Cour d’appel de Paris, 3 octobre 2024, n° 23/09926 

commandement de payer aux fins de saisie vente – signification du commandement de payer – mainlevée de la saisie attribution – clauses abusives – titre dont l’exécution est poursuivie – mesures d’exécution forcée – 

 

EXTRAITS  

« […] l’arrêt de la chambre commerciale et financière de la Cour de cassation en date du 8 février 2023 (P. N° 21-17.763) […] outre qu’il concerne bien, contrairement à ce qui est soutenu, l’exécution d’une décision de justice, en l’espèce, l’ordonnance d’un juge-commissaire, revêtue de l’autorité de la chose jugée, n’opère aucune distinction suivant la nature du titre dont l’exécution est poursuivie. ». 

 

 

ANALYSE   

En l’espèce, un emprunteur a été condamné par une ordonnance d’injonction de payer sur le fondement d’un contrat de crédit. En exécution de ce titre, la société Eos France a fait pratiquer une saisie-attribution à l’encontre de l’emprunteur. Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a ordonné la mainlevée partielle de la saisie-attribution. L’emprunteur a interjeté appel de la décision. La société Eos a formé un appel incident par voie de conclusion. 

Dans ses conclusions récapitulatives, l’emprunteur demande de déclarer abusives les clauses contractuelles du contrat de crédit relatives au TAEG, aux intérêts de retards et de déchéance du terme.  

L’emprunteur se fonde sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’U.E, l’arrêt de la chambre commerciale et financière de la Cour de cassation en date du 8 février 2023 (P.N° 21-17.763), l’article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil de 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et l’article L.212-1 du Code de la consommation et soutient, en substance, que le juge de l’exécution à la demande d’une partie ou des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites, sauf lorsqu’il ressort de l’ensemble de la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée que le juge s’est livré à cet examen, dans le contrat de crédit, qu’en l’espèce, le jugement attaqué n’a pas statué sur l’existence des clauses abusives contenues dans le contrat de crédit.  

La société Eos lui oppose, de première part, le fait que l’arrêt du 8 février 2023 n’a pas vocation à s’appliquer aux situations antérieures car, au regard de l’article 6-1 de la CEDH, l’application d’une nouvelle règle jurisprudentielle dans l’instance en cours aboutirait à priver une partie, en l’occurrence le prêteur, d’un procès équitable, principe à valeur constitutionnelle, de deuxième part, qu’il concerne l’exécution d’un titre notarié et non d’une décision de justice, de troisième part, qu’en application des dispositions de l’article R 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution, de quatrième part, qu’il convient de tenir compte du comportement du consommateur et de sa passivité au cours de la procédure et durant l’exécution et que l’emprunteur n’a jamais contesté le titre exécutoire ni manifesté de moyens de défense, qu’il ne produit pas le contrat et les clauses qu’il estime abusives, que généraliser la solution résultant de l’arrêt du 8 février 2023 entraînerait nécessairement la responsabilité de l’état français pour fonctionnement défectueux de la justice. 

La Cour d’appel de Paris a jugé d’abord que : « le principe posé par l’arrêt du 8 février 2023 n’est pas de nature à priver une partie de son droit à un procès équitable puisque, bien au contraire, il tend à ce que soit examiné par un juge le caractère abusif ou non des clauses d’un contrat. »  Ensuite, elle a ajouté que l’arrêt du 8 février 2023 : « […] outre qu’il concerne bien, contrairement à ce qui est soutenu, l’exécution d’une décision de justice, en l’espèce, l’ordonnance d’un juge-commissaire, revêtue de l’autorité de la chose jugée, n’opère aucune distinction suivant la nature du titre dont l’exécution est poursuivie. ».En troisième lieu, elle affirme que: « s’il résulte de l’article R. 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution, ni, hors les cas prévus par la loi, statuer sur une demande en paiement, il peut constater, dans le dispositif de sa décision, le caractère réputé non écrit d’une clause abusive, et, dès lors, est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d’exécution forcée dont il est saisi et de tirer ensuite toutes les conséquences de l’évaluation de cette créance sur les contestations des mesures d’exécution dont il est saisi. ». En dernier lieu, la cour d’appel de Paris a précisé que le seul fait que l’emprunteur : « […] n’a formé ni opposition à l’ordonnance d’injonction de payer ni recours à l’encontre des tentatives d’exécution de cette décision est insuffisant à caractériser un comportement dispensant le juge de l’exécution de son obligation de vérifier d’office le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles sur le fondement desquelles a été obtenue l’ordonnance. » 

 

 

Voir égal. Cass. com., 8 février 2023, n° 21-17.763 

Cour d’appel de Versailles, 3 octobre 2024, RG N°22/06464 

 

EXTRAITS : 

« 2. Sur l’application des règles du droit de la consommation 

[…] 

En l’espèce, aux termes de ses statuts, l’association CAP [Localité 5] est une association sportive dont l’objet est la poursuite de la pratique des exercices physiques et des sports notamment le football, ainsi que la promotion de tous les exercices physiques et activités sportives. Elle n’exerce aucune activité économique, tirant ses ressources en vertu de l’article 5 de ses statuts, des seules cotisations de ses membres, de subventions des collectivités publiques, de versements d’éventuels sponsors ou donateurs et du produit de manifestations et de tournois qu’elle organise. Les fonds sont utilisés exclusivement pour le fonctionnement de l’association. Selon l’article 3 de ses statuts, elle est composée de membres d’honneur, de membres perpétuels, de membres actifs ou d’adhérents. Les membres du comité directeur ne peuvent être indemnisés par l’association à quelque titre que ce soit, sauf dérogation accordée à titre exceptionnel par le bureau du comité directeur, cette dérogation ne devant excéder une saison sportive.  

Le caractère professionnel d’une activité se déduisant de l’origine commerciale, industrielle artisanale, agricole ou libérale du revenu qu’elle procure, il y a lieu de constater que l’objet de l’activité de l’association CAP [Localité 5] en l’espèce ne procure aucun revenu d’origine professionnelle à l’association.  

En outre, la location de matériel de reprographie, sans laquelle certes l’association serait dans l’incapacité de fonctionner, est sans rapport direct avec son activité de club sportif visant la promotion des exercices physiques et notamment du football.  

Ainsi, l’association CAP [Localité 5] doit être considérée comme non- professionnelle au sens de l’article L132-1 ancien du code de la consommation : elle est donc recevable à invoquer les protections apportées par ce texte.» 

« 3. Sur le caractère abusif des clauses de résiliation et de conséquences de la résiliation anticipée 

En premier lieu, il convient de relever que les conséquences économiques de la résiliation sont exprimées sans équivoque. Il y a donc lieu de considérer que les clauses sont intelligibles et clairement écrites. 

En deuxième lieu, ces clauses reconnaissent le droit de CAP [Localité 5] de résilier le contrat mais seulement avec l’accord de la société Grenke, et avec l’obligation de payer l’intégralité des loyers restant dus. La réciproque pour l’association CAP [Localité 5] n’est pas prévue. 

L’article 11 prévoit également qu’en cas de résiliation, le bailleur a droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu’au terme initial du contrat majorée de 10% ainsi que le cas échéant, des loyers échus impayés et des intérêts de retard calculés au taux de l’intérêt légal, tandis que le locataire était tenu de restituer le matériel loué. Cette clause avait été requalifiée par les précédents juges en clause pénale, sans examen de son caractère abusif au sens du droit de la consommation. 

Cette clause est, selon ce qui a été soutenu précédemment, la contrepartie de l’acquisition par le bailleur du matériel auprès de son fournisseur et vise à garantir le bailleur acquéreur du matériel loué des conséquences préjudiciables d’une rupture unilatérale du contrat de location par le locataire ainsi que la sanction du manquement du locataire à son obligation de fournir une information loyale quant à ses besoins. 

Cette clause prévoit que si le locataire résilie le contrat, il est tenu de payer une indemnité équivalente au montant des loyers restant dus jusqu’au terme du contrat avec une majoration. En revanche, le contrat ne prévoit pas de réciproque d’indemnisation de l’autre partie, en cas de résiliation unilatérale du contrat par le bailleur ni même la nécessité de l’accord du locataire pour résilier.  

Ainsi ces clauses 10 et 11 ensemble ont pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou consommateur et la clause 10 est incontestablement abusive au sens de l’article R312-1 7°et 8° (sic) du code de la consommation.  

En conséquence, ces deux clauses doivent être déclarées abusives et sont donc réputées non écrites et ne peuvent produire leurs effets. » 

ANALYSE : 

En l’espèce, la société Grenke Location, spécialisée en location financière de matériel informatique et téléphonique, a conclu avec l’association CAP trois contrats de location longue durée portant sur du matériel informatique.  

Après un défaut de paiement des loyers, persistant, à partir d’avril 2013, la société Grenke Location a résilié les trois contrats et mis en demeure l’association CAP de lui restituer les différents éléments de matériel informatique loués. La société a finalement assigné l’association, qui a formé une demande reconventionnelle tendant à obtenir à titre principal l’annulation des contrats de location, et à titre subsidiaire de voir certaines clauses réputées non écrites.  

La Cour de cassation a été saisie deux fois du litige. En effet, un premier pourvoi en cassation a été formé contre un arrêt rendu en 2018 par la Cour d’appel de Paris, par lequel elle rejetait les demandes de l’association (confirmant ainsi l’arrêt de première instance du TGI de Créteil) et fixant la créance de la société Grenke au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de l’association. La Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa de l’ancien article L.132-1 ancien du Code la consommation, qui invitait les juges du fond à rechercher si l’association avait bien une activité professionnelle, quand elle tirait ses seules ressources des cotisations versées par ses adhérents. La Cour de cassation a plus tard censuré un second arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu en 2020, statuant sur renvoi après cassation, au motif que celle-ci n’avait pas examiné d’office le caractère abusif de certaines clauses contenues dans les contrats de location. L’affaire a été finalement renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles.  

Cette juridiction a statué en premier lieu sur l’application des dispositions du Code de la consommation au litige, puis a examiné le caractère abusif de certaines des clauses des contrats de location, ainsi qu’il lui était demandé à titre subsidiaire par l’association CAP.  

Concernant l’application des dispositions du Code de la consommation, la Cour d’appel de Versailles, s’appuyant sur l’article L.132-1 du Code de la consommation (dans sa version antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016) ainsi qu’un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1e, 26 nov. 2002, n°00-17.610), a retenu que la location par l’association de matériel informatique n’entrait pas dans le cadre de son activité de club sportif. En effet, d’une part, la Cour d’appel a constaté que l’association ne dégageait aucun revenu professionnel, que son objet consistait exclusivement dans la pratique sportive et que ses seuls revenus provenaient des cotisations réglées par les adhérents. D’autre part, la Cour a affirmé que ce matériel informatique (comprenant appareils et logiciels) n’était destiné qu’à permettre à l’association de fonctionner normalement. Celle-ci ne pouvait donc pas être qualifiée de professionnelle dans ses rapports juridiques avec la société Grenke Location. En tant que non professionnelle, les dispositions protectrices du Code de la consommation lui étaient alors applicables.  

Concernant le caractère abusif de certaines des clauses contenues dans les contrats de location de matériel informatique, la Cour d’appel de Versailles a examiné deux clauses en particulier :  

-« Article 10 – Résiliation (…) 5. Le locataire peut mettre fin de façon anticipée au contrat s’il le souhaite. Toutefois, cette résiliation ne pourra se faire qu’avec l’accord du bailleur et sous réserve du paiement des sommes visées à l’article 11. »  

-« Article 11 – conséquence de la résiliation anticipée 1.En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l’article précédent ou en cas de résiliation judiciaire du contrat, résultat d’une résolution judiciaire de la vente du matériel ou de la licence en raison d’un vice affectant les produits concernés, le bailleur aura droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu’au terme initial du contrat majoré de 10% ainsi que le cas échéant, des loyers échus impayés et des intérêts de retard calculés au taux de l’intérêt légal. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au locataire de la lettre de résiliation. (…) » 

La Cour d’appel a considéré que, si les clauses indiquaient de manière claire et intelligibles les conséquences économiques de la résiliation, elles prévoyaient tout d’abord que l’association CAP devait obtenir l’accord de la société Grenke pour résilier, sans que cette dernière n’ait à obtenir l’accord de l’association pour, elle, résilier les contrats ; ainsi qu’une indemnisation de la société bailleresse si l’association résiliait, sans qu’une indemnisation ne soit prévue pour l’association si la société Grenke était à l’initiative de la résiliation . La Cour a finalement estimé que ces deux clauses avaient pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, à la défaveur de l’association CAP, non professionnelle. Selon la Cour, ces clauses devaient être réputées non écrites, en ce qu’elles étaient abusives. La Cour a fondé son raisonnement sur l’arrêt de la CJCE Pannon (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08) ainsi que sur la liste noire des clauses abusives (C. consom., art. R. 212-1, 7° et 8° avec une erreur de frappe dans le numéro de l’article cité dans l‘arrêt). 

La Cour d’appel a cependant écarté le caractère abusif d’une autre clause du contrat intitulée : « Loyers, ajustements, imputation des paiements » qui stipulait que « Le locataire reste tenu du paiement de l’intégralité des loyers au bailleur, même en cas de dysfonctionnement, quelle qu’en soit la nature ou la cause, lié à la maintenance ou au fonctionnement des produits. Aucune compensation à quelque titre que ce soit autre que judiciaire ne pourra intervenir entre les parties ». La Cour a déclaré que cette clause n’était pas irréfragablement abusive car elle visait à garantir le paiement des loyers au bailleur qui avait livré de manière effective le matériel informatique à son locataire, indépendamment des dysfonctionnements.  

Par ailleurs, tenue d’apprécier l’intelligibilité des clauses, notamment leur taille de police, la Cour d’appel a cité une recommandation de la Commission des clauses abusives, invitant les professionnels à ne pas imprimer les clauses contenues dans leurs contrats en dessous d’une taille de police 8.  

Voir également : 

arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 26 novembre 2002, n°00-17.610 

arrêt de la CJCE, Pannon, du 4 juin 2009 (C-243/08) 

recommandation de la CCA concernant la taille minimale des caractères 

 

COUR D’APPEL DE PARIS, 3 OCTOBRE 2024, RG n°24/03904 

– saisie immobilière – commandement de payer – clause abusive – exigibilité de la créance – vente forcée.  

  

EXTRAITS 

  

« Il résulte de l’article L.311-2 du code des procédures civiles d’exécution que pour procéder à une saisie immobilière le créancier doit être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

L’article L.212-1 alinéa 1er du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il énonce en son second alinéa que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat.
 

Par un arrêt du 22 mars 2023 (n°21-16.044) et dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne issue des arrêts du 26 janvier 2017 et 8 décembre 2022, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a décidé qu’était abusive comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur, exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d’un contrat de prêt immobilier prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, rappelant dans un arrêt du même jour qu’il incombait au juge d’examiner d’office l’existence d’un tel abus.

En l’espèce, la clause « déchéance du terme et exigibilité du présent prêt » est ainsi rédigée : « En cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, frais, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après une mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours :

– en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du/des prêts du présent financement,

– (‘). »

Il en résulte qu’un court délai de préavis de 15 jours est prévu en faveur du consommateur emprunteur pour lui permettre de régulariser sa dette et éviter la résiliation de plein droit. Ainsi, contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, compte tenu de l’enjeu et des conséquences considérables d’un telle clause pour l’emprunteur qui se voit contraint de rembourser dans un délai très bref la totalité des sommes restant dues au titre du prêt au bon vouloir du prêteur, sans respect d’un délai de préavis d’une durée raisonnable, cette clause est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. Elle est donc abusive et doit être réputée non écrite.

ANALYSE 

  

En l’espèce, la société Crédit Agricole, créancière, a engagé une procédure de saisie immobilière contre des débiteurs en raison du non-paiement des échéances d’un prêt immobilier contracté le 22 juin 2017. Le 30 mars 2022, un commandement de payer valant saisie a été délivré, visant un bien immobilier. Les débiteurs ont contesté cette saisie en invoquant l’inexigibilité de la créance.

En première instance, le tribunal judiciaire de Meaux a été saisi pour annuler le commandement de payer, mais a rejeté cette demande. Le juge de l’exécution a, cependant, retenu le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée. Les débiteurs ont interjeté appel, demandant l’annulation du commandement et la reprise des paiements.
 

La Cour d’appel de Paris a été saisie de plusieurs questions..
Elle devait d’abord déterminer si la clause d’exigibilité anticipée du contrat de prêt était abusive, puis si le commandement de payer valant saisie immobilière était valable en l’absence de réception de la lettre de mise en demeure par les débiteurs, et enfin si les débiteurs pouvaient obtenir l’annulation de la saisie et la reprise des paiements des échéances du prêt.  

 

La Cour d’appel de Paris a confirmé en partie le jugement de première instance, retenant la créance du Crédit Agricole à la somme de 17 396,12 euros, et a débouté les débiteurs de leurs demandes d’annulation du commandement de payer et de reprise des paiements. Elle a motivé sa décision en reconnaissant le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée en raison du préavis insuffisant de 15 jours, non conforme aux exigences de la CJUE et de la Cour de cassation. Cependant, elle a maintenu la validité du commandement de payer pour les échéances échues, malgré l’absence de réception effective de la mise en demeure par les débiteurs, et a rejeté la demande de reprise des paiements en raison de l’absence de preuves suffisantes des démarches entreprises pour vendre le bien ou des difficultés financières.  

 

 

Voir également :  

Cour d’appel de Montpellier, 26 septembre 2024, n° 23/00827 

– clause d’exigibilité immédiate du prêt – défaillance de l’emprunteur – clause de déchéance du terme –– clause d’intérêts de retard – clauses abusives 

 

 

EXTRAITS  

« Ainsi, en laissant à chaque emprunteur solidaire un délai raisonnable pour parvenir à régulariser l’arriéré de manière à éviter l’exigibilité immédiate du capital, la banque, en appliquant largement la clause d’exigibilité, n’a commis aucune faute dans l’exécution contractuelle. Le prononcé de la déchéance du terme est régulier et produit ses eets. 

 

La clause relative aux intérêts de retard insérée à l’acte de prêt est donc une déclinaison conforme aux dispositions légales applicables et ne crée aucun déséquilibre significatif au sens de l’article L132-1 du code de la consommation pas plus que son exécution n’est constitutive d’une faute de la banque. La clause de stipulation des intérêts de retard est régulière et produit ses eets »  

 

 

ANALYSE   

La Cour d’appel de Montpellier a été saisie pour juger des contestations liées à un prêt immobilier consenti en 2008 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à M. [I] et Mme [G], alors mariés. Après la séparation du couple, M. [I] a cessé de payer les mensualités à partir de novembre 2020. La banque a procédé à la déchéance du terme en 2021 et a réclamé le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, en application des clauses relatives à la déchéance du terme et aux intérêts de retard.   

 

La clause de déchéance du terme stipulait que, en cas de défaut de paiement d’une seule échéance du prêt, la banque pouvait exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que des intérêts et des accessoires, sans qu’il soit nécessaire d’accomplir une quelconque formalité judiciaire préalable. Toutefois, avant de mettre en œuvre la déchéance du terme, la clause offrait aux emprunteurs un délai de 15 jours, après une mise en demeure, pour régulariser la situation. Si la régularisation n’était pas effectuée dans ce délai, la déchéance du terme pouvait être prononcé.   

 

En cas de retard de paiement des échéances, la clause d’intérêts de retard prévoyait que le capital restant dû continuerait à produire des intérêts au taux prévu par le contrat. De plus, si la déchéance du terme était prononcée, les sommes dues seraient majorées d’intérêts de retard au même taux que celui du prêt, avec une possibilité pour la banque de demander une indemnité supplémentaire.  

 

Les deux emprunteurs ont contesté la validité des clauses relatives à la déchéance du terme et aux intérêts de retard. Mme [G] a également invoqué le caractère abusif des clauses et demandé des délais de paiement supplémentaires.   

 

La Cour a jugé que la clause d’exigibilité immédiate, qui offrait un délai raisonnable aux emprunteurs pour régulariser leur situation, ne créait pas de déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable et ne pouvait donc pas être considérée comme abusive. Elle a constaté que cette clause laissait aux co-emprunteurs solidaires un délai raisonnable de quinze jours pour régulariser l’arriéré et éviter l’exigibilité immédiate du capital. Par conséquent, la déchéance du terme a été considérée comme régulière et produisant ses effets. L’emprunteur avait cependant invoqué le bénéfice de la solution rendue par la Cour de cassation le 22 mars 2023. Dans cette décision, la première chambre civile avait jugé abusive la clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable.   

 

La Cour d’appel de Montpellier a également confirmé la régularité de la clause relative aux intérêts de retard, celle-ci étant conforme aux dispositions du Code de la consommation en vigueur.   

 

Enfin, la Cour a débouté les emprunteurs de leurs demandes de délais de paiement, estimant qu’ils n’ont pas justifié leur capacité à rembourser dans des conditions plus favorables. 

CA Aix-en-Provence, 26 septembre 2024 n°24/01435 

 

contrat de prêt immobilier accessoire à une vente – déchéance du terme – résiliation sans préavis d’une durée raisonnable – mise en demeure – clause abusive – relevé d’office – réputé non-écrit – office du juge de première instance – règles supplétives – arrêt avant dire droit – principe du contradictoire  

 

EXTRAITS  

« Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), la CJUE a dit pour droit que la directive s’opposait à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoit, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. 

Par arrêt du 22 mars 2023 n° 21-16.476, la Cour de cassation, en application de l’article L.132-1 ancien du Code de la consommation et sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE, a retenu que doit être considérée comme abusive, la clause d’un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l’emprunteur ni préavis d’une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date ; 

Il en a été jugé ainsi d’une clause d’un contrat de prêt prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise demeure de régler restée infructueuse pendant quinze jours. (Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904) 

Au vu des développements qui précèdent et du moyen de droit soulevé d’office, il convient de surseoir sur l’ensemble des contestations et demandes et de rouvrir les débats pour permettre aux parties de formuler leurs observations sur le point précité et ses éventuelles conséquences sur les caractères liquide et exigible de la créance poursuivie ; ». 

 

 

ANALYSE   

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a été saisie par un emprunteur qui avait conclu un contrat de prêt avec une banque. Le contrat de prêt, annexé à un acte authentique de vente, contenait une clause de déchéance du terme. L’acte authentique de vente reprenait ladite clause. À la suite d’échéances impayées, la banque a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière pour le recouvrement des sommes restant dues. Toutefois, le commandement de payer est resté sans effet. En application de la clause de déchéance du terme, la banque a assigné l’emprunteur à une audience d’orientation devant le juge de l’exécution, propre à la procédure de saisie immobilière.  

 

L’emprunteur a soulevé l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme du contrat de prêt. Le juge de l’exécution a constaté la réunion des conditions de la saisie immobilière, arrêté le montant de la créance liquide et exigible, et ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis. L’emprunteur a interjeté appel de cette décision. 

Selon l’emprunteur, la clause de déchéance du terme est une clause abusive puisqu’elle dispense la banque d’avoir à justifier une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.   

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que la clause de déchéance stipule l’exigibilité immédiate du solde du compte sous quinze jours à compter de la mise en demeure envoyée par lettre recommandée avec avis de réception. Sur le fondement de l’article L212-1 du Code de la consommation, la question du caractère abusif de la clause qui ne laisse qu’un délai de quinze jours à l’emprunteur pour régulariser les échéances impayées se pose. Les juges du fond procèdent d’office à l’examen du caractère abusif de la clause dès lors qu’ils disposent des moyens de fait et de droit nécessaires (CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08 ; Civ. 2°, 14 octobre 2021 n°19-11.758 ; Com., 8 février 2023 n° 21-17.763). L’examen du caractère abusif de la clause peut être réalisé en cause d’appel, bien qu’il n’ait pas été accompli en première instance. L’article R.132-2 ancien du Code de la consommation énonce que : « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l’article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : […] 

4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable  ;   » 

 

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il incombe au juge national d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt, en application d’une clause de déchéance du terme, dépendait de l’inexécution suffisamment grave de l’obligation essentielle du contrat par le consommateur, au regard de la durée et du montant du prêt. De plus, il incombe au juge national d’examiner si cette faculté déroge aux règles supplétives de droit des contrats, et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt en application de la clause de déchéance du terme (CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C-421-14). Ces trois critères permettent au juge national d’examiner l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat. Ils ne sont ni cumulatifs, ni alternatifs (CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest”, C-600/21).  

 

De plus, la directive s’oppose à l’insertion d’une clause qui stipule expressément et sans équivoque, que la déchéance du terme peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance après un certain délai car une telle clause, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation , crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest”, C-600/21, précité). Ainsi, la clause d’un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure préalable, ni préavis d’une durée raisonnable, la totalité des sommes dues en cas de défaut de paiement d’une échéance est abusive (Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476). En ce sens, une clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, ne respecte pas l’exigence de préavis d’une durée raisonnable. Une telle clause est abusive. (Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904)   

 

Par conséquent, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence surseoit à statuer sur l’ensemble des contestations et demandes. La réouverture des débats est ordonnée à l’audience du 15 janvier 2025, afin de permettre aux parties de formuler leurs observations sur le moyen de droit relevé d’office, relatif au caractère abusif de la clause de déchéance du terme. 

 

 

Voir également :  

 

CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest” C-600/21 

 

Cour de justice de l’Union européenne  : L’appréciation du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme tient compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat de prêt – Commission des clauses abusives (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21) 

 

Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476  

 

La clause de déchéance du terme est abusive lorsqu’elle est invoquée sans un préavis d’une durée raisonnable – Commission des clauses abusives (Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476)  

 

Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904  

 

CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C421-14 

 

Contrat de prêt hypothécaire-Procédure de saisie d’un bien hypothéqué-Délai de forclusion-office du juge – Commission des clauses abusives (CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C-421/14)  

 

CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08  

 

Office du juge – Commission des clauses abusives (CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08)   

 

Civ. 2°, 14 octobre 2021 n°19-11.758  

 

Le juge doit rechercher d’office si la clause qui définit l’objet principal dans un contrat d’assurance vie est claire et compréhensible – Commission des clauses abusives (Civ. 2°, 14 octobre 2021 n° 19-11.758)   

 

Com., 8 février 2023 n° 21-17.763 

 

En dépit de l’autorité de la chose jugée, le juge de l’exécution est tenu d’apprécier le caractère abusif des clauses qui servent de fondement aux poursuites – Commission des clauses abusives (Com., 8 février 2023 n°21-17.763)   

 

Cour d’appel de Lyon, 19 septembre 2024, n°23/03864

contrat de prêt immobilier – clause abusive – délai de prescription – point de départ – action en nullité du taux d’intérêt conventionnel – action en déchéance du droit aux intérêts – erreur affectant le taux effectif global – 

 

 

EXTRAITS : 

« l’action fondée sur l’existence d’une clause abusive du contrat quant au TEG n’est pas prescrite. Aussi, c’est à tort que le premier juge a déclaré irrecevable la demande de M. [W] afin de voir écarter l’application de la clause abusive ayant pour objet et pour effet d’exclure de l’assiette du coût total prévisionnel du crédit le coût du préfinancement et dont procède la liquidation du coût total prévisionnel du crédit. ».  

 

ANALYSE :  

 

En 2004, la banque Caisse d’Épargne et de Prévoyance de Rhône-Alpes a consenti un contrat de prêt immobilier à un emprunteur. En 2011, les parties ont conclu un avenant au contrat de prêt susvisé, consistant en un réaménagement des modalités de remboursement de la somme restante due au titre du prêt, comprenant des intérêts au même taux débiteur fixe que l’offre initiale. Le prêt a été intégralement remboursé à son terme, soit en 2019. 

En 2022, l’emprunteur a assigné la banque devant le tribunal judiciaire de Lyon afin de voir constaté la présence d’une clause abusive dans le contrat de prêt, ayant pour objet et pour effet d’exclure de l’assiette du coût total prévisionnel du crédit le coût du préfinancement, et pour demander l’annulation de la stipulation d’intérêts du contrat de prêt initial, la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt, ainsi que l’octroi de dommages et intérêts. 

 

La Cour d’appel a d’abord constaté que l’action fondée sur l’existence d’une clause abusive du contrat quant au TEG n’était pas prescrite, comme le reconnaissaient les parties. 

Toutefois, concernant les actions en nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, la Cour a rappelé que le point de départ du délai de prescription de ces actions se situe à la date du contrat de prêt, si l’examen du contenu du contrat permet de constater l’erreur affectant le taux effectif global, ou à défaut, à la date de la révélation de l’erreur à l’emprunteur.  

En examinant la clause litigieuse, présente dans le contrat initial, qui énonçait que « le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d’assurance et le cas échéant des primes d’assurance de la phase de préfinancement », la Cour a constaté que « l’examen du contrat de prêt permettait [à l’emprunteur] de savoir que le coût total du crédit n’intégrait pas le coût du préfinancement et par voie de conséquence de déceler l’erreur qu’il invoque quant au TEG. ». Ainsi, le point départ du délai de prescription pour les actions en nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, se situe à la date du contrat.  

Relevant que plus de cinq ans s’étaient écoulés entre les dates respectives du contrat de prêt (2004) et de son avenant (2011) d’une part, et l’assignation de l’emprunteur (2022) d’autre part, la Cour a confirmé la décision du Tribunal judiciaire de Lyon sur le caractère prescrit de ces actions. 

 

 

CA Lyon, 12 septembre 2024 RG n°20/06842  

Prêt immobilier – Prescription  – Action au titre des intérêts du prêt – Principe d’effectivité    

EXTRAITS :   

 «  (…) l’absence de prise en compte des frais de la période de franchise totale dans le Taux effectif global (ci-après TEG) et dans le coût total du crédit, celle-ci ne saurait constituer une clause abusive dès lors que le TEG est une information : il a pour utilité de représenter le coût réel du crédit, de sorte que s’il est erroné, il prive seulement l’emprunteur d’une information exacte. Le fait de ne pas prendre en compte les frais de la période de franchise totale dans le TEG comme dans le coût total du crédit ne crée pas de droit pour la banque ni d’obligation pour l’emprunteur, de sorte que cette mention du contrat n’a pas la nature d’une clause abusive. 

Il en résulte que les moyens tirés de l’absence de prise en compte de la période d’anticipation dans le calcul du TEG et dans le coût total du crédit ne relèvent pas des clauses abusives et que l’action fondée sur ces moyens est soumise à la prescription de l’article 2224 du code civil.  

 (…) Et il résulte de l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, que l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel en raison d’une erreur affectant le TEG se prescrit par cinq ans à compter de la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur ou, lorsque tel n’est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur. 

La prescription, s’agissant de l’action en nullité de la stipulation d’intérêts conventionnelle comme de l’action en déchéance du droit aux intérêts, est donc encourue même si le prêt est en cours d’exécution. 

Ces dispositions de droit interne ne contreviennent nullement au droit européen.  

(…) 

En tout état de cause, il est exact, comme le soutiennent M. et Mme [G], que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 du code de la consommation n’est pas soumise à la prescription quinquennale. 

(…) la clause précitée, qui est claire et compréhensible, porte sur la définition de l’objet principal du contrat, de sorte qu’elle ne peut être soumise aux dispositions relatives aux clauses abusives résultant de l’article L. 132-1, alinéa 7, du code de la consommation (…) » 

 

ANALYSE : 

La Cour d’appel de Lyon a été saisie à la suite d’un litige opposant une banque et des emprunteurs dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier conclu le 9 décembre 2009.  

Le 5 octobre 2018, les emprunteurs assignent la banque pour contester le taux d’effectif global mentionné dans l’offre de prêt.  

Se pose la question de la recevabilité de l’action en raison de sa tardiveté, qui intervient près de 9 ans après la conclusion du contrat. Les emprunteurs considèrent que leur action est recevable en raison de l’imprescriptibilité attachée à l’action en constatation d’une clause abusive.  La banque affirme que les demandes des emprunteurs n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions relatives aux clauses abusives et que, dès lors, la prescription quinquennale est applicable conformément à l’article 2224 du Code civil.  

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Lyon rappelle l’imprescriptibilité de l’action en constatation d’une clause abusive reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt du  8 avril 2021 (Cass. com. 8 avr. 2021, n°19-17997), ainsi que par la  CJUE dans un arrêt du 10 juin 2021 BNP Paribas ( CJUE, 10 juin 2021, aff. C-776/19 à C-782/19 et C-604/19 BNP Paribas).  

 

Cependant, d’une part, elle juge que les irrégularités invoquées par les emprunteurs dans le calcul du TEG (absence de prise en compte des frais de la période de franchise) ne constituent pas une clause abusive. 

D’autre part, elle juge que la clause relative au calcul des intérêts sur la base de 360 jours, également critiquée par les emprunteurs, est une clause portant sur l’objet principal du contrat, claire et compréhensible.  Elle en déduit que n’étant pas une clause absuive, elle relève du délai de prescription de droit commun. 

 

Par conséquent, la Cour d’appel de Lyon confirme le jugement de première instance considérant que les deux actions relatives à la clause litigieuse, qui tendent à contester la stipulation d’intérêts conventionnels et à la déchéance du droit aux intérêts, ne relèvent pas de la qualification d’actions en constatation de clause abusive, et sont donc soumises au délai de prescription quinquennale, délai qui dans ce cas avait déjà expiré. 

 

Voir également:  

 

CA d’Aix-en-Provence, 12 septembre 2024, RG n°23/13514 

 

Mots-clés : clause abusive – autorité de chose jugée – déchéance du terme – juge de l’exécution – jugement d’orientation – contrat de prêt  

 

 

EXTRAITS :  

 

« Cette clause stipule que « Le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du solde du compte, à l’issue d’un préavis de 15 jours, après une notification faite à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception. Jusqu’à la date du règlement effectif, ce solde produit des intérêts de retard au taux du crédit hors bonification de votre banque lors de la défaillance; en outre le Prêteur perçoit une indemnité de 7% calculée sur le montant du solde rendu exigible; si le Prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du solde débiteur du compte, le taux du crédit est majoré de 3 points, jusqu’à reprise du paiement normal des règlements ». 

 

Vainement les appelants demandent à la cour de procéder au contrôle du caractère possiblement abusif de cette clause conformément à l’article L.132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation et à l’interprétation que lui donne la Cour de justice de l’Union européenne, alors que par jugement d’orientation devenu définitif rendu le 13 février 2020 entre les mêmes parties dans le cadre d’une précédente saisie immobilière fondée sur le même acte notarié de prêt, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Toulon a déjà examiné la nature éventuellement abusive de cette clause contractuelle en rejetant ce moyen ; 

 

Il sera rappelé que par un arrêt rendu le 26 janvier 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a notamment dit pour droit que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une règle nationale qui interdit au juge national de réexaminer d’office le caractère abusif des clauses d’un contrat, lorsqu’il a déjà été statué sur la légalité de l’ensemble des clauses de ce contrat au regard de cette directive par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée » 

 

 

ANALYSE :  

 

En l’espèce un contrat de prêt a été conclu entre un prêteur (BNP Paribas Personal Finance) et un emprunteur. La déchéance du terme du contrat de prêt a été prononcée par la banque suite à la défaillance de l’emprunteur, une clause étant prévue à cet effet. 

 

Ladite clause prévoyait qu’en cas de défaillance de l’emprunteur : « Le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du solde du compte, à l’issue d’un préavis de 15 jours, après une notification faite à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception. 

Jusqu’à la date du règlement effectif, ce solde produit des intérêts de retard au taux du crédit hors bonification de votre banque lors de la défaillance ; en outre le prêteur perçoit une indemnité de 7% calculée sur le montant du solde rendu exigible, – si le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du solde débiteur du compte, le taux du crédit est majoré de 3 points, jusqu’à reprise du paiement normal des règlements » 

 

L’emprunteur a contesté cette clause au motif que la déchéance du terme a été prononcée de manière abusive, en soutenant que le délai de préavis de quinze jours et l’application de pénalité de 7% causent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.  

 

En 2020, un jugement d’orientation a été rendu dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière entre les parties. Le juge de l’exécution avait relevé d’office le caractère non abusif de la clause, et ce point n’a pas été contesté dans les délais légaux. 

 

Les appelants ont demandé à la Cour d’appel d’examiner d’office le caractère abusif de cette clause en invoquant la jurisprudence récente sur les clauses abusives, en particulier au regard de l’évolution de la législation de l’Union européenne (Directive 93/13/CEE). Ils ont soutenu que cette clause créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en imposant des conditions de remboursement particulièrement lourdes et en augmentant les pénalités de manière disproportionnée. 

 

La Cour d’appel a refusé d’examiner à nouveau le caractère abusif de la clause, invoquant l’autorité de la chose jugée du jugement d’orientation. Elle se réfère également à un arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2023 (Cass. com., 8 février 2023, n° 21-17.763), qui a précisé que le juge de l’exécution est tenu d’examiner le caractère abusif des clauses contractuelles sauf si une décision précédente revêtue de l’autorité de la chose jugée a déjà tranché cette question. 

 

Enfin, la Cour ajoute que l’indemnité de 7% prévue à la clause critiquée ne déroge pas aux dispositions du code de la consommation et les emprunteurs ne démontrent pas qu’elle créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en sorte qu’elle n’est pas abusive. 

 

Ce faisant la Cour d’appel se conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. civ., 1ère, 22 mars 2023, n°21-16.044) 

Voir également :  

 

Cass. civ., 2ème, 13 avril 2023, n°21-14.540  

 

Cass. com., 8 février 2023, n° 21-17.763 

 

CA de Colmar, 11 décembre 2023, RG n°23/00903 

– contrat de prêt – clause abusive – déchéance du terme – exigibilité immédiate de la dette – 

 

EXTRAITS  

« Cette clause, qui autorise l’organisme prêteur à exiger immédiatement la totalité́ des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une seule échéance à sa date et qui ne prévoit ni mise en demeure ou sommation préalable, ni préavis d’une durée raisonnable, est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment de l’emprunteur.  

La clause 2.4 B du contrat de prêt doit en conséquence être déclarée abusive, au regard de la législation applicable à la date du contrat. ».  

 

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 2000, la banque Le Crédit Lyonnais consent un prêt à un emprunteur. La banque assigne en justice l’emprunteur après un défaut de paiement d’une échéance.  

Le jugement de première instance, réputé contradictoire, condamne l’emprunteur au paiement de la dette. Par la suite, la créance de la banque envers l’emprunteur est cédée au Fonds Commun de titrisation Credinvest, représenté par la société de gestion SA Eurotitrisation. Le nouveau créancier fait signifier à l’emprunteur le commandement de payer, prononcé lors du jugement de première instance.  

L’emprunteur assigne le créancier devant le juge de l’exécution afin d’obtenir l’annulation du commandement de payer, une répétition de l’indu ainsi que des dommages et intérêts, en se fondant sur le fait que les créances qui lui sont opposées se basent sur des pratiques commerciales déloyales. L’emprunteur se verra débouté de ses demandes et interjettera appel. 

 

La Cour d’appel de Colmar a relevé d’office, sur le fondement de l’ancien article L.132-1 du code de la consommation, devenu l’article L212-1 al.1er du code de la consommation, le caractère abusif de la clause numérotée 2.4 B qui énonce que « le prêteur peut dénoncer le contrat, sur simple avis et sans autre formalité, avec déchéance du terme entraînant l’exigibilité immédiate de toutes sommes dues : -en cas de dépassement du découvert maximum autorisé, -de défaut de règlement de l’une quelconque des sommes dues au titre du contrat ou de tout autre crédit consenti par le prêteur. ». 

 

Cette appréciation est conforme à la jurisprudence européenne (CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21) également mise en œuvre par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476). 

La Cour d’appel a constaté que le contrat de crédit stipulait au bénéfice du prêteur le droit d’exiger immédiatement l’intégralité de la somme due au titre du prêt, en cas de défaut de paiement d’une seule échéance et ne prévoyant aucune mise en demeure ou sommation préalable, ni de préavis d’une durée raisonnable. Elle a observé que cette clause était de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment de l’emprunteur.  
De plus, elle a observé que la banque avait mis en œuvre cette clause car le défaut de paiement étant survenu pour l’échéance du 29 février 2003, le solde étant devenu exigible le 6 novembre 2003, et la lettre de mise en demeure ayant été envoyée le 26 août 2004, l’exigibilité de la dette est intervenue antérieurement à la mise en demeure et n’a donc laissé aucun délai raisonnable au débiteur pour s’acquitter des impayés avant déchéance du terme du capital non échu.  

   

La Cour d’appel déclare « La clause abusive, mise en œuvre par le prêteur, est réputée non écrite. La société le Crédit Lyonnais ne pouvait en conséquence exiger immédiatement le paiement des sommes restant dues au titre de l’ouverture de crédit. ». De ce fait, le commandement de payer issu de l’arrêt de première instance, dont se prévaut l’intimé, est infirmé.  

 

Voir également : 

CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21 

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476