CJUE, 29 février 2024, Investcapital, C-724/22
Principe d’effectivité du droit de l’Union – Contrat de crédit renouvelable – Contrôle d’office du caractère abusif des clauses contractuelles – Exécution de la décision clôturant ladite procédure – Perte par forclusion de la possibilité d’invoquer le caractère abusif d’une clause du contrat au stade de l’exécution de l’injonction de payer – Pouvoir de contrôle du juge national
EXTRAIT :
« 1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, en raison de la forclusion, ne permet pas au juge saisi de l’exécution d’une injonction de payer de contrôler, d’office ou à la demande du consommateur, le caractère éventuellement abusif des clauses contenues dans un contrat de crédit conclu entre un professionnel et un consommateur, lorsqu’un tel contrôle a déjà été effectué par un juge au stade de la procédure d’injonction de payer, sous réserve que ce juge ait identifié, dans sa décision, les clauses ayant fait l’objet de ce contrôle, qu’il ait exposé, même sommairement, les raisons pour lesquelles ces clauses étaient dépourvues de caractère abusif et qu’il ait indiqué que, en l’absence d’exercice, dans le délai imparti, des voies de recours prévues par le droit national contre cette décision, le consommateur sera forclos à faire valoir le caractère éventuellement abusif desdites clauses. »
ANALYSE :
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) était saisie du point de savoir si le principe d’effectivité s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que le juge de l’exécution, saisi de l’exécution d’un titre exécutoire obtenu à la suite d’une procédure d’injonction de payer, ne peut pas contrôler d’office, ou à la demande du consommateur, le caractère éventuellement abusif d’une clause lorsque ce contrôle a déjà été réalisé par un premier juge, mais que des doutes surviennent quant à la qualité de ce contrôle.
La CJUE rappelle que le juge doit contrôler d’office la nature potentiellement abusive des clauses d’un contrat au stade de la délivrance de l’injonction de payer ou au stade de l’exécution de l’injonction de payer (CJUE, 18 février 2016, Finanmadrid EFC, C-49/14). La Cour rappelle également que les décisions juridictionnelles devenues définitives ne peuvent plus être remises en cause après épuisement des voies de recours ou expiration des délais prévus pour exercer un recours (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19).
Concernant la forclusion intervenant à l’expiration des délais de recours ouverts contre l’injonction de payer, la CJUE précise qu’elle n’est pas de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés au consommateur pourvu qu’elle ne produise ses effets qu’à l’issue d’un délai raisonnable. En ce sens, les délais de recours sont des délais raisonnables de recours s’ils sont matériellement suffisants pour permettre au consommateur de former un recours effectif et s’ils ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice d’un droit de recours (CJUE, 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank, C-698/18).
Enfin, la CJUE rappelle que le juge interne doit apprécier d’office ou à la demande des parties, dès lors qu’il dispose des éléments de droit ou de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat. En l’absence de contrôle, la protection du consommateur ne serait pas effective (CJUE, 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14).
La CJUE déclare que l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui interdirait au juge, saisi à l’occasion de l’exécution d’une injonction de payer, de contrôler le caractère éventuellement abusif d’une clause si un contrôle a déjà été opéré par un premier juge et que ce dernier a déjà identifié les clauses ayant fait l’objet de ce contrôle dans sa décision. La Cour ajoute que le juge doit avoir motivé sa décision de déclarer les clauses comme n’étant pas abusives. Enfin, le juge doit avoir indiqué que le consommateur doit exercer les voies de recours prévues par le droit national contre cette décision dans le délai imparti, sous peine de forclusion.
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