles 1384 et 1721 ;
Vu le décret n° 78-469 du 24 mars 1978 ;
Vu les recommandations de la Commission des clauses abusives n°s 79-01, 79-02- 86-01, 87-01, 87-02 et 87-03 ;
Entendus les représentants des loueurs professionnels de matériels téléphoniques, de bricolage et jardinage, d’appareils audiovisuels et d’instruments de musique ;
Considérant que la location de biens meubles s’est développée au rythme de la diversification des objets de consommation offerts au public ;
Considérant que les contrats proposés par les loueurs de biens meubles sont élaborés par les seuls professionnels et offerts par eux à l’adhésion des consommateurs; que lesdits contrats entrent donc dans le champ d’application de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 susvisée ;
Considérant que ces contrats comportent des clauses nombreuses souvent imprimées en caractères pâles et de taille sensiblement inférieure au corps 8; qu’ainsi ces contrats manquent de lisibilité ;
Considérant que de nombreux contrats prévoient l’apposition de la signature du consommateur au recto du document contractuel alors que certaines clauses, le plus souvent les conditions générales, figurent au verso; que même s’il est mentionné au recto que les clauses générales sont au verso du document, cette présentation ne peut être regardée comme garantissant que le consommateur ait pris connaissance de l’ensemble des clauses, notamment de celles qui prévoient un comportement actif de sa part et au nombre desquelles il convient tout particulièrement de ranger les stipulations qui imposent une obligation d’assurance de la responsabilité du locataire ;
Considérant que le prix annoncé doit indiquer la dépense totale occasionnée par l’opération ; que tel n’est pas le cas lorsque des frais de transport élevés et des primes d’assurance obligatoires s’ajoutent à ce prix ;
Considérant que de nombreux contrats de longue durée – 24 mois et plus – comportent une clause définissant le mode de calcul de la variation du prix ; que ces formules, souvent fort complexes et faisant appel à des paramètres qui sont en pratique peu connus des consommateurs, ne permettent pas d’évaluer dans quelles marges le prix peut évoluer et ce d’autant plus que, le plus souvent, le moment de la mise en œuvre de la clause de variation du prix relève de la seule volonté du professionnel; que, par ailleurs, certains contrats se bornent à faire savoir que les prix sont » révisables sans préavis » ;
Considérant que certains contrats mettent à la charge du locataire une obligation de parfait entretien sans pour autant préciser quelle en est l’étendue; que, excepté le cas où le loueur s’engage à entretenir le matériel, ces contrats indiquent généralement que les objets loués ont été remis au locataire en parfait état de marche sans que mention soit faite de la possibilité d’essayer le matériel avant de le retirer du magasin du loueur ;
Considérant que la quasi-totalité des contrats posent en principe que le locataire est responsable du bien qui lui a été remis à l’égard des tiers, du loueur et de lui-même sans faire réserve du fait du loueur ou du vice caché de la chose ;
Considérant que les contrats envisagent les conséquences du sinistre total de la chose louée; qu’ils assimilent à cette situation le vol ou la perte de la chose louée; que les clauses contractuelles prévoient que la survenance de tels événements engage la responsabilité du locataire sans préciser cependant que le préjudice indemnisable ne saurait excéder le préjudice subi ;
Considérant qu’en cas de rupture du contrat à l’initiative du locataire les contrats prévoient une indemnisation du loueur qui peut atteindre le montant des loyers afférents à la période du contrat restant à courir; que, si l’indemnisation du loueur doit prendre en compte le fait que la définition du prix est souvent fonction de la durée du contrat, elle ne saurait cependant être hors de proportion avec le préjudice réel subi par le loueur ;
Considérant que le locataire doit pouvoir renoncer au contrat de location pour un motif légitime ;
Considérant que les contrats proposés par les professionnels comportent de nombreuses clauses de résiliation par le loueur, et notamment en cas de :
- déclaration inexacte dans la demande de location ;
- non-paiement d’une mensualité exigible ;
- saisie des biens ou mise en règlement judiciaire du locataire ;
- décès du locataire ;
- non-exécution de l’une quelconque des clauses du contrat ;
Considérant que ces clauses sont fréquemment assorties de sanctions pécuniaires qui sont le plus souvent les mêmes que celles auxquelles le locataire s’exposerait en résiliant le contrat de sa propre initiative ;
Considérant que les déclarations faites lors de la signature du contrat ne sont pas toutes nécessaires à la bonne exécution de celui-ci; qu’une déclaration erronée, sans conséquence sur la parfaite exécution du contrat ou qui, du moins, ne démontre pas la mauvaise foi du locataire, ne saurait justifier la résiliation du contrat ;
Considérant que la résiliation du contrat du seul fait de la mise en règlement judiciaire est contraire à l’article 37 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Considérant que la saisie des biens du locataire est sans conséquence sur l’exécution du contrat ;
Considérant que le défaut du paiement ne saurait justifier la résiliation du contrat sans mise en demeure préalable ;
Considérant que le décès du locataire ne peut être assimilé à une rupture du contrat de son fait ;
Considérant qu’eu égard au nombre et à l’imprécision des obligations contractuelles, la résiliation pour non-respect de l’une quelconque des clauses du contrat est abusive ;
Considérant que, malgré les dispositions impératives de l’article 48 du nouveau code de procédure civile, plusieurs modèles de contrat attribuent compétence exclusive en cas de litige aux tribunaux du siège social du loueur; qu’une telle clause, outre qu’elle est nulle, doit être considérée comme abusive, ainsi que l’a déjà qualifiée la Commission des clauses abusives dans les recommandations n° 79-01 et n° 85-02 ;
Considérant que certains modèles de contrat attribuent compétence au seul tribunal de commerce; que, selon la jurisprudence, le commerçant demandeur doit assigner le non-commerçant devant le tribunal civil et que le non-commerçant peut exercer son action devant le tribunal civil ou devant le tribunal de commerce; que certaines décisions judiciaires reconnaissent cependant la validité de la clause attribuant compétence, dans un acte mixte, au seul tribunal de commerce; qu’une telle clause constitue, au regard des règles normales de compétence, une dérogation substantielle dont le consommateur peut sous-estimer l’importance; qu’en conséquence, et quelle que soit sa validité, une telle clause doit être tenue pour abusive ainsi que l’a déjà qualifiée la commission dans sa recommandation n° 79-01,
Recommande :
I. – Que la présentation matérielle des contrats, objet de la présente recommandation, proposés aux consommateurs par les loueurs de biens meubles obéisse aux règles suivantes ;
1° Les documents contractuels sont imprimés avec des caractères dont la hauteur ne saurait être inférieure au corps 8 ;
2° L’ensemble des clauses contractuelles précède les signatures des parties ;
3° Outre le prix de la location doivent être mentionnées les dépenses accessoires incombant au consommateur telles que, s’il y a lieu, celles liées à l’entretien de l’objet loué, à son transport ou à son assurance ;
4° Les professionnels qui incluent dans leur contrat une clause de variation de prix mettant en œuvre plusieurs paramètres l’assortissent d’un exemple chiffré tiré de l’évolution économique.
II. – Que soient éliminées des contrats de location de biens meubles les clauses qui ont pour objet ou pour effet :
1° De permettre, implicitement ou explicitement, au professionnel de décider unilatéralement du moment de la mise en œuvre d’une clause de variation des prix ou de modifier discrétionnairement le montant du loyer ;
2° De mettre à la charge du consommateur des obligations sans pour autant définir de manière précise et objective leur étendue, notamment en matière d’assurances – risques et personnes à couvrir – et d’entretien des objets loués ;
3° De mettre à la charge du locataire la responsabilité des accidents survenus aux tiers ou à lui-même du fait du loueur ou d’un vice caché du bien loué ;
4° De faire supporter au locataire en cas de sinistre total ou partiel de l’objet loué une indemnisation supérieure au préjudice subi par le loueur et, en cas de résiliation du contrat à l’initiative du consommateur, une indemnisation hors de proportion avec ce préjudice ;
5° D’interdire au locataire ou à ses ayants droit de renoncer au contrat pour motif légitime – départ pour une localité non desservie par le professionnel, décès du locataire… – sans s’exposer à l’application de clauses prévoyant une indemnisation du professionnel hors de proportion avec le préjudice subi par celui-ci ;
6° De reconnaître, directement ou indirectement, au professionnel un droit de résiliation discrétionnaire du contrat; que doivent notamment être assimilées à de telles clauses celles qui permettent au loueur de résilier le contrat sur le fondement :
- » d’un quelconque renseignement inexact dans la déclaration initiale du consommateur » ;
- d’un simple défaut de paiement sans aucune mise en demeure préalable ;
- de la saisie, la mise en règlement judiciaire ou du décès du locataire;
- de la non-exécution de » l’une quelconque des clauses du contrat » ;
7° De déroger aux règles de compétence territoriale ou d’attribution des juridictions.
Texte adopté le 6 juillet 1990, sur le rapport de M. Jean-Pierre Looten.