CJUE, 4 mai 2023, aff. C-200/21 BRD Groupe Société Générale SA, Next Capital Solutions Ltd

Mots-clés : Contrat entre professionnel et consommateur – Juge de l’exécution – Délai d’opposition à l’exécution forcée – Garantie financière – clauses abusive 

  

EXTRAIT   

  

« La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que : elle s’oppose à une disposition de droit national qui ne permet pas au juge de l’exécution, saisi, en dehors du délai de quinze jours imparti par cette disposition, d’une opposition à l’exécution forcée d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, formant titre exécutoire, d’apprécier, d’office ou à la demande du consommateur, le caractère abusif des clauses de ce contrat, alors que ce consommateur dispose, par ailleurs, d’un recours au fond qui lui permet de demander au juge saisi de ce recours de procéder à un tel contrôle et d’ordonner la suspension de l’exécution forcée jusqu’à l’issue dudit recours, conformément à une autre disposition de ce droit national, dès lors que cette suspension n’est possible que moyennant le versement d’une garantie dont le montant est susceptible de dissuader le consommateur d’introduire et de maintenir un tel recours, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. À défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la législation nationale conformes aux exigences de cette directive, le juge national saisi d’une opposition à l’exécution forcée d’un tel contrat a l’obligation d’examiner d’office si les clauses de celui-ci présentent un caractère abusif, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions nationales qui s’opposent à un tel examen. »  

  

ANALYSE   

  

En vertu de l’article 6 paragraphe 1 et de l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13, les clauses abusives figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne lient pas les consommateurs ; les Etats membres veillent à ce que les consommateurs disposent de moyens adéquats et efficaces pour faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats qu’ils concluent avec les professionnels.  

 

La CJUE veille à l’effectivité de cette disposition. 

 

Or, la Cour se demande en l’espèce si un texte national prévoyant un délai de quinze jours pour soulever le caractère abusif d’une clause, dans le cadre d’une procédure d’opposition à l’exécution forcée d’un contrat, est conforme ou pas au principe d’effectivité posé par la directive 93/13.  

Cette question se pose pour deux raisons principales. Premièrement, selon la jurisprudence de la CJUE, l’action permettant de faire constater le caractère abusif d’une clause n’est soumise à aucun délai en vertu de la directive 93/13. Deuxièmement, le droit national impliqué dans cette affaire (droit roumain en l’occurrence) permet à la partie intéressée de soulever le caractère abusif d’une clause et de demander ainsi la suspension de l’exécution forcée du contrat dans le cadre d’un recours au fond, non-soumis au délai de forclusion applicable en matière d’opposition à l’exécution forcée.       
 

La Cour avait déjà affirmé qu’une disposition nationale empêchant un consommateur de contester le caractère abusif d’une clause dans le cadre d’une opposition à l’exécution forcée du contrat conclu, au motif que le délai de forclusion imparti serait écoulé, est contraire à la directive 93/13  (voir en ce sens ordonnance du 6 novembre 2019, BNP Paribas Personal Finance SA Paris Sucursala Bucureşti et Secapital, C-75/19, point 34). Dans cette affaire qui concernait aussi le droit roumain, la Cour avait précisé qu’une telle règle demeure contraire à la directive 93/13, quand bien même le droit national concerné permettrait au consommateur de contester les clauses abusives du contrat conclu dans le cadre d’un recours au fond soumis à aucun délai particulier. En effet, la solution rendue au fond est sans effet sur celle résultant de la procédure d’exécution forcée, qui peut s’imposer au consommateur avant l’issue du recours engagé au fond.  

 

En l’espèce, la Cour se demande toutefois si la solution de 2019 évoquée ci-dessus est applicable ou pas dans l’hypothèse où le juge saisi du recours au fond serait compétent pour suspendre l’exécution forcée du contrat conclu.  

Etait en jeu une disposition nationale qui subordonnait le recours au fond à la constitution préalable d’une garantie financière. La Cour, rappelant que le montant de frais de justice est susceptible de dissuader les consommateurs de contester les clauses abusives (voir en ce sens arrêt du 17 mai 2022, Impuls Leasing România C-725/19 point 60) énonce que  la juridiction nationale de renvoi doit vérifier si le montant de la garantie financière exigée est susceptible ou pas de décourager les consommateurs d’engager une action au fond. 

 

La Cour précise en outre qu’à défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la législation nationale conformes aux exigences de cette directive, le juge national saisi d’une opposition à l’exécution forcée d’un contrat a l’obligation d’examiner d’office si les clauses de celui-ci présentent un caractère abusif. Dès lors si la disposition nationale empêche l’examen du caractère abusif des clauses, elle doit être purement et simplement écartée, (voir en ce sens arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C-419/18 et C-483/18, point 76).

CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22 

Assurance de groupe – transparence – clause d’exclusion – faute du preneur d’assurance – clause portant sur l’objet du contrat – connaissance préalable du contenu 

 

EXTRAITS : 

« L’article 3, paragraphe 1, et les articles 4 à 6 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : lorsqu’une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur concerné n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, est qualifiée d’abusive par le juge national, ce juge est tenu d’écarter l’application de cette clause afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard de ce consommateur ». 

 

ANALYSE : 

Un couple conclut un contrat de prêt auprès d’un établissement bancaire. A cette fin, il adhère à un contrat d’assurance de groupe auprès de la banque (le preneur de l’assurance) pour couvrir le risque de d’incapacité permanente de l’adhérent par un tiers assureur. 

 

Durant l’exécution du contrat de prêt, l’adhérent subit un sinistre (une incapacité permanente) et le déclare à l’assureur qui dénie sa garantie.  

 

C’est ainsi que les emprunteurs ont saisi la justice aux fins d’obtenir le remboursement des échéances du prêt payées par eux à compter de la date de l’incapacité permanente et le montant du prêt restant dû à compter de l’incapacité constatée. 

 

La Cour de justice se prononce sur les conséquences à l’égard du consommateur d’une clause d’exclusion dont ce dernier n’aurait pas pris connaissance avant la conclusion du contrat (CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22). 

 

Par cette question, la Cour de justice s’interroge sur le fait de savoir si « une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, peut être opposée à ce consommateur, et cela même lorsque le preneur d’assurance peut être tenu responsable d’une telle absence de prise de connaissance et bien qu’une telle responsabilité ne place pas ledit consommateur dans la même situation que celle qui aurait été la sienne s’il avait bénéficié de cette couverture » (Pt 37). 

 

Puisque la Cour de justice ne peut que donner des indications sur la manière dont la juridiction de renvoi doit apprécier le caractère abusif d’une clause (CJUE, 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C84/19, C222/19 et C252/19, point 91), elle rappelle en premier lieu la nécessite de transparence des clauses du contrat conformément à sa jurisprudence antérieure (CJUE, 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C395/21, point 47) comme élément à prendre en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’une clause.  

 

En second lieu, elle précise que l’appréciation du déséquilibre nécessite d’abord de s’interroger sur le respect du principe de bonne foi, avant de s’interroger sur le déséquilibre significatif qui découle de la disposition contractuelle pour le consommateur (CJUE, 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C621/17, point 49). 

 

En outre, le juge doit s’interroger sur toutes les circonstances qui entourent le contrat.  

 

Pour la Cour de justice, l’exigence de bonne foi suppose de « tenir compte de la force des positions respectives de négociation des parties et de la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause concernée » (pt 43). 

 

Le juge national devra donc, dans le cadre de son contrôle, s’intéresser au fait que l’adhérent se soit vu contraint de souscrire un contrat d’assurance, sans avoir été informé du contenu dudit contrat et dont l’adhésion a été remplie par l’employé de la banque. 

 

Selon la Cour de justice, il conviendra aussi de « vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte cette clause à la suite d’une négociation individuelle » (CJUE, 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C84/19, C222/19 et C252/19, point 93, et CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C776/19 à C782/19, point 98). 

 

Les circonstances qui entourent la conclusion du contrat sont relevées par la Cour de justice dans la mesure où « ledit consommateur peut donc se voir confronté à une situation dans laquelle, eu égard à une perte de revenus résultant de son incapacité permanente, il lui est difficile voire impossible de rembourser ces échéances, alors que c’est précisément contre ce risque qu’il a voulu s’assurer par l’adhésion à un contrat d’assurance, tel que celui en cause au principal » (pt 49)  

 

Le fait de ne pas informer le consommateur fait donc peser sur lui le risque qui découle de l’incapacité, au moins en partie.  

 

La Cour rappelle que la sanction du caractère abusif de la clause est  est l’absence d’effet contraignant de cette clause pour le consommateur. Concrètement la clause d’exclusion est inopposable au consommateur puisqu’il s’agit « de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive [arrêt du 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C395/21, EU:C:2023:14, point 54 et jurisprudence citée] ». La responsabilité de la banque dans le défaut de communication d’information au consommateur ne saurait avoir pour objet ou pour effet de rendre opposable la clause abusive à son égard. Le non-respect des obligations de la banque en matière d’information se résout par le biais de la responsabilité civile à l’égard de l’assureur et non dans les rapports avec le consommateur.  

 

Le juge national est donc tenu d’écarter l’application de la clause abusive à l’égard du consommateur.  

 

Voir également : 

CJUE, 23 avril 2015,  Van hove, C-96/14
CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22 

CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22 

Assurance de groupe – transparence – clause d’exclusion – faute du preneur d’assurance – clause portant sur l’objet du contrat – connaissance préalable du contenu 

 

EXTRAITS : 

« L’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du vingtième considérant de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que : un consommateur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance, avant la conclusion d’un contrat, de toutes les clauses que ce dernier contient ». 

 

ANALYSE : 

Un couple conclut un contrat de prêt auprès d’un établissement bancaire. A cette fin, il adhère à un contrat d’assurance de groupe auprès de la banque (le preneur de l’assurance) pour couvrir le risque de d’incapacité permanente de l’adhérent par un tiers assureur. 

 

Durant l’exécution du contrat de prêt, l’adhérent subit un sinistre (une incapacité permanente) et le déclare à l’assureur qui dénie sa garantie.  

 

C’est ainsi que les emprunteurs ont saisi la justice aux fins d’obtenir le remboursement des échéances du prêt payées par eux à compter de la date de l’incapacité permanente et le montant du prêt restant dû à compter de l’incapacité constatée. 

 

La Cour de justice statue en premier lieu sur la question de savoir si le consommateur adhérent à une assurance emprunteur de groupe proposée par l’établissement prêteur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance des clauses du contrat avant sa conclusion.  

 

La Cour rappelle que l’exigence de transparence ne se limite pas au caractère compréhensible sur le plan formel et grammatical, mais doit s’interpréter de manière extensive, de sorte « qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret d’une telle clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, de cette clause sur ses obligations » (CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C609/19, points 42 et 43, et CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C776/19 à C782/19, points 63 et 64). 

 

Concernant le moment de la transmission de ces informations, il est fondamental que le consommateur ait connaissance des conditions contractuelles avant la conclusion du contrat (CJUE, 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C154/15, C307/15 et C308/15, point 50, et CJUE, 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C395/21, point 39). 

 

Ainsi, le contrôle du juge en matière de contrat d’assurance de groupe souscrite par une banque au bénéfice des emprunteurs induit une vigilance particulière et la transparence nécessite « l’exposé des particularités du mécanisme de prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de l’emprunteur, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui » (CJUE, 23 avril 2015, Van Hove, C96/14, points 41 et 48). 

 

La clause d’exclusion du risque d’incapacité résultant de maladies antérieures à la conclusion du contrat d’assurance de groupe auprès du prêteur n’est pas claire et compréhensible si l’adhérent ne peut évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlent pour lui. Cette information est d’autant plus essentielle pour le consommateur qu’il ne saurait être exigé de ce dernier, « lors de la conclusion de contrats liés, la même vigilance quant à l’étendue des risques couverts par ce contrat d’assurance que s’il avait conclu séparément ce dernier et ce contrat de prêt » (CJUE, 20 avr. 2023, aff. C-263/22, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, pt 28)/ 

 

La nécessité de transmettre les clauses du contrat avant la conclusion de celui-ci découle clairement du considérant 20 de la directive 93/13, ce qui permet à la Cour d’affirmer que « le législateur de l’Union européenne a souligné l’intérêt d’une prise de connaissance préalable de toutes les clauses d’un contrat afin de permettre au consommateur de décider, en connaissance de cause, s’il souhaite être lié par ces clauses » (Pt 31). 

 

De plus, l’existence d’une législation spéciale relative aux assurances de groupe n’est pas de nature à remettre en cause l’interprétation de la directive puisqu’elle s’applique en raison de la qualité du contractant et non en raison de la nature du contrat (CJUE, 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C590/17, point 23 et Ord., 10 juin 2021, X Bank, C198/20, non publiée, point 24). 

 

La Cour précise notamment le principe d’interprétation conforme qui justifie de garantir la pleine effectivité de la directive afin d’aboutir à une solution en accord avec la finalité poursuivie par celle-ci (CJUE, 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C590/17, point 23). 

 

Le consommateur doit donc toujours pouvoir prendre connaissance du contrat avant sa conclusion.  

 

 

 

 

Voir également : 

CJUE, 9ème chambre, 21 mars 2024, aff. C-714/22 – Profi Credit Bulgaria EOOD contre T.I.T. 

  

Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Crédit à la consommation – Objet principal du contrat – Services accessoires à un contrat de crédit – Possibilité d’appréciation du caractère abusif 

 

  

EXTRAIT  

« […] L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses portant sur des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, qui accordent au consommateur achetant ces services une priorité dans l’examen de sa demande de crédit et la mise à disposition de la somme empruntée ainsi que la possibilité de reporter le remboursement des mensualités ou d’en réduire le montant, ne relèvent pas, en principe, de l’objet principal de ce contrat, au sens de cette disposition, et n’échappent donc pas à l’appréciation de leur caractère abusif […] » 

 

  

ANALYSE   

  

 

En l’espèce, la quatrième question de la juridiction de renvoi concerne la question de savoir si des dispositions régissant des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, peuvent être considérées comme faisant partie de l’essence même de ce contrat, au sens de ladite disposition, et par conséquent, échapper à l’examen de leur caractère abusif. 

  

À titre liminaire, la Cour rappelle que, étant intimement liées au contrat principal, les clauses concernant des services accessoires ne peuvent pas être considérés comme autonomes à ce contrat. Ces clauses doivent être examinées dans le contexte global du contrat, qu’elles soient inclues dans le contrant principal ou qu’elles figurent dans une convention accessoire. 

 

La Cour rappelle que les clauses considérées comme l’objet principal du contrat sont celles qui définissent les éléments essentiels du contrat, le caractérisant en tant que tel. Les clauses relevant de cette disposition échappent à l’examen de leur caractère abusif, uniquement si elles sont rédigées de manière claire et compréhensible par le professionnel (arrêt du 5 juin 2019, GT, C-38/17, EU:C:2019:461, point 31). 

  

La Cour confirme que les éléments essentiels d’un contrat de crédit incluent l’engagement du prêteur à mettre à disposition une somme d’argent, tandis que l’emprunteur s’engage à rembourser cette somme avec des intérêts selon les échéances prévues (arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission douverture du prêt), C-565/21, EU:C:2023:212, point 18). 

  

La Cour considère que les services accessoires, tels que ceux offrant au consommateur une priorité dans le traitement de sa demande de crédit ou la possibilité de reporter ou réduire les paiements mensuels, ne peuvent pas être considérés comme des prestations essentielles du contrat de crédit. L’inclusion de divers types de frais dans le coût global d’un crédit à la consommation ne constitue pas un critère décisif pour déterminer si ces frais font partie des prestations fondamentales d’un contrat de crédit (arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska SA e.a. contre QJ e.a., C-84/19, C-222/19 et C-252/19, EU:C:2020:631, point 69). 

  

Dans ces conditions, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses concernant des services accessoires ne peuvent pas être considérés comme faisant partie de l’objet principal du contrat de crédit. Par conséquent, ces clauses ne bénéficient pas de l’exclusion prévue par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et peuvent donc être soumises à l’appréciation de leur caractère abusif. 

   

Voir également :  

   CJUE, 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C-565/21. 

CJUE, 16 mars 2023, aff. C-565/21 – Caixabank SA c/ X 

  

– Contrat de crédit – Commission d’ouverture – Déséquilibre significatif – 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que : il ne s’oppose pas à une jurisprudence nationale qui considère qu’une clause contractuelle prévoyant, conformément à la réglementation nationale pertinente, le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture destinée à rémunérer les services liés à l’examen, à la constitution et au traitement personnalisé d’une demande de prêt ou de crédit hypothécaire, peut, le cas échéant, ne pas créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, à condition que l’existence éventuelle d’un tel déséquilibre fasse l’objet d’un contrôle effectif de la part du juge compétent, conformément aux critères issus de la jurisprudence de la Cour. » 

 

 

ANALYSE   

  

En vertu de l’article 3 § 1 de la directive 93/13, « une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ». 

Or, la règle susvisée permet-elle à une jurisprudence nationale de considérer qu’une clause prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture ne crée pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ? Telle est l’une des questions posées à la Cour dans cette affaire, qui a également tranché le point de savoir si la commmission d’ouverture porte sur l’objet principal du contrat (La clause prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture dans un contrat de crédit ne relève pas de l’objet principal du contrat) une fois qu’elle sera en ligne) et comment doit s’apprécier le défaut de clarté d’une prestation accessoire (Le caractère compréhensible d’une clause de commission d’ouverture suppose que l’emprunteur soit mis en mesure d’en évaluer les conséquences économiques).  

La Cour rappelle que l’existence d’un déséquilibre significatif ne s’apprécie pas uniquement du point de vue économique, par une comparaison entre le montant total de l’opération contractuelle et les coûts pesant sur le consommateur du fait de la clause litigieuse. Le déséquilibre peut résulter aussi d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique du consommateur (voir en ce sens arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, point 51).  

Le contrôle du juge en la matière doit être concret : il doit tenir compte par exemple de la nature des biens ou services relevant de l’objet du contrat et de toutes les circonstances entourant sa conclusion (voir en ce sens arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19, point 76). La Cour ajoute que ce contrôle concret du juge national doit s’appliquer également à la clause du contrat de crédit prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture, pour savoir si elle entraîne ou pas un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Au regard des documents contractuels remis au consommateur, le juge national doit vérifier notamment si les services fournis en contrepartie du paiement de cette commission relèvent réellement de l’examen, de la constitution et du traitement personnalisé de la demande de crédit ; il doit également vérifier s’il y a ou pas une disproportion entre la commission payée par le consommateur et le montant total de l’emprunt souscrit (voir en ce sens le point 59).  

C’est seulement après cette évaluation préalable que la jurisprudence nationale peut considérer qu’une clause prévoyant une commission d’ouverture ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur, et donc qu’elle n’est pas abusive. N’est pas admissible une jurisprudence nationale énonçant qu’une telle clause est insusceptible d’être abusive du seul fait qu’elle a pour objet des services inhérents à l’activité du prêteur, sans appréciation concrète.  

La jurisprudence nationale peut donc considérer qu’une clause d’un contrat de crédit prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture n’est pas abusive, à condition d’avoir effectué au préalable une évaluation concrète de cette clause.   

 

 

Voir également :  

CJUE, 16 mars 2023, C-565/21 – Caixabank  

Prêts hypothécaires – Commission d’ouverture du prêt – Caractère clair et compréhensible – Prestations accessoires 

EXTRAITS : 

« L’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que aux fins de l’appréciation du caractère clair et compréhensible d’une clause contractuelle prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture, le juge compétent est tenu de vérifier, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, que l’emprunteur a bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui en découlent pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat ou entre les services que ces derniers rémunèrent. » 

 

 

ANALYSE : 

Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser les différents éléments que les juges nationaux doivent vérifier pour apprécier le caractère clair et compréhensible d’une clause de commission d’ouverture contenue dans un contrat de crédit hypothécaire.  

 

Pour ce faire, la Cour commence par rappeler que l’article 5 de la directive 93/13 pose une exigence générale de transparence selon laquelle les clauses contractuelles doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible (pt.28). Elle énonce qu’il s’agit de la même exigence de transparence que celle visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. Les deux exigences ayant la même « portée », il en résulte que l’interprétation extensive du principe de transparence des clauses s’applique de la même façon aux clauses portant sur l’objet principal du contrat (art. 4, paragraphe 2 de la dorective93/13) et à aux autres clauses (art. 5 de la directive 93/13). 

 

Par conséquent, en application de cette interprétation extensive du principe de transparence, une clause de commission d’ouverture ne peut être considérée comme claire et compréhensible si elle ne l’est que d’un point de vue grammatical et formel (pt.30) (CJUE, 16 juillet 2020, C-224/19 et C-259/19, Caixabank et Banco Bilbao Vizacaya Argentaria).  

 

La Cour considère ainsi que pour satisfaire à l’exigence de transparence susmentionnée, une clause de commission d’ouverture doit être intelligible pour le consommateur d’un point de vue grammatical mais il faut aussi que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère ladite clause ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses. Il faut ainsi vérifier que le consommateur a bien été mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques découlant d’une clause de commission d’ouverture (pt. 31) (CJUE, 16 juillet 2020, C-224/19 et C-259/19, Caixabank et Banco Bilbao Vizacaya Argentaria).  

 

La Cour appuie notamment sa position en rappelant sa jurisprudence selon laquelle il importe que la nature des services fournis puisse être raisonnablement compris ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité et que le consommateur puisse vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais ou entre les services que ces derniers rémunèrent (pt. 32) (CJUE, 3 octobre 2019, C-621/17, Kiss et CIB Bank).  

 

La Cour conclut en précisant que pour apprécier la clarté et la compréhensibilité d’une clause de commission d’ouverture, telles que définies ci-dessus, les juges nationaux doivent se fonder sur des éléments de fait pertinents. La Cour précise que peuvent ainsi constituer des éléments de faits pertinents la publicité (pt. 43) et les informations que l’établissement financier est légalement tenu de fournir à l’emprunteur (pt. 42), le niveau d’attention attendu d’un consommateur moyen vis-à-vis d’une telle clause (pt. 44) ainsi que l’emplacement et la structure d’une telle clause (pt. 46). La Cour retient néanmoins que la notoriété d’une clause de commission d’ouverture ne saurait constituer un élément de fait pertinent dans le cadre de l’appréciation de son caractère clair et compréhensible (pt. 42).  

Voir également :

CJUE, 16 mars 2023, aff. C-565/21 – Caixabank SA c/ X 

  

– Contrat de crédit – Commission d’ouverture – Objet principal – 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, considère que la clause établissant une telle commission relève de l’« objet principal du contrat », au sens de cette disposition, au motif qu’elle représente l’une des composantes principales du prix. »  

  

ANALYSE   

  

En vertu de l’article 4 § 2 de la directive 93/13 sur les clauses abusives, l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation entre le prix ou la rémunération et les biens ou services fournis, pour autant que ces clauses soient rédigées de manière claire et compréhensible. 

La question en l’espèce est de savoir si une clause d’un contrat de crédit prévoyant le paiement d’une commission d’ouverture par l’emprunteur relève ou non de l’objet principal de ce contrat, cette clause étant une composante du prix de ce contrat.  

La Cour commence par rappeler le principe selon lequel les clauses relevant de l’objet principal d’un contrat sont celles qui fixent les prestations essentielles d’un contrat, qui définissent son essence même (voir en ce sens arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16).  

La Cour rappelle également que l’article 4 § 2 de la directive 93/13 encadrant les clauses relevant de l’objet principal du contrat constitue une exception, qui doit être interprétée strictement afin de garantir une protection optimale des consommateurs contre les clauses abusives. Dans un contrat de crédit, l’objet principal consiste en la mise à disposition par le prêteur d’une certaine somme d’argent au profit de l’emprunteur, tenu à son tour de rembourser ladite somme (voir en ce sens  arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C-782/19, point 57). L’objet principal d’un contrat de crédit n’inclut donc pas les prestations simplement accessoires à la mise à disposition et au remboursement.  

La Cour avait déjà énoncé qu’une commission d’ouverture ne saurait être considérée comme étant une prestation essentielle d’un contrat de crédit du seul fait qu’elle était comprise dans le coût total de ce contrat (voir en ce sens Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria C-224/19 et C-259/19, point 64).  

Dans cette continuité, la présente décision énonce que la clause prévoyant une commission d’ouverture ne relève pas de l’objet principal du contrat et peut donc être contrôlée par le juge au titre des clauses abusives, peu importe le fait qu’elle soit claire et compréhensible ou pas. En effet, cette clause est accessoire aux prestations essentielles du contrat de crédit, que sont la mise à disposition d’une somme d’argent et le remboursement de ladite somme.  

 

Voir également :  

  

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – Honoraires – Révision du prix – Contrat sans prix – Réputé non écrit – Disposition supplétive 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, doivent être interprétés en ce sens que : lorsqu’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause déclarée abusive qui fixe le prix des services selon le principe du tarif horaire et que ces services ont été fournis, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national rétablisse la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. Dans l’hypothèse où l’invalidation du contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que le juge national remédie à la nullité de ladite clause en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties audit contrat. En revanche, ces dispositions s’opposent à ce que le juge national substitue à la clause abusive annulée une estimation judiciaire du niveau de la rémunération due pour lesdits services.»  

  

ANALYSE   

 

La cour commence par rappeler qu’en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe au juge national d’écarter l’application des clauses abusives sauf si le consommateur s’y oppose. Cependant, le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 29 et jurisprudence citée). 

 

Lorsqu’un contrat ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, l’article mentionné ci-dessus ne s’oppose pas à ce qu’une disposition de droit national à caractère supplétif ne remplace la clause afin d’éviter pour le consommateur les conséquences dommageables qui résulteraient de l’annulation du contrat dans son ensemble (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 32 et jurisprudence citée). Elle précise que cette solution rendue à l’égard de contrats de prêts vaut pour l’annulation d’un contrat portant sur la prestation de services juridiques qui ont déjà été fournis, puisse mettre le consommateur dans une situation d’insécurité juridique, notamment dans l’hypothèse où le droit national permettrait au professionnel de réclamer une rémunération de ces services sur un fondement différent de celui du contrat annulé. En outre, l’invalidité du contrat pourrait éventuellement avoir une incidence sur la validité et l’efficacité des actes accomplis en fonction du droit national applicable (pt 62). 

 

S’agissant des clauses relatives au prix, la Cour estime, que dans le cas où un nuge national estimerait que les contrats ne pourraient pas subsister après la suppression de la clause relative au prix, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas à l’invalidation de ceux-ci, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. 

 

En ce qui concerne la clause abusive fixant les honoraires d’avocat, la Cour considère que « le rétablissement de la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause se traduit en principe, y compris dans le cas où les services ont été fournis, par son exonération de l’obligation de payer les honoraires établis sur la base de ladite clause «  (pt 58). 

 

 

La Cour précise que les choses changent seulement dans l’hypothèse où l’invalidation des contrats dans leur ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de telle sorte que ce dernier en serait pénalisé. La juridiction de renvoi dispose alors de la possibilité exceptionnelle de substituer à une clause abusive annulée une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties au contrat en cause.  

 

Il importe, cependant, qu’une telle disposition ait vocation à s’appliquer spécifiquement aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur et n’ait pas une portée à ce point générale que son application reviendrait à permettre, en substance, au juge national de fixer sur le fondement de sa propre estimation la rémunération due pour les services fournis (voir, en ce sens, ,  arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C-80/21 à C-82/21, EU:C:2022:646, points 76et 77ainsi que jurisprudence citée). En effet une telle solution irait à l’encontre du principe selon lequel un juge national ne peut réviser le contenu des clauses abusives. La révision des clauses est en effet contraire à l’effet dissuasif du caractère non contraignant de la clause puisque les professionnels demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, le contrat pourrait subsister en étant corrigé (arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A., C-212/20, EU:C:2021:934, point 69ainsi que jurisprudence citée). 

 

Elle conclut donc que s’il existe en droit national un texte supplétif permettant de fixer le prix des services de l’avocat,celui-ci peut être appliqué par le juge. En revanche, tout estimation judicaiire étant exclue, à défaut de texte, le juge national doit rétablir la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de la clause absuive, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. 

 

 

Voir également :  

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – tarif horaire – Transparence – déséquilibre significatif.  

  

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du conseil, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur, fixant, selon le principe du tarif horaire, le prix de ces services et relevant, dès lors, de l’objet principal de ce contrat, ne doit pas être réputée abusive en raison du seul fait qu’elle ne répond pas à l’exigence de transparence prévue à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, telle que modifiée, sauf si l’État membre dont le droit national s’applique au contrat en cause a, conformément à l’article 8 de ladite directive, telle que modifiée, expressément prévu que la qualification de clause abusive découle de ce seul fait. »  

  

ANALYSE   

  

La Cour commence par rappeler que s’agissant de l’article 5 de la directive 93/13, le caractère transparent d’une clause contractuelle constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. Dans le cadre de cette appréciation, il incombe au juge d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur, au sens de cette dernière disposition (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 49 ainsi que jurisprudence citée). 

 

Par ailleurs, en vertu des articles 4 paragraphe 2 et 5 de la directive 93/13, l’exigence de transparence ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur le plan formel et grammatical et doit être entendue de manière extensive (point 36 de l’arrêt et voir en ce sens arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, point 69). Partant, il n’y a pas lieu de traiter différemment les conséquences du défaut de transparence d’une clause contractuelle selon qu’elle concerne l’objet principal du contrat ou un autre aspect de celui-ci.  

 

De plus, si l’appréciation du caractère abusif d’une clause repose, en principe, sur une évaluation globale qui ne tient pas uniquement compte de l’éventuel défaut de transparence de cette clause (arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282), les Etats conservent la possibilité d’apporter un niveau de protection plus élevé aux consommateurs.  

 

En effet, la Cour précise que dans la mesure où les États membres demeurent libres de prévoir, dans leur droit interne, un tel niveau de protection, la directive 93/13, sans exiger que le défaut de transparence d’une clause d’un contrat conclu avec un consommateur entraîne de manière automatique la constatation de son caractère abusif, ne s’oppose pas à ce qu’une telle conséquence découle du droit national, en l’occurrence le droit lituanien. 

 

On observera que, s’agissant du défaut de clarté et de compréhensibilité, le droit français a transposé fidèlement la directive sans se montrer plus protecteur. Il faut donc en déduire qu’en principe la clause fixant l’objet principal de ce contrat ne doit pas être réputée abusive du seul fait qu’elle ne répond pas à l’exigence de transparence.  

 

Voir également :