Cass. com., 19 janvier 2022, n° 20-13.719  

Contrat de prêt — Caution — Obligation d’information annuelle – Modes de preuve – Office du juge — Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation : 

En statuant ainsi, alors qu’il incombait à la cour d’appel de rechercher d’office le caractère abusif de la clause précitée, en ce qu’elle permettait à la banque de rapporter irréfragablement la preuve de l’exécution de son obligation d’information annuelle à l’égard de la caution par des documents qu’elle avait élaborés unilatéralement, et, le cas échéant, d’examiner, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, la valeur et la portée des éléments de preuve invoqués par la banque à titre de preuve de l’exécution de cette obligation, la cour d’appel a violé le texte susvisé. » 

ANALYSE : 

La chambre commerciale de la Cour de cassation énonce que le juge national doit relever d’office le caractère abusif d’une clause permettant à la banque de prouver de manière irréfragable l’exécution de son obligation d’information à l’aide de documents qu’elle a elle-même déterminés.  

La clause litigieuse énonçait que « compte tenu du système de gestion automatisée de cette information mis au point par la banque, les parties conviennent que la production d’un listing informatique fera preuve de l’information entre elles »,  

La Cour de cassation ne se prononce pas sur le caractère abusif de la clause mais rappelle que le juge national est tenu d’apprécier d’office ce caractère dès lors qu’il dispose des moyens de faits et de droits nécessaires. La Cour de justice de l’Union Européenne a en effet confirmé récemment dans l’arrêt CJUE, 11 mars 2020,  C511/17, Lintner  « l’obligation pour le juge national d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause, conformément à l’article 6 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives et à l’arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM (C-243/08, EU:C:2009:350) dès lors qu’il dispose des éléments de faits et de droit nécessaires à cet examen, (arrêts du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, EU:C:2018:320, point 29, et du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C-51/17, EU:C:2018:750 point 87) » (site de la CCA)  

En l’espèce au regard des faits, la Cour de cassation semble considérer que suffisamment d’éléments permettent au juge de soulever et d’apprécier le caractère abusif de la clause. La Cour de cassation considère donc que le fait que la clause permette à la banque de prouver de manière irréfragable son obligation d’information à l’aide de documents qu’elle a unilatéralement déterminés est suffisant pour permettre au juge national d’exercer son devoir de relever d’office le caractère abusif de la clause. 

Voir également : 

-  Site de la CCA : CJUE, 11 mars 2020, C511/17, Lintner 

– CJCE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM  

– CJUE, 17 mai 2018, C-147/16, Karel de Grote-Hogeschool Katholieke Antwerpen 

– CJUE, 20 septembre 2018, C-51/17 OTP Bank et OTP Faktoring 

CJUE, 21 décembre 2021, C-243/20, Trapeza Peiraios  

Adoption ou maintien de dispositions nationales assurant un niveau de protection plus élevé au consommateur – Clauses contractuelles reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Exclusion du champ d’application de cette directive – Article 1er, paragraphe 2 – Article 8 – Interaction entre ces diverses dispositions de la directive 93/13 

EXTRAITS : 

« L’article 8 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’adoption ou au maintien de dispositions de droit interne ayant pour effet d’appliquer le système de protection des consommateurs prévu par cette directive à des clauses qui sont visées à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci. » 

ANALYSE : 

Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser que des dispositions de droit interne peuvent étendre l’application du système de protection prévu par directive 93/13 à des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives.  

Pour ce faire, la Cour commence par rappeler que la directive 93/13 est une directive d’harmonisation minimale. Dès lors, les Etats membres ont la possibilité d’assurer, dans le respect du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de ladite directive (point 54).  

Plus précisément, la Cour relève que l’article 8 de la directive 93/13, qui offre la faculté aux Etats membres d’adopter ou de maintenir des dispositions nationales plus strictes pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur est applicable au seul domaine régi par la directive, c’est-à-dire aux clauses susceptibles d’être abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (point 55).Or, la Cour met en avant que l’article 1, paragraphe 2, de la directive 93/13 exclut du champ d’application de la directive les clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives (point 56). Partant, la Cour retient que les clauses visées à l’article 1, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne relèvent pas du champ d’application de la directive et ne devraient ainsi pas être concernées par le degré minimal d’harmonisation de (article 8 de la directive).  

Toutefois, la Cour rappelle que les Etats membres peuvent appliquer des dispositions de la directive 93/13 à des situations qui n’entrent pas dans le champ d’application de cette dernière, pour autant que cela soit compatible avec les objectifs poursuivis par celle-ci et avec les traités (CJUE, 2 avril 2020, C-329/19, Condominio di Milano, via Meda). 

CJUE, 21 décembre 2021, C-243/20 – Trapeza Peiraios 

Clauses contractuelles reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Exclusion du champ d’application de la directive 93/13 – Incidence de l’absence de transposition d’une disposition de la directive. 

EXTRAITS : 

« L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses qui sont visées à cet article 1er, paragraphe 2, sont exclues du champ d’application de cette directive, quand bien même ladite disposition n’aurait pas été transposée de manière formelle dans l’ordre juridique d’un État membre, et, dans un tel cas de figure, les juridictions de cet État membre ne sauraient considérer que ledit article 1er, paragraphe 2, a été incorporé de manière indirecte dans le droit national au moyen de la transposition de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive. » 

ANALYSE : 

Dans cet arrêt, la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur la portée à donner à l’absence de transposition par un  législateur national de l’article 1, paragraphe 2 de la directive 93/13. 

La Cour rappelle au point 43 que la directive a vocation à s’appliquer uniquement dans les cas de figure qui ne sont pas écartés de son champ d’application. Parmi les cas en question figurent au titre de l’exclusion de l’article 1er, paragraphe 2, les clauses reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives  

La Cour observe que nonobstant une éventuelle absence de transposition en droit interne de cet article 1er, paragraphe 2, le contrôle des clauses reflétant des dispositions nationales impératives et donc le contrôle indirect de ces dispositions impératives, n’est pas prévu par le droit de l’Union. Par conséquent, la Cour énonce qu’une telle absence de transposition ne saurait modifier le champ d’application de la directive 93/13. 

Dans cette affaire, la juridiction nationale avait considéré que l’exclusion prévue à l’article 1, paragraphe 2 figurait implicitement dans les dispositions nationales ayant transposée l’article 3, paragraphe 1 et l’article 4 de ladite directive. Toutefois, la Cour rappelle que l’article 1er, paragraphe 2, limite le champ d’application du système de protection contre les clauses abusives, tandis que les articles 3 et 4 portent respectivement sur la notion de clause abusive et sur la portée de l’appréciation du caractère abusif. Elle en déduit que les articles n’ayant pas le même objet, la juridiction nationale ne saurait considérer que l’article 1, paragraphe a été indirectement incorporé dans la transposition des articles 3 et 4 de la directive. 

La portée de cette décision est importante pour le droit français dans la mesure où le législateur français n’a pas transposé les dispositions ayant trait aux exclusions du champ d’application de la réglementation relative aux clauses abusives.  

CJUE, 21 décembre 2021, C-243/20 – Trapeza Peiraios  

Clause contractuelle reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Clause reflétant une disposition nationale de nature supplétive – Exclusion du champ d’application de la directive 93/13 – Prêt remboursable en devise étrangère 

EXTRAITS : 

« L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il exclut du champ d’application de cette directive une clause insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui reflète une disposition législative ou réglementaire nationale de nature supplétive, c’est-à-dire s’appliquant par défaut en l’absence d’un arrangement différent entre les parties, même si ladite clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle. » 

ANALYSE : 

La Cour rappelle que les clauses reflétant des « dispositions législatives ou réglementaires impératives » sont exclues du champ d’application de la directive 93/13/CEE (article 1er, paragraphe 2). Elle confirme que l’exclusion vise aussi les clauses reflétant des dispositions nationales supplétives, c’est-à-dire des règles s’appliquant à défaut d’arrangement conventionnel des parties. La Cour rappelle que le fait que ces clauses n’aient pas fait l’objet de négociations individuelles n’a pas d’incidence sur leur exclusion du champ d’application de la directive (voir arrêt 9 juill 2020-C-81/19-Banca Transilvania). 

La Cour rappelle ensuite, au point 37, qu’il appartient au juge national d’apprécier si la clause litigieuse reflète bien une disposition nationale. Pour cela elle précise les critères d’appréciation qu’elle a déjà fournis : la nature, l’économie générale et les stipulations des contrats de prêt concernés ainsi que le contexte juridique et factuel dans lequel ces derniers s’inscrivent. S’agissant d’une exception à la protection conférée aux consommateurs, l’appréciation doit se faire selon une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, points 30 et 31). 

CJUE, 24 octobre, C-211/17 – Topaz 

Sanction des clauses abusives – Substitution à une clause abusive  

EXTRAIT : 

« L’article 6 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale contenues dans un contrat de promesse et d’achat conclu entre un consommateur et un professionnel sont jugées abusives, le juge national ne peut pas remédier à la nullité de telles clauses abusives en y substituant sa propre décision sauf si ce contrat ne peut subsister en cas de suppression de ces clauses abusives et que l’annulation dudit contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice rappelle, d’abord, le principe selon lequel le juge national ne peut réviser le contenu d’une clause  (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 53 ainsi que jurisprudence citée) dès lors que cette possibilité reviendrait « à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives ». En effet, « ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels » (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 54 ainsi que jurisprudence citée). 

Ensuite, la Cour rappelle également qu’une exception existe lorsque le contrat en cause « ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive ». En pareille hypothèse, le juge national serait en mesure, en application de principes du droit des contrats, de « substitu[er] une disposition de droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé » (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 56 ainsi que jurisprudence citée) (point 71). Cette substitution est alors conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, « dès lors que cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives» (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 57 ainsi que jurisprudence citée) (point 72). 

En l’espèce, la Cour relève que « le contrat en cause est un contrat de promesse de vente et d’achat d’immeuble, qui est résolu de plein droit si le promettant-acquéreur se trouve en retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel versement », ce qui a pour conséquence que « la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans le contrat en cause permettent au promettant-vendeur de conserver de plein droit les sommes déjà versées par le promettant-acquéreur, auxquelles vient s’ajouter une pénalité fixée à 30 % du prix de vente. » Elle conclut alors que c’est à la juridiction nationale de vérifier « si la suppression de cette clause aurait pour conséquence que le contrat en cause ne pourrait plus subsister » (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 60) (point 75).  

Ainsi, si l’annulation du contrat litigieux expose les consommateurs à des conséquences particulièrement préjudiciables, la Cour rappelle que « le juge national pourrait décider de substituer aux clauses litigieuses une disposition de droit national à caractère supplétif » (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, points 83 et 84, ainsi que du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, points 61 ainsi que 62) (point 76). À l’inverse, si le contrat peut subsister sans les clauses, alors que le juge national les considèrerait comme abusives, il devrait se contenter « d’écarter l’application de ces clauses, sauf si le consommateur s’y oppose ». 

CJUE, 24 octobre 2019, C-211/17 – Topaz  

Annexe directive clauses abusives, point 1, sous d) à f) – Clause pénale – Clause résolutoire expresse – caractère abusif 

EXTRAIT : 

« L’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale, telles que celles en cause au principal, contenues dans un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, établies exclusivement en faveur de ce dernier et qu’il a rédigées préalablement, sont susceptibles de constituer des clauses abusives visées au point 1, sous d) à f), de cette annexe, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier. » 

ANALYSE : 

Avant de donner ses indications sur les clauses litigieuses, la Cour rappelle la portée de l’annexe de la directive 93/13, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci, sur laquelle le juge national peut s’appuyer. Ainsi, « une clause d’un contrat donné qui correspondrait à l’une de celles figurant dans cette liste ne devrait pas pour autant nécessairement être tenue pour abusive » (point 54).  

En premier lieu, au titre de l’annexe, point 1, sous d), peut être qualifiée d’abusive « une clause qui a pour objet ou effet « de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est celui-ci qui renonce » ».  

En l’espèce, la Cour de justice relève que le professionnel a la possibilité de considérer que le contrat est résolu de plein droit « au motif que le consommateur se trouve en retard de paiement, et ce quel que soit le montant concerné. En pareille hypothèse, [il] peut en outre conserver par-devers lui les sommes versées par le consommateur à titre d’avance, sans que le consommateur puisse prétendre à une indemnité de ce chef » (point 56). La Cour conclut alors que « en autorisant le professionnel à retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat en cause, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est ce dernier qui peut se voir reprocher des manquements contractuels, la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans ce contrat semblent relever de l’annexe, point 1, sous d), de la directive 93/13 » (point 57).  

En deuxième lieu, au titre de l’annexe, point 1, sous e), peut être qualifiée d’abusive une clause qui a pour objet ou effet d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionné. 

En l’espèce, la Cour relève que « dans l’hypothèse où le consommateur accuse un retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel versement et quel que soit son montant, le contrat en cause prévoit qu’il doit verser une pénalité conventionnellement fixée à 30 % du prix de vente. En outre, le paiement de cette pénalité n’empêche pas le professionnel de demander au consommateur des dommages-intérêts. » Elle en conclut alors que « les clauses du contrat en cause qui semblent ainsi établir des sanctions automatiques et disproportionnées par rapport à la nature de l’éventuel manquement du consommateur, devraient dès lors pouvoir être déclarées abusives, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous e), de celle-ci » (point 59).  

En troisième et dernier lieu, au titre de l’annexe, point 1, sous f), peut être qualifiée d’abusive une clause qui a pour objet ou effet d’autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire, alors que la même faculté n’est pas reconnue au consommateur, ainsi que de permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non encore réalisées par lui, lorsque c’est le professionnel lui-même qui résilie le contrat. 

En l’espèce, la Cour relève que « la clause résolutoire expresse prévue par le contrat en cause permet au professionnel de postuler la résolution de plein droit de ce contrat en cas d’inexécution mineure, telle que le retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, alors qu’il s’agit d’un contrat immobilier portant sur plusieurs années. » Elle en conclut alors qu’ « une telle possibilité de résolution ne paraissant […] pas prévue au profit des consommateurs, cette clause semble devoir relever de l’annexe, point 1, sous f), de la directive 93/13 » (point 61). 

CJUE, 24 octobre 2019, C-211/17 – Topaz 

Acceptation de l’ensemble des clauses contractuelles – Obligation de transparence – Présomption de négociation – Signature du contrat par le consommateur 

EXTRAIT : 

« L’article 3, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la simple signature d’un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, stipulant que, par celle-ci, ce consommateur accepte l’ensemble des clauses contractuelles rédigées au préalable par le professionnel, n’entraîne pas un renversement de la présomption selon laquelle de telles clauses n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice rappelle la présomption selon laquelle une clause qui a été rédigée préalablement par le professionnel est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet de négociation individuelle (voir, en ce sens, ordonnances du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C-76/10, EU:C:2010:685, point 57, et du 3 avril 2014, Sebestyén, C-342/13, EU:C:2014:1857, points 23 et 24) (point 45). Ainsi, si le professionnel prétend que la clause a fait l’objet d’une négociation individuelle, c’est sur lui que pèse la charge de la preuve (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Constructora Principado, C-226/12, EU:C:2014:10, point 19) (point 46). En outre, la Cour précise qu’il ne faut pas confondre la négociation des termes du contrat et l’information préalable des consommateurs, laquelle « repose sur l’obligation de transparence énoncée à l’article 5 de la directive 93/13 » (point 49). En effet, le seul fait que le contrat ait été transmis au consommateur avant sa conclusion, conformément à cette exigence de transparence, ne suffit pas à « considérer que les clauses contestées par la suite par le consommateur ont fait l’objet d’une négociation individuelle » (point 50).  

En l’espèce, la Cour relève que la seule circonstance que le consommateur ait signé l’intégralité du contrat est insuffisante pour renverser cette présomption, quand bien même l’acte aurait été authentifié par un notaire, dès lors que « la signature de l’ensemble du contrat n’est pas de nature à prouver que les clauses contestées par ledit consommateur ont effectivement fait l’objet d’une telle négociation entre le professionnel et celui-ci » (point 47). La Cour précise alors que, en réalité, la signature du contrat par le consommateur, fusse-t-il authentifié, « prouve uniquement que ce contrat a été conclu et n’établit en aucune façon que les clauses contestées ont fait l’objet d’une négociation individuelle, dans le cadre de laquelle le consommateur a eu la possibilité d’influer sur le contenu desdites clauses » (point 48). 

En droit français, le critère de l’absence de négociation de la clause n’a pas été transposé. 

Cass. Civ.2ème, 14 octobre 2021, 19-11.758  

Contrat d’assurance vie — Clause renvoyant pour la liquidation de la rente au tarif en vigueur —— Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties — Objet principal du contrat — Office du juge

EXTRAIT : 

« Vu l’article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; 

En statuant ainsi, alors qu’il résultait d’une part, que la clause X définissait l’objet principal du contrat, en ce qu’elle prévoyait les modalités de la transformation en rente de l’épargne constituée par l’adhérent, d’autre part, qu’elle renvoyait, sans autre précision, au « tarif en vigueur », de sorte qu’il lui incombait d’examiner d’office la conformité de cette clause aux dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives en recherchant si elle était rédigée de façon claire et compréhensible et permettait à l’adhérent d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui, et, dans le cas contraire, si elle n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou consommateur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». 

ANALYSE : 

Dans un contrat d’assurance vie, la clause permettant la transformation de la rente en capital par l’application d’une table de mortalité « selon le tarif en vigueur » correspond à l’objet du contrat, en ce qu’elle détermine la prestation de l’assureur en contrepartie du versement des primes par l’assuré, adhérent à un contrat de groupe.  

S’agissant de l’objet principal du contrat, cette clause ne peut être déclarée abusive que si elle n’est pas  claire et compréhensible  (C. consom., art. L. 212-1, al. 3). 

La Cour de cassation rappelle l’obligation pour le juge d’écarter d’office une clause abusive s’il « dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose » suivant l’arrêt Pannon (CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08). 

La deuxième chambre civile considère dans cette décision qu’entre dans cet office du juge l’obligation de rechercher le caractère clair et compréhensible d’une clause définissant l’objet principal du contrat (en l’espèce d’un contrat d’assurance vie) afin de vérifier si, en cas de défaut de clarté, la clause a pour effet de créér un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ou du non-professionnel. Or, s’agissant du défaut de clarté, la Cour de cassation fait application pour la première fois de la jurisprudence Van Hove (CJUE 23 avril 2015 aff. C-96/14) selon laquelle : 

« L’exigence de transparence des clauses contractuelles, posée par la directive 93/13, ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci. Au contraire, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive » (cons. 40).  

Ainsi, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que « ladite clause est rédigée de manière claire et compréhensible, c’est-à-dire qu’elle est non seulement intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui » (cons. 50). 

Il en résulte que le juge doit d’office rechercher si la clause permettant la transformation de la rente en capital par l’application d’une table de mortalité « selon le tarif en vigueur » permettait à « l’adhérent d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui ». Si le juge du fond devait estimer que cette clause n’est pas claire, il pourrait éventuellement juger cette clause abusive si elle crée un déséquilibre significatif.  

Voir également : 

–  Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 mai 2016, 14-24.698, Publié au bulletin 

–  Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mars 2017, 16-13.050, Publié au bulletin 

https://www.inc-conso.fr/content/les-juges-doivent-soulever-doffice-une-clause-susceptible-detre-consideree-comme-abusive 

CJUE 3 octobre 2019, C-621/17- Kiss  

Appréciation du caractère abusif – Bonne foi – Déséquilibre significatif – Contrat de prêt – Commission de décaissement – Frais de gestion

EXTRAIT : 

« L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle telle que celle en cause au principal, relative à des frais de gestion d’un contrat de prêt, qui ne permet pas d’identifier sans ambiguïté les services concrets fournis en contrepartie, ne crée pas, en principe, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur, en dépit de l’exigence de bonne foi. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice rappelle, d’abord, les paramètres à prendre en compte pour apprécier, en particulier, la bonne foi et le déséquilibre significatif. D’abord, s’agissant de l’exigence de bonne foi, le juge national doit ainsi vérifier « si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle » (voir arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C-415/11, EU:C:2013:164, point 69) (point 50). Ensuite, s’agissant de l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif, la Cour précise qu’« il ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à la charge du consommateur par cette clause, d’autre part. » Cela s’explique par la raison qu’ « un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales » (arrêt du 16 janvier 2014, Constructora Principado, C-226/12, EU:C:2014:10, points 22 et 23) (point 51).  

En l’espèce, la perception des frais de gestion et d’une commission de décaissement étant prévue dans le droit interne hongrois, la Cour précise que, par principe, ces clauses n’affectent pas de manière défavorable la position juridique du consommateur telle que prévue par le droit national, « à moins que les services fournis en contrepartie ne relèvent pas raisonnablement des prestations effectuées dans le cadre de la gestion ou du décaissement du prêt, ou que les montants mis à la charge du consommateur au titre desdits frais et de ladite commission soient disproportionnés par rapport au montant du prêt » (point 55).