Cass. civ, 2ème, 3 octobre 2024, n°21-25.823
Clause d’exigibilité immédiate – Contrat de prêt – Déchéance du terme – Mise en demeure – Saisie immobilière
EXTRAITS :
« 6. Pour fixer la créance de la banque à l’égard de M. [D] à la somme de 115 759,75 euros, l’arrêt retient que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, que la clause d’exigibilité immédiate étant réputée non écrite, la banque ne pouvait prononcer valablement la déchéance du terme, sans mise en demeure préalable des débiteurs et qu’il est constant que la banque a envoyé, à l’adresse commune des époux, une lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme qui ne mentionnait que M. [D].
- Il en déduit que la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée à l’égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable, mais que la banque a valablement prononcé la déchéance du terme à l’égard de M. [D].
- En statuant ainsi, après avoir dit que la clause d’exigibilité immédiate stipulée au contrat de prêt constituait une clause abusive qui devait être réputée non écrite, ce dont il résultait que la déchéance du terme ne pouvait reposer sur cette clause, peu important l’envoi par la banque d’une mise en demeure, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.».
ANALYSE :
Une banque a accordé un prêt à un couple par acte notarié. A la suite d’un défaut de paiement, le prêteur a émis un commandement de payer valant saisie immobilière et a assigné les emprunteurs à une audience d’orientation.
La Cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 26 octobre 2021, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ ; 2ème, 19 nov. 2020, n°19-19269), a estimé que la clause d’exigibilité figurant au contrat de prêt du 15 juin 2004 était abusive et devait être réputée non écrite, et que la déchéance du terme n’avait pas été valablement prononcée à l’égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable. Cependant, la cour d’appel a considéré que la déchéance du terme avait été valablement prononcée à l’égard de M. [D] qui, lui, avait bien été mis en demeure sur le fondement de la clause. Dès lors, la cour d’appel a estimé que la saisie immobilière était fondée en ce qui concerne M. [D], la créance de la banque, fixée la somme de 115 759,75 euros, étant exigible.
Les emprunteurs forment un pourvoi en cassation en affirmant que la clause d’exigibilité du contrat de prêt doit être considérée comme abusive. De ce fait, elle doit être réputée non écrite et ne peut permettre au prêteur d’invoquer la déchéance du terme, même avec une mise en demeure préalable, à l’égard de M. [D].
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt. Elle observe tout d’abord que la cour d’appel a jugé que la clause d’exigibilité immédiate qui était prévue dans le contrat était abusive et par voie de conséquence réputée non écrite en vertu des articles L132-1 du Code de la consommation (dans sa version antérieure) et 1134 du Code civil (dans sa version antérieure), faute pour elle de prévoir une obligation de mise en demeure préalable. Elle observe également que la cour d’appel a considéré que la déchéance du terme sans mise en demeure n’avait pas été valablement prononcée à l’égard de Mme D., faute de mise en demeure préalable, mais qu’elle avait été valablement prononcée à l’égard de M. D. C’est sur ce dernier point que l’arrêt est cassé. En effet, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a conclu que, au regard du réputé non écrit de la clause, la déchéance du terme ne pouvait pas reposer sur cette clause, peu important l’envoi d’une mise en demeure à l’un des deux emprunteurs.
Cet arrêt permet de clarifier la portée du caractère abusif de la clause d’exigibilité immédiate. Celle-ci étant réputée non écrite, tous les actes pris sur son fondement sont privés d’effet. Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de celui de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 mars 2023 (n°21-16044) statuant sur le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme, en apportant des précisions sur les conséquences de cette sanction.
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