Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024
clause abusive – clause de remboursement – déséquilibre significatif – devoir d’information – contrat de prêt
EXTRAITS
« Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la clause de « remboursement du crédit », même éclairée par les autres stipulations du contrat de prêt n’est pas rédigée de manière claire et qu’elle n’est pas intelligible en elle-même car lacunaire pour l’emprunteur puisque la détermination exacte des opérations de change nécessaires à l’exécution du prêt n’apparaît pas.
D’autre part, la stipulation d’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et l’emprunteur en ce que ce dernier n’est pas mis en mesure d’envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et n’a pas été suffisamment informé des mécanismes de change.
En conséquence, la clause de remboursement du crédit 5.3 rapportée ci-dessus et la clause en lien avec celle-ci 10.5 doivent être déclarées non écrites. »
ANALYSE :
En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir que le prêt prévoit un remboursement en CHF interdit et que la banque a manqué à son devoir d’information.
Après décision de première instance, l’emprunteur interjette appel et fait grief au jugement de l’avoir débouté de ses demandes pour cause de prescription.
Se fondant sur l’ancien article L132-1 du Code de la consommation et sur l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, tel qu’interprété par arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE ci-après) en date du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour d’appel de Douai (CA ci-après) considère que la clause de remboursement ne donnait pas les informations nécessaires à l’emprunteur sur le mécanisme de change.
De ce fait, l’emprunteur n’étant pas en mesure d’évaluer et prévenir correctement les risques liés à la fluctuation des monnaies. Ainsi, la CA déduit qu’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre les parties en raison du manque de transparence du banquier.
La clause doit donc être réputée non-écrite car abusive.
Par cet arrêt, la CA de Douai rappelle que l’appréciation du caractère abusif d’une clause dans un prêt libellé en devise étrangère s’effectue au regard du devoir d’information du professionnel envers le consommateur quant aux risques liés au remboursement d’un tel prêt.
Ici, la CA procède de nouveau à une application de la jurisprudence européenne (CJUE 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19) et confirme que le principe de transparence matérielle des clauses induit un devoir d’information du banquier sur le risque des conséquences économiques négatives des clauses en devises étrangères (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-20.717).
La CA de Douai se prononce également sur les restitutions : CA Douai ; 19-10-23
Voir également :