CJUE, 7 novembre 2024, ERB New Europe Funding II, C-178/23 

Devoirs et obligations du juge national – Première voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction du siège du professionnel sans l’assistance d’un avocat et sans participation de ce consommateur aux débats – Seconde voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction de son domicile avec l’assistance d’un avocat 

EXTRAIT : 

« L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière de son vingt-quatrième considérant, du principe d’effectivité et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que :  

II il n’impose pas à une juridiction nationale d’examiner le caractère éventuellement abusif des clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, lorsque ces clauses ont déjà été examinées par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée, y compris si, devant cette première juridiction, le consommateur n’a pas été assisté d’un avocat, n’a pas participé aux débats et n’a pas fait usage d’une voie de recours qui lui était ouverte, pour autant que cette décision a été dûment signifiée au consommateur avec l’indication des voies de recours dont il disposait et qu’il n’existe pas d’autres raisons particulières liées au déroulement de cette procédure, telles que l’absence de motivation de ladite décision, qui auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer utilement ses droits procéduraux. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) était saisie sur le point de savoir si une juridiction nationale peut examiner le caractère potentiellement abusif des clauses contenues dans un contrat de consommation lorsque le caractère abusif de ces clauses a déjà fait l’objet d’un contrôle juridictionnel en première instance par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, et alors que la demande a été formée par un consommateur n’ayant pas participé aux débats et n’ayant pas été assisté d’un avocat..  

La Cour rappelle que les États doivent prévoir des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les clauses abusives dans les contrats de consommation compte tenu du principe d’intérêt public qu’est la protection des consommateur (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21). 

Elle rappelle également qu’en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, la procédure d’examen des clauses éventuellement abusives relève de l’ordre juridique interne tant que ces procédures respectent les principes d’équivalence et d’effectivité. La CJUE rappelle l’importance du principe de l’autorité de la chose jugée tant au niveau de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

Elle estime que les décisions juridictionnelles devenues effectives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus ne peuvent pas être remises en cause dans l’objectif d’une bonne administration de la justice (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

La CJUE rappelle enfin qu’en vertu du droit de l’UE, le juge national n’est pas dans l’obligation d’écarter l’application des règles de procédures internes concernant l’autorité de la chose jugée même si cela règlerait une situation nationale incompatible avec le droit de l’UE (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

Le respect des exigences découlant des principes d’équivalence et d’effectivité doit être analysé en prenant en compte toute la procédure notamment son déroulement et les particularités des règles devant l’instance nationale (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

La CJUE rappelle que le juge national doit examiner d’office le caractère éventuellement abusif de la clause. Cette obligation pour le juge est justifiée par la protection accordé au consommateur par le droit de l’Union. La Cour ajoute que les décisions qui, bien que disposant de l’autorité de la chose jugée, n’ont pas fait l’objet d’un contrôle concernant le caractère potentiellement abusif d’une clause ne permettent pas de garantir un contrôle efficace au sens de la directive 93/13 (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19). 

La CJUE ajoute que si la juridiction de renvoi constate qu’un contrôle du caractère éventuellement abusif des clauses a été opéré par le juge de première instance, qu’aucune clause abusive n’a été révélée au terme de ce contrôle, que ce contrôle fait l’objet d’une motivation et enfin que le consommateur a été informé de ses droits concernant l’appel de cette décision, la protection du consommateur est assurée (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19). 

La CJUE déclare que l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13 n’impose pas à une juridiction nationale d’opérer un examen du caractère abusif des clauses dans un contrat de consommation lorsque les clauses ont déjà fait l’objet d’un contrôle par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée. C’est notamment le cas même si le consommateur n’a pas participé au débat, n’était pas assisté par un avocat et n’a pas utilisé une voie de recours encore ouverte. La Cour ajoute que la juridiction est exempté d’exercer ce contrôle si deux conditions sont remplies : si la décision a été signifié au consommateur et qu’elle était accompagné de l’information sur les voies de recours possible et si aucunes raisons particulières liées au déroulement de la procédure auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer ses droits procéduraux.

CJUE, 24 octobre 2024, aff. C-347/23 – Zabitón  

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Notion de consommateur – Contrat de crédit hypothécaire – Activité non professionnelle – Investissement locatif 

  

  

EXTRAIT   

« L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE […] doit être interprété en ce sens qu’une personne physique qui conclut un contrat de crédit hypothécaire afin de financer l’achat d’un seul bien immobilier résidentiel pour le mettre en location à titre onéreux relève de la notion de « consommateur » […] lorsque cette personne agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. Le seul fait […] qu’elle cherche à tirer des revenus de la gestion de ce bien immobilier ne saurait […] conduire à l’exclure de la notion de consommateur. » 

  

ANALYSE   

  

Dans l’affaire C-347/23, des particuliers avaient souscrit un contrat de crédit hypothécaire pour financer l’acquisition d’un bien immobilier destiné à être loué à titre onéreux. Les emprunteurs ont considéré qu’une des clauses de ce contrat était abusive. La clause en question impliquait une limitation des droits du consommateur au motif qu’il exerce une activité occasionnelle de mise en location. 

La question posée était de savoir si un tel emprunteur pouvait être qualifié de « consommateur », même si l’opération génère des revenus. 

 

La CJUE a examiné cette clause relevant de la  sur les clauses abusives, et plus particulièrement l’article 2, sous b).  

Les juges ont décidé que « le seul fait que ladite personne physique cherche à tirer des revenus de la gestion de ce bien immobilier ne saurait, en soi, conduire à exclure la même personne de la notion de « consommateur ».  

En effet, elle a observé que les emprunteurs « n’exerçaient aucune activité commerciale à titre professionnel dans le domaine de la gestion immobilière ». et qu’ils avaient conclu le contrat de crédit hypothécaire afin de financer l’acquisition d’un seul bien immobilier résidentiel ». Elle a également relevé que le bien était destiné à être loué à titre onéreux, et que les revenus locatifs avaient servi principalement à payer les mensualités du prêt.  

Elle en déduit que le prêt ne poursuivait pas, pour les emprunteurs, une finalité professionnelle, mais « visait à consolider leur patrimoine privé, l’acquisition du bien immobilier résidentiel financé par ce crédit constituant pour eux une forme d’investissement ». 

 

La CJUE confirme sa position antérieure (C-570/21, 8 juin 2023) sur la nécessité d’une interprétation large de la notion de consommateur afin de ne pas empêcher qu’une protection puisse être accordée aux personnes physiques en situation d’infériorité à l’égard d’un professionnel. 

 

La Cour a insisté sur le déséquilibre d’information et de négociation entre les parties, ce qui est essentiel à la qualification de clause abusive. 

 

 

   

Voir également :  

  

-Site de la CCA : CJUE, 8 juin 2023, aff. C-570/21 – I.S and KS c. YYY

CJUE, 25 juillet 2024, aff. C-810/21– Caixabank SA

 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrats de prêt hypothécaire – Délai de prescription – Principe d’effectivité.  

  

EXTRAIT  

L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité,  

doivent être interprétés en ce sens que :  

ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’une clause contractuelle abusive mettant à la charge du consommateur les frais de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’action en restitution de tels frais est soumise à un délai de prescription de dix ans qui commence à courir à partir du moment où cette clause épuise ses effets avec la réalisation du dernier paiement desdits frais, sans qu’il soit considéré comme pertinent à cet égard que ce consommateur ait connaissance de l’appréciation juridique de ces faits. La compatibilité des modalités d’application d’un délai de prescription avec ces dispositions doit être appréciée en tenant compte de ces modalités dans leur ensemble.  

 

ANALYSE  

Dans un contrat de prêt hypothécaire entre une banque et des consommateurs, la clause imposant à ces derniers le paiement des frais de notaire, d’enregistrement et de gestion a été jugée abusive par les consommateurs, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13. 

Une des questions préjudicielles posées à la CJUE par les juridictions espagnoles est de déterminer si une jurisprudence nationale bien établie sur les clauses abusives peut suffire à prouver que le consommateur avait une connaissance suffisante de ses droits, même si la clause elle-même n’était pas suffisamment transparente (CJUE, 25 juillet 2024, aff. C-810/21 –– Caixabank SA )

L’autre question concerne le point de savoir si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’une clause contractuelle abusive mettant à la charge du consommateur les frais de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’action en restitution de tels frais est soumise à un délai de prescription de dix ans qui commence à courir à partir du moment où cette clause épuise ses effets avec la réalisation du dernier paiement desdits frais, sans qu’il soit pertinent à cet égard que ce consommateur ait connaissance de l’appréciation juridique des éléments constitutifs du caractère abusif de ladite clause, et, dans l’affirmative, si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que cette connaissance doit être acquise avant que le délai de prescription ne commence à courir ou avant qu’il n’expire.  

La CJUE analyse la conformité d’un délai de prescription de 10 ans avec la directive 93/13/CEE. Elle considère qu’un tel délai peut être acceptable, mais uniquement si le consommateur a eu la possibilité de prendre connaissance des droits que lui confère la directive avant le début de ce délai. Le consommateur doit avoir été informé de la nullité de la clause abusive et de ses droits à restitution avant que le délai ne commence à courir. 

Elle observe que l’interprétation jurisprudentielle des règles nationales de procédure applicables dans les affaires qui lui sont soumises prévoient que le délai de prescription de l’action du consommateur en restitution des paiements indus des frais relatifs à des contrats de prêt hypothécaire, d’une durée de dix ans, ne peut pas commencer à courir avant que le consommateur ne prenne connaissance des faits constitutifs du caractère abusif de la clause contractuelle en exécution de laquelle ces paiements ont été effectués. Cependant, cette jurisprudence n’exige pas que le consommateur ait connaissance non seulement de tels faits, mais également de l’appréciation juridique de ceux-ci. 

 

Elle en déduit que cette interprétation n’est pas conforme à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité. 

 

CJUE, 25 juillet 2024, aff. C-810/21 –– Caixabank SA 

  

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrats de prêt hypothécaire – Délai de prescription – Principe d’effectivité.  

  

EXTRAIT  

« La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que : elle s’oppose à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, pour déterminer le point de départ du délai de prescription de l’action du consommateur en restitution des sommes payées indument en exécution d’une clause contractuelle abusive, l’existence d’une jurisprudence nationale bien établie relative à la nullité de clauses similaires peut être considérée comme établissant qu’est remplie la condition relative à la connaissance, par le consommateur concerné, du caractère abusif de ladite clause et des conséquences juridiques qui en découlent. » 

 

ANALYSE  

Dans un contrat de prêt hypothécaire entre une banque et des consommateurs, la clause imposant à ces derniers le paiement des frais de notaire, d’enregistrement et de gestion a été jugée abusive  conformément à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13. 

Une des questions préjudicielles posée à la CJUE par les juridictions espagnoles porte sur lep oint de départ du délai de prescription de l’action du consommateur en restitution des sommes payées indument en exécution de cette clause abusive. La question est de savoir si l’existence d’une jurisprudence nationale bien établie relative à la nullité de clauses similaires peut être considérée comme établissant qu’est remplie la condition relative à la connaissance, par le consommateur concerné, du caractère abusif de ladite clause et des conséquences juridiques qui en découlent. 

 

La CJUE opère une distinction entre le professionnel, dont on peut attendre, à raison de son niveau d’information, qu’il soit informé d’une jurisprudence nationale bien établie, sur le caractère abusif d’une clause voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, CAJASUR Banco, C35/22, EU:C:2023:569, point 32) et le consommateur, dont il ne saurait être présumé que le niveau d’information intègre la connaissance de la jurisprudence fût-elle bien établie. 

 

Aussi en déduit-elle que l’existence d’une jurisprudence nationale bien établie relative à la nullité de clauses similaires ne peut être considérée comme établissant qu’est remplie la condition relative à la connaissance, par le consommateur concerné, du caractère abusif de ladite clause et des conséquences juridiques qui en découlent. 

CJUE, 4 juillet 2024, aff. C-450/22 –– Caixabank e.a 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrats de prêt hypothécaireNotion de “consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé” Clauses dites “plancher”  

  

EXTRAIT  

« L’article 4, paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 3, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : ils permettent à une juridiction nationale, saisie d’une action collective dirigée contre de nombreux professionnels du même secteur économique et visant un nombre très élevé de contrats, de procéder au contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle en se fondant sur la perception du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, lorsque ces contrats s’adressent à des catégories spécifiques de consommateurs et que cette clause a été utilisée pendant une très longue période. Toutefois, si, pendant cette période, la perception globale du consommateur moyen concernant ladite clause a été modifiée en raison de l’intervention d’un événement objectif ou d’un fait notoire, la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le juge national procède à ce contrôle en tenant compte de l’évolution de la perception de ce consommateur, la perception pertinente étant celle existante au moment de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire. »  

  

ANALYSE   

  

Dans cette affaire, la CJUE est confrontée à la difficulté de définir le « consommateur moyen » dans le cadre d’une action collective portant sur l’examen de la transparence de clauses contractuelles qui figurent, en l’espèce, dans les contrats liés à des prêts hypothécaires. 

 

Bien que les contrats visent des groupes spécifiques de consommateurs, la Cour rappelle que l’analyse doit se baser sur la perception de ce consommateur abstrait, « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » ( la CJUE cite les arrêts Gómez del Moral Guasch (C-125/18) et Andriciuc (C-186/16) ). Cette conception permet de standardiser l’examen de la transparence des clauses, malgré l’hétérogénéité des profils de consommateurs.  

 

Néanmoins, la Cour souligne que la directive 93/13/CEE ne s’oppose pas à ce que la perception de ce consommateur puisse varier au fil du temps, influencée par des événements objectifs ou notoires, comme un changement législatif ou des bouleversements économiques largement connus. Par exemple, la baisse des taux d’intérêt dans les années 2000 a pu faire prendre conscience aux consommateurs des effets économiques des clauses plancher.  

Cette évolution de perception doit toutefois être fondée sur des éléments concrets, et le simple écoulement du temps ne suffit pas pour présumer une modification de la compréhension du consommateur moyen. 

CJUE, 4 juillet 2024, aff. C-450/22 –– Caixabank e.a 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Transparence des clauses contractuelles – Action collective – Contrôle judiciaire – Clauses similaires 

  

EXTRAIT  

« Les articles 4, paragraphe 1, et 7, paragraphe 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil […] doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une juridiction nationale de procéder au contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle dans le cadre d’une action collective dirigée contre de nombreux professionnels du même secteur économique et visant un nombre très élevé de contrats, pour autant que ces contrats contiennent la même clause ou des clauses similaires. »  

  

ANALYSE   

  

La CJUE juge dans cet arrêt que le contrôle de la transparence des clauses contractuelles s’applique également dans le cadre d’une action collective, à condition que les contrats comportent des clauses similaires. Le consommateur doit pouvoir comprendre clairement ses droits et obligations, et les juridictions doivent vérifier la transparence des clauses pour protéger ce dernier. 

 

La CJUE réitère, comme dans l’arrêt Kásler (C-26/13), que la transparence ne concerne pas seulement la compréhension grammaticale, mais aussi les conséquences économiques pour le consommateur. Elle confirme également le contrôle d’office des clauses abusives, comme dans l’arrêt Banco Español de Crédito (C-618/10). 

 

La CJUE ajoute que le contrôle de transparence peut être réalisé même dans le cadre d’une action collective impliquant de nombreux professionnels, à condition que les clauses soient similaires (point 58). 

 

En droit français, les dispositions de l’article 7 de la directive 93/13/CEE ont été transposées à l’article L. 621-2 du Code de la consommation 

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23,UG v/ SC Raiffeisen Bank SA 

  

Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs –  Avenant au contrat de crédit notifié par le professionnel au consommateur en vue d’une mise en conformité avec la réglementation nationale – Clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle – Jurisprudence nationale excluant le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause contractuelle  

  

EXTRAIT   

«L’article 3 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle les modifications apportées par un professionnel aux clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, qui laisse une marge d’appréciation au professionnel, ne peuvent faire l’objet d’un examen de leur éventuel caractère abusif, même si ces clauses n’ont pas été négociées avec le consommateur.»  

  

ANALYSE   

  

Dans cet arrêt, la Cour était saisie de deux questions préjudicielles. La première portait sur lepoint de savoir l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’appréciation du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation conclu entre un consommateur et un professionnel dans des circonstances où des modifications ont été apportées par ce professionnel à ces clauses afin d’assurer la conformité de ce contrat de crédit à une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d’intérêt en vertu de laquelle ce taux doit être remplacé par un taux d’intérêt déterminé sur la base de l’un des indices de référence prévus par cette réglementation et augmenté d’une marge fixe établie par ce professionnel pour toute la durée du contrat. 

 

La Cour était saisie d’une seconde question, portant sur le point de savoir si l’article 3 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle les modifications apportées par un professionnel aux clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, qui laisse une marge d’appréciation au professionnel, ne peuvent faire l’objet d’un examen de leur éventuel caractère abusif, même si ces clauses n’ont pas été négociées avec le consommateur. 

La Cour  rappelle que, même si le consommateur signe un contrat stipulant qu’il accepte les clauses rédigées par le professionnel, cela ne signifie pas qu’il y a eu une négociation individuelle. En effet, la simple signature ne renverse pas la présomption selon laquelle ces clauses n’ont pas été négociées. 

 

La Cour rappelle qu’une modification apportée à une clause relative aux taux d’intérêts qui s’inscrit dans la politique générale de renégociation des contrats de prêt hypothécaire adossés à un taux variable en vue de rendre cette clause conforme à une décision d’une cour suprême, pourrait constituer un indice de ce que le consommateur n’a pas pu exercer une influence sur le contenu de ladite clause. En outre, la circonstance que le consommateur a fait précéder sa signature d’une mention manuscrite indiquant qu’il avait compris le mécanisme de la même clause ne suffit pas pour établir que celle-ci a fait l’objet d’une négociation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C452/18, EU:C:2020:536, points 36 et 38). 

 

La Cour conclut que le caractère abusif d’une clause contractuelle ne peut pas être écarté simplement parce que le professionnel a apporté des modifications pour se conformer à une loi nationale, dans la mesure où cette mise en conformité laisse une marge d’appréciation au professionnel. 

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Voir également :  

CJUE, 9 juill. 2020- C-452/18

 

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23, Raiffeisen Bank SA 

  

Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Exclusion des clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Jurisprudence nationale excluant le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause contractuelle contenue dans un tel avenant  

  

EXTRAIT   

«L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’appréciation du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation conclu entre un consommateur et un professionnel dans des circonstances où des modifications ont été apportées par ce professionnel à ces clauses afin d’assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d’intérêt, si cette réglementation ne fait qu’établir un cadre général en vue de la fixation du taux d’intérêt dudit contrat, tout en laissant audit professionnel une marge d’appréciation en ce qui concerne tant le choix de l’indice de référence de ce taux que l’importance de la marge fixe pouvant être ajoutée à ce dernier.»  

  

ANALYSE   

  

La Cour de justice de l’Union européenne était invitée à se demander si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’appréciation du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation conclu entre un consommateur et un professionnel dans des circonstances où des modifications ont été apportées par ce professionnel à ces clauses afin d’assurer la conformité de ce contrat de crédit à une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d’intérêt en vertu de laquelle ce taux doit être remplacé par un taux d’intérêt déterminé sur la base de l’un des indices de référence prévus par cette réglementation et augmenté d’une marge fixe établie par ce professionnel pour toute la durée du contrat. 

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives exclut du champ d’application de celle-ci les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives.  

La CJUE rappelle que pour qu’une clause contractuelle « reflète » une disposition législative ou réglementaire impérative, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, cette clause doit reproduire le contenu normatif d’une disposition impérative applicable au contrat en cause, de sorte qu’elle puisse être considérée comme exprimant, de façon concrète, la même norme juridique que celle visée à cette disposition impérative (arrêt du 6 juillet 2023, First Bank, C593/22, EU:C:2023:555, point 25). 

La CJUE rappelle également que dans son arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C125/18, EU:C:2020:138, points 33 à 37), la Cour a dit pour droit que l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne s’appliquait pas à une clause contractuelle qui prévoyait que le taux d’intérêt applicable au prêt était fondé sur l’un des indices de référence officiels prévus par la réglementation nationale, lorsque cette réglementation ne prévoyait pas l’application impérative de cet indice, mais laissait à la banque la possibilité de définir le taux d’intérêt variable d’une autre manière. 

Elle observe que si la réglementation nationale en cause prévoyait que le taux d’intérêt des contrats de crédits devait être remplacé par un taux d’intérêt déterminé sur la base d’un indice de référence et d’une marge fixe, applicable pour toute la durée du contrat, il ressort néanmoins que les banques disposaient d’une marge d’appréciation en ce qui concerne tant le choix de l’indice de référence que l’importance de cette marge fixe. 

 

Elle en déduit que l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne s’applique pas dans une situation où des modifications ont été apportées par un professionnel à des clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, adoptée après la conclusion de celui-ci, si cette réglementation ne fait qu’établir un cadre général en vue de la fixation du taux d’intérêt de ce contrat de crédit, tout en laissant à ce professionnel une marge d’appréciation en ce qui concerne tant le choix de l’indice de référence de ce taux que l’importance de la marge fixe pouvant être ajoutée audit taux. 

Par conséquent la directive n’empêche pas l’examen d’un potentiel caractère abusif de clauses dans un contrat de crédit à la consommation, même si ces clauses se conforment à une réglementation nationale, dès lors que cette réglementation se contente d’établir un cadre général pour déterminer le taux d’intérêt, mais laisse au professionnel une marge de manoeuvre concernant le choix de l’indice de référence. 

L’exclusion de la directive ne s’applique que si la clause reproduit strictement une disposition législative impérative sans laisser de marge d’appréciation au professionnel. 

Voir également :  

CJUE 6 juillet 2023, First Bank, aff. C- 593/22 

 

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23,UG v/ SC Raiffeisen Bank SA 

 

CJUE, 25 avril 2024,aff. C-561/21–– GP,BG contre Banco Santander SA

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à charge du consommateur – Décision judiciaire définitive constatant le caractère abusif de cette clause et annulant celle-ci – Action en restitution des sommes acquittées au titre de la clause abusive – Point de départ du délai de prescription de l’action en restitution » 

  

EXTRAIT  

 

« (…) l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que le principe de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le délai de prescription d’une action en restitution de frais qui ont été acquittés par le consommateur au titre d’une clause contractuelle dont le caractère abusif a été constaté par une décision judiciaire définitive rendue postérieurement au paiement de ces frais commence à courir à la date à laquelle cette décision est devenue définitive»  

ANALYSE   

 

La Cour de Justice de l’Union Européenne était saisie d’une première question concernant la compatibilité du principe de sécurité juridique avec un délai de prescription qui commence à courir à la date de la décision judiciaire définitive constatant le caractère abusif d’une clause contractuelle dans le cadre d’une action en restitution des frais acquittés par le consommateur au regard de  l’article 6 paragraphe 1  , et de l’article 7, paragraphe 1 de la [directive 93/13  

 

En l’espèce, des consommateurs avaient souscrit, le 29 juin 1999, un prêt hypothécaire auprès de la Banco Santander, comportant une clause leur imposant la prise en charge de l’intégralité des frais liés au contrat. En 2017, ils sollicitent l’annulation de cette clause et le remboursement des sommes versées. La banque fait appel, et la cour d’appel accueille partiellement sa demande, estimant que le délai de prescription avait commencé à courir dès la conclusion du contrat en 1999. Les consommateurs se pourvoient en cassation devant l’Audiencia Provincial de Barcelone, soutenant que le point de départ du délai de prescription ne devrait pas être fixé à la date de conclusion du contrat. 

La Cour rappelle d’abord qu’en l’absence de réglementation spécifique de l’Union européenne, les États membres disposent d’une certaine liberté pour définir les modalités procédurales, à condition de respecter les principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt Profit Crédit Slovzkia, C-485/19)   Elle précise que les délais de prescription doivent être suffisamment flexibles pour permettre aux consommateurs d’exercer leurs droits, sans que leur application ne rende cet exercice excessivement difficile. (arrêt BNP Paribas Personal Finance)   

La jurisprudence antérieure indique que des délais de prescription de trois à quinze ans peuvent être considérés comme compatibles avec le principe d’effectivité, à condition qu’ils soient préalablement connus des parties et suffisants pour permettre au consommateur concerné de préparer et de former un recours effectif. 

De plus, la Cour souligne qu’un consommateur doit être informé du caractère abusif d’une clause pour que le délai de prescription soit applicable, tenant compte de la situation d’infériorité du consommateur par rapport au professionnel. (arrêt Caixabank c-224/19 ) 

Enfin, la Cour conclut que la charge de la preuve incombe au professionnel, qui doit démontrer que le consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de la clause abusive avant la décision judiciaire. Ainsi, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive ne s’opposent pas à l’application d’un délai de prescription .