Cour de justice de l'Union européenne
Le juge doit apprécier le caractère abusif des modifications apportées par le professionnel pour se conformer à une réglementation nationale qui lui laisse une marge d’appréciation

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23,UG v/ SC Raiffeisen Bank SA

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23,UG v/ SC Raiffeisen Bank SA 

  

Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs –  Avenant au contrat de crédit notifié par le professionnel au consommateur en vue d’une mise en conformité avec la réglementation nationale – Clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle – Jurisprudence nationale excluant le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause contractuelle  

  

EXTRAIT   

«L’article 3 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle les modifications apportées par un professionnel aux clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, qui laisse une marge d’appréciation au professionnel, ne peuvent faire l’objet d’un examen de leur éventuel caractère abusif, même si ces clauses n’ont pas été négociées avec le consommateur.»  

  

ANALYSE   

  

Dans cet arrêt, la Cour était saisie de deux questions préjudicielles. La première portait sur lepoint de savoir l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’appréciation du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation conclu entre un consommateur et un professionnel dans des circonstances où des modifications ont été apportées par ce professionnel à ces clauses afin d’assurer la conformité de ce contrat de crédit à une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d’intérêt en vertu de laquelle ce taux doit être remplacé par un taux d’intérêt déterminé sur la base de l’un des indices de référence prévus par cette réglementation et augmenté d’une marge fixe établie par ce professionnel pour toute la durée du contrat. 

 

La Cour était saisie d’une seconde question, portant sur le point de savoir si l’article 3 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle les modifications apportées par un professionnel aux clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, qui laisse une marge d’appréciation au professionnel, ne peuvent faire l’objet d’un examen de leur éventuel caractère abusif, même si ces clauses n’ont pas été négociées avec le consommateur. 

La Cour  rappelle que, même si le consommateur signe un contrat stipulant qu’il accepte les clauses rédigées par le professionnel, cela ne signifie pas qu’il y a eu une négociation individuelle. En effet, la simple signature ne renverse pas la présomption selon laquelle ces clauses n’ont pas été négociées. 

 

La Cour rappelle qu’une modification apportée à une clause relative aux taux d’intérêts qui s’inscrit dans la politique générale de renégociation des contrats de prêt hypothécaire adossés à un taux variable en vue de rendre cette clause conforme à une décision d’une cour suprême, pourrait constituer un indice de ce que le consommateur n’a pas pu exercer une influence sur le contenu de ladite clause. En outre, la circonstance que le consommateur a fait précéder sa signature d’une mention manuscrite indiquant qu’il avait compris le mécanisme de la même clause ne suffit pas pour établir que celle-ci a fait l’objet d’une négociation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C452/18, EU:C:2020:536, points 36 et 38). 

 

La Cour conclut que le caractère abusif d’une clause contractuelle ne peut pas être écarté simplement parce que le professionnel a apporté des modifications pour se conformer à une loi nationale, dans la mesure où cette mise en conformité laisse une marge d’appréciation au professionnel. 

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Voir également :  

CJUE, 9 juill. 2020- C-452/18