Cour de justice de l'Union européenne
Les limites au relevé d’office par le juge des clauses abusives

CJUE, 11 mars 2020, C-511/17, Lintner 

CJUE, 11 mars 2020, C-511/17, Lintner 

Contrat de prêlibellé en devise – Article 4, paragraphe 1 – Prise en compte de toutes les autres clauses du contrat aux fins de l’appréciation du caractère abusif de la clause attaquée – Article 6, paragraphe 1 – Examen d’office par le juge national du caractère abusif des clauses figurant dans le contrat – Portée 

 EXTRAIT :  

« 1)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’un juge national, saisi d’un recours introduit par un consommateur et tendant à faire constater le caractère abusif de certaines clauses figurant dans un contrat que ce consommateur a conclu avec un professionnel, n’est pas tenu d’examiner d’office et individuellement l’ensemble des autres clauses contractuelles, qui n’ont pas été attaquées par ledit consommateur, afin de vérifier si elles peuvent être considérées comme abusives, mais doit examiner seulement celles qui sont liées à l’objet du litige, tel que ce dernier a été délimité par les parties, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, complétés, le cas échéant, par des mesures d’instruction.

2)      L’article 4, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, s’il est vrai que, pour apprécier le caractère abusif de la clause contractuelle servant de base aux prétentions d’un consommateur, il convient de prendre en compte toutes les autres clauses du contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, cette prise en compte n’implique pas, en tant que telle, une obligation, pour le juge national saisi, d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de toutes ces clauses ».

 ANALYSE :

La CJUE confirme l’obligation pour le juge national dexaminer doffice le caractère abusif dune clause, conformément à larticle 6 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives et à larrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM (C-243/08, EU:C:2009:350) dès lors qu’il dispose des éléments de faits et de droit nécessaires à cet examen, (arrêts du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, EU:C:2018:320, point 29, et du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C-51/17, EU:C:2018:750 point 87), complétées de mesures d’instructions si nécessaire, (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing Zrt, C‑137/08, EU:C:2010:659, point 56, et arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C‑419/18 et C‑483/18, EU:C:2019:930, point 66) 

Cependant la CJUE précise que l’examen d’office doit s’opérer dans les limites de l’objet du litige (pt 32). Elle énonce toutefois que le juge peut prendre au besoin d’office des mesures d’instructions sur des clauses qui n’auraient pas été visées par le recours du consommateur dès lors qu’elles présentent un lien avec l’objet du litige. 

La CJUE rappelle que le juge doit analyser le caractère abusif d’une clause en prenant en compte  lensemble des clauses du contrat, conformément à larticle 4 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives (voir larrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, EU:C:2016:283, point 95). Elle précise toutefois que cette obligation n’emporte pas l’obligation pour le juge dexaminer doffice le caractère éventuellement abusif de toutes ces autres clauses du contrat.  

En droit français, l’obligation pour le juge de relever d’office le caractère abusif d’une clause figure à l’article R. 632-1 alinéa 2 du code de la consommation.