Cour de justice de l'Union européenne
Le délai de prescription d’une action en restitution d’un paiement au titre d’une clause abusive ne peut commencer à courir à la date de ce paiement

CJUE, 25 avril 2024, Caixabank, C-484/21

CJUE, 25 avril 2024, Caixabank, C-484/21   

Contrat de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à charge du consommateur – Décision judiciaire définitive constatant le caractère abusif de cette clause et annulant celle-ci – Action en restitution des sommes acquittées au titre de la clause abusive – Point de départ du délai de prescription 

 

EXTRAIT :  

« 1) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, 

doivent être interprétés en ce sens que : 

ils s’opposent à ce que le délai de prescription d’une action en restitution de frais qui ont été acquittés par le consommateur, au moment de la conclusion d’un contrat passé avec un  professionnel,  au  titre  d’une  clause  contractuelle  dont  le  caractère  abusif  a  été constaté par une décision judiciaire définitive rendue postérieurement au paiement de ces frais, commence à courir à la date de ce paiement, indépendamment de la question de savoir si ce consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance du caractère  abusif  de  cette  clause  dès  ledit  paiement,  ou  avant  que  la  nullité  de  cette clause ait été constatée par cette décision. » 

 

ANALYSE :  

A titre liminaire, la Cour rappelle sa jurisprudence CJUE, 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo, C-154/15 qui prévoit que la constatation du caractère abusif d’une clause emporte, en principe, un effet restitutoire au profit du consommateur, et ce dans l’objectif d’assurer l’effet dissuasif de la directive.  

Saisie de trois questions préjudicielles par le tribunal de première instance de Barcelone, la Cour a décidé de répondre simultanément à la première et troisième question portant toutes les deux sur le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution de frais acquittés par le consommateur au moment de la conclusion d’un contrat passé avec un professionnel, au titre d’une clause déclarée postérieurement abusive par une décision de justice devenue définitive.  

Le tribunal espagnol se demandait si le fait que le délai de prescription de l’action en restitution commence à courir à compter de la date de paiement ou avant la constatation de la nullité de la clause en raison de son caractère abusif, était contraire à la Directive 93/13.   

La Cour rappelle son arrêt CJUE,  22 avril 2021, Profi Credit Slovakia, C-485/19  dans lequel elle avait décidé qu’en l’absence de règlementation communautaire, les Etats membres, en vertu du principe d’autonomie procédurale, devait régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits des justiciables issus du droit communautaire et ce en respectant le principe d’équivalence et le principe d’effectivité. Dans cette affaire, seul le principe d’effectivité est en cause. Ainsi, les modalités procédurales mises en œuvre par les Etats membres ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive. 

Dans sa décision CJUE, 10  juin  2021,  BNP  Paribas  Personal  Finance,  C-776/19  la Cour avait retenu que la demande aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause n’était pas soumise à prescription, mais que rien ne s’opposait à ce que l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation soit soumise à un délai de prescription. En raison de la situation d’infériorité du consommateur, elle avait décidé qu’un délai de prescription qui commence à courir après la signature du contrat était contraire au principe d’effectivité en ce que le consommateur pouvait ignorer le caractère abusif d’une clause ou ne pas connaitre l’étendue de ses droits issus de la directive.  

A la lumière de cette jurisprudence, la Cour retient que la date de conclusion du contrat contenant la clause abusive et la date du paiement réalisé en vertu de cette clause ne peuvent constituer le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution. En effet, tant que le consommateur n’a pas eu connaissance de l’étendue de ses droits ou du caractère abusif de cette clause par une décision de justice déclarant sa nullité, le délai de prescriptio n ne peut commencer à courir.  

La Cour de cassation retient déjà cette approche depuis un arrêt Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030 

 

Voir également :  

CJUE, 25 avril 2024, Caixabank, C-484/21