Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996 

Prêt libellé en devise étrangère — Clause « réputée non écrite » — Prescription quinquennale 

EXTRAITS : 

 « Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale.

Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l’arrêt retient que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives, qui relève du droit commun des contrats, est soumise à la prescription quinquennale et que celles-ci ont été formées plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêt.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés »  

ANALYSE : 

Invitée à statuer dans le contentieux Helvet Immo à la suite d’un pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 avril 2019, lui même rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1re, 16 mai 2018, n°17-11.337), la première chambre civile de la Cour de cassation juge, dans la lignée de solutions adoptées antérieurement, que la demande qui tend à voir une clause abusive réputée non écrite n’est pas soumise à la prescription quinquennale. 

Ce faisant, elle casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives dans des contrats de crédits immobiliers était irrecevable car formée plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêts. 

L’arrêt de la première chambre civile est rendu sous le visa du texte posant la prescription quinquennale des obligations entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants (C.cCom., art. L. 110-4) et sous le visa du texte relatif à la définition des clauses abusives (C. consom., art. L. 132-1 dans sa rédaction antérieure  à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; voir nouvel art. L. 212-1).  

A l’appui de sa décision, la Cour de cassation se fonde sur l’arrêt BNP Paribas Personal Finance du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) par lequel la CJUE considère qu’en vertu du principe d’effectivité, il est contraire à l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/ du 5 avril 1993 sur les clauses abusives de soumettre la demande qui tend à réputer non écrite une clause abusive à un délai de prescription.  

Donc en l’espèce, la Cour de cassation retient que la prescription quinquennale prévue par l’article L110-4 du code de commerce ne s’applique pas à la demande de réputer non écrite une clause abusive. Plus largement, et ainsi que l’avait jugé la Cour de cassation, la demande tendant à réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible.  

L’arrêt se prononce également sur le devoir d’information du banquier. 

Voir également : 

  • CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19
  • Cass. com. 8 avril 2021, n°19-17997 
  • Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, 17-23.169 

> Télécharger l’arrêt de la cour

Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996, n° 19-20 717, n° 19-18997, n°19-12947 ; Cass. civ. 20 avril 2022, n° 20-16941 

Prêt libellé en devise étrangère — Clause « réputée non écrite » — Prescription quinquennale 

EXTRAITS : 

 « Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale.

Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l’arrêt retient que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives, qui relève du droit commun des contrats, est soumise à la prescription quinquennale et que celles-ci ont été formées plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêt.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés »  

ANALYSE : 

Invitée à statuer dans le contentieux Helvet Immo à la suite d’un pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 avril 2019, lui même rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-11.337), la première chambre civile de la Cour de cassation juge, dans la lignée de solutions adoptées antérieurement, que la demande qui tend à voir une clause abusive réputée non écrite n’est pas soumise à la prescription quinquennale. 

Ce faisant, elle casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives dans des contrats de crédits immobiliers était irrecevable car formée plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêts. 

L’arrêt de la première chambre civile est rendu sous le visa du texte posant la prescription quinquennale des obligations entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants (C.cCom., art. L. 110-4) et sous le visa du texte relatif à la définition des clauses abusives (C. consom., art. L. 132-1 dans sa rédaction antérieure  à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; voir nouvel art. L. 212-1).  

A l’appui de sa décision, la Cour de cassation se fonde sur l’arrêt BNP Paribas Personal Finance du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) par lequel la CJUE considère qu’en vertu du principe d’effectivité, il est contraire à l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/ du 5 avril 1993 sur les clauses abusives de soumettre la demande qui tend à réputer non écrite une clause abusive à un délai de prescription.  

Donc en l’espèce, la Cour de cassation retient que la prescription quinquennale prévue par l’article L110-4 du code de commerce ne s’applique pas à la demande de réputer non écrite une clause abusive. Plus largement, et ainsi que l’avait jugé la Cour de cassation, la demande tendant à réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible. 

L’arrêt se prononce également sur le devoir d’information du banquier : renvoi à la fiche 2) Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996 

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19
–  Cass. com. 8 avril 2021, n°19-17997
Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, 17-23.169 

Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-23.627 

Contrat de prêt – Déséquilibre significatif – Sanction – Clause « réputée non-écrite » – Résolution du contrat (non) 

EXTRAITS : 

« Le moyen, qui soutient que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat sont abusives et réputées non écrites, est incompatible avec la thèse défendue devant la cour d’appel par l’emprunteur, qui soutenait qu’un tel déséquilibre avait pour effet d’entraîner la résolution du contrat ».  

ANALYSE : 

Devant les juges du fond, un emprunteur avait soutenu que le contrat litigieux, en stipulant que « le risque de change sera supporté en totalité par l’emprunteur », était porteur d’un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation (voir nouvel article L. 212-1). Il en déduisait que les juges du fond devaient prononcer la résolution du contrat de prêt.  

Cependant, les juges du fond avaient écarté le déséquilibre significatif au motif que le contrat « prévoyait seulement que l’emprunteur assumerait seul ce risque s’il venait à se réaliser en sa défaveur sans pour autant le priver des bénéfices que lui aurait procurés une évolution favorable de l’aléa cambiaire, laissant ainsi l’une et l’autre des parties exposées de façon équilibrée au risque de change, ce qui privait d’application l’article L. 132-1 du code de la consommation ».  

Le pourvoi critique l’arrêt d’appel en soutenant que les juges du fond auraient du réputer la clause non écrite. 

Il est rejeté au motif que l’argument tiré de la sanction du réputé non écrit est incompatible avec la thèse défendue devant la cour d’appel par l’emprunteur, qui soutenait qu’un tel déséquilibre avait pour effet d’entraîner la résolution du contrat. 

Cass. civ. 1 ère , 9 mars 2022 n° 21-10.487 

EXTRAITS : 

« Ayant relevé que Mme [V] était inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeur d’emploi, que son statut était régi par les dispositions spéciales du code du travail et qu’elle avait conclu un contrat de formation pour acquérir et faire valider des connaissances en naturopathie, en partie financé par Pôle emploi, le tribunal en a exactement déduit qu’au regard de la finalité professionnelle de ce contrat, celle-ci ne pouvait être qualifiée de consommatrice, de sorte qu’elle ne pouvait ni invoquer la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation ni se prévaloir des dispositions sur les clauses abusives de l’article L. 212-1 du même code ». 

ANALYSE : 

Dans cet arrêt, une personne physique demandeur d’emploi conclut un contrat de formation professionnel, financé en partie par pôle emploi, avec un organisme de formation pour acquérir des connaissances en naturopathie. Le demandeur d’emploi ayant résilié le contrat de formation pour motif personnel, l’organisme de formation a agi contre lui en paiement d’un reliquat de la formation.  

La personne physique demandeur d’emploi s’est fondée sur deux articles du code de la consommation, à savoir la prescription biennale telle qu’énoncée à l’article L. 218-2 et la législation sur les clauses abusives prévue à l’article L. 212-1 

Toutefois, elle sera déboutée de ses demandes et formera un pourvoi en cassation, la Cour d’appel estimant qu’elle « ne pouvait être qualifiée de consommatrice car elle avait agi dans un cadre professionnel en souscrivant un contrat de formation professionnelle ». 

A l’appui de son pourvoi, la requérante faisait valoir que le consommateur se définit comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » et que tel est le cas d’un demandeur d’emploi qui souscrit une formation professionnelle.  

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé au visa de l’article liminaire du code de la consommation qui définit le champ d’application du droit de la consommation. Selon cet article, on entend par :  

« – consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. 

– non-professionnel : toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. 

– professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »  

L’arrêt relève que, selon la jurisprudence de Cour de justice de l’Union européenne « seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, fût-elle prévue pour l’avenir, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d’un individu, relèvent du régime de protection du consommateur en tant que partie réputée faible ». Ce faisant, elle s’appuie sur plusieurs décisions de la CJUE qui ont pour point commun de statuer sur l’application des règles de compétence juridictionnelle protectrices du « consommateur » posée par la convention du Bruxelles du 27 deptembre 1968 puis par le règlement Bruxelles I bis. Dans ces décisions la CJUE adopte une interprétation restrictive de la notion de consommateur, laquelle doit s’opérer en se référant à la position de la personne dans le contrat « en rapport avec la nature et la finalité de celui-ci, et non pas à la situation subjective de cette même personne » (CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, Benincasa, pts 16 et 17). 

Dans deux de ces décisions, la CJUE avait eu précisément à statuer sur le cas d’une personne ayant contracté pour une activité professionnelle future. La Cour de justice avait jugé qu’un demandeur qui a conclu un contrat en vue de l’exercice d’une activité professionnelle non actuelle mais future ne peut être considéré comme un consommateur (CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, Benincasa) et que la protection particulière en matière de compétence juridictionnelle «  ne se justifie pas en cas de contrat ayant pour but une activité professionnelle, fût-elle prévue pour l’avenir, étant donné que le caractère futur d’une activité n’enlève rien à sa nature professionnelle » (CJUE, 14 février 2019, C-630/17, point 89). 

Voir également : 

- CJCE, 3 juillet 1997, Benincasa, C-269/95, points 16 et 17 

– CJCE, 20 janvier 2005, Gruber, C-464/01, point 36 

– CJUE, 25 janvier 2018, Schrems, C-498/16 

– CJUE, 14 février 2019, Milivojević, C-630/17, point 89 

Cass. civ. 1ère, 2 février 2022 n° 20-10.036 

Contrat de prêt —TEG — Déséquilibre significatif — Effets de la clause   

EXTRAITS : 

«Pour déclarer abusive la clause du contrat et prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts contractuels, l’arrêt retient qu’en privant l’emprunteur de la capacité́ de calculer le surcout clandestin qu’induit la référence à l’année lombarde, cette clause crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. En se déterminant ainsi, sans apprécier concrètement les effets de la clause litigieuse sur le coût du crédit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. » 

ANALYSE : 

Pour déclarer abusive la clause litigieuse et prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts contractuels, la Cour d’appel de Besançon s’est fondée sur le fait que l’emprunteur se voyait privé de la capacité de calculer le surcout clandestin qu’induit l’année lombarde. Elle a donc considéré que stipulation, dite clause lombarde, créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. 

L’arrêt est cassé car les juges du fond auraient du apprécier concrètement les effets de la clause litigieuse sur le coût du crédit afin de vérifier s’il en résultait bien un déséquilibre significatif. La première chambre civile réitère la solution qu’elle avait déjà énoncé (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 septembre 2020, 19-14.934).Elle confirme donc l’abandon de sa jurisprudence par laquelle elle considérait qu’il n’était pas possible de recourir à l’année lombarde lorsqu’un crédit est proposé à un consommateur (voir en ce sens, Cass. civ.1ère, 19 juin 2013, n° 12-16.651). 

Voir également : 

Cass. civ, 1ère, 9 septembre 2020, pourvoi n° 19-14.93

– Cass. civ.1ère , 19 juin 2013, n° 12-16.651 

 Cass. civ. 1ère, 2 février 2022, n°20-10.036 

Contrat de prêt — Réputé non écrit – Imprescriptibilité

EXTRAITS : 

« L’action qui tendait à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle en application des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation et à la voir en conséquence déclarer réputée non écrite, donc rétroactivement inexistante, ne s’analysait pas en une demande en nullité́ de ladite clause, de sorte que n’étant pas soumise à la prescription quinquennale, elle était imprescriptible. » 

ANALYSE : 

La première chambre civile de la Cour de cassation retient que l’action qui tend à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, est imprescriptible.  

Elle réitère la solution qu’elle avait affirmé le 13 mars 2019 (arrêt du 13 mars 2019, 17-23.169 — Cour de cassation — Première chambre civile), solution qui avait été reprise par la chambre commerciale le 8 avril  2021. Cependant, la Cour de cassation indiquait jusqu’à présent que l’action n’est pas soumise à la prescription quinquennale. Se conformant à la jurisprudence BNP Paribas de la CJUE à laquelle elle se réfère (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, VB et a., C-776/19 à C-782/19,), elle approuve les juges du fond d’avoir jugé que l’action est imprescriptible. 

Voir également : 

Cass. com. 8 avr. 2021, n°19-17.997

– Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, n°17-23.169 

CJUE, 10 juin 2021, C-776/19, BNP Paribas Personal Finance

Cass. civ. 1ère, 2 février 2022, 19-20.640 

Contrat de prêt – Office du juge – Examen d’office – Principe de concentration temporelle  

EXTRAITS : 

« Vu les articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er du code de la consommation, et 910-4 du code de procédure civile ; 

(..) 

Le principe de concentration temporelle des prétentions posé par le troisième de ces textes ne s’oppose pas à l’examen d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. 

En statuant ainsi, sans examiner d’office le caractère abusif des clauses invoquées au regard des éléments de droit et de fait dont elle disposait, la cour d’appel a violé les textes susvisés. ». 

ANALYSE : 

Si la Cour de cassation, par cet arrêt, rappelle l’exigence du relevé d’office du contrôle du caractère abusif de clauses contractuelles présentes dans des contrats entre un professionnel et un consommateur, lesquelles doivent être écartées dès lors que le juge national « dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet » en s’appuyant sur la jurisprudence européenne, (v. CJCE, 4 juin 2009, Pannon, C243/08), elle vient également préciser l’étendue de cet impératif en cas de conflit avec les règles de procédure civile d’appel.  

Parmi ces règles était ici en jeu le principe de concentration temporelle des prétentions posé par l’article 910-4 du code de procédure civile selon lequel “A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures”. 

La cour d’appel avait déclaré irrecevables les prétentions d’une débitrice d’un contrat de prêt visant à obtenir l’annulation de stipulations contractuelles abusives à raison d’un défaut de présentation desdites prétentions dès le premier jeu de conclusions d’appel, conformément aux dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile. 

L’arrêt est cassé au motif que “Le principe de concentration temporelle des prétentions posé par le troisième de ces textes ne s’oppose pas à l’examen d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet”. 

Ainsi la cour d’appel ayant déclaré irrecevables ces prétentions, puisque prises en violation du principe de concentration temporelle, ne satisfait pas à l’obligation faite au juge national d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il « dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ». 

Le principe de concentration temporelle des prétentions prévue à l’article 910-4 du code de procédure civile ne saurait donc paralyser l’exigence du contrôle d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle. 

Cass. civ. 3ème, 19 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.095 

 Clause présumée abusive — Clause de conciliation préalable — Soulevé d’office —  

EXTRAITS : 

« Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code ; 

En se déterminant ainsi, alors que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu’il lui appartenait d’examiner d’office la régularité d’une telle clause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». 

ANALYSE : 

L’arrêt rendu par la troisième chambre civile Cour de cassation à propos d’une clause de conciliation insérée dans un contrat de maîtrise d’œuvre conclu en 2012, rappelle le principe selon lequel « la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire » (Cass. civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-16.197). 

Comme dans l’arrêt de la première chambre civile, la présente solution se fonde sur l’article R. 212-2, 10° du code de la consommation qui, issu de la liste dite grise, prévoit que la clause qui oblige le consommateur à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges est présumée abusive. 

Cependant, le contexte procédural diffère de l’arrêt de la première chambre civile, puisque dans la présente espèce, la cour d’appel avait prononcé une fin de non-recevoir, en application de la clause de conciliation préalable.  

La Cour de cassation, se fondant sur l’article R.632-1 du code de la consommation casse donc l’arrêt de la Cour d’appel car les juges du fond auraient dû soulever d’office le caractère abusif de celle-ci. 

Depuis l’édiction de l’article R. 212-2, 10° du code de la consommation par le décret du 18 mars 2009, le législateur a introduit dans les dispositions relatives à la médiation de consommation l’article L.612-4 selon lequel « Est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge ». Le professionnel ne peut donc plus imposer conventionnellement ce type de clause. Certes, l’article 750-1 du code de procédure civile impose désormais de passer par un mode alternatif de litige puisqu’il énonce que « A peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros … ». Cependant, le texte laisse le choix du mode de résolution amiable : conciliation, médiation ou tentative de de procédure participative. Le mode de résolution ne peut donc être imposé au consommateur. 

Voir également : 

–  Cour de cassation. civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-16.197 

Cass. civ. 1ère, 19 janvier 2022, n°20-14.717 

Contrat d’enseignement privé — Force majeure — Clause de résiliation — Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties — Durée du contrat 

EXTRAITS : 

« La cour d’appel a relevé, d’une part, que les articles 2, alinéa 2, et 4 alinéa 3, des conditions générales du contrat ne permettaient à l’élève de résilier le contrat qu’en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, alors que la société, pouvait y procéder en cas d’incident suscité par l’étudiant, tel que l’absentéisme et un comportement contraire au règlement intérieur et, mais seulement avant le début des cours, en cas d’effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d’organisation majeure, d’autre part, que l’appréciation du motif de résiliation invoqué par l’étudiant était laissé à la discrétion de l’école.  

La cour d’appel en a exactement déduit que les clauses litigieuses, qui soumettaient la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l’élève que pour la société créaient un déséquilibre significatif au détriment de l’étudiant et qu’elles devaient en conséquence être déclarées abusives et réputées non écrites.  

Le moyen n’est donc pas fondé ». 

ANALYSE : 

La première chambre civile de la Cour de cassation retient que dans un contrat d’inscription privé, les clauses ayant pour objet de soumettre la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l’une des parties créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Dès lors, elles doivent être déclarées abusives et réputées non écrites.  

Une clause peut être réputée abusive sur différents fondements. Tout d’abord, il peut s’agir d’une « clause noire » qui est irréfragablement abusive (article R212-1 du Code de la consommation). Ensuite, il peut s’agir d’une « clause grise » qui est présumée abusive sauf preuve contraire (article R212-2 du Code de la consommation). Enfin, l’ancien article L132-1 du Code de la consommation abrogé par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 (applicable au litige) devenu l’article L212-1 du Code de la consommation énonce : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».  

La jurisprudence européenne pose différents critères généraux d’appréciation : « La transparence forme avec la bonne foi, et le déséquilibre, les critères généraux de la clause abusive» (CJUE, 28 juill. 2016, aff. C-191/15, Verein für Konsumenteninformation). Par conséquent, il existe trois critères d’appréciation d’une clause abusive : la bonne foi, l’équilibre et la transparence.  

S’agissant de l’équilibre, la Cour de cassation se fonde parfois, pour le caractériser, sur le défaut de réciprocité entre les droits du professionnel et les obligations du consommateur. C’est le cas en l’espèce puisque l’école pouvait résilier le contrat « en cas d’incident suscité par l’étudiant, tel que l’absentéisme et un comportement contraire au règlement intérieur et, mais seulement avant le début des cours, en cas d’effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d’organisation majeure » alors que l’élève ne pouvait résilier le contrat qu’en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves. 

La Cour de cassation avait eu l’occasion de juger que la stipulation imposant au client d’un établissement d’enseignement le paiement de l’intégralité des frais de scolarité en cas de rupture anticipée du contrat est abusive en ce qu’elle prive de la possibilité de résilier un contrat « pour motif légitime et impérieux », qu’il revient au juge et non au professionnel d’apprécier (Civ. 1re, 12 oct. 2016, no 15-25.468 – Civ. 1re, 13 déc. 2012, no 11-27/766). 

La Cour d’appel de Toulouse avait également jugé que « L’appréciation par le seul établissement d’enseignement de l’opportunité d’indemniser, partiellement seulement, les frais de scolarité réglés par l’étudiant en cas de force majeure crée une condition purement potestative en faveur dudit établissement d’enseignement » (Cour d’appel, Toulouse, 1re chambre, 1re section, 1 Mars 2021 – n° 18/01919).  

Voir également : 

– Cour d’appel, Toulouse, 1re chambre, 1re section, 1 Mars 2021 – n° 18/01919 

– Cass. civ. 1re, 12 oct. 2016, no 15-25.468  

– Cass. civ. 1re, 13 déc. 2012, no 11-27.766