Cass. civ. 3ème, 25 mai 2023, n° 21-20.643
Mots-clés : Contrat — Maitre de l’ouvrage — Clause abusive — Clause de solidarité
EXTRAITS :
« Les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, selon lesquelles sont réputées non écrites parce qu’abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant.
Le contrat ayant un rapport direct avec l’activité professionnelle du maître de l’ouvrage, celui-ci ne peut être considéré comme un non-professionnel dans ses rapports avec le maître d’œuvre, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction, de sorte que les dispositions précitées ne sont pas applicables. ».
ANALYSE :
En l’espèce, une société avait conclu avec un architecte un contrat de maitrise d’œuvre de travaux pour l’extension de l’hôtel qu’elle exploitait. Ce contrat contenait une clause d’exclusion de solidarité entre les personnes intervenant dans la réalisation des travaux. Mais à la suite de problèmes dans leur réalisation, la société a souhaité assigner en justice toutes les entreprises intervenues ainsi que l’architecte. Toutefois, la société a argué qu’elle devait être considérée comme un non-professionnel et que la clause d’exclusion de solidarité créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et devait être déclarée abusive.
Les magistrats de la Cour de cassation jugent que la législation sur les clauses abusives est inapplicable au maitre de l’ouvrage, faute pour lui de pouvoir être considéré comme un non-professionnel. Pour écarter cette qualification, la troisième chambre civile juge que le contrat litigieux (un contrat d’extension de l’hôtel) a un rapport direct avec l’activité professionnelle de l’intéressé, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction.
L’arrêt est rendu sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 qui a introduit une définition du « non-professionnel », laquelle, sans se référer au critère du rapport direct, énonce qu’il s’agit d’une personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles.
Pour autant le critère du rapport direct sur lequel s’appuie la Cour de cassation et la jurisprudence qu’elle cite (Cass. Civ. 1ère, 24 janvier 1995, pourvoi n° 92-18.227) avait été abandonnée avant l’ordonnance précitée (Cass. civ. 1re, 11 déc. 2008, no 07-18.128). L’arrêt est donc critiquable sur ce point. Cependant, la troisième chambre civile marque une évolution par rapport à sa jurisprudence antérieure. Elle avait en effet eu l’occasion d’appliquer la qualité de non-professionnel au professionnel qui n’était pas de la même spécialité que son cocontractant aux fins d’écarter une clause limitative de responsabilité (Cass. civ. 3e, 4 févr. 2016, no14-29.347 ; Cass. civ. 3e, 7 nov. 2019, no 18-23.259), alors que le critère de la compétence est inopérant pour déterminer la qualité des parties au contrat de consommation. Or, dans la présente décision elle semble, à juste titre, écarter ce critère en jugeant qu’il importait peu que le maître d’ouvrage ne dispose pas de compétences techniques dans le domaine de la construction.
La jurisprudence de la troisième chambre civile dans la mise en œuvre de la législation sur les clauses abusives dans le domaine de la construction tend donc à se rapprocher de l’orthodoxie.