Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030
Mots-clés : clauses abusives – action en restitution – contrat de prêt – effet restitutoire – objet principal du contrat -Transparence matérielle
EXTRAITS :
« 12. Faisant ainsi ressortir, d’une part, que la banque n’avait pas fourni à l’emprunteur, en sa qualité́ de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses litigieuses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, d’autre part, que la banque ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard de l’emprunteur, à ce que celui-ci acceptât, à la suite d’une négociation individuelle, les risques disproportionnés susceptibles de résulter de telles clauses, la cour d’appel, qui a procédé́ aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la clause de remboursement, qui portait sur l’objet du contrat, n’était ni claire ni compréhensible et qu’elle créait un déséquilibre significatif entre la banque et les emprunteurs, de sorte qu’elle devait, avec la clause de change en lien avec elle, être réputée non écrite. »
« 17. Ayant relevé́ que les clauses réputées non écrites constituaient l’objet principal du contrat et que celui-ci n’avait pu subsister sans elles, la cour d’appel a exactement retenu que l’emprunteur devait restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et que celle-ci devait lui restituer toutes les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements. »
ANALYSE :
En l’espèce, en 1999, une banque consent à un emprunteur un prêt immobilier souscrit en franc suisse à taux variable et indexé sur le LIBOR francs suisses. L’emprunteur n’ayant pas remboursé l’intégralité du prêt à l’échéance, la banque a mis en œuvre des mesures d’exécution, finalement levées à la suite du règlement du solde du prêt, par l’emprunteur, au moyen d’un nouvel emprunt souscrit auprès d’une seconde banque.
En 2014, l’emprunteur assigne la première banque en constatation du caractère abusif de clauses de remboursement et de change ainsi qu’en restitution des sommes indûment versées.
Après décisions au fond, la banque forme un pourvoi en cassation. Celle-ci fait grief à l’arrêt de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, c’est-à-dire restituer la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, et de condamner l’emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds alors « que l’accipiens tenu de restituer la contrevaleur en euros d’une somme d’argent perçue en devise doit opérer la restitution en appliquant le taux de change en vigueur au jour où il restitue ; qu’au cas présent, après avoir déclaré́ non-écrites les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devise in fine et au risque de change, la cour d’appel, jugeant que le remboursement en devises ne pouvait subsister, a condamné M. [N] à restituer à la Caisse la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change en vigueur à la date de la mise à disposition des fonds. »
La Première chambre civile de la Cour de cassation confirme la solution de la Cour d’appel de Paris qui, appliquant le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation en 2022, juge que la clause de monnaie étrangère est susceptible de créer un déséquilibre significatif dès lors que le professionnel n’a pas satisfait à l’exigence de transparence (Cass. civ. 1ère, 20 avril 2022, 20-13.316)
Cependant, pour la première fois la Cour de cassation a l’occasion de se prononcer sur les restitutions applicables en conséquence de la sanction de la clause abusive, portant sur l’objet principal du contrat, puisqu’elle a jugé recevable l’action en restitutions (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030). Elle se fonde sur l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 21 décembre 2016. Dans cet arrêt, la Cour de Justice avait jugé qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée comme n’ayant jamais existé et, de ce fait, la constatation judiciaire du caractère abusif de la clause doit permettre de replacer le consommateur dans la situation dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de ladite clause. Ainsi, la clause abusive emporte un effet restitutoire des sommes versées.
Ainsi, parce qu’une clause relève de l’objet principal du litige et qu’elle est abusive et donc réputée non-écrite, on considère que le contrat doit disparaître de manière rétroactive entrainant donc des restitutions.
Par conséquent, la Cour de cassation précise l’étendue des restitutions et indique que l’emprunteur doit restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et la banque doit restituer à l’emprunteur toutes les sommes perçues en exécution du prêt c’est-à-dire la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.
Voir également :