CJUE, 27 janvier 2021C-229/19 – Dexia Nederland 

Directive 93/13  appréciation du déséquilibre significatif – circonstances postérieures – contrat de leasing  

 EXTRAIT 

 « Les dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétées en ce sens qu’une clause figurant dans un contrat aléatoire conclu entre un professionnel et un consommateur, tel que des contrats de leasing d’actions, doit être considérée comme abusive dès lors que, eu égard aux circonstances entourant la conclusion du contrat concerné et en se plaçant à la date de sa conclusion, cette clause est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au cours de l’exécution de ce contrat, et ce alors même que ce déséquilibre ne pourrait se produire que si certaines circonstances se réalisaient ou que, dans d’autres circonstances, ladite clause pourrait même bénéficier au consommateur.  

 Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une clause fixant par avance l’avantage dont le professionnel bénéficie en cas de résiliation anticipée du contrat, eu égard aux circonstances entourant la conclusion de ce contrat, était, dès la conclusion dudit contrat, susceptible de créer un tel déséquilibre. » 

 ANALYSE 

 La CJUE rappelle qu’il découle de l’article 4, paragraphe 1 de la directive 93/13 que l’appréciation du caractère abusif d’une clause, qui peut prendre en considération toutes les autres clauses du contrat concerné (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2020, A (Sous-location d’un logement social), C-738/19, EU:C:2020:687, point 25), doit se faire par référence à la date de la conclusion du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 48 ). En effet, il est constant que les circonstances visées à cette disposition « sont celles dont le professionnel pouvait avoir connaissance à la date de la conclusion du contrat concerné et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure de celui-ci, une clause contractuelle pouvant être porteuse d’un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat qui ne se manifeste qu’en cours d’exécution de ce contrat » (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, point 54, du 5 juin 2019, GT, C-38/17, EU:C:2019:461, point 40, ainsi que du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 48). Pour autant, l’appréciation ne peut « dépendre de la survenance d’évènements postérieurs à la conclusion du contrat, [lesquels] sont indépendants de la volonté des parties » (point 54).  

 La CJUE avance alors deux justifications qui réfutent la possibilité de prendre en considération les éléments postérieurs. D’une part, la clause pourrait échapper à la qualification de clause abusive dans certaines circonstancesEn effet, « les professionnels pourraient spéculer sur [l]exécution et [l’]évolution [futures] ainsi qu’inclure une clause potentiellement abusive » dans leurs contrats. D’autre part, le juge national pourrait se borner à écarter l’application de la clause litigieuse uniquement pour [les évènements postérieurs à la conclusion du contrat] où la clause en question doit être qualifiée d’abusive ». 

CJUE, 27 janvier 2021C-229/19 – Dexia Nederland

Directive 93/13 – contrat de leasing – pouvoirs du juge – substitution par une disposition du droit national à caractère supplétif 

 EXTRAIT 

 « Les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’un professionnel, qui, en tant que vendeur, a imposé à un consommateur une clause déclarée abusive, et, par conséquent, nulle, par le juge national, lorsque le contrat peut subsister sans cette clause, ne peut prétendre à l’indemnité légale prévue par une disposition du droit national à caractère supplétif qui aurait été applicable en l’absence de ladite clause. » 

 ANALYSE 

 La CJUE rappelle que, si le juge national est tenu d’écarter d’office les clauses abusives pour qu’elles ne lient pas le consommateur, « le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où […] une telle persistance du contrat est juridiquement possible » (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2019, GT, C-38/17, EU:C:2019:461, point 42 et jurisprudence citée) (point 62). Par conséquent, le juge « ne saurait compléter le contrat en révisant le contenu de cette clause » (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 59 et jurisprudence citée) (point 63). Le cas contraire aboutirait « à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de ces clauses ». En effet, les professionnels maintiendraient de telles clauses dans leurs contrats, tout en sachant que, si elles devaient être invalidées par le juge national, le contrat pourrait être complété (arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C-618/10, EU:C:2012:349, point 69 ; du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, point 79 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 54, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 60). 

La CJUE rappelle que selon la jurisprudence précitée, l’exception à l’interdiction pour le juge de réviser la clause concerne le cas où l’annulation du contrat exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables,  

C’est ainsi que, suivant ce raisonnement, la Cour conclut que pour un contrat de leasing qui peut subsister sans la clause abusive (point 65), le juge national « n’a pas le pouvoir de substituer à la clause abusive une disposition du droit national à caractère supplétif. »

CJUE, 25 novembre 2020-C-269-19-Banca B

Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 6 § 1 – Conséquences de la constatation du caractère abusif d’une clause – Substitution de la clause abusive – Modalité de calcul du taux d’intérêt variable – Renvoi des parties aux négociations  Clause relative au taux d’intérêt variable  Pouvoir du juge national

 EXTRAIT : 

« L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13doit être interprété en ce sens que, à la suite de la constatation du caractère abusif des clauses définissant le mécanisme de fixation du taux d’intérêt variable dans un contrat de prêt (…) et lorsque ce contrat ne peut subsister après la suppression des clauses abusives concernées, que l’annulation dudit contrat aurait des conséquences particulièrement préjudiciables pour le consommateur et qu’il n’existe aucune disposition de droit national à caractère supplétif, le juge national doit prendre (…) toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation dudit contrat pourrait provoquer (…)Rien ne s’oppose notamment à ce que le juge national invite les parties à négocier en vue de fixer les modalités de calcul du taux d’intérêt, pourvu qu’il fixe le cadre de ces négociations et que celles-ci visent à établir entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel tenant notamment compte de l’objectif de protection du consommateur sous-tendant la directive 93/13. ». 

ANALYSE : 

La CJUE juge que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens, quele juge national doit prendre, en tenant compte de l’ensemble de son droit interne, toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation d’un contrat de prêt pourrait provoquer, lorsque plusieurs conditions sont réunies : 

– le caractère abusif des clauses définissant le mécanisme de fixation du taux d’intérêt variable dans un contrat de prêt, doit être constaté ;

– ce contrat ne doit pas pouvoir subsister après la suppression des clauses abusives concernées ;

– l’annulation dudit contrat doit avoir des conséquences particulièrement préjudiciables pour le consommateur ;

– et il ne doit exister aucune disposition de droit national à caractère supplétif que le juge pourrait substituer à la clause abusive.

Le juge national peut ainsi inviter les parties à fixer un nouveau taux d’intérêt, dans une perspective qui vise à établir entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel, pour éviter l’annulation du prêt. 

La solution rendue dans cet arrêt rejoint celles rendues dans l’arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, (C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 58), et du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, (C‑125/18, EU:C:2020:138, point 27) en ce qu’elles conviennent que l’annulation d’un contrat de prêt, qui rend immédiatement exigible le montant du prêt restant dû, tendrait à pénaliser financièrement le consommateur plutôt que le prêteur qui ne serait pas dissuadé d’insérer des clauses abusives dans les contrats qu’il propose (point 34). 

CJUE, 18 novembre 2020,  C-519/19, DelayFix  

Contrat de transport aérien – Clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle – Clause attributive de juridiction – Clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice du consommateur 

EXTRAITS : 

 « […] Une telle clause, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat conclu entre un consommateur, à savoir le passager aérien, et un professionnel, à savoir ladite compagnie aérienne, et qui confère une compétence exclusive à la juridiction dans le ressort de laquelle le siège de celle-ci est situé, doit être regardée comme abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. » 

ANALYSE : 

Dans cet arrêt, la Cour confirme qu’une clause attributive de juridiction, qui est insérée dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et qui confère une compétence exclusive à la juridiction dans le ressort de laquelle est situé le siège de ce professionnel, doit être considérée comme abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, dans la mesure où, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée, au détriment du consommateur concerné, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant de ce contrat. Effectivement, une telle clause entre dans la catégorie de celles ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice du consommateur.  

Ainsi, en l’espèce, la clause de compétence juridictionnelle insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat conclu entre un passager aérien et une compagnie aérienne et qui confère une compétence exclusive à la juridiction irlandaise dans le ressort de laquelle le siège de la compagnie aérienne est situé, est abusive.  

Par cette décision, la Cour confirme la position qu’elle retenait dans les arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C-240/98, C-241/98, C-242/98, C-243/98 et C-244/98, EU:C:2000:346 ; du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, EU:C:2009:350, ainsi que du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C-137/08, EU:C:2010:659.Voir également : 

-  Site de la CCA : Recommandation N°20-01 Contrats de location de transports individuels en libre-service, pt 111 –Recommandation N°10-01 Soutien scolaire, pt 31  

CJUE, 11 novembre 2020 C-287-19 DenizBank

 Directive (UE) 2015/2366 – service de paiement – modifications des conditions d’un contrat-cadre – Champ d’application directive (CE) 1993/13 

  EXTRAIT 

 « L’article 52, point 6, sous a), de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE, lu en combinaison avec l’article 54, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il régit les informations et les conditions à fournir par un prestataire de services de paiement souhaitant convenir, avec l’utilisateur de ses services, d’une présomption d’acceptation concernant la modification, conformément aux modalités prévues à ces dispositions, du contrat-cadre qu’ils ont conclu, mais qu’il ne fixe pas de restrictions s’agissant de la qualité de l’utilisateur ou du type de clauses contractuelles pouvant faire l’objet d’un tel accord, sans préjudice toutefois, lorsque l’utilisateur a la qualité de consommateur, d’un possible contrôle du caractère abusif de ces clauses au regard des dispositions de la directive 93/13 /CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. » 

 

ANALYSE 

 La CJUE rappelle que les articles 52 et 54 de la directive 2015/2366 règlementent uniquement les conditions et informations qu’un prestataire de services de paiement est tenu de communiquer à ses utilisateurs.    

Leur champ d’application personnel  ne contient aucune limite concernant la qualité de l’utilisateur. En ce sens, elle relève que « lorsque la qualité de ‘consommateur’ (…) constitue un élément déterminant, les dispositions de [cette directive] le précisent expressément » (point 48). La directive s’applique aussi bien aux utilisateurs consommateurs qu’aux utilisateurs qui n’ont pas cette dernière qualité. La CJUE relève que certaines dispositions de la directive 2015/2366, notamment à la lumière de son considérant 551, permettent une articulation avec d’autres textes communautaires, tel que la directive 2011/83 (point 62). Par conséquent, la Cour précise que la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, s’applique concurremment à la directive service de paiement. Aussi, dès lors que l’utilisateur est un consommateur, le contrôle du caractère abusif d’une clause portant sur l’acceptation tacite de modifications d’un contrat-cadre est régi par les dispositions de la directive 93/13 (point 61).  L’application de ces deux directives, rappelle la CJUE, est alors permise en ce que la directive 2011/83 « ne réalise qu’une harmonisation minimale et autorise, dès lors, l’adoption ou le maintien de mesures nationales plus strictes, compatibles avec le traité » (voir, en ce sens,  arrêt du 2 avril 2020, Condominio di Milano, via Meda, C-329/19, EU:C:2020:263, point 33) 

 

CJUE, 10 sept 2020-C-738/19-A

 Contrat de bail d’habitation – Logement social – Clause pénale – Caractère abusif – Interdiction de sous-louer – Indemnité – Disproportion du montant de lindemnité  

 EXTRAIT :  

 « L’article 3, paragraphes 1 et 3, ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une juridiction nationale examine le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat conclu avec un consommateur, au sens de ces dispositions, il y a lieu de tenir compte, parmi les clauses qui relèvent du champ d’application de cette directive, du degré d’interaction de la stipulation en cause avec d’autres clauses, en fonction notamment de leur portée respective. Pour apprécier l’éventuel caractère disproportionnellement élevé du montant de l’indemnité imposée au consommateur, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de ladite directive, une importance significative doit être attachée à celles de ces clauses ayant trait à un même manquement. ».

 ANALYSE :  

 Dans un contrat de bail entre un professionnel et un consommateur, l’appréciation du caractère abusif d’une clause pénale, au sens de l’article 4 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives, s’effectue en tenant compte :  

–  dune part, du degré dinteraction de la clause avec les autres clauses du contrat 

–  dautre part, de la portée de chacune de ces clauses du contrat .

 S’agissant de l’interprétation de de l’article 4 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives, la CJUE fait application dune jurisprudence constante issue dun arrêt du 21 avril 2016 ,Radlinger et Radlingerová, C-377/14, EU:C:2016:283, point 95, confirmée dans un arrêt du 11 mars 2020, Lintner, C-511/17, EU:C:2020:188, point 47. 

  Lors de l’appréciation du caractère disproportionné du montant de l’indemnité due par le consommateur au titre d’une clause pénale, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives, les clauses revêtant le même manquement que la clause du litige principal doivent être prises en compte.  

 En droit français, la  clause pénale est présumée abusive par l’article R. 212-1, 3° du code de la consommation.

Voir également la recommandations de la Commission des clauses abusives  :  

Recommandation n°00-01, point 32 — Considérant que tous les contrats comportent, à la charge exclusive du locataire, des clauses pénales (dépôt de garantie acquis au bailleur, indemnité doccupation de deux à trois fois le loyer quotidien ) en cas dinexécution dune des clauses du bail ou de retard dans le paiement du loyer; que de telles clauses, compte tenu de labsence de réciprocité en cas de manquement du bailleur, sont source de déséquilibre contractuel au détriment du consommateur. 

 

CJUE, 3 septembre 2020,  C-84/19 – ProfiCredit  

Bonne foi – Coût du crédit hors intérêts – Déséquilibre significatif – Frais disproportionnés – Plafond légal 

EXTRAITS : 

« L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle relative à des coûts du crédit hors intérêts, qui fixe ce coût en-dessous d’un plafond légal et qui répercute, sur le consommateur, des coûts de l’activité économique du prêteur, est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur, lorsqu’elle met à la charge de ce dernier des frais disproportionnés par rapport aux prestations et au montant de prêt reçus, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice s’intéresse aux critères de qualification de clause abusive.  

Ainsi, pour les clauses prévoyant à la charge du consommateur des frais autres que les intérêts, elle rappelle que l’examen du déséquilibre significatif ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative. En effet, la Cour rappelle qu’un déséquilibre « peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur […] est placé en vertu des dispositions nationales applicables », notamment, par le biais d’une mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (voir, en ce sens, arrêt du 30 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 51) (point 92).  

En ce qui concerne l’exigence de bonne foi, la Cour rappelle que le juge national doit vérifier si le consommateur aurait accepté une telle clause dans le cadre de négociations avec le professionnel (arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C-419/18 et C 483/18, EU:C:2019:930, point 55 et jurisprudence citée). En l’espèce, la Cour relève que, en vertu du droit national, « dans les coûts liés à l’octroi du crédit, ceux liés à l’exercice de l’activité économique du professionnel sont déjà inclus (point 94). Ainsi, « le coût du crédit hors intérêts pour le consommateur, qui est, en vertu de la législation nationale, plafonné, pourrait néanmoins donner lieu à un déséquilibre significatif au sens de la jurisprudence de la Cour, bien qu’il soit fixé en-dessous de ce plafond, si les services fournis en contrepartie ne relevaient pas raisonnablement des prestations effectuées dans le cadre de la conclusion ou de la gestion du contrat de crédit, ou que les montants mis à charge du consommateur au titre des frais d’octroi et de gestion de prêt apparaissent clairement disproportionnés par rapport au montant du prêt » (point 95). Elle en conclut alors que, « compte tenu de l’exigence de transparence qui découle de l’article 5 de la directive 93/13, il ne pourrait être considéré que le professionnel pouvait raisonnablement s’attendre, en traitant de façon transparente avec le consommateur, à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation » (point 96). 

CJUE, 3 sept. 2020,  C-84/19 – ProfiCredit  

Crédit à la consommation – Champ d’application matériel – Exigence de transparence – Remboursement du crédit 

EXTRAITS : 

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de crédit à la consommation qui mettent à charge du consommateur des frais autres que le remboursement du crédit en principal et en intérêts ne relèvent pas de l’exception prévue à cette disposition, lorsque ces clauses ne spécifient ni la nature de ces frais ni les services qu’elles visent à rémunérer et qu’elles sont formulées de manière à créer une confusion dans l’esprit du consommateur quant à ses obligations et aux conséquences économiques de ces clauses, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. » 

ANALYSE : 

La CJUE analyse les deux exclusions au champ d’application de la directive par l’article 4, paragraphe 2.  

D’une part, concernant l’exclusion relative aux clauses relevant de l’objet principal du contrat, y figurent les clauses claires et compréhensibles – exigence de transparence des articles 4 et 5. Ainsi, pour satisfaire à cette exigence, la Cour de justice précise que la clause doit satisfaire aux deux conditions suivantes :   

  • D’une part, il faut que la clause soit intelligible grammaticalement par le consommateur. En l’espèce, la Cour précise que le juge national devra déterminer si « un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé pouvait non seulement connaître les montant dus au titre du « paiement préalable », de la « commission » et du produit financier dénommé « Ton paquet – paquet spécial » » (point 74)  ;
  • D’autre part, il faut que le consommateur puisse évaluer les conséquences qui découlent de la clause pour lui sur la base de critères précis et intelligibles (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 50). À cet égard, la Cour précise que « le professionnel n’est pas obligé de détailler la nature de chaque service fourni en contrepartie des frais mis à charge du consommateur par les clauses du contrat, telle que la « commission » ou le « paiement préalable » ». Cependant, elle explique qu’« il importe que la nature des services effectivement fournis puisse être raisonnablement comprise ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité » et rappelle que « le consommateur doit être en mesure de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement de ces différents frais ou des services que ces derniers rémunèrent » (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 43 (lien hypertexte vers le site de la CCA).

D’autre part, concernant l’exclusion relative au contrôle de l’« adéquation entre prix et rémunération, d’une part, et bien et prestation, d’autre part », la Cour rappelle que les clauses relatives à la contrepartie du prêteur due par le consommateur ne relèvent, en principe, pas de cette catégorie. Toutefois, par exception, cela peut être le cas en ce qui concerne « la question de savoir si le montant de la contrepartie […] tel que stipulé dans le contrat est en adéquation avec le service fourni en contrepartie par le prêteur » (arrêts du 26 février 2015, Matei, C-143/13, EU:C:2015:127, point 56, et du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 35) (point 80). 

En l’espèce, la transposition, dans le droit polonais, de l’exception concernant la vérification de l’adéquation du prix et de sa contrepartie, établie par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, ne visait que les clauses relatives à l’objet principal du contrat. Or, la Cour de justice n’y voit pas d’inconvénient dès lors que le droit communautaire permet aux États membres d’adopter des dispositions plus strictes compatibles avec le Traité fondamentale de l’Union européenne pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur, comme le prévoit l’article 8 de la directive 93/13 (points 83 et 84).

CJUE, 3 septembre 2020,  C-84/19 – ProfiCredit  

Bonne foi – Coût du crédit hors intérêts – Déséquilibre significatif – Frais disproportionnés – Plafond légal  

EXTRAIT : 

« L’article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle relative à des coûts du crédit hors intérêts, qui fixe ce coût en-dessous d’un plafond légal et qui répercute, sur le consommateur, des coûts de l’activité économique du prêteur, est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur, lorsqu’elle met à la charge de ce dernier des frais disproportionnés par rapport aux prestations et au montant de prêt reçus, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. »  

ANALYSE : 

La Cour de justice s’intéresse aux critères de qualification de clause abusive.   

Ainsi, pour les clauses prévoyant à la charge du consommateur des frais autres que les intérêts, elle rappelle que l’examen du déséquilibre significatif ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative. En effet, la Cour rappelle qu’un déséquilibre « peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur […] est placé en vertu des dispositions nationales applicables », notamment, par le biais d’une mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (voir, en ce sens, arrêt du 30 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 51) (point 92). 

En ce qui concerne l’exigence de bonne foi, la Cour rappelle que le juge national doit vérifier si le consommateur aurait accepté une telle clause dans le cadre de négociations avec le professionnel (arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C-419/18 et C 483/18, EU:C:2019:930, point 55 et jurisprudence citée). En l’espèce, la Cour relève que, en vertu du droit national, « dans les coûts liés à l’octroi du crédit, ceux liés à l’exercice de l’activité économique du professionnel sont déjà inclus » (point 94). Ainsi, « le coût du crédit hors intérêts pour le consommateur, qui est, en vertu de la législation nationale, plafonné, pourrait néanmoins donner lieu à un déséquilibre significatif au sens de la jurisprudence de la Cour, bien qu’il soit fixé en-dessous de ce plafond, si les services fournis en contrepartie ne relevaient pas raisonnablement des prestations effectuées dans le cadre de la conclusion ou de la gestion du contrat de crédit, ou que les montants mis à charge du consommateur au titre des frais d’octroi et de gestion de prêt apparaissent clairement disproportionnés par rapport au montant du prêt » (point 95). Elle en conclut alors que, « compte tenu de l’exigence de transparence qui découle de l’article 5 de la directive 93/13, il ne pourrait être considéré que le professionnel pouvait raisonnablement s’attendre, en traitant de façon transparente avec le consommateur, à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation » (point 96).