CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – Clause de tarif horaire – Clause claire et compréhensible – Informations précontractuelles. 

 

EXTRAIT   

  

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du conseil, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que ne répond pas à l’exigence de rédaction claire et compréhensible, au sens de cette disposition, une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix de ces services selon le principe du tarif horaire sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion du contrat, des informations qui lui permettent de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance des conséquences économiques qu’entraîne la conclusion de ce contrat.»  

  

ANALYSE   

  

La Cour commence par rappeler que l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence, posée par la même directive, doit être entendue de manière extensive (voir en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, points 46 et 50 ainsi que jurisprudence citée). 

 

La Cour poursuit en rappelant que cette exigence impose que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, point 45 ainsi que du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19, EU:C:2020:578, point 67 ainsi que jurisprudence citée).  

 

Ainsi, seul le juge national est compétent pour déterminer si une clause est « claire et compréhensible » au sens de la directive clauses abusives. Le juge devra alors effectuer son contrôle au regard des faits d’espèce pertinents, en tenant compte des circonstance entourant la conclusion du contrat notamment s’il a été communiqué au consommateur l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement, lui permettant d’évaluer les conséquences financières de celui-ci (voir en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 52et jurisprudence citée). 

 

Ensuite, la Cour rappelle que le moment de la fourniture de l’information relative aux conditions contractuelles est d’une importance capitale pour le consommateur, puisque c’est sur le fondement de cette information qu’il décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées par le professionnel (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 47 et jurisprudence citée). 

 

Ainsi, pour la Cour une clause qui se limite à indiquer le taux horaire des honoraires à percevoir par le professionnel, ne permet pas, en l’absence de toute autre information apportée par le professionnel, à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d’évaluer les conséquences financières qui découlent de cette clause, à savoir le montant total à payer pour ces services. 

 

La Cour précise que compte tenu de la nature des services fournis lors d’un contrat de prestation de service juridique, qu’il est difficile voire impossible dans ces cas de déterminer avec exactitude le nombre d’heures nécessaires au professionnel afin de fournir de tels services et, par voie de conséquence, le coût total effectif de ceux-ci. Néanmoins la Cour rappelle à ce sujet que le respect par un professionnel de l’exigence de transparence, visée à l’article 4, paragraphe 2, et à l’article 5 de la directive 93/13, doit être apprécié par rapport aux éléments dont ce professionnel disposait au moment de la conclusion du contrat avec le consommateur (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 49). 

 

La Cour ajoute que s’il ne peut pas être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’évènements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel, il n’en reste pas moins que les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance, d’une part, de la possibilité que de tels évènements surviennent et, d’autre part, des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques concernée.  

 

Enfin, la Cour précise que si les informations peuvent varier, elles doivent permettre au consommateur d’apprécier le coût total approximatif des services proposés par l’avocat. Tels seraient le cas d’une estimation du nombre prévisible ou minimal d’heures nécessaires pour fournir un certain service ou un engagement d’envoyer, à intervalles raisonnables, des factures ou des rapports périodiques indiquant le nombre d’heures de travail accomplies, autant d’éléments qu’il appartient au juge national d’évaluer.  

 

Voir également :  

 

 

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat de prestation de services – Tarif horaire – Objet principal du contrat  

 

EXTRAIT  

 

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, doit être interprété en ce sens que relève de cette disposition une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix des services fournis selon le principe du tarif horaire.»  

  

ANALYSE   

  

La Cour commence par rappeler que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 qui prévoit une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives est d’interprétation stricte. La Cour rappelle également que les termes « objet principal du contrat » doivent normalement trouver une interprétation autonome et uniforme dans toute l’Union européenne, en tenant compte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation (voir en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, point 34 ainsi que jurisprudence citée) 

 

La Cour rappelle également qu’elle a déjà jugé que la notion d’ « objet principal du contrat » au sens de la disposition énoncée ci-dessus doit s’entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci. En revanche, les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient relever de cette notion (voir en ce sens les arrêts du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, points 35et 36, ainsi que 22 septembre 2022, Vicente (Action en paiement d’honoraires d’avocat), C-335/21, EU:C:2022:720, du point 78).  

 

Dans cette affaire, la clause relative au prix porte sur la rémunération des services juridiques, établie selon un tarif horaire. Une telle clause, qui détermine l’obligation du mandant de payer les honoraires de l’avocat et indique le tarif de ceux-ci, fait partie des clauses qui définissent l’essence même du rapport contractuel, ce rapport étant précisément caractérisé par la fourniture rémunérée de services juridiques. Elle relève, par conséquent, de l’« objet principal du contrat », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. Son appréciation peut, en outre, concerner « l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services […] à fournir en contrepartie, d’autre part », au sens de cette disposition. 

 

Cette interprétation vaut indépendamment du fait, mentionné par la juridiction de renvoi dans sa première question préjudicielle, que ladite clause n’a pas été négociée séparément. En effet, lorsqu’une clause contractuelle fait partie de celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel, il en va ainsi aussi bien dans l’hypothèse où cette clause a fait l’objet d’une négociation individuelle que dans celle où une telle négociation n’a pas eu lieu. 

 

Voir également :

 

CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21 – Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest 

  

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrat de prêt – Déchéance du terme – Mise en demeure – Clause non négociée  

  

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : sous réserve de l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, ils s’opposent à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoit, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. »  

 

 

  

ANALYSE   

  

Saisie de questions préjudicielles par la Cour de cassation, la CJUE vient préciser que l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause contractuelle qui prévoit, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance dépassant un certain délai. 

 

En effet, la seule circonstance qu’une clause comporte une obligation expresse et non équivoque ne saurait la soustraire au contrôle de son caractère abusif à l’aune de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, sous réserve de l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive. 

 

En effet, étant donné que cette clause ne relève pas de la notion « d’objet principal du contrat », la juridiction nationale doit examiner la clause litigieuse au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat y compris si cette faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques. C’est à travers une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur (arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C421/14, EU:C:2017:60, point 59).  

CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21– Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest   

  

 Contrat de prêt – Clause relative à la déchéance du terme – déséquilibre significatif 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : un retard de plus de 30 jours dans le paiement d’une échéance de prêt peut, en principe, au regard de la durée et du montant du prêt, constituer à lui seul une inexécution suffisamment grave du contrat de prêt, au sens de l’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus(C-421/14, EU:C:2017:60).»  

  

ANALYSE   

  

L’article 3 paragraphe 1 de la directive 93/13 énonce qu’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.  

Selon l’article 4 de la même directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat, des circonstances entourant la conclusion du contrat, des autres clauses du contrat et d’un autre contrat dont il dépend.  

 

Dans la décision Banco Primus (arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14), la CJUE avait jugé que   pour apprécier le caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe au juge d’examiner un certain nombre de critères. Parmi ceux-ci figure la question de savoir si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt (pt 66). 

 

La Cour se demande en l’espèce si un retard de plus de trente jours dans le paiement d’une échéance d’un prêt peut constituer à lui seul une inexécution suffisamment grave du contrat de prêt par l’emprunteur, justifiant la déchéance du terme du prêt et l’exigibilité immédiate des sommes dues, au sens de son arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14). 

 

La réponse à cette question est importante pour déterminer si la clause relative à la déchéance du terme du prêt, en raison d’un retard de paiement d’une échéance de plus de trente jours par l’emprunteur, constitue ou non une clause abusive au sens des textes de la directive 93/13 susvisés. 

  

Or, la CJUE énonce qu’un retard supérieur à trente jours dans le paiement d’une seule échéance d’un prêt peut être considéré comme une inexécution suffisamment grave de l’emprunteur par la juridiction nationale. 

 

Donc, la Cour conclut qu’un retard de plus de trente jours dans le paiement d’une échéance de prêt peut, en principe, constituer à lui seul une inexécution suffisamment grave de l’emprunteur, au regard de la durée et du montant du prêt souscrit. Par conséquent, la clause de déchéance du terme du prêt prévoyant l’exigibilité immédiate des sommes dues pour un tel retard de paiement n’est pas abusive a priori.  

CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21 – Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest 

  

Contrat de prêt – Déchéance du terme – Critères d’appréciation de l’abus  

  

EXTRAIT  

  

« L’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14, EU:C:2017:60), doit être interprété en ce sens que les critères qu’il dégage pour l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause crée au détriment du consommateur, ne peuvent être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais doivent être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national doit examiner afin d’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13. »  

 

 

  

ANALYSE   

  

Saisie de questions préjudicielles par la Cour de cassation, la CJUE vient préciser les critères d’appréciation du caractère abusif, posés par l’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14) 

Dans la décision Banco Primus, la CJUE avait constaté qu’afin de déterminer si une clause produit un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, la juridiction nationale doit examiner notamment si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national confère au consommateur des moyens adéquats et efficaces lui permettant, lorsque celui-ci est soumis à l’application d’une telle clause, de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14), pt 66). 

 

La Cour de cassation s’interrogeait en effet sur le point de savoir si ces critères posés pour l’appréciation du caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée sont cumulatifs ou alternatifs.  

 

Selon la CJUE ces critères ne sont ni cumulatifs ni alternatifs et la liste fournie au point 66 de l’arrêt n’est pas exhaustive. Elle considère en effet que considérer qu’ils sont cumulatifs ou alternatifs «reviendrait à restreindre cet examen du juge national ». Rappelant que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 définit de façon particulièrement large les critères permettant d’effectuer ledit examen en englobant expressément « toutes les circonstances » qui entourent la conclusion du contrat concerné  (arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C-453/10, EU:C:2012:144, point 42), elle en déduit que les critères posés par la décision Banco Primus « doivent être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné », 

    

CJUE, 27 octobre 2022, aff. C-485/21 – S. V.  

 

Notion de “consommateur” – Notion de “professionnel” – Copropriétaire – Contrat de syndic 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 1er, paragraphe 1, et l’article 2, sous b) et c), de la directive 93/13/CEE du conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique, propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété, doit être considérée comme étant un « consommateur », au sens de cette directive, lorsqu’elle conclut un contrat avec un syndic aux fins de l’administration et de l’entretien des parties communes de cet immeuble, pour autant qu’elle n’utilise pas cet appartement à des fins qui relèvent exclusivement de son activité professionnelle. La circonstance qu’une partie des prestations fournies par ce syndic au titre de ce contrat résulte de la nécessité de respecter des exigences spécifiques en matière de sécurité et d’aménagement du territoire, prévues par la législation nationale, n’est pas de nature à soustraire ledit contrat au champ d’application de ladite directive, […]. »  

  

ANALYSE   

  

La CJUE était saisie de la question de savoir si l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 2, sous b) et c), de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique, propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété, doit être considéré comme étant un « consommateur », au sens de cette directive, lorsque cette personne conclut un contrat avec un syndic aux fins de l’administration et de l’entretien des parties communes de cet immeuble, dont certaines dispositions sont régies par la législation nationale […]. 

 

La Cour a répondu comme suit :  

D’après l’article 3, paragraphe 1, la directive 93/13 est applicable aux clauses des « contrats conclus entre un professionnel et un consommateur » dont celles qui n’ont « pas fait l’objet d’une négociation individuelle » (voir, en ce sens, ordonnance du 19 novembre 2015, Tarcău, C-74/15, EU:C:2015:772, point 20 et jurisprudence citée). 

 

Les règles établies par la directive doivent être appliquées à « tout contrat » conclu entre un professionnel et un consommateur, tels que définis à l’article 2, sous b) et c), de ladite directive (voir, en ce sens, ordonnance du 14 septembre 2016, Dumitraș, C-534/15, EU:C:2016:700, points 26 et 27ainsi que jurisprudence citée). 

Ainsi, est un consommateur toute personne physique qui a agi à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. A contrario, est un professionnel toute personne physique ou morale qui agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 22). 

La cour est ensuite venue rappeler que c’est par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle que la directive susmentionnée définit les contrats auxquels elle s’applique (arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 23ainsi que jurisprudence citée). 

 

S’agissant de la notion de « consommateur », il est de jurisprudence constante de la Cour que celle-ci a un caractère objectif. Elle doit être déterminée au regard d’un critère fonctionnel, consistant à apprécier si le rapport contractuel en cause s’inscrit dans le cadre d’activités étrangères à l’exercice d’une profession. Il incombe au juge national d’apprécier au cas par cas si le contractant concerné peut être qualifié de « consommateur » (ordonnance du 14 septembre 2016, Dumitraș, C-534/15, EU:C:2016:700, point 32et jurisprudence citée). 

 

S’agissant de la notion de « professionnel », la Cour rappelle que le législateur européen a entendu consacrer une conception large de cette notion, de telle sorte que chaque personne physique ou morale doit être considérée comme relevant de celle-ci, dès lors qu’elle exerce une activité professionnelle, y compris les missions à caractère public et d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, EU:C:2018:320, points 48 à 51et jurisprudence citée). 

 

En l’espèce, une personne physique, propriétaire, est liée par un contrat à un syndic de copropriété ce qui concerne l’administration et l’entretien des parties communes de l’immeuble en copropriété. Si la personne physique n’utilise pas cet appartement à des fins qui relèvent exclusivement de son activité professionnelle, la Cour énonce qu’il y a lieu de considérer que ladite personne agit en qualité de « consommateur ». Même s’il n’est pas contesté que le syndic agit en tant que professionnel et perçoit des charges annuelles pour ses activités, la Cour est venue poser le principe selon lequel la circonstance qu’une partie des activités réalisées par le syndic résultent de la nécessité de respecter des exigences spécifiques en matière de sécurité et d’aménagement du territoire, prévues par la législation nationale applicable, n’est pas de nature à soustraire ces activités au champ de la directive et donc des clauses abusives.  

Par conséquent, la présence d’exigences spécifiques, établies par la législation nationale, en matière de sécurité et d’aménagement du territoire ne justifie pas la présence de clauses abusives. 

 

La Cour précise ensuite que lorsque de telles dispositions législatives sont impératives, les clauses contractuelles reflétant ces dispositions sont exclues du champ d’application de cette directive, une telle exclusion n’implique pas que la validité d’autres clauses, figurant dans le même contrat et ne reflétant pas lesdites dispositions, ne pourrait pas être appréciée par le juge national au regard de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C-243/20, EU:C:2021:1045, point 39 et jurisprudence citée). 

 

Voir également :  

  

Recommandation n° 11-01 relative aux contrats proposés par les syndics de copropriété   

Recommandation n° 96-01 relative aux contrats proposés par les syndics de copropriété  

 

CJUE, 13 octobre 2022  aff. C-405/21  – NOVA KREDITNA BANKA MARIBOR d.d.  

  

Contrat de prêt libellé en devises étrangères – Déséquilibre significatif – Exigence de bonne foi – Critères d’appréciation – Degré d’harmonisation 

 

EXTRAIT 

  

« Larticle 3, paragraphe 1, et larticle 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que :  

ils ne sopposent pas à une réglementation nationale qui permet de constater le caractère abusif dune clause contractuelle lorsquelle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, sans toutefois procéder à lexamen, dans une telle hypothèse, de lexigence de « bonne foi », au sens de cet article 3, paragraphe 1. »  

  

ANALYSE   

  

La CJUE rappelle les trois critères pour apprécier le caractère abusif d’une clause : la bonne foi, l’équilibre et la transparence (pt 18) et elle saisit l’occasion pour rappeler le sens de chacun des  ces crtières (pts 20 à 28).  

S’agissant de la bonne foi, qui fait l’objet de la question préjudicielle, elle rappelle qu’il s’agit d’un « élément qui permet de vérifier si le professionnel a traité de façon loyale et équitable avec le consommateur » (pt 24) et que cette notion « est inhérente à l’examen de la nature abusive d’une clause contractuelle » (pt 25). 

Cependant, elle rappelle qu’à raison du degré d’harmonisation minimal de la directive, est laissée une marge de manœuvre aux Etats membres de protéger davantage les consommateurs. Aussi une législation nationale (en l’espèce la législation slovène) qui permet de constater le caractère abusif dune clause contractuelle lorsque son existence crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat sans procéder à lexamen de lexigence de « bonne foi » n’est pas contraire à la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 

 

Le droit français qui ne se réfère pas à la bonne foi pour apprécier le caractère abusif d’une clause (C. consom., art. L. 212-1) n’est donc pas contraire au droit européen. 

CJUE, 22 septembre 2022, aff. C-215/21 Servicios Prescriptor y Medios de Pagos EFC SAU 

 

Principe d’effectivité – Dépens – mauvaise foi du professionnel – Constatation en justice du caracère abusif d’une clause 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 6, paragraphe 1, et larticle 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens que : 

ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle relative à la constatation du caractère abusif d’une clause d’un contrat entre un professionnel et un consommateur, en cas de satisfaction par voie extrajudiciaire de ses prétentions, le consommateur concerné doit supporter ses dépens, sous réserve que le juge saisi tienne impérativement compte de l’éventuelle mauvaise foi du professionnel concerné et, le cas échéant, condamne ce dernier au paiement des dépens relatifs à la procédure juridictionnelle que ce consommateur s’est vu contraint d’engager pour faire valoir les droits que lui confère la directive 93/13. »  

  

ANALYSE   

  

Il revenait à la Cour de déterminer si larticle 6, paragraphe 1, et larticle 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE s’oppose à une réglementation nationale (en l’occurrence le droit espagnol) selon laquelle, en cas de satisfaction par voie de règlement extrajudiciaire quant à la constatation du caractère abusif d’une clause, le consommateur qui s’est vu contraint d’engager une action en justice pour faire valoir ses droits doit supporter les dépens 

 

La Cour rappelle que la protection tirée de la directive 93/13 est appréciée au regard du principe d’équivalence et du principe d’effectivité (pt. 23) tout en préservant l’autonomie procédurale des États membres. 

 

Eu égard au principe d’effectivité, la Cour rappelle qu’une législation nationale ne peut faire peser sur le consommateur les frais procéduraux en fonction des sommes indûment payées qui lui ont été restituées par le professionnel puisqu’un tel régime est susceptible de décourager le consommateur à faire valoir son droit devant les juridictions nationales. ( Voir en ce sens arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 ).
 

La Cour poursuit en condamnant la pratique espagnole, selon laquelle un consommateur, s’il obtient satisfaction en dehors des procédures juridictionnelles, devra toujours supporter les dépens de cette procédure, et cela même si le professionnel est de mauvaise foi, créant ainsi un obstacle substantiel de nature à empêcher le consommateur de profiter de la réglementation issue du droit de l’Union ( pt.41). 

 

Cependant, la CJUE observe que le gouvernement espagnol a indiqué qu’un « critère de correction » (pt. 25) permet au juge de prendre en considération la mauvaise foi éventuelle du professionnel et le cas échant si cela est démontré, de le condamner aux dépens.  

 

Ainsi, la Cour au regard de ces éléments juge cette réglementation espagnole compatible avec le principe d’effectivité et conforme au droit de lUnion.

CJUE, 8 septembre 2022, C80/21 à C82/21 – D.B.P   

 

Contrats de crédit hypothécaire – Action aux fins de restitution des sommes indûment versées– Prescription – Principe d’effectivité 

 

EXTRAITS : 

« La directive 93/13, lue à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprétée en ce sens que : elle s’oppose à une jurisprudence nationale selon laquelle le délai de prescription de dix ans de l’action du consommateur tendant à obtenir la restitution de sommes indûment versées à un professionnel en exécution d’une clause abusive contenue dans un contrat de crédit commence à courir à la date de chaque prestation exécutée par le consommateur, quand bien même ce dernier n’était pas en mesure, à cette date, d’apprécier lui-même le caractère abusif de la clause contractuelle ou n’avait pas eu connaissance du caractère abusif de ladite clause, et sans tenir compte de ce que ce contrat avait une durée de remboursement, en l’occurrence de trente ans, largement supérieure au délai de prescription légal de dix ans.» 

 

ANALYSE : 

Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser les règles de prescription applicables aux actions restitutoires consécutives au constat du caractère abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire. 

 

La Cour commence par rappeler que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui soumet l’action restitutoire consécutive au constat du caractère abusif d’une clause à un délai de prescription, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19, BNP Paribas Personal Finance). Dans la présente affaire, seul est visé le principe d’effectivité, ce qui signifie que l’opposition d’un tel délai de prescription est possible, pourvu que son application ne rende pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13 (pt.91). La Cour poursuit ainsi en s’intéressant aux modalités de mise en œuvre d’un tel délai, et particulièrement à sa durée et à son point de départ. 

 

La Cour retient qu’un délai de prescription de dix ans, pour autant qu’il soit établi et connu d’avance, ne semble pas rendre impossible ou excessivement difficile les droits conférés par la directive 93/13 (pt. 93). Elle considère en effet qu’un tel délai permet au consommateur d’exercer un recours effectif pour faire valoir les droits qu’il tire de ladite directive 93/13. La Cour appuie notamment sa position en rappelant qu’elle avait déjà pu considérer que des délais de prescription de trois à cinq ans n’étaient pas contraires au principe d’effectivité (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19, BNP Paribas Personal Finance).  

 

S’agissant ensuite du point de départ du délai de prescription, qui commence à courir au jour de chaque paiement réalisé par l’emprunteur, la Cour affirme qu’il existe un risque non négligeable que le consommateur ne soit pas en mesure, pendant ce délai, de faire valoir utilement les droits que lui confère la directive 93/13. Selon la Cour, un tel délai de prescription risque en effet d’expirer avant que le consommateur ne soit en mesure d’apprécier lui-même le caractère abusif d’une clause ou d’avoir connaissance du caractère abusif de ladite clause. La Cour en conclut ainsi que le délai de prescription, qui commence à courir au jour de chaque prestation exécutée par le consommateur, est contraire au principe d’effectivité, en ce qu’il rend excessivement difficile l’exercice des droits que le consommateur tire de la directive 93/13 (pt.99).