CJUE, 7 novembre 2024, ERB New Europe Funding II, C-178/23 

Devoirs et obligations du juge national – Première voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction du siège du professionnel sans l’assistance d’un avocat et sans participation de ce consommateur aux débats – Seconde voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction de son domicile avec l’assistance d’un avocat 

EXTRAIT : 

« L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière de son vingt-quatrième considérant, du principe d’effectivité et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que :  

II il n’impose pas à une juridiction nationale d’examiner le caractère éventuellement abusif des clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, lorsque ces clauses ont déjà été examinées par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée, y compris si, devant cette première juridiction, le consommateur n’a pas été assisté d’un avocat, n’a pas participé aux débats et n’a pas fait usage d’une voie de recours qui lui était ouverte, pour autant que cette décision a été dûment signifiée au consommateur avec l’indication des voies de recours dont il disposait et qu’il n’existe pas d’autres raisons particulières liées au déroulement de cette procédure, telles que l’absence de motivation de ladite décision, qui auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer utilement ses droits procéduraux. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) était saisie sur le point de savoir si une juridiction nationale peut examiner le caractère potentiellement abusif des clauses contenues dans un contrat de consommation lorsque le caractère abusif de ces clauses a déjà fait l’objet d’un contrôle juridictionnel en première instance par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, et alors que la demande a été formée par un consommateur n’ayant pas participé aux débats et n’ayant pas été assisté d’un avocat..  

La Cour rappelle que les États doivent prévoir des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les clauses abusives dans les contrats de consommation compte tenu du principe d’intérêt public qu’est la protection des consommateur (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21). 

Elle rappelle également qu’en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, la procédure d’examen des clauses éventuellement abusives relève de l’ordre juridique interne tant que ces procédures respectent les principes d’équivalence et d’effectivité. La CJUE rappelle l’importance du principe de l’autorité de la chose jugée tant au niveau de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

Elle estime que les décisions juridictionnelles devenues effectives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus ne peuvent pas être remises en cause dans l’objectif d’une bonne administration de la justice (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

La CJUE rappelle enfin qu’en vertu du droit de l’UE, le juge national n’est pas dans l’obligation d’écarter l’application des règles de procédures internes concernant l’autorité de la chose jugée même si cela règlerait une situation nationale incompatible avec le droit de l’UE (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

Le respect des exigences découlant des principes d’équivalence et d’effectivité doit être analysé en prenant en compte toute la procédure notamment son déroulement et les particularités des règles devant l’instance nationale (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

La CJUE rappelle que le juge national doit examiner d’office le caractère éventuellement abusif de la clause. Cette obligation pour le juge est justifiée par la protection accordé au consommateur par le droit de l’Union. La Cour ajoute que les décisions qui, bien que disposant de l’autorité de la chose jugée, n’ont pas fait l’objet d’un contrôle concernant le caractère potentiellement abusif d’une clause ne permettent pas de garantir un contrôle efficace au sens de la directive 93/13 (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19). 

La CJUE ajoute que si la juridiction de renvoi constate qu’un contrôle du caractère éventuellement abusif des clauses a été opéré par le juge de première instance, qu’aucune clause abusive n’a été révélée au terme de ce contrôle, que ce contrôle fait l’objet d’une motivation et enfin que le consommateur a été informé de ses droits concernant l’appel de cette décision, la protection du consommateur est assurée (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19). 

La CJUE déclare que l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13 n’impose pas à une juridiction nationale d’opérer un examen du caractère abusif des clauses dans un contrat de consommation lorsque les clauses ont déjà fait l’objet d’un contrôle par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée. C’est notamment le cas même si le consommateur n’a pas participé au débat, n’était pas assisté par un avocat et n’a pas utilisé une voie de recours encore ouverte. La Cour ajoute que la juridiction est exempté d’exercer ce contrôle si deux conditions sont remplies : si la décision a été signifié au consommateur et qu’elle était accompagné de l’information sur les voies de recours possible et si aucunes raisons particulières liées au déroulement de la procédure auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer ses droits procéduraux.

CJUE, 24 octobre 2024, aff. C-347/23 – Zabitón  

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Notion de consommateur – Contrat de crédit hypothécaire – Activité non professionnelle – Investissement locatif 

  

  

EXTRAIT   

« L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE […] doit être interprété en ce sens qu’une personne physique qui conclut un contrat de crédit hypothécaire afin de financer l’achat d’un seul bien immobilier résidentiel pour le mettre en location à titre onéreux relève de la notion de « consommateur » […] lorsque cette personne agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. Le seul fait […] qu’elle cherche à tirer des revenus de la gestion de ce bien immobilier ne saurait […] conduire à l’exclure de la notion de consommateur. » 

  

ANALYSE   

  

Dans l’affaire C-347/23, des particuliers avaient souscrit un contrat de crédit hypothécaire pour financer l’acquisition d’un bien immobilier destiné à être loué à titre onéreux. Les emprunteurs ont considéré qu’une des clauses de ce contrat était abusive. La clause en question impliquait une limitation des droits du consommateur au motif qu’il exerce une activité occasionnelle de mise en location. 

La question posée était de savoir si un tel emprunteur pouvait être qualifié de « consommateur », même si l’opération génère des revenus. 

 

La CJUE a examiné cette clause relevant de la  sur les clauses abusives, et plus particulièrement l’article 2, sous b).  

Les juges ont décidé que « le seul fait que ladite personne physique cherche à tirer des revenus de la gestion de ce bien immobilier ne saurait, en soi, conduire à exclure la même personne de la notion de « consommateur ».  

En effet, elle a observé que les emprunteurs « n’exerçaient aucune activité commerciale à titre professionnel dans le domaine de la gestion immobilière ». et qu’ils avaient conclu le contrat de crédit hypothécaire afin de financer l’acquisition d’un seul bien immobilier résidentiel ». Elle a également relevé que le bien était destiné à être loué à titre onéreux, et que les revenus locatifs avaient servi principalement à payer les mensualités du prêt.  

Elle en déduit que le prêt ne poursuivait pas, pour les emprunteurs, une finalité professionnelle, mais « visait à consolider leur patrimoine privé, l’acquisition du bien immobilier résidentiel financé par ce crédit constituant pour eux une forme d’investissement ». 

 

La CJUE confirme sa position antérieure (C-570/21, 8 juin 2023) sur la nécessité d’une interprétation large de la notion de consommateur afin de ne pas empêcher qu’une protection puisse être accordée aux personnes physiques en situation d’infériorité à l’égard d’un professionnel. 

 

La Cour a insisté sur le déséquilibre d’information et de négociation entre les parties, ce qui est essentiel à la qualification de clause abusive. 

 

 

   

Voir également :  

  

-Site de la CCA : CJUE, 8 juin 2023, aff. C-570/21 – I.S and KS c. YYY

Cass. com. 16 octobre 2024 Pourvoi n° 23-20.114 

 

Prêt — Agir dans le cadre d’une activité professionnelle — Déséquilibre significatif — Clause abusive — Non-professionnel 

  

EXTRAITS : 

« [L’arrêt] relève […] que, ayant souhaité financer des investissements liés à son activité d’accueil, d’insertion et d’hébergement des personnes handicapées, l’association Arc-en-ciel a souscrit le prêt litigieux […]. Il en déduit exactement que le contrat de prêt, destiné à financer des investissements de l’emprunteur, est intervenu pour les besoins des activités professionnelles de l’association Arc-en-ciel.». 

 

  

ANALYSE : 

  

En l’espèce, en 2008, la société Dexia a accordé à l’association Arc-en-ciel un prêt destiné à des investissements immobiliers. En 2011, ce prêt a été transféré à l’Association régionale pour l’intégration (ARI). Contestant une clause relative au remboursement anticipé du prêt, l’ARI a invoqué son caractère abusif, prétendant bénéficier des protections offertes par le code de la consommation en qualité de « non-professionnel ». 

 

La cour d’appel a conclu que le prêt concernait une activité professionnelle (financement immobilier lié à l’accueil et l’hébergement de personnes handicapées). Par conséquent, l’ARI ne pouvait être qualifiée de « non-professionnel » au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation. La demande d’annulation fondée sur une clause abusive a donc été rejetée. 

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle confirme que le fait qu’une personne morale n’ait, par principe, aucun but lucratif n’est pas exclusif de l’exercice d’une activité professionnelle. Elle rappelle que l’application du droit de la consommation à une opération de crédit dépend non de la personnalité de la personne morale qui s’engage, mais de la destination contractuelle du prêt, fût-elle accessoire. Elle en déduit que l’utilisation du prêt pour des investissements immobiliers liés à l’accueil et à l’hébergement constitue une activité professionnelle. Dès lors, l’ARI ne pouvait bénéficier des dispositions relatives aux clauses abusives. 

 

 

Voir également : 

Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n° 22-13.969   

Cour d’appel de Paris, 3 octobre 2024, n° 23/09926 

commandement de payer aux fins de saisie vente – signification du commandement de payer – mainlevée de la saisie attribution – clauses abusives – titre dont l’exécution est poursuivie – mesures d’exécution forcée – 

 

EXTRAITS  

« […] l’arrêt de la chambre commerciale et financière de la Cour de cassation en date du 8 février 2023 (P. N° 21-17.763) […] outre qu’il concerne bien, contrairement à ce qui est soutenu, l’exécution d’une décision de justice, en l’espèce, l’ordonnance d’un juge-commissaire, revêtue de l’autorité de la chose jugée, n’opère aucune distinction suivant la nature du titre dont l’exécution est poursuivie. ». 

 

 

ANALYSE   

En l’espèce, un emprunteur a été condamné par une ordonnance d’injonction de payer sur le fondement d’un contrat de crédit. En exécution de ce titre, la société Eos France a fait pratiquer une saisie-attribution à l’encontre de l’emprunteur. Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a ordonné la mainlevée partielle de la saisie-attribution. L’emprunteur a interjeté appel de la décision. La société Eos a formé un appel incident par voie de conclusion. 

Dans ses conclusions récapitulatives, l’emprunteur demande de déclarer abusives les clauses contractuelles du contrat de crédit relatives au TAEG, aux intérêts de retards et de déchéance du terme.  

L’emprunteur se fonde sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’U.E, l’arrêt de la chambre commerciale et financière de la Cour de cassation en date du 8 février 2023 (P.N° 21-17.763), l’article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil de 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et l’article L.212-1 du Code de la consommation et soutient, en substance, que le juge de l’exécution à la demande d’une partie ou des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites, sauf lorsqu’il ressort de l’ensemble de la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée que le juge s’est livré à cet examen, dans le contrat de crédit, qu’en l’espèce, le jugement attaqué n’a pas statué sur l’existence des clauses abusives contenues dans le contrat de crédit.  

La société Eos lui oppose, de première part, le fait que l’arrêt du 8 février 2023 n’a pas vocation à s’appliquer aux situations antérieures car, au regard de l’article 6-1 de la CEDH, l’application d’une nouvelle règle jurisprudentielle dans l’instance en cours aboutirait à priver une partie, en l’occurrence le prêteur, d’un procès équitable, principe à valeur constitutionnelle, de deuxième part, qu’il concerne l’exécution d’un titre notarié et non d’une décision de justice, de troisième part, qu’en application des dispositions de l’article R 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution, de quatrième part, qu’il convient de tenir compte du comportement du consommateur et de sa passivité au cours de la procédure et durant l’exécution et que l’emprunteur n’a jamais contesté le titre exécutoire ni manifesté de moyens de défense, qu’il ne produit pas le contrat et les clauses qu’il estime abusives, que généraliser la solution résultant de l’arrêt du 8 février 2023 entraînerait nécessairement la responsabilité de l’état français pour fonctionnement défectueux de la justice. 

La Cour d’appel de Paris a jugé d’abord que : « le principe posé par l’arrêt du 8 février 2023 n’est pas de nature à priver une partie de son droit à un procès équitable puisque, bien au contraire, il tend à ce que soit examiné par un juge le caractère abusif ou non des clauses d’un contrat. »  Ensuite, elle a ajouté que l’arrêt du 8 février 2023 : « […] outre qu’il concerne bien, contrairement à ce qui est soutenu, l’exécution d’une décision de justice, en l’espèce, l’ordonnance d’un juge-commissaire, revêtue de l’autorité de la chose jugée, n’opère aucune distinction suivant la nature du titre dont l’exécution est poursuivie. ».En troisième lieu, elle affirme que: « s’il résulte de l’article R. 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution, ni, hors les cas prévus par la loi, statuer sur une demande en paiement, il peut constater, dans le dispositif de sa décision, le caractère réputé non écrit d’une clause abusive, et, dès lors, est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d’exécution forcée dont il est saisi et de tirer ensuite toutes les conséquences de l’évaluation de cette créance sur les contestations des mesures d’exécution dont il est saisi. ». En dernier lieu, la cour d’appel de Paris a précisé que le seul fait que l’emprunteur : « […] n’a formé ni opposition à l’ordonnance d’injonction de payer ni recours à l’encontre des tentatives d’exécution de cette décision est insuffisant à caractériser un comportement dispensant le juge de l’exécution de son obligation de vérifier d’office le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles sur le fondement desquelles a été obtenue l’ordonnance. » 

 

 

Voir égal. Cass. com., 8 février 2023, n° 21-17.763 

Cour d’appel de Versailles, 3 octobre 2024, RG N°22/06464 

 

EXTRAITS : 

« 2. Sur l’application des règles du droit de la consommation 

[…] 

En l’espèce, aux termes de ses statuts, l’association CAP [Localité 5] est une association sportive dont l’objet est la poursuite de la pratique des exercices physiques et des sports notamment le football, ainsi que la promotion de tous les exercices physiques et activités sportives. Elle n’exerce aucune activité économique, tirant ses ressources en vertu de l’article 5 de ses statuts, des seules cotisations de ses membres, de subventions des collectivités publiques, de versements d’éventuels sponsors ou donateurs et du produit de manifestations et de tournois qu’elle organise. Les fonds sont utilisés exclusivement pour le fonctionnement de l’association. Selon l’article 3 de ses statuts, elle est composée de membres d’honneur, de membres perpétuels, de membres actifs ou d’adhérents. Les membres du comité directeur ne peuvent être indemnisés par l’association à quelque titre que ce soit, sauf dérogation accordée à titre exceptionnel par le bureau du comité directeur, cette dérogation ne devant excéder une saison sportive.  

Le caractère professionnel d’une activité se déduisant de l’origine commerciale, industrielle artisanale, agricole ou libérale du revenu qu’elle procure, il y a lieu de constater que l’objet de l’activité de l’association CAP [Localité 5] en l’espèce ne procure aucun revenu d’origine professionnelle à l’association.  

En outre, la location de matériel de reprographie, sans laquelle certes l’association serait dans l’incapacité de fonctionner, est sans rapport direct avec son activité de club sportif visant la promotion des exercices physiques et notamment du football.  

Ainsi, l’association CAP [Localité 5] doit être considérée comme non- professionnelle au sens de l’article L132-1 ancien du code de la consommation : elle est donc recevable à invoquer les protections apportées par ce texte.» 

« 3. Sur le caractère abusif des clauses de résiliation et de conséquences de la résiliation anticipée 

En premier lieu, il convient de relever que les conséquences économiques de la résiliation sont exprimées sans équivoque. Il y a donc lieu de considérer que les clauses sont intelligibles et clairement écrites. 

En deuxième lieu, ces clauses reconnaissent le droit de CAP [Localité 5] de résilier le contrat mais seulement avec l’accord de la société Grenke, et avec l’obligation de payer l’intégralité des loyers restant dus. La réciproque pour l’association CAP [Localité 5] n’est pas prévue. 

L’article 11 prévoit également qu’en cas de résiliation, le bailleur a droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu’au terme initial du contrat majorée de 10% ainsi que le cas échéant, des loyers échus impayés et des intérêts de retard calculés au taux de l’intérêt légal, tandis que le locataire était tenu de restituer le matériel loué. Cette clause avait été requalifiée par les précédents juges en clause pénale, sans examen de son caractère abusif au sens du droit de la consommation. 

Cette clause est, selon ce qui a été soutenu précédemment, la contrepartie de l’acquisition par le bailleur du matériel auprès de son fournisseur et vise à garantir le bailleur acquéreur du matériel loué des conséquences préjudiciables d’une rupture unilatérale du contrat de location par le locataire ainsi que la sanction du manquement du locataire à son obligation de fournir une information loyale quant à ses besoins. 

Cette clause prévoit que si le locataire résilie le contrat, il est tenu de payer une indemnité équivalente au montant des loyers restant dus jusqu’au terme du contrat avec une majoration. En revanche, le contrat ne prévoit pas de réciproque d’indemnisation de l’autre partie, en cas de résiliation unilatérale du contrat par le bailleur ni même la nécessité de l’accord du locataire pour résilier.  

Ainsi ces clauses 10 et 11 ensemble ont pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou consommateur et la clause 10 est incontestablement abusive au sens de l’article R312-1 7°et 8° (sic) du code de la consommation.  

En conséquence, ces deux clauses doivent être déclarées abusives et sont donc réputées non écrites et ne peuvent produire leurs effets. » 

ANALYSE : 

En l’espèce, la société Grenke Location, spécialisée en location financière de matériel informatique et téléphonique, a conclu avec l’association CAP trois contrats de location longue durée portant sur du matériel informatique.  

Après un défaut de paiement des loyers, persistant, à partir d’avril 2013, la société Grenke Location a résilié les trois contrats et mis en demeure l’association CAP de lui restituer les différents éléments de matériel informatique loués. La société a finalement assigné l’association, qui a formé une demande reconventionnelle tendant à obtenir à titre principal l’annulation des contrats de location, et à titre subsidiaire de voir certaines clauses réputées non écrites.  

La Cour de cassation a été saisie deux fois du litige. En effet, un premier pourvoi en cassation a été formé contre un arrêt rendu en 2018 par la Cour d’appel de Paris, par lequel elle rejetait les demandes de l’association (confirmant ainsi l’arrêt de première instance du TGI de Créteil) et fixant la créance de la société Grenke au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de l’association. La Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa de l’ancien article L.132-1 ancien du Code la consommation, qui invitait les juges du fond à rechercher si l’association avait bien une activité professionnelle, quand elle tirait ses seules ressources des cotisations versées par ses adhérents. La Cour de cassation a plus tard censuré un second arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu en 2020, statuant sur renvoi après cassation, au motif que celle-ci n’avait pas examiné d’office le caractère abusif de certaines clauses contenues dans les contrats de location. L’affaire a été finalement renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles.  

Cette juridiction a statué en premier lieu sur l’application des dispositions du Code de la consommation au litige, puis a examiné le caractère abusif de certaines des clauses des contrats de location, ainsi qu’il lui était demandé à titre subsidiaire par l’association CAP.  

Concernant l’application des dispositions du Code de la consommation, la Cour d’appel de Versailles, s’appuyant sur l’article L.132-1 du Code de la consommation (dans sa version antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016) ainsi qu’un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1e, 26 nov. 2002, n°00-17.610), a retenu que la location par l’association de matériel informatique n’entrait pas dans le cadre de son activité de club sportif. En effet, d’une part, la Cour d’appel a constaté que l’association ne dégageait aucun revenu professionnel, que son objet consistait exclusivement dans la pratique sportive et que ses seuls revenus provenaient des cotisations réglées par les adhérents. D’autre part, la Cour a affirmé que ce matériel informatique (comprenant appareils et logiciels) n’était destiné qu’à permettre à l’association de fonctionner normalement. Celle-ci ne pouvait donc pas être qualifiée de professionnelle dans ses rapports juridiques avec la société Grenke Location. En tant que non professionnelle, les dispositions protectrices du Code de la consommation lui étaient alors applicables.  

Concernant le caractère abusif de certaines des clauses contenues dans les contrats de location de matériel informatique, la Cour d’appel de Versailles a examiné deux clauses en particulier :  

-« Article 10 – Résiliation (…) 5. Le locataire peut mettre fin de façon anticipée au contrat s’il le souhaite. Toutefois, cette résiliation ne pourra se faire qu’avec l’accord du bailleur et sous réserve du paiement des sommes visées à l’article 11. »  

-« Article 11 – conséquence de la résiliation anticipée 1.En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l’article précédent ou en cas de résiliation judiciaire du contrat, résultat d’une résolution judiciaire de la vente du matériel ou de la licence en raison d’un vice affectant les produits concernés, le bailleur aura droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu’au terme initial du contrat majoré de 10% ainsi que le cas échéant, des loyers échus impayés et des intérêts de retard calculés au taux de l’intérêt légal. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au locataire de la lettre de résiliation. (…) » 

La Cour d’appel a considéré que, si les clauses indiquaient de manière claire et intelligibles les conséquences économiques de la résiliation, elles prévoyaient tout d’abord que l’association CAP devait obtenir l’accord de la société Grenke pour résilier, sans que cette dernière n’ait à obtenir l’accord de l’association pour, elle, résilier les contrats ; ainsi qu’une indemnisation de la société bailleresse si l’association résiliait, sans qu’une indemnisation ne soit prévue pour l’association si la société Grenke était à l’initiative de la résiliation . La Cour a finalement estimé que ces deux clauses avaient pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, à la défaveur de l’association CAP, non professionnelle. Selon la Cour, ces clauses devaient être réputées non écrites, en ce qu’elles étaient abusives. La Cour a fondé son raisonnement sur l’arrêt de la CJCE Pannon (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08) ainsi que sur la liste noire des clauses abusives (C. consom., art. R. 212-1, 7° et 8° avec une erreur de frappe dans le numéro de l’article cité dans l‘arrêt). 

La Cour d’appel a cependant écarté le caractère abusif d’une autre clause du contrat intitulée : « Loyers, ajustements, imputation des paiements » qui stipulait que « Le locataire reste tenu du paiement de l’intégralité des loyers au bailleur, même en cas de dysfonctionnement, quelle qu’en soit la nature ou la cause, lié à la maintenance ou au fonctionnement des produits. Aucune compensation à quelque titre que ce soit autre que judiciaire ne pourra intervenir entre les parties ». La Cour a déclaré que cette clause n’était pas irréfragablement abusive car elle visait à garantir le paiement des loyers au bailleur qui avait livré de manière effective le matériel informatique à son locataire, indépendamment des dysfonctionnements.  

Par ailleurs, tenue d’apprécier l’intelligibilité des clauses, notamment leur taille de police, la Cour d’appel a cité une recommandation de la Commission des clauses abusives, invitant les professionnels à ne pas imprimer les clauses contenues dans leurs contrats en dessous d’une taille de police 8.  

Voir également : 

arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 26 novembre 2002, n°00-17.610 

arrêt de la CJCE, Pannon, du 4 juin 2009 (C-243/08) 

recommandation de la CCA concernant la taille minimale des caractères 

 

Cass. civ, 2ème, 3 octobre 2024, n°21-25.823 

 

 

Clause d’exigibilité immédiate – Contrat de prêt – Déchéance du terme – Mise en demeure – Saisie immobilière 

 

EXTRAITS :  

« 6. Pour fixer la créance de la banque à l’égard de M. [D] à la somme de 115 759,75 euros, l’arrêt retient que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, que la clause d’exigibilité immédiate étant réputée non écrite, la banque ne pouvait prononcer valablement la déchéance du terme, sans mise en demeure préalable des débiteurs et qu’il est constant que la banque a envoyé, à l’adresse commune des époux, une lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme qui ne mentionnait que M. [D]. 

  1. Il en déduit que la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée à l’égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable, mais que la banque a valablement prononcé la déchéance du terme à l’égard de M. [D]. 
  2. En statuant ainsi, après avoir dit que la clause d’exigibilité immédiate stipulée au contrat de prêt constituait une clause abusive qui devait être réputée non écrite, ce dont il résultait que la déchéance du terme ne pouvait reposer sur cette clause, peu important l’envoi par la banque d’une mise en demeure, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.». 

 

ANALYSE :  

Une banque a accordé un prêt à un couple par acte notarié. A la suite d’un défaut de paiement, le prêteur a émis un commandement de payer valant saisie immobilière et a assigné les emprunteurs à une audience d’orientation.  

La Cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 26 octobre 2021, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ ; 2ème, 19 nov. 2020, n°19-19269), a estimé que la clause d’exigibilité figurant au contrat de prêt du 15 juin 2004 était abusive et devait être réputée non écrite, et que la déchéance du terme n’avait pas été valablement prononcée à l’égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable. Cependant, la cour d’appel a considéré que la déchéance du terme avait été valablement prononcée à l’égard de M. [D] qui, lui, avait bien été mis en demeure sur le fondement de la clause. Dès lors, la cour d’appel a estimé que la saisie immobilière était fondée en ce qui concerne M. [D], la créance de la banque, fixée la somme de 115 759,75 euros, étant exigible. 

Les emprunteurs forment un pourvoi en cassation en affirmant que la clause d’exigibilité du contrat de prêt doit être considérée comme abusive. De ce fait, elle doit être réputée non écrite et ne peut permettre au prêteur d’invoquer la déchéance du terme, même avec une mise en demeure préalable, à l’égard de M. [D].  

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt. Elle observe tout d’abord que la cour d’appel a jugé que la clause d’exigibilité immédiate qui était prévue dans le contrat était abusive et par voie de conséquence réputée non écrite en vertu des articles L132-1 du Code de la consommation (dans sa version antérieure) et 1134 du Code civil (dans sa version antérieure), faute pour elle de prévoir une obligation de mise en demeure préalable. Elle observe également que la cour d’appel a considéré que la déchéance du terme sans mise en demeure n’avait pas été valablement prononcée à l’égard de Mme D., faute de mise en demeure préalable, mais qu’elle avait été valablement prononcée à l’égard de M. D. C’est sur ce dernier point que l’arrêt est cassé. En effet, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a conclu que, au regard du réputé non écrit de la clause, la déchéance du terme ne pouvait pas reposer sur cette clause, peu important l’envoi d’une mise en demeure à l’un des deux emprunteurs.  

Cet arrêt permet de clarifier la portée du caractère abusif de la clause d’exigibilité immédiate. Celle-ci étant réputée non écrite, tous les actes pris sur son fondement sont privés d’effet. Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de celui de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 mars 2023 (n°21-16044) statuant sur le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme, en apportant des précisions sur les conséquences de cette sanction.  

 

Voir également :  

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n°21-16044

COUR D’APPEL DE PARIS, 3 OCTOBRE 2024, RG n°24/03904 

– saisie immobilière – commandement de payer – clause abusive – exigibilité de la créance – vente forcée.  

  

EXTRAITS 

  

« Il résulte de l’article L.311-2 du code des procédures civiles d’exécution que pour procéder à une saisie immobilière le créancier doit être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

L’article L.212-1 alinéa 1er du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il énonce en son second alinéa que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat.
 

Par un arrêt du 22 mars 2023 (n°21-16.044) et dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne issue des arrêts du 26 janvier 2017 et 8 décembre 2022, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a décidé qu’était abusive comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur, exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d’un contrat de prêt immobilier prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, rappelant dans un arrêt du même jour qu’il incombait au juge d’examiner d’office l’existence d’un tel abus.

En l’espèce, la clause « déchéance du terme et exigibilité du présent prêt » est ainsi rédigée : « En cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, frais, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après une mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours :

– en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du/des prêts du présent financement,

– (‘). »

Il en résulte qu’un court délai de préavis de 15 jours est prévu en faveur du consommateur emprunteur pour lui permettre de régulariser sa dette et éviter la résiliation de plein droit. Ainsi, contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, compte tenu de l’enjeu et des conséquences considérables d’un telle clause pour l’emprunteur qui se voit contraint de rembourser dans un délai très bref la totalité des sommes restant dues au titre du prêt au bon vouloir du prêteur, sans respect d’un délai de préavis d’une durée raisonnable, cette clause est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. Elle est donc abusive et doit être réputée non écrite.

ANALYSE 

  

En l’espèce, la société Crédit Agricole, créancière, a engagé une procédure de saisie immobilière contre des débiteurs en raison du non-paiement des échéances d’un prêt immobilier contracté le 22 juin 2017. Le 30 mars 2022, un commandement de payer valant saisie a été délivré, visant un bien immobilier. Les débiteurs ont contesté cette saisie en invoquant l’inexigibilité de la créance.

En première instance, le tribunal judiciaire de Meaux a été saisi pour annuler le commandement de payer, mais a rejeté cette demande. Le juge de l’exécution a, cependant, retenu le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée. Les débiteurs ont interjeté appel, demandant l’annulation du commandement et la reprise des paiements.
 

La Cour d’appel de Paris a été saisie de plusieurs questions..
Elle devait d’abord déterminer si la clause d’exigibilité anticipée du contrat de prêt était abusive, puis si le commandement de payer valant saisie immobilière était valable en l’absence de réception de la lettre de mise en demeure par les débiteurs, et enfin si les débiteurs pouvaient obtenir l’annulation de la saisie et la reprise des paiements des échéances du prêt.  

 

La Cour d’appel de Paris a confirmé en partie le jugement de première instance, retenant la créance du Crédit Agricole à la somme de 17 396,12 euros, et a débouté les débiteurs de leurs demandes d’annulation du commandement de payer et de reprise des paiements. Elle a motivé sa décision en reconnaissant le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée en raison du préavis insuffisant de 15 jours, non conforme aux exigences de la CJUE et de la Cour de cassation. Cependant, elle a maintenu la validité du commandement de payer pour les échéances échues, malgré l’absence de réception effective de la mise en demeure par les débiteurs, et a rejeté la demande de reprise des paiements en raison de l’absence de preuves suffisantes des démarches entreprises pour vendre le bien ou des difficultés financières.  

 

 

Voir également :  

Cour d’appel de Montpellier, 26 septembre 2024, n° 23/00827 

– clause d’exigibilité immédiate du prêt – défaillance de l’emprunteur – clause de déchéance du terme –– clause d’intérêts de retard – clauses abusives 

 

 

EXTRAITS  

« Ainsi, en laissant à chaque emprunteur solidaire un délai raisonnable pour parvenir à régulariser l’arriéré de manière à éviter l’exigibilité immédiate du capital, la banque, en appliquant largement la clause d’exigibilité, n’a commis aucune faute dans l’exécution contractuelle. Le prononcé de la déchéance du terme est régulier et produit ses eets. 

 

La clause relative aux intérêts de retard insérée à l’acte de prêt est donc une déclinaison conforme aux dispositions légales applicables et ne crée aucun déséquilibre significatif au sens de l’article L132-1 du code de la consommation pas plus que son exécution n’est constitutive d’une faute de la banque. La clause de stipulation des intérêts de retard est régulière et produit ses eets »  

 

 

ANALYSE   

La Cour d’appel de Montpellier a été saisie pour juger des contestations liées à un prêt immobilier consenti en 2008 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à M. [I] et Mme [G], alors mariés. Après la séparation du couple, M. [I] a cessé de payer les mensualités à partir de novembre 2020. La banque a procédé à la déchéance du terme en 2021 et a réclamé le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, en application des clauses relatives à la déchéance du terme et aux intérêts de retard.   

 

La clause de déchéance du terme stipulait que, en cas de défaut de paiement d’une seule échéance du prêt, la banque pouvait exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que des intérêts et des accessoires, sans qu’il soit nécessaire d’accomplir une quelconque formalité judiciaire préalable. Toutefois, avant de mettre en œuvre la déchéance du terme, la clause offrait aux emprunteurs un délai de 15 jours, après une mise en demeure, pour régulariser la situation. Si la régularisation n’était pas effectuée dans ce délai, la déchéance du terme pouvait être prononcé.   

 

En cas de retard de paiement des échéances, la clause d’intérêts de retard prévoyait que le capital restant dû continuerait à produire des intérêts au taux prévu par le contrat. De plus, si la déchéance du terme était prononcée, les sommes dues seraient majorées d’intérêts de retard au même taux que celui du prêt, avec une possibilité pour la banque de demander une indemnité supplémentaire.  

 

Les deux emprunteurs ont contesté la validité des clauses relatives à la déchéance du terme et aux intérêts de retard. Mme [G] a également invoqué le caractère abusif des clauses et demandé des délais de paiement supplémentaires.   

 

La Cour a jugé que la clause d’exigibilité immédiate, qui offrait un délai raisonnable aux emprunteurs pour régulariser leur situation, ne créait pas de déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable et ne pouvait donc pas être considérée comme abusive. Elle a constaté que cette clause laissait aux co-emprunteurs solidaires un délai raisonnable de quinze jours pour régulariser l’arriéré et éviter l’exigibilité immédiate du capital. Par conséquent, la déchéance du terme a été considérée comme régulière et produisant ses effets. L’emprunteur avait cependant invoqué le bénéfice de la solution rendue par la Cour de cassation le 22 mars 2023. Dans cette décision, la première chambre civile avait jugé abusive la clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable.   

 

La Cour d’appel de Montpellier a également confirmé la régularité de la clause relative aux intérêts de retard, celle-ci étant conforme aux dispositions du Code de la consommation en vigueur.   

 

Enfin, la Cour a débouté les emprunteurs de leurs demandes de délais de paiement, estimant qu’ils n’ont pas justifié leur capacité à rembourser dans des conditions plus favorables. 

CA Aix-en-Provence, 26 septembre 2024 n°24/01435 

 

contrat de prêt immobilier accessoire à une vente – déchéance du terme – résiliation sans préavis d’une durée raisonnable – mise en demeure – clause abusive – relevé d’office – réputé non-écrit – office du juge de première instance – règles supplétives – arrêt avant dire droit – principe du contradictoire  

 

EXTRAITS  

« Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), la CJUE a dit pour droit que la directive s’opposait à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoit, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. 

Par arrêt du 22 mars 2023 n° 21-16.476, la Cour de cassation, en application de l’article L.132-1 ancien du Code de la consommation et sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE, a retenu que doit être considérée comme abusive, la clause d’un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l’emprunteur ni préavis d’une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date ; 

Il en a été jugé ainsi d’une clause d’un contrat de prêt prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise demeure de régler restée infructueuse pendant quinze jours. (Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904) 

Au vu des développements qui précèdent et du moyen de droit soulevé d’office, il convient de surseoir sur l’ensemble des contestations et demandes et de rouvrir les débats pour permettre aux parties de formuler leurs observations sur le point précité et ses éventuelles conséquences sur les caractères liquide et exigible de la créance poursuivie ; ». 

 

 

ANALYSE   

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a été saisie par un emprunteur qui avait conclu un contrat de prêt avec une banque. Le contrat de prêt, annexé à un acte authentique de vente, contenait une clause de déchéance du terme. L’acte authentique de vente reprenait ladite clause. À la suite d’échéances impayées, la banque a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière pour le recouvrement des sommes restant dues. Toutefois, le commandement de payer est resté sans effet. En application de la clause de déchéance du terme, la banque a assigné l’emprunteur à une audience d’orientation devant le juge de l’exécution, propre à la procédure de saisie immobilière.  

 

L’emprunteur a soulevé l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme du contrat de prêt. Le juge de l’exécution a constaté la réunion des conditions de la saisie immobilière, arrêté le montant de la créance liquide et exigible, et ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis. L’emprunteur a interjeté appel de cette décision. 

Selon l’emprunteur, la clause de déchéance du terme est une clause abusive puisqu’elle dispense la banque d’avoir à justifier une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.   

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que la clause de déchéance stipule l’exigibilité immédiate du solde du compte sous quinze jours à compter de la mise en demeure envoyée par lettre recommandée avec avis de réception. Sur le fondement de l’article L212-1 du Code de la consommation, la question du caractère abusif de la clause qui ne laisse qu’un délai de quinze jours à l’emprunteur pour régulariser les échéances impayées se pose. Les juges du fond procèdent d’office à l’examen du caractère abusif de la clause dès lors qu’ils disposent des moyens de fait et de droit nécessaires (CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08 ; Civ. 2°, 14 octobre 2021 n°19-11.758 ; Com., 8 février 2023 n° 21-17.763). L’examen du caractère abusif de la clause peut être réalisé en cause d’appel, bien qu’il n’ait pas été accompli en première instance. L’article R.132-2 ancien du Code de la consommation énonce que : « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l’article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : […] 

4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable  ;   » 

 

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il incombe au juge national d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt, en application d’une clause de déchéance du terme, dépendait de l’inexécution suffisamment grave de l’obligation essentielle du contrat par le consommateur, au regard de la durée et du montant du prêt. De plus, il incombe au juge national d’examiner si cette faculté déroge aux règles supplétives de droit des contrats, et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt en application de la clause de déchéance du terme (CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C-421-14). Ces trois critères permettent au juge national d’examiner l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat. Ils ne sont ni cumulatifs, ni alternatifs (CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest”, C-600/21).  

 

De plus, la directive s’oppose à l’insertion d’une clause qui stipule expressément et sans équivoque, que la déchéance du terme peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance après un certain délai car une telle clause, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation , crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest”, C-600/21, précité). Ainsi, la clause d’un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure préalable, ni préavis d’une durée raisonnable, la totalité des sommes dues en cas de défaut de paiement d’une échéance est abusive (Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476). En ce sens, une clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, ne respecte pas l’exigence de préavis d’une durée raisonnable. Une telle clause est abusive. (Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904)   

 

Par conséquent, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence surseoit à statuer sur l’ensemble des contestations et demandes. La réouverture des débats est ordonnée à l’audience du 15 janvier 2025, afin de permettre aux parties de formuler leurs observations sur le moyen de droit relevé d’office, relatif au caractère abusif de la clause de déchéance du terme. 

 

 

Voir également :  

 

CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest” C-600/21 

 

Cour de justice de l’Union européenne  : L’appréciation du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme tient compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat de prêt – Commission des clauses abusives (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21) 

 

Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476  

 

La clause de déchéance du terme est abusive lorsqu’elle est invoquée sans un préavis d’une durée raisonnable – Commission des clauses abusives (Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476)  

 

Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904  

 

CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C421-14 

 

Contrat de prêt hypothécaire-Procédure de saisie d’un bien hypothéqué-Délai de forclusion-office du juge – Commission des clauses abusives (CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C-421/14)  

 

CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08  

 

Office du juge – Commission des clauses abusives (CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08)   

 

Civ. 2°, 14 octobre 2021 n°19-11.758  

 

Le juge doit rechercher d’office si la clause qui définit l’objet principal dans un contrat d’assurance vie est claire et compréhensible – Commission des clauses abusives (Civ. 2°, 14 octobre 2021 n° 19-11.758)   

 

Com., 8 février 2023 n° 21-17.763 

 

En dépit de l’autorité de la chose jugée, le juge de l’exécution est tenu d’apprécier le caractère abusif des clauses qui servent de fondement aux poursuites – Commission des clauses abusives (Com., 8 février 2023 n°21-17.763)