CJUE, 10 juin 2021, C-609/19, BNP Paribas Personal Finance SA
Clauses abusives – contrats de prêt hypothécaire libellés en devise étrangère – transparence – déséquilibre significatif
EXTRAITS :
« L’article 3, paragraphe l, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui stipulent que les paiements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, lequel peut augmenter de manière significative à la suite des variations de la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, l’allongement de la durée de ce contrat et l’augmentation du montant des mensualités, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses. »
ANALYSE :
La Cour de Justice se prononce sur les clauses des prêts libellés en francs suisses. Elle rappelle (pnt 66) que le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte cette clause à la suite d’une négociation individuelle (voir notamment arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C-84/19, C-222/19 et C-252/19).
La Cour en déduit que, pour apprécier si des clauses, telles que celles d’espèce, créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, il convient de tenir compte de l’ensemble des circonstances dont le prêteur professionnel pouvait avoir connaissance au moment de la signature du contrat, comme son expertise (pt 67).
En l’espèce, au regard des connaissances du professionnel sur le contexte économique prévisible pouvant avoir des répercussions sur les variations des taux de change, des moyens supérieurs du professionnel pour anticiper le risque de change, ainsi que du risque considérable relatif aux variations des taux de change que les clauses en cause font peser sur le consommateur, il y a lieu de considérer que ces clauses peuvent donner lieu à un déséquilibre significatif au détriment du consommateur (pt 68). La CJUE explicite son point de vue en précisant que, dans la mesure où le professionnel n’a pas respecté l’exigence de transparence, les clauses litigieuses semblent faire peser sur le consommateur un risque disproportionné par rapport aux prestations et au montant du prêt reçus en ce que ce dernier doit supporter le coût de l’évolution des taux de change à terme (pt 69).
Ainsi, le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le consommateur accepte de telles clauses dans le cadre d’une négociation si l’exigence de transparence avait été respectée (pt 70).
La CJUE en conclut que les clauses litigieuses sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif à partir du moment où le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence, à ce que ce dernier accepte un risque disproportionné de change (pt 71).
Cette solution est reprise dans un arrêt du même jour de la Cour de Justice, pour le même type de contrat (arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19, EU:C:2021:470).