CJUE, 7 novembre 2024, ERB New Europe Funding II, C-178/23
Devoirs et obligations du juge national – Première voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction du siège du professionnel sans l’assistance d’un avocat et sans participation de ce consommateur aux débats – Seconde voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction de son domicile avec l’assistance d’un avocat
EXTRAIT :
« L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière de son vingt-quatrième considérant, du principe d’effectivité et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que :
II il n’impose pas à une juridiction nationale d’examiner le caractère éventuellement abusif des clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, lorsque ces clauses ont déjà été examinées par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée, y compris si, devant cette première juridiction, le consommateur n’a pas été assisté d’un avocat, n’a pas participé aux débats et n’a pas fait usage d’une voie de recours qui lui était ouverte, pour autant que cette décision a été dûment signifiée au consommateur avec l’indication des voies de recours dont il disposait et qu’il n’existe pas d’autres raisons particulières liées au déroulement de cette procédure, telles que l’absence de motivation de ladite décision, qui auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer utilement ses droits procéduraux. »
ANALYSE :
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) était saisie sur le point de savoir si une juridiction nationale peut examiner le caractère potentiellement abusif des clauses contenues dans un contrat de consommation lorsque le caractère abusif de ces clauses a déjà fait l’objet d’un contrôle juridictionnel en première instance par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, et alors que la demande a été formée par un consommateur n’ayant pas participé aux débats et n’ayant pas été assisté d’un avocat..
La Cour rappelle que les États doivent prévoir des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les clauses abusives dans les contrats de consommation compte tenu du principe d’intérêt public qu’est la protection des consommateur (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).
Elle rappelle également qu’en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, la procédure d’examen des clauses éventuellement abusives relève de l’ordre juridique interne tant que ces procédures respectent les principes d’équivalence et d’effectivité. La CJUE rappelle l’importance du principe de l’autorité de la chose jugée tant au niveau de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).
Elle estime que les décisions juridictionnelles devenues effectives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus ne peuvent pas être remises en cause dans l’objectif d’une bonne administration de la justice (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).
La CJUE rappelle enfin qu’en vertu du droit de l’UE, le juge national n’est pas dans l’obligation d’écarter l’application des règles de procédures internes concernant l’autorité de la chose jugée même si cela règlerait une situation nationale incompatible avec le droit de l’UE (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).
Le respect des exigences découlant des principes d’équivalence et d’effectivité doit être analysé en prenant en compte toute la procédure notamment son déroulement et les particularités des règles devant l’instance nationale (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).
La CJUE rappelle que le juge national doit examiner d’office le caractère éventuellement abusif de la clause. Cette obligation pour le juge est justifiée par la protection accordé au consommateur par le droit de l’Union. La Cour ajoute que les décisions qui, bien que disposant de l’autorité de la chose jugée, n’ont pas fait l’objet d’un contrôle concernant le caractère potentiellement abusif d’une clause ne permettent pas de garantir un contrôle efficace au sens de la directive 93/13 (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19).
La CJUE ajoute que si la juridiction de renvoi constate qu’un contrôle du caractère éventuellement abusif des clauses a été opéré par le juge de première instance, qu’aucune clause abusive n’a été révélée au terme de ce contrôle, que ce contrôle fait l’objet d’une motivation et enfin que le consommateur a été informé de ses droits concernant l’appel de cette décision, la protection du consommateur est assurée (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19).
La CJUE déclare que l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13 n’impose pas à une juridiction nationale d’opérer un examen du caractère abusif des clauses dans un contrat de consommation lorsque les clauses ont déjà fait l’objet d’un contrôle par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée. C’est notamment le cas même si le consommateur n’a pas participé au débat, n’était pas assisté par un avocat et n’a pas utilisé une voie de recours encore ouverte. La Cour ajoute que la juridiction est exempté d’exercer ce contrôle si deux conditions sont remplies : si la décision a été signifié au consommateur et qu’elle était accompagné de l’information sur les voies de recours possible et si aucunes raisons particulières liées au déroulement de la procédure auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer ses droits procéduraux.