CJUE, 25 juillet 2024, aff. C-810/21 –– Caixabank SA
Contrat entre professionnel et consommateur – Contrats de prêt hypothécaire – Délai de prescription – Principe d’effectivité.
EXTRAIT
L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’une clause contractuelle abusive mettant à la charge du consommateur les frais de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’action en restitution de tels frais est soumise à un délai de prescription de dix ans qui commence à courir à partir du moment où cette clause épuise ses effets avec la réalisation du dernier paiement desdits frais, sans qu’il soit considéré comme pertinent à cet égard que ce consommateur ait connaissance de l’appréciation juridique de ces faits. La compatibilité des modalités d’application d’un délai de prescription avec ces dispositions doit être appréciée en tenant compte de ces modalités dans leur ensemble.
ANALYSE
Dans un contrat de prêt hypothécaire entre une banque et des consommateurs, la clause imposant à ces derniers le paiement des frais de notaire, d’enregistrement et de gestion a été jugée abusive par les consommateurs, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.
Une des questions préjudicielles posées à la CJUE par les juridictions espagnoles est de déterminer si une jurisprudence nationale bien établie sur les clauses abusives peut suffire à prouver que le consommateur avait une connaissance suffisante de ses droits, même si la clause elle-même n’était pas suffisamment transparente (CJUE, 25 juillet 2024, aff. C-810/21 –– Caixabank SA )
L’autre question concerne le point de savoir si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’une clause contractuelle abusive mettant à la charge du consommateur les frais de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’action en restitution de tels frais est soumise à un délai de prescription de dix ans qui commence à courir à partir du moment où cette clause épuise ses effets avec la réalisation du dernier paiement desdits frais, sans qu’il soit pertinent à cet égard que ce consommateur ait connaissance de l’appréciation juridique des éléments constitutifs du caractère abusif de ladite clause, et, dans l’affirmative, si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que cette connaissance doit être acquise avant que le délai de prescription ne commence à courir ou avant qu’il n’expire.
La CJUE analyse la conformité d’un délai de prescription de 10 ans avec la directive 93/13/CEE. Elle considère qu’un tel délai peut être acceptable, mais uniquement si le consommateur a eu la possibilité de prendre connaissance des droits que lui confère la directive avant le début de ce délai. Le consommateur doit avoir été informé de la nullité de la clause abusive et de ses droits à restitution avant que le délai ne commence à courir.
Elle observe que l’interprétation jurisprudentielle des règles nationales de procédure applicables dans les affaires qui lui sont soumises prévoient que le délai de prescription de l’action du consommateur en restitution des paiements indus des frais relatifs à des contrats de prêt hypothécaire, d’une durée de dix ans, ne peut pas commencer à courir avant que le consommateur ne prenne connaissance des faits constitutifs du caractère abusif de la clause contractuelle en exécution de laquelle ces paiements ont été effectués. Cependant, cette jurisprudence n’exige pas que le consommateur ait connaissance non seulement de tels faits, mais également de l’appréciation juridique de ceux-ci.
Elle en déduit que cette interprétation n’est pas conforme à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité.