CJUE, 7 avril 2022, C-385/20 – Caixabank
Principe d’effectivité – Procédure juridictionnelle visant à la constatation du caractère abusif d’une clause contractuelle – Procédure nationale de taxation des dépens – Dépens remboursables au titre d’honoraires d’avocat
EXTRAITS :
« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit, dans le cadre de la taxation des dépens liés à un recours relatif au caractère abusif d’une clause contractuelle, un plafond applicable aux honoraires d’avocat récupérables, par le consommateur ayant eu gain de cause sur le fond, auprès du professionnel condamné aux dépens, à condition que ce plafond permette au premier d’obtenir, à ce titre, le remboursement d’un montant raisonnable et proportionné par rapport aux frais qu’il a dû objectivement exposer pour intenter un tel recours. »
ANALYSE :
Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser dans quelle mesure une disposition nationale peut prévoir, dans le cadre de la répartition des dépens liés à un recours fondé sur le caractère abusif d’une clause, un plafond applicable aux honoraires d’avocat devant être remboursés au consommateur, ayant eu gain de cause sur le fond, par le professionnel.
Pour ce faire, la Cour commence par souligner que la taxation des dépens d’une procédure juridictionnelle devant les juridictions nationales constitue une règle de procédure relevant de l’autonomie procédurale des Etats membres. La Cour rappelle alors que ce principe d’autonomie procédurale des Etats membres ne doit toutefois pas méconnaître les principes d’effectivité et d’équivalence du Droit de l’Union Européenne (CJUE-16 juillet 2020-C-224/19-Caixabank). Dans la présente affaire, seul est visé le principe d’effectivité, qui implique que les modalités procédurales mises en œuvre par les Etats membres ne rendent pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13.
La Cour poursuit en rappelant que le principe d’effectivité ne s’oppose pas à ce qu’un consommateur supporte certains frais de justice lorsqu’il intente un recours visant à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle (pt. 51). Elle retient ainsi qu’il n’est pas contraire au principe d’effectivité que le consommateur ayant eu gain de cause sur ce fondement ne soit pas remboursé par le professionnel, partie perdante au procès, de l’intégralité des honoraires d’avocat dont il s’est acquitté (pt. 52). Toujours selon la Cour, cette solution se justifierait notamment par le fait que lesdits honoraires soient convenus entre le consommateur et son avocat, et qu’il pourrait s’agir d’honoraires inhabituellement élevés (pt. 53).
La Cour précise toutefois que des modalités procédurales, qui entraîneraient des coûts trop élevés pour le consommateur, seraient de nature à dissuader ce dernier d’agir en justice, dès lors qu’une telle action mettrait à sa charge des frais d’un montant supérieur à la dette contestée (CJUE, 13 septembre 2018, C-176/17 – Profi Credit Polska) (pt.54). La Cour en retient ainsi que le montant des frais de justice devant être remboursés au consommateur doit être suffisant par rapport au coût total de la procédure juridictionnelle.
Ainsi, la Cour en conclut que des dispositions nationales peuvent prévoir un plafond applicable aux honoraires d’avocat récupérables par le consommateur, sous réserve que ce plafond lui assure d’être remboursé des honoraires d’avocat engagés à hauteur d’un montant raisonnable et proportionné au regard des frais de justice qu’il a exposés pour voir constater le caractère abusif d’une clause le liant à un professionnel.