Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-22.074
Prêt libellé en devise étrangère — Clause « réputée non écrite » — Prescription quinquennale
EXTRAITS :
« Vu les articles 2223 et 2224 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa réaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
Il résulte des deux premiers de ces textes, que, sauf règles spéciales prévues par d’autres lois, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il résulte du troisième que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (…);
Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale.
Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l’arrêt retient que l’action, tendant à voir réputer non écrite une clause abusive, relève du régime de la prescription quinquennale de droit commun, que le point de départ de la prescription est la date de la conclusion du contrat, soit le 11 novembre 2008, et que les emprunteurs ont invoqué, pour la première fois, le caractère abusif de certaines clauses contenues dans l’offre de prêt dans leurs conclusions du 2 octobre 2017, soit postérieurement à l’expiration du délai de prescription qui est intervenu le 12 novembre 2013”.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
ANALYSE :
Invitée à statuer dans le contentieux Helvet Immo, la première chambre civile de la Cour de cassation juge, dans la lignée de solutions adoptées antérieurement, que la demande qui tend à voir une clause abusive réputée non écrite n’est pas soumise à la prescription quinquennale.
Ce faisant, et comme dans plusieurs affaires rendues le même jour (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-17.996 ; n°19-18.897), elle casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives dans des contrats de crédits immobiliers était irrecevable car les emprunteurs avaient invoqué, pour la première fois, le caractère abusif de certaines clauses contenues dans l’offre de prêt dans leurs conclusions formées plus de cinq ans après l’expiration du délai de prescription.
L’arrêt de la première chambre civile est rendu sous le visa du texte posant la prescription quinquennale dans le droit commun (C.civ., art.2223 et 2224) et sous le visa du texte relatif à la définition des clauses abusives (C. consom., art. L. 132-1 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; voir nouvel art. L. 212-1).
A l’appui de sa décision, la Cour de cassation se fonde sur l’arrêt BNP Paribas Personal Finance du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) par lequel la CJUE considère qu’en vertu du principe d’effectivité, il est contraire à l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/ du 5 avril 1993 sur les clauses abusives de soumettre la demande qui tend à réputer non écrite une clause abusive à un délai de prescription.
Donc en l’espèce, la Cour de cassation retient que la prescription quinquennale prévue par l’article L110-4 du code de commerce ne s’applique pas à la demande de réputer non écrite une clause abusive. Plus largement, et ainsi que l’avait jugé la Cour de cassation, la demande tendant à réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible.
Voir également :
– Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-17.996
– Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-18.897
- CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19
– Cass. com. 8 avril 2021, n°19-17997
– Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, 17-23.169