CJUE, 2 septembre 2021, C-932/19 – OTP
Clauses abusives – prêt libellé en devise étrangère, réglementation d’un Etat membre prévoyant le remplacement d’une clause abusive par une disposition de droit national
EXTRAITS :
« L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui […] frappe de nullité une clause relative à l’écart de change considérée comme abusive et oblige le juge national compétent à substituer à celle-ci une disposition de droit national imposant l’usage d’un taux de change officiel sans prévoir la possibilité, pour ce juge, de faire droit à la demande du consommateur concerné tendant à l’annulation complète du contrat de prêt, quand bien même ledit juge estimerait que le maintien de ce contrat serait contraire aux intérêts du consommateur […] pour autant que ce même juge soit, en revanche, en mesure de constater, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et sans que la volonté exprimée par ce consommateur puisse prévaloir sur celui-ci, que la mise en œuvre des mesures ainsi prévues par cette législation nationale permet bien de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle dudit consommateur en l’absence de cette clause abusive. »
ANALYSE :
La Cour de Justice se prononce dans le présent arrêt sur la sanction d’une clause abusive, et plus précisément sur une réglementation nationale (Hongrie) des pouvoirs du juge national en la matière.
Sur le point de savoir si une disposition nationale peut empêcher le juge de faire droit à la demande d’annulation du contrat en raison d’une clause abusive même si le maintien du contrat serait contraire aux intérêts du consommateur, la CJUE fait une analogie avec un arrêt de 2014 (CJUE, 14 mars 2019, Dunai, C-118/17). Conformément à ce dernier, elle considère que la législation nationale empêchant de faire droit à la demande d’annulation du contrat en raison d’une clause abusive doit permettre de rétablir, en droit et en fait, la situation dans laquelle le requérant au principal se serait trouvé en l’absence d’une telle clause abusive (pt 44). Elle ajoute toutefois que la juridiction nationale doit, pour le vérifier, prendre en compte les facteurs d’exclusion de l’appréciation du caractère abusif de clauses portant sur l’objet principal et le prix (pt 45).
Sur le point de savoir si le juge peut ne faire droit à la demande du consommateur d’annuler le contrat en remplaçant la clause abusive par une disposition nationale, elle considère que la volonté du consommateur ne peut prévaloir sur l’appréciation souveraine du juge compétent (pt 50). En effet, elle énonce que si elle a déjà considéré que le juge national devait tenir compte de la volonté du consommateur de maintenir un contrat (voir notamment CJUE, 3 octobre 2019, Dziubak, C-260/18), elle a aussi estimé que le juge devait examiner le maintien d’un contrat contenant des clauses abusives au regard de critères fixés par le droit national (voir en ce sens notamment CJUE 15 mars 2012, Perenicova et Perenic, C-453/10).
Au regard de ces considérations, la CJUE considère qu’une disposition nationale peut empêcher un juge de faire droit à la demande d’annulation d’un contrat si le juge substitue la clause abusive fondant cette demande à une disposition nationale qui rétablit l’équilibre entre les droits et obligations des parties.
Concrètement, le droit national peut valablement obliger le juge à substituer à la clause relative à l’écart de change considérée comme abusive une disposition imposant l’usage d’un taux de change officiel.