Cour de cassation
Le juge national doit examiner d’office le caractère abusif de la clause prévoyant la déchéance du terme pour non paiement d’une échéance

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476 

Prêt libellé en devise étrangère – Contrat de prêt immobilier — Clause de déchéance du terme — Office du juge 

 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

En statuant ainsi, sans examiner d’office le caractère abusif d’une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable, la cour d’appel a violé le texte susvisé. » 

ANALYSE : 

En l’espèce, une banque consent, par acte notarié, un prêt immobilier libellé en devise étrangère à une personne physique, garanti par une hypothèque et comportant une clause de soumission à l’exécution forcée immédiate. Survient un défaut de paiement des échéances du prêt, à la suite duquel, la banque délivre un commandement aux fins de vente forcée des biens hypothéqués. S’ensuit un jugement du tribunal de l’exécution forcée en matière immobilière ordonnant la vente forcée des immeubles garantis et fixant le montant de la créance de la banque. L’emprunteuse, considérant que la clause prévoyant l’exigibilité immédiate des sommes dues au titre du prêt peut être qualifiée comme étant abusive, forme un pourvoi.  

La Première Chambre civile de la Cour de cassation se fondant sur l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, rappelle la décision Pannon faisant obligation au juge national « d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet » et (CJCE, 4 juin 2009, aff. C-243/08).  

Elle se fonde ensuite sur les critères permettant l’appréciation du caractère abusif d’une clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, dégagés par la CJUE dans sa décision Banco Primus (CJUE, 26 janvier 2017, aff. C-421/14). La CJUE avait en effet incité les juges à s’assurer, pour écarter le déséquilibre significatif, que la déchéance frappe l’inexécution d’une obligation « qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause », que l’inexécution revête un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt et de vérifier que le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt. 

 

La première chambre civile se fonde ensuite sur la décision Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest dans laquelle la CJUE a précisé que ces critères d’appréciation du caractère abusif de la clause de déchéance du terme ne sont compris « ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs mais [devant] être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné » (CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21). 

 

Cette jurisprudence européenne permet à la Cour de cassation d’afficher une sévérité à l’égard du prêteur quant à l’appréciation du caractère abusif d’une telle clause. Elle casse en effet l’arrêt rendu par la Cour d’appel qui avait ordonné la vente forcée de l’immeuble au motif que la clause litigieuse prévoyait une exigibilité immédiate des sommes dues en cas d’inexécution de l’emprunteur. La Haute juridiction reproche aux juges du fond de ne pas avoir examiné d’office le caractère abusif de la clause de déchéance du terme. Elle prend soin de préciser que ladite stipulation autorisait la banque à « exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable ». Ces éléments laissent entrevoir que les critères posés par la décision Banco Primus, pour écarter le caractère abusif de la clause, faisaient défaut et que la clause créait donc un déséquilibre significatif.  

Voir également : 

-  CJUE, 4 juin 2019, Pannon, C-243/08 

CJUE, 26 janvier 2017, aff. C-421/14 

CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21 

Recommandation N°21-01 Contrats de crédit à la consommation : points 9 à 17 sur la déchéance du terme