CJUE, 4 juillet 2024, aff. C-450/22 –– Caixabank e.a 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrats de prêt hypothécaireNotion de “consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé” Clauses dites “plancher”  

  

EXTRAIT  

« L’article 4, paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 3, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : ils permettent à une juridiction nationale, saisie d’une action collective dirigée contre de nombreux professionnels du même secteur économique et visant un nombre très élevé de contrats, de procéder au contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle en se fondant sur la perception du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, lorsque ces contrats s’adressent à des catégories spécifiques de consommateurs et que cette clause a été utilisée pendant une très longue période. Toutefois, si, pendant cette période, la perception globale du consommateur moyen concernant ladite clause a été modifiée en raison de l’intervention d’un événement objectif ou d’un fait notoire, la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le juge national procède à ce contrôle en tenant compte de l’évolution de la perception de ce consommateur, la perception pertinente étant celle existante au moment de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire. »  

  

ANALYSE   

  

Dans cette affaire, la CJUE est confrontée à la difficulté de définir le « consommateur moyen » dans le cadre d’une action collective portant sur l’examen de la transparence de clauses contractuelles qui figurent, en l’espèce, dans les contrats liés à des prêts hypothécaires. 

 

Bien que les contrats visent des groupes spécifiques de consommateurs, la Cour rappelle que l’analyse doit se baser sur la perception de ce consommateur abstrait, « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » ( la CJUE cite les arrêts Gómez del Moral Guasch (C-125/18) et Andriciuc (C-186/16) ). Cette conception permet de standardiser l’examen de la transparence des clauses, malgré l’hétérogénéité des profils de consommateurs.  

 

Néanmoins, la Cour souligne que la directive 93/13/CEE ne s’oppose pas à ce que la perception de ce consommateur puisse varier au fil du temps, influencée par des événements objectifs ou notoires, comme un changement législatif ou des bouleversements économiques largement connus. Par exemple, la baisse des taux d’intérêt dans les années 2000 a pu faire prendre conscience aux consommateurs des effets économiques des clauses plancher.  

Cette évolution de perception doit toutefois être fondée sur des éléments concrets, et le simple écoulement du temps ne suffit pas pour présumer une modification de la compréhension du consommateur moyen. 

CJUE, 4 juillet 2024, aff. C-450/22 –– Caixabank e.a 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Transparence des clauses contractuelles – Action collective – Contrôle judiciaire – Clauses similaires 

  

EXTRAIT  

« Les articles 4, paragraphe 1, et 7, paragraphe 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil […] doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une juridiction nationale de procéder au contrôle du caractère transparent d’une clause contractuelle dans le cadre d’une action collective dirigée contre de nombreux professionnels du même secteur économique et visant un nombre très élevé de contrats, pour autant que ces contrats contiennent la même clause ou des clauses similaires. »  

  

ANALYSE   

  

La CJUE juge dans cet arrêt que le contrôle de la transparence des clauses contractuelles s’applique également dans le cadre d’une action collective, à condition que les contrats comportent des clauses similaires. Le consommateur doit pouvoir comprendre clairement ses droits et obligations, et les juridictions doivent vérifier la transparence des clauses pour protéger ce dernier. 

 

La CJUE réitère, comme dans l’arrêt Kásler (C-26/13), que la transparence ne concerne pas seulement la compréhension grammaticale, mais aussi les conséquences économiques pour le consommateur. Elle confirme également le contrôle d’office des clauses abusives, comme dans l’arrêt Banco Español de Crédito (C-618/10). 

 

La CJUE ajoute que le contrôle de transparence peut être réalisé même dans le cadre d’une action collective impliquant de nombreux professionnels, à condition que les clauses soient similaires (point 58). 

 

En droit français, les dispositions de l’article 7 de la directive 93/13/CEE ont été transposées à l’article L. 621-2 du Code de la consommation 

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23,UG v/ SC Raiffeisen Bank SA 

  

Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs –  Avenant au contrat de crédit notifié par le professionnel au consommateur en vue d’une mise en conformité avec la réglementation nationale – Clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle – Jurisprudence nationale excluant le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause contractuelle  

  

EXTRAIT   

«L’article 3 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle les modifications apportées par un professionnel aux clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, qui laisse une marge d’appréciation au professionnel, ne peuvent faire l’objet d’un examen de leur éventuel caractère abusif, même si ces clauses n’ont pas été négociées avec le consommateur.»  

  

ANALYSE   

  

Dans cet arrêt, la Cour était saisie de deux questions préjudicielles. La première portait sur lepoint de savoir l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’appréciation du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation conclu entre un consommateur et un professionnel dans des circonstances où des modifications ont été apportées par ce professionnel à ces clauses afin d’assurer la conformité de ce contrat de crédit à une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d’intérêt en vertu de laquelle ce taux doit être remplacé par un taux d’intérêt déterminé sur la base de l’un des indices de référence prévus par cette réglementation et augmenté d’une marge fixe établie par ce professionnel pour toute la durée du contrat. 

 

La Cour était saisie d’une seconde question, portant sur le point de savoir si l’article 3 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle les modifications apportées par un professionnel aux clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, qui laisse une marge d’appréciation au professionnel, ne peuvent faire l’objet d’un examen de leur éventuel caractère abusif, même si ces clauses n’ont pas été négociées avec le consommateur. 

La Cour  rappelle que, même si le consommateur signe un contrat stipulant qu’il accepte les clauses rédigées par le professionnel, cela ne signifie pas qu’il y a eu une négociation individuelle. En effet, la simple signature ne renverse pas la présomption selon laquelle ces clauses n’ont pas été négociées. 

 

La Cour rappelle qu’une modification apportée à une clause relative aux taux d’intérêts qui s’inscrit dans la politique générale de renégociation des contrats de prêt hypothécaire adossés à un taux variable en vue de rendre cette clause conforme à une décision d’une cour suprême, pourrait constituer un indice de ce que le consommateur n’a pas pu exercer une influence sur le contenu de ladite clause. En outre, la circonstance que le consommateur a fait précéder sa signature d’une mention manuscrite indiquant qu’il avait compris le mécanisme de la même clause ne suffit pas pour établir que celle-ci a fait l’objet d’une négociation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C452/18, EU:C:2020:536, points 36 et 38). 

 

La Cour conclut que le caractère abusif d’une clause contractuelle ne peut pas être écarté simplement parce que le professionnel a apporté des modifications pour se conformer à une loi nationale, dans la mesure où cette mise en conformité laisse une marge d’appréciation au professionnel. 

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Voir également :  

CJUE, 9 juill. 2020- C-452/18

 

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23, Raiffeisen Bank SA 

  

Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Exclusion des clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Jurisprudence nationale excluant le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause contractuelle contenue dans un tel avenant  

  

EXTRAIT   

«L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’appréciation du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation conclu entre un consommateur et un professionnel dans des circonstances où des modifications ont été apportées par ce professionnel à ces clauses afin d’assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d’intérêt, si cette réglementation ne fait qu’établir un cadre général en vue de la fixation du taux d’intérêt dudit contrat, tout en laissant audit professionnel une marge d’appréciation en ce qui concerne tant le choix de l’indice de référence de ce taux que l’importance de la marge fixe pouvant être ajoutée à ce dernier.»  

  

ANALYSE   

  

La Cour de justice de l’Union européenne était invitée à se demander si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’appréciation du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat de crédit à la consommation conclu entre un consommateur et un professionnel dans des circonstances où des modifications ont été apportées par ce professionnel à ces clauses afin d’assurer la conformité de ce contrat de crédit à une réglementation nationale impérative relative aux modalités de détermination du taux d’intérêt en vertu de laquelle ce taux doit être remplacé par un taux d’intérêt déterminé sur la base de l’un des indices de référence prévus par cette réglementation et augmenté d’une marge fixe établie par ce professionnel pour toute la durée du contrat. 

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 relative aux clauses abusives exclut du champ d’application de celle-ci les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives.  

La CJUE rappelle que pour qu’une clause contractuelle « reflète » une disposition législative ou réglementaire impérative, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, cette clause doit reproduire le contenu normatif d’une disposition impérative applicable au contrat en cause, de sorte qu’elle puisse être considérée comme exprimant, de façon concrète, la même norme juridique que celle visée à cette disposition impérative (arrêt du 6 juillet 2023, First Bank, C593/22, EU:C:2023:555, point 25). 

La CJUE rappelle également que dans son arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C125/18, EU:C:2020:138, points 33 à 37), la Cour a dit pour droit que l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne s’appliquait pas à une clause contractuelle qui prévoyait que le taux d’intérêt applicable au prêt était fondé sur l’un des indices de référence officiels prévus par la réglementation nationale, lorsque cette réglementation ne prévoyait pas l’application impérative de cet indice, mais laissait à la banque la possibilité de définir le taux d’intérêt variable d’une autre manière. 

Elle observe que si la réglementation nationale en cause prévoyait que le taux d’intérêt des contrats de crédits devait être remplacé par un taux d’intérêt déterminé sur la base d’un indice de référence et d’une marge fixe, applicable pour toute la durée du contrat, il ressort néanmoins que les banques disposaient d’une marge d’appréciation en ce qui concerne tant le choix de l’indice de référence que l’importance de cette marge fixe. 

 

Elle en déduit que l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne s’applique pas dans une situation où des modifications ont été apportées par un professionnel à des clauses d’un contrat de crédit à la consommation pour assurer la conformité de ce contrat à une réglementation nationale, adoptée après la conclusion de celui-ci, si cette réglementation ne fait qu’établir un cadre général en vue de la fixation du taux d’intérêt de ce contrat de crédit, tout en laissant à ce professionnel une marge d’appréciation en ce qui concerne tant le choix de l’indice de référence de ce taux que l’importance de la marge fixe pouvant être ajoutée audit taux. 

Par conséquent la directive n’empêche pas l’examen d’un potentiel caractère abusif de clauses dans un contrat de crédit à la consommation, même si ces clauses se conforment à une réglementation nationale, dès lors que cette réglementation se contente d’établir un cadre général pour déterminer le taux d’intérêt, mais laisse au professionnel une marge de manoeuvre concernant le choix de l’indice de référence. 

L’exclusion de la directive ne s’applique que si la clause reproduit strictement une disposition législative impérative sans laisser de marge d’appréciation au professionnel. 

Voir également :  

CJUE 6 juillet 2023, First Bank, aff. C- 593/22 

 

CJUE, 30 mai 2024, aff. C176/23,UG v/ SC Raiffeisen Bank SA 

 

Cass. civ. 1ère, 29 mai 2024, n°23-12.904, Publié au bulletin

Protection des consommateurs – Clauses abusives – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties 

EXTRAITS : 

“Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016: 

(…) 

  1. En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d’appel a violé le texte susvisé”

 

ANALYSE : 

Un prêt immobilier a été consenti le 18 juillet 2011 par une banque. A la suite de plusieurs échéances impayées, le prêteur a mis en demeure l’emprunteur, le 30 mars 2018, de régulariser la situation dans un délai de 15 jours. Le 5 juin 2018, la banque a prononcé la déchéance du terme. 

Par un arrêt en date du 5 janvier 2023, la cour d’appel de Metz a condamné l‘emprunteur au paiement de la totalité des sommes dues au titre du prêt, en faisant application d’une clause du contrat autorisant la banque à « se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt en capital, intérêts et accessoire » sans délai de préavis raisonnable. 

L’emprunteur forme un pourvoi en cassation en invoquant l’absence d’examen d’office par les juges du fond du caractère abusif de la clause litigieuse. 

La Cour de cassation considère que la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable est abusive, en ce qu’elle expose le consommateur à une “aggravation soudaine des conditions de remboursement”. 

Ainsi, la première chambre civile confirme la solution qu’elle avait déjà apportée dans l’arrêt rendu le 22 mars 2023, n° 21-16.044, affirmant que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler des échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur en ce qu’elle l’expose à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. 

Pour statuer ainsi, la première chambre civile rappelle l’arrêt Banco Primus rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 26 janvier 2017. En effet, dans cet arrêt, la Cour dégage 4 éléments que le juge national doit examiner pour apprécier le caractère abusif d’une clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée.  

Il s’agit premièrement d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution d’une obligation du consommateur essentielle dans le cadre du contrat. Il s’agit ensuite d’apprécier l’existence d’une telle clause en cas d’inexécution du consommateur « suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt ». Le juge national doit également prendre en compte dans son analyse les règles nationales applicables en l’absence d’accord des parties. Enfin, il doit apprécier l’existence dans le droit national de recours laissés au consommateur pour remédier aux effets de ladite clause. 

La première chambre civile rappelle ensuite  que l’arrêt Banco Primus rendu le 26 janvier 2017 suppose que les critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doivent être compris comme un ensemble de circonstances entourant la conclusion du contrat concerné (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21).  

voir également :  

CJUE, 25 avril 2024,aff. C-561/21–– GP,BG contre Banco Santander SA

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à charge du consommateur – Décision judiciaire définitive constatant le caractère abusif de cette clause et annulant celle-ci – Action en restitution des sommes acquittées au titre de la clause abusive – Point de départ du délai de prescription de l’action en restitution » 

  

EXTRAIT  

 

« (…) l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que le principe de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le délai de prescription d’une action en restitution de frais qui ont été acquittés par le consommateur au titre d’une clause contractuelle dont le caractère abusif a été constaté par une décision judiciaire définitive rendue postérieurement au paiement de ces frais commence à courir à la date à laquelle cette décision est devenue définitive»  

ANALYSE   

 

La Cour de Justice de l’Union Européenne était saisie d’une première question concernant la compatibilité du principe de sécurité juridique avec un délai de prescription qui commence à courir à la date de la décision judiciaire définitive constatant le caractère abusif d’une clause contractuelle dans le cadre d’une action en restitution des frais acquittés par le consommateur au regard de  l’article 6 paragraphe 1  , et de l’article 7, paragraphe 1 de la [directive 93/13  

 

En l’espèce, des consommateurs avaient souscrit, le 29 juin 1999, un prêt hypothécaire auprès de la Banco Santander, comportant une clause leur imposant la prise en charge de l’intégralité des frais liés au contrat. En 2017, ils sollicitent l’annulation de cette clause et le remboursement des sommes versées. La banque fait appel, et la cour d’appel accueille partiellement sa demande, estimant que le délai de prescription avait commencé à courir dès la conclusion du contrat en 1999. Les consommateurs se pourvoient en cassation devant l’Audiencia Provincial de Barcelone, soutenant que le point de départ du délai de prescription ne devrait pas être fixé à la date de conclusion du contrat. 

La Cour rappelle d’abord qu’en l’absence de réglementation spécifique de l’Union européenne, les États membres disposent d’une certaine liberté pour définir les modalités procédurales, à condition de respecter les principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt Profit Crédit Slovzkia, C-485/19)   Elle précise que les délais de prescription doivent être suffisamment flexibles pour permettre aux consommateurs d’exercer leurs droits, sans que leur application ne rende cet exercice excessivement difficile. (arrêt BNP Paribas Personal Finance)   

La jurisprudence antérieure indique que des délais de prescription de trois à quinze ans peuvent être considérés comme compatibles avec le principe d’effectivité, à condition qu’ils soient préalablement connus des parties et suffisants pour permettre au consommateur concerné de préparer et de former un recours effectif. 

De plus, la Cour souligne qu’un consommateur doit être informé du caractère abusif d’une clause pour que le délai de prescription soit applicable, tenant compte de la situation d’infériorité du consommateur par rapport au professionnel. (arrêt Caixabank c-224/19 ) 

Enfin, la Cour conclut que la charge de la preuve incombe au professionnel, qui doit démontrer que le consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de la clause abusive avant la décision judiciaire. Ainsi, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive ne s’opposent pas à l’application d’un délai de prescription .

CJUE, 25 avril 2024, Caixabank, C-484/21 

Contrat de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à charge du consommateur – Décision judiciaire définitive constatant le caractère abusif de cette clause et annulant celle-ci – Action en restitution des sommes acquittées au titre de la clause abusive – Point de départ du délai de prescription 

 

EXTRAIT :  

« 2) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13  

doivent être interprétés en ce sens que : 

ils s’opposent à ce que le délai de prescription d’une action en restitution de frais qui ont été  acquittés  par  le  consommateur  au  titre  d’une  clause  d’un  contrat  conclu  avec  un professionnel  dont  le  caractère  abusif  a  été  constaté  par  une  décision  judiciaire définitive, prenne cours à la date à laquelle la juridiction suprême nationale a prononcé un arrêt antérieur, dans une affaire distincte, déclarant abusive une clause standardisée correspondant à cette clause de ce contrat. » 

 

ANALYSE :  

Dans cet arrêt la Cour était saisie de trois questions préjudicielles. La deuxième portait sur la possibilité, pour les Etats membres, de faire courir le délai de prescription de l’action en restitution du consommateur à la date à laquelle une juridiction nationale avait déclaré abusive, dans un arrêt antérieur et distinct de l’affaire, une clause standardisée correspondant à la clause litigieuse en l’espèce. 

Pour répondre à cette question, la Cour retient qu’on ne peut pas attendre du consommateur qu’il ait lui-même pris conscience que la clause contenue dans son contrat correspondait à une clause standardisée déclarée abusive dans une autre affaire. 

En outre, la Cour affirme que lorsqu’une clause standardisée est déclarée abusive dans un contrat en particulier, il appartient aux juridictions nationales d’apprécier, au cas par cas, si une clause similaire doit être jugée abusive dans un autre contrat.  

En conséquence, on ne peut pas exiger du consommateur raisonnablement attentif et avisé que, d’une part, il se tienne informé par lui-même des décisions de justice relatives au caractère abusif des clauses standardisées similaires à celles contenues dans son contrat, et d’autre part qu’il détermine, sur le fondement de ces décisions, si les clauses de son contrat son abusives. 

Ainsi, le délai de prescription de l’action en restitution de frais acquittés par le consommateur sur le fondement d’une clause dont le caractère abusif a été constaté, ne peut pas commencer à courir au jour où une décision de justice antérieure et distincte a constaté le caractère abusif d’une clause standardisée correspondant à la clause litigieuse en l’espèce. En effet, à ce moment précis, le consommateur ne peut pas prendre conscience que la clause de son contrat est similaire à une telle clause standardisée et qu’elle est donc potentiellement abusive.  

 Voir également :

CJUE, 25 avril 2024, Caixabank, C-484/21

CJUE, 25 avril 2024, Caixabank, C-484/21   

Contrat de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à charge du consommateur – Décision judiciaire définitive constatant le caractère abusif de cette clause et annulant celle-ci – Action en restitution des sommes acquittées au titre de la clause abusive – Point de départ du délai de prescription 

 

EXTRAIT :  

« 1) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, 

doivent être interprétés en ce sens que : 

ils s’opposent à ce que le délai de prescription d’une action en restitution de frais qui ont été acquittés par le consommateur, au moment de la conclusion d’un contrat passé avec un  professionnel,  au  titre  d’une  clause  contractuelle  dont  le  caractère  abusif  a  été constaté par une décision judiciaire définitive rendue postérieurement au paiement de ces frais, commence à courir à la date de ce paiement, indépendamment de la question de savoir si ce consommateur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance du caractère  abusif  de  cette  clause  dès  ledit  paiement,  ou  avant  que  la  nullité  de  cette clause ait été constatée par cette décision. » 

 

ANALYSE :  

A titre liminaire, la Cour rappelle sa jurisprudence CJUE, 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo, C-154/15 qui prévoit que la constatation du caractère abusif d’une clause emporte, en principe, un effet restitutoire au profit du consommateur, et ce dans l’objectif d’assurer l’effet dissuasif de la directive.  

Saisie de trois questions préjudicielles par le tribunal de première instance de Barcelone, la Cour a décidé de répondre simultanément à la première et troisième question portant toutes les deux sur le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution de frais acquittés par le consommateur au moment de la conclusion d’un contrat passé avec un professionnel, au titre d’une clause déclarée postérieurement abusive par une décision de justice devenue définitive.  

Le tribunal espagnol se demandait si le fait que le délai de prescription de l’action en restitution commence à courir à compter de la date de paiement ou avant la constatation de la nullité de la clause en raison de son caractère abusif, était contraire à la Directive 93/13.   

La Cour rappelle son arrêt CJUE,  22 avril 2021, Profi Credit Slovakia, C-485/19  dans lequel elle avait décidé qu’en l’absence de règlementation communautaire, les Etats membres, en vertu du principe d’autonomie procédurale, devait régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits des justiciables issus du droit communautaire et ce en respectant le principe d’équivalence et le principe d’effectivité. Dans cette affaire, seul le principe d’effectivité est en cause. Ainsi, les modalités procédurales mises en œuvre par les Etats membres ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive. 

Dans sa décision CJUE, 10  juin  2021,  BNP  Paribas  Personal  Finance,  C-776/19  la Cour avait retenu que la demande aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause n’était pas soumise à prescription, mais que rien ne s’opposait à ce que l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation soit soumise à un délai de prescription. En raison de la situation d’infériorité du consommateur, elle avait décidé qu’un délai de prescription qui commence à courir après la signature du contrat était contraire au principe d’effectivité en ce que le consommateur pouvait ignorer le caractère abusif d’une clause ou ne pas connaitre l’étendue de ses droits issus de la directive.  

A la lumière de cette jurisprudence, la Cour retient que la date de conclusion du contrat contenant la clause abusive et la date du paiement réalisé en vertu de cette clause ne peuvent constituer le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution. En effet, tant que le consommateur n’a pas eu connaissance de l’étendue de ses droits ou du caractère abusif de cette clause par une décision de justice déclarant sa nullité, le délai de prescriptio n ne peut commencer à courir.  

La Cour de cassation retient déjà cette approche depuis un arrêt Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030 

 

Voir également :  

CJUE, 25 avril 2024, Caixabank, C-484/21 

CJUE, 11 avril 2024, C-173/23- e Air Europa Líneas Aéreas   

 

 

 

Cession à une société commerciale de la créance du passager à l’égard du transporteur aérien – Directive 93/13/CE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrôle d’office du caractère abusif de la clause interdisant la cession des droits des passagers – Conséquences de ce contrôle dans le cadre d’un litige opposant la société cessionnaire au transporteur aérien – Principe du contradictoire » 

 

EXTRAITS :  

 

Le principe du contradictoire doit être interprété en ce sens que :  

 

lorsque le juge national constate d’office le caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat de transport conclu entre un passager aérien et un transporteur aérien à l’occasion d’une action en réparation formée, contre ce transporteur, par une société commerciale cessionnaire de la créance de dommages et intérêts de ce passager à l’égard dudit transporteur, ce juge n’est pas tenu d’en informer ledit passager ni de lui demander s’il entend se prévaloir du caractère abusif de cette clause ou s’il consent à l’application de cette dernière. En revanche, ledit juge doit en informer les parties au litige pendant devant lui, afin de leur donner la possibilité de faire valoir leurs arguments respectifs dans le cadre d’un débat contradictoire, et s’assurer du fait que la société commerciale cessionnaire souhaite que ladite clause soit déclarée inapplicable. 

 

ANALYSE :  

 

La Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie d’une question préjudicielle par le tribunal de commerce de Majorque concernant un litige opposant Eventmedia Soluciones SL, cessionnaire de la créance d’un passager aérien, à Air Europa Líneas Aéreas SAU (ci-après « Air Europa ») au sujet de la réparation du dommage résultant d’un retard dans le transport des bagages de ce passager à l’occasion d’un vol effectué par Air Europa. La première question était de savoir si le juge est tenu d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif d’une clause qui interdit au consommateur de céder ses droits dès lors que l’action en réparation a été exercée par le cessionnaire qui n’a pas la qualité de consommateur (CJUE, 11 avril 2024, C-173/23- Air Europa Líneas Aéreas). La deuxième question était de savoir dans les cas où le juge constate d’office le caractère abusif de la clause s’il doit en informer le consommateur, non partie au litige, pour qu’il puisse s’en prévaloir ou qu’il consente tout de même à l’application de cette clause, en vertu du principe du contradictoire  

 

La CJUE rappelle qu’e,n vertu de l’arrêt Banif Plus Bank du 21 février 2013, le juge doit informer le professionnel et le consommateur, parties au litige du caractère abusif de la clause qu’il a pu examiner afin que ces dernières puissent en débattre contradictoirement et que le consommateur puisse le cas échéant renoncer à ce que la clause abusive soit écartée. En l’espèce, les parties au litige étant deux professionnels (la société cessionnaire de la créance du consommateur et le transporteur aérien), le juge n’est pas tenu d’informer le consommateur de cet examen d’office ni de recueillir ses observations. En revanche, le juge doit faire respecter le débat contradictoire entre les deux parties au litige, et s’assurer du fait que la société commerciale cessionnaire souhaite que ladite clause soit déclarée inapplicable.