Cour de justice de l'Union européenne
Lorsqu’une décision autorisant l’exécution hypothécaire n’atteste pas de l’examen d’office du caractère abusif d’une clause, cet examen doit pouvoir être ensuite mis en œuvre

CJUE, 17 mai 2022, C-600/19 – Ibercaja Banco

CJUE, 17 mai 2022, C-600/19 – Ibercaja Banco  

Procédure de saisie exécution hypothécaire – Caractère abusif d’une clause du contrat de prêt – Autorité de la chose jugée et forclusion – Perte de la possibilité d’invoquer le caractère abusif d’une clause du contrat devant une juridiction – Pouvoir de contrôle d’office du juge national  

EXTRAITS : 

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui, en raison de l’effet de l’autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d’examiner d’office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d’une procédure d’exécution hypothécaire ni au consommateur, après l’expiration du délai pour former opposition, d’invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l’objet, lors de l’ouverture de la procédure d’exécution hypothécaire, d’un examen d’office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l’exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l’existence de cet examen ni n’indique que l’appréciation portée par ce juge à l’issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l’absence d’opposition formée dans ledit délai. » 

ANALYSE : 

Dans le cadre d’un litige relatif à l’exécution d’un prêt hypothécaire, un consommateur a demandé la suspension de la procédure d’exécution en invoquant le caractère abusif de la clause relative aux intérêts moratoires et de la clause plancher figurant dans le contrat.  

Toutefois selon la juridiction nationale, le caractère abusif des clauses du contrat de prêt ne pouvait plus être recherché, le contrat ayant déjà produit ses effets, la garantie hypothécaire ayant déjà été exécutée et l’examen d’office par le juge du caractère abusif des clauses ayant déjà été réalisé.  

La Cour, après avoir énoncé que la directive 93/13/CEE protège les consommateurs en situation d’infériorité et que l’article 6 de ladite directive est une disposition impérative, rappelle que le juge est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause. Cependant, la protection du consommateur n’est pas absolue et la Cour soulève l’importance que revêt le principe de l’autorité de la chose jugée. 

La Cour constate que, lors de l’ouverture de la procédure d’exécution, le tribunal compétent a examiné d’office la question de savoir si l’une des clauses du contrat en cause pouvait être qualifiée d’abusive. Toutefois la décision par laquelle le tribunal a ordonné l’ouverture de la procédure d’exécution hypothécaire ne comportait aucune mention attestant de l’existence d’un contrôle du caractère abusif des clauses du titre à l’origine de cette procédure. Aussi, le consommateur n’a pas été informé de l’existence de ce contrôle ni, au moins sommairement, des motifs sur la base desquels le tribunal a estimé que les clauses en cause étaient dépourvues de caractère abusif.

C’est pour cette raison que la Cour déclare que les articles 6 et 7 de la directive s’opposent à une législation qui interdit au consommateur d’invoquer une clause abusive ou au juge d’examiner d’office le caractère abusif de la clause à la suite d’une décision autorisant l’exécution hypothécaire alors que ladite décision ne fait mention d’aucun examen d’office du caractère abusif des clauses.