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Analyse

Titre : Directive 93/13/CEE (clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs), convention d’honoraires entre un avocat et son client, application (oui)

Résumé : La directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, qui concerne les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s’applique à des contrats standardisés de services juridiques, telles des conventions d’honoraires, conclus par un avocat avec une personne physique qui n’agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle.

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Analyse
Titre : Contrat d’enseignement-Clause relative aux frais de scolarité- Totalité des frais demeure acquise au prestataire en cas de résiliation, sauf cas d’une extrême gravité- Appréciation de la réalité et de la gravité laissée au seul prestataire-clause abusive (oui).
Résumé : La clause-relative au règlement de la totalité des frais de scolarité présente dans un contrat d’enseignement-en ce qu’elle fait du paiement du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l’établissement d’enseignement dès la signature du contrat, sans réserver le cas d’une résiliation pour motif légitime et impérieux, crée un déséquilibre significatif entre les parties.
Cette clause est d’autant plus abusive que le contrat d’enseignement s’adresse à des jeunes de 18 ou 19 ans sortant du lycée qui, d’une part, peuvent ne pas être définitivement fixés sur leur orientation professionnelle future, et qui, d’autre part, ont des moyens financiers limités. En outre, le prix à payer pour résilier le contrat et en l’espèce (6000 euros) hors de proportion avec le préjudice de l’établissement d’enseignement.
La clause litigieuse présente donc un caractère abusif et doit être réputée non écrite.

 

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Analyse

Titre : Article L. 421-6, alinéa 3, du code de la consommation à la suite des modifications introduites par la loi du 17 mars 2014- Contrats conclus antérieurement au 17 mars- Application (non)

Résumé : En application du principe civiliste de non rétroactivité de la loi nouvelle, le dernier alinéa de l’article L. 421-6 du Code de la consommation, ajouté par la loi du 17 mars 2014, n’est pas applicable aux contrats de la société Free antérieurs à l’entrée en vigueur de cette loi.

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Cass.Civ.I, 1 er octobre 2014, n°13-21801

Analyse 1

Titre : Suppression des clauses abusives, pouvoir du juge, article L.421-6 du code de la consommation.

Résumé : En matière de suppression de clause abusive, le juge, de par les textes européens, est tenu d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
Analyse 2

Titre : Suppression des clauses abusives, conclusions déposées par une association de consommateur au titre de l’article L.421-6 du code de la consommation sur un ancien modèle de contrat , clauses abusives présentes dans le nouveau modèle, office du juge.

Résumé : Doit être cassé l’arrêt de Cour d’appel qui déclare sans objet la demande d’interdiction de l’usage à l’avenir de clauses contenues dans la nouvelle version du contrat dont elle était initialement saisie.

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Cass.Civ.I, 1 er octobre 2014, n° 12-27214

Analyse 1 :

Titre : Contrat d’assurance, clauses abusives, article L. 132-1 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à la loi du 95-96 du 1 er février 1995), application dans le temps, disposition non existante au moment de la conclusion du contrat, application (non).

Résumé : La définition actuelle des clauses abusives ne peut s’appliquer à l’analyse de clause de contrats qui ont été conclus sous l’empire de la loi ancienne (article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978).

Audience publique du mercredi 1 octobre 2014
N° de pourvoi: 13-21801
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, courant novembre 2008, l’association union A… a assigné la mutuelle B… pour faire juger illicites et abusives vingt-trois clauses du contrat de résident proposé par celle-ci aux résidents de l’EHPAD « Les Solambris », faire condamner celle-ci à les supprimer de ses contrats et obtenir réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs par l’utilisation de ces clauses, qu’un jugement du 11 octobre 2010, assorti de l’exécution provisoire, a déclaré illicites ou abusives onze clauses, les a réputées non écrites, ordonné leur suppression sous astreinte et la publication du jugement, et condamné la mutuelle B… à verser à l’association union A… la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, que, courant avril 2011, la mutuelle B… a communiqué à l’association union A… une version modifiée de son contrat type dont le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Grenoble a, par jugement du 27 avril 2012, constaté qu’il conservait quatre clauses illicites et abusives, et liquidé l’astreinte, que l’association union A… a interjeté appel du jugement du 11 octobre 2010 du chef des six clauses que celui-ci n’avait pas estimées abusives ou illicites ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article L. 421-6 du code de la consommation ;

Attendu que, pour débouter l’association union A… de sa demande en suppression de « six autres clauses de l’ancien contrat de séjour », l’arrêt constate qu’elle ne conclut pas sur les dispositions de ce nouveau contrat et que la cour d’appel n’est donc pas saisie d’une demande de suppression des clauses qu’il contient ;

Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que l’association union A… avait, dans le dispositif de ses conclusions d’appel, sollicité la suppression de clauses illicites ou abusives sans limiter sa demande à l’ancien contrat, d’autre part, que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen emporte cassation par voie de conséquence du deuxième moyen dès lors que le préjudice collectif subi par l’association union A… dépend du nombre de clauses abusives figurant dans les contrats proposés aux consommateurs ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen qui n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare sans objet la demande d’interdiction de l’usage à l’avenir des clauses contenues dans le contrat de séjour proposé jusqu’au 19 avril 2011 par la mutuelle B… gestionnaire de l’EHPAD en l’état de son nouveau contrat de séjour et de son nouveau règlement de fonctionnement, et en ce qu’il déboute l’association union A… de sa demande en suppression de « six autres clauses de l’ancien contrat de séjour de l’EHPAD », l’arrêt rendu le 7 mai 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne la mutuelle B… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l’association union A… la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.

Audience publique du mercredi 1 octobre 2014
N° de pourvoi: 12-27214
Non publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article 2 du code civil, ensemble l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte notarié du 18 février 1989, M. X… a contracté un prêt immobilier auprès de la société A…, aux droits de laquelle vient la société B… (la banque) ; qu’aux termes du même acte, l’emprunteur a adhéré à l’assurance de groupe souscrite par le prêteur auprès de la société C… (l’assureur) couvrant les risques décès, incapacité de travail et perte d’emploi ; que la garantie relative à ce dernier risque prévoyait le « report en fin de prêt des mensualités venant à échéance pendant la période de chômage » ; que certaines mensualités ont été reportées en fin de prêt suite au chômage de l’emprunteur, auquel la banque a demandé, au terme convenu du prêt, de payer la somme correspondant au montant des mensualités reportées ; que M. X… a assigné la banque et l’assureur afin que soit déclarée abusive la clause de report stipulée au contrat ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que la clause litigieuse n’apparaît pas abusive en l’absence de déséquilibre significatif avéré entre les droits et obligations des parties, après avoir énoncé qu’il résultait des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a soumis le contrat litigieux à une disposition qui n’existait pas au moment de sa conclusion, violant, par refus d’application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident éventuel :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 août 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Limoges ;

Condamne la société B… et la société C… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société B… et la société C…, condamne celles-ci à payer chacune la somme de 1 500 euros à M. X… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 septembre 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives – Contrat de crédit à la consommation – Article 1er, paragraphe 2 – Clause reflétant une disposition législative impérative – Champ d’application de la directive – Articles 3, paragraphe 1, 4, 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1 – Garantie de la créance par une sûreté sur un bien immobilier – Possibilité de réaliser cette sûreté au moyen d’une vente aux enchères – Contrôle juridictionnel»

Dans l’affaire C‑34/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský súd v Prešove (Slovaquie), par décision du 20 décembre 2012, parvenue à la Cour le 23 janvier 2013, dans la procédure

Monika Kušionová

contre

A Capital a.s,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 juin 2014,

considérant les observations présentées:

– pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. A. Tokár et M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des directives 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), et 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO L 149, p. 22), à la lumière de l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») ainsi que de l’arrêt Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme B… à A Capital a.s (ci-après société A…) au sujet des modalités de réalisation d’une sûreté constituée en garantie d’un contrat de prêt hypothécaire et de la licéité des clauses figurant dans ce contrat.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 7 de la Charte prévoit que «[t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications».

4 L’article 38 de la Charte dispose qu’un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les politiques de l’Union européenne.

5 L’article 47 de la Charte énonce à son premier alinéa:

«Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.»

6 Les douzième à quatorzième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 sont libellés comme suit:

«considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du [traité CE], d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive;

considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives […]; que, à cet égard, l’expression ‘dispositions législatives ou réglementaires impératives’ figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu;

considérant, toutefois, que les États membres doivent veiller à ce que des clauses abusives n’y figurent pas […]

[…]

considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs».

7 L’article 1er de la directive 93/13 prévoit:

«1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives […] ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive.»

8 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

9 L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose: «(l)es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux […]».

10 L’article 7, paragraphe 1, de la même directive énonce:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

Le droit slovaque

11 Aux termes de l’article 151j, paragraphe 1, du code civil:

«Si une créance garantie par une sûreté n’est pas honorée de manière régulière et dans le respect des délais, le créancier garanti peut entamer l’exécution de la sûreté. Dans le cadre de l’exécution de la sûreté, le créancier garanti peut être désintéressé de la manière spécifiée dans le contrat ou au moyen d’une vente aux enchères de la sûreté conformément à une loi particulière […] ou revendiquer le désintéressement par la vente de la sûreté conformément aux dispositions légales particulières […], sous réserve des dispositions contraires de la présente loi ou d’une loi particulière.»

12 La juridiction de renvoi indique que ledit paragraphe 1 comporte une première note en bas de page, insérée après les termes «conformément à une loi particulière», qui renvoie à la loi n° 527/2002, relative aux ventes aux enchères volontaires, complétant la loi du Conseil national slovaque n° 323/1992, relative aux notaires et à l’activité notariale (code des notaires), telle que modifiée (ci-après la «loi relative aux ventes aux enchères volontaires»), et une seconde note, figurant après les termes «dispositions légales particulières», laquelle renvoie au code de procédure civile et au code des voies d’exécution.

13 L’article 151m du code civil prévoit:

«1) Le créancier garanti peut vendre la sûreté de la manière spécifiée dans le contrat de sûreté ou au moyen d’une vente aux enchères au plus tôt 30 jours après la date de notification de l’exécution de la sûreté au garant et au débiteur, si la personne du débiteur n’est pas identique à la personne du garant, sauf mention contraire dans une loi spécifique […]

2) Le garant et le créancier garanti peuvent, après la notification de l’exécution de la sûreté, convenir que le créancier garanti est en droit de vendre la sûreté de la manière spécifiée dans le contrat de sûreté ou au moyen d’une vente aux enchères même avant l’expiration du délai prévu au paragraphe 1.

3) Le créancier garanti qui a engagé l’exécution de la sûreté dans l’objectif de satisfaire sa créance de la manière précisée dans le contrat de sûreté peut à tout moment lors de l’exécution de la sûreté changer le mode d’exécution et mettre la sûreté en vente aux enchères ou exiger d’être désintéressé par la vente de la sûreté conformément à des dispositions légales particulières. Le créancier garanti est tenu d’informer le garant du changement de mode d’exécution de la sûreté.»

14 En vertu de l’article 74, paragraphe 1, du code de procédure civile, le juge peut ordonner des mesures provisoires s’il est nécessaire de régler temporairement les rapports entre les parties ou s’il existe un risque que l’exécution de la décision de justice soit compromise. Conformément à l’article 76, paragraphe 1, de ce code, le juge peut imposer à une partie des mesures provisoires, notamment «afin qu’elle effectue quelque chose, afin qu’elle s’abstienne de faire quelque chose ou qu’elle tolère quelque chose».

15 La loi relative aux ventes aux enchères volontaires définit, à son article 6, le commissaire-priseur comme étant «la personne qui organise la vente aux enchères et qui remplit les conditions fixées par la présente loi particulière, l’autorisant à exercer l’activité en cause», et à son article 7, paragraphe 1, le demandeur de la vente aux enchères, comme étant le propriétaire de l’objet de la vente, le créancier garanti, ou toute autre personne qui est autorisée à proposer l’exécution d’une vente aux enchères en vertu d’une loi particulière.

16 Concernant plus spécifiquement le créancier garanti, l’article 7, paragraphe 2, de la même loi énonce qu’il est tenu de déclarer par écrit, non seulement que l’objet de la vente peut être vendu aux enchères, mais également la réalité, le montant et l’échéance de la créance pour laquelle est proposée l’exécution du droit de sûreté en application de cette loi.

17 Selon l’article 16, paragraphe 1, de ladite loi, une mise en vente aux enchères ne peut être réalisée que sur la base d’une convention signée entre la personne ayant proposé la vente et l’adjudicateur.

18 En vertu de l’article 17 de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, l’adjudicateur est tenu d’annoncer par un avis la mise en vente aux enchères. Si l’objet de la vente est un appartement, une maison, un autre immeuble, une entreprise ou l’une de ses divisions, ou si l’enchère la plus basse est supérieure à 16 550 euros, l’adjudicateur publie l’avis au registre des ventes publiques au moins 30 jours avant le début de la vente aux enchères, et transmet également, sans retard indu, l’avis de vente aux enchères au ministère pour publication au Journal officiel du commerce. L’avis de vente aux enchères est également transmis à la personne ayant proposé la vente aux enchères, au débiteur du créancier garanti, au propriétaire du bien mis en vente aux enchères, si celui-ci n’est pas le débiteur.

19 Dans l’hypothèse où l’objet de la vente aux enchères est un appartement, une maison, un autre immeuble, l’article 20, paragraphe 13 de ladite loi dispose que le déroulement de cette vente doit être consigné dans un acte notarié, dans lequel le notaire signale également l’obligation qui incombe au propriétaire précédent conformément à l’article 29, paragraphe 2, première phrase, de cette loi.

20 L’article 21, paragraphe 2, de la même loi prévoit que, en cas d’infraction aux dispositions de celle-ci, la personne s’estimant lésée peut demander au juge de déclarer la nullité de la vente aux enchères. Le droit de saisir le juge d’une demande d’annulation s’éteint toutefois s’il n’est pas exercé dans les trois mois suivant l’adjudication, sauf si les motifs de l’annulation sont liés à la commission d’un délit pénal et que la vente concerne une maison ou un appartement dans lequel le propriétaire précédent était officiellement domicilié.

21 L’article 21, paragraphe 4, de la loi susmentionnée précise que les parties à la procédure visant à l’annulation d’une vente aux enchères en vertu du paragraphe 2 de cet article sont la personne ayant proposé la vente, l’adjudicateur, l’adjudicataire, le propriétaire précédent et la personne alléguant une violation de ses droits conformément à ce même paragraphe 2.

22 En cas de défaillance de l’adjudicataire ou si le juge déclare la vente nulle, le paragraphe 5 dudit article 21 prévoit que l’adjudication est réputée sans effet à compter du jour où elle a été prononcée.

23 En cas de vente aux enchères d’un bien en vertu de l’article 20, paragraphe 13, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, l’article 29, paragraphe 2, de celle-ci dispose, tout d’abord, que le propriétaire précédent est tenu de remettre, sans retard indu, l’objet de la vente aux enchères, sur présentation de la copie certifiée conforme de l’acte notarié et justification de l’identité de l’adjudicataire conformément aux conditions mentionnées dans l’avis de vente publique. Ensuite, l’adjudicateur est tenu de dresser sur place un procès-verbal de remise du bien vendu. Enfin, ce procès-verbal comporte notamment une description détaillée de l’état du bien et des circonstances dans lesquelles les droits et obligations attachés à l’objet de la vente et, le cas échéant, à ses accessoires ont été transférés.

24 L’article 32, paragraphe 1, de ladite loi, prévoit que, sauf dispositions contraires, les bénéfices de la vente aux enchères, après remboursement des frais, désintéressement du créancier garanti et paiement de la somme résultant des enchères, sont versés sans retard indu par l’adjudicateur au propriétaire précédent.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25 Le 26 février 2009, Mme B… a conclu avec société A…l un contrat de crédit à la consommation portant sur un montant de 10 000 euros. À titre de garantie de la créance, une sûreté immobilière a été constituée sur la maison familiale dans laquelle réside la requérante au principal.

26 Cette dernière a saisi l’Okresný súd Humenné (tribunal d’arrondissement d’Humenné) d’un recours en annulation du contrat de crédit et du contrat constitutif de sûreté, dirigé contre société A…l, en invoquant le caractère abusif des clauses contractuelles la liant à cette entreprise. Cette juridiction de première instance a annulé en partie le contrat de crédit, en constatant que certaines clauses contractuelles étaient abusives. Le contrat constitutif de sûreté a, quant à lui, été annulé dans son intégralité. Les deux parties ont interjeté appel de ce jugement devant le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov).

27 La juridiction de renvoi cherche à déterminer si l’une des clauses du contrat constitutif de sûreté, à savoir celle relative à la réalisation extrajudiciaire de la sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur, présente un caractère abusif et rappelle que ladite clause permet au créancier de réaliser la sûreté constituée sans qu’intervienne un contrôle juridictionnel.

28 Dans le cadre de cette appréciation, le juge de renvoi a cependant relevé une difficulté supplémentaire dans la mesure où la clause concernée découle d’une norme légale, à savoir l’article 151j du code civil.

29 Les clauses contractuelles dont la juridiction de renvoi doit assurer le contrôle étant susceptibles d’être qualifiées d’abusives au sens de la directive 93/13 et l’une de ces clauses étant d’origine légale, cette juridiction considère que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation du droit de l’Union.

30 C’est dans ces conditions que le Krajský súd v Prešove a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) À la lumière de l’article 38 de la [Charte], doit-on interpréter la [directive 93/13] et la [directive 2005/29] en ce sens qu’est contraire à ces directives une réglementation d’un État membre, tel l’article 151j, paragraphe 1, du code civil, combiné à d’autres dispositions de la réglementation applicable en l’espèce, qui permet au créancier de recouvrer des sommes découlant de clauses abusives par l’exécution d’une sûreté immobilière grevant les biens immobiliers du consommateur sans appréciation des clauses contractuelles par une juridiction, en dépit de l’existence d’un litige portant sur la question de savoir s’il s’agit d’une clause abusive?

2) Les dispositions légales de l’Union européenne citées [dans la première question] s’opposent-elles à l’application d’une règle interne, tel l’article 151j, paragraphe 1, du code civil, combiné à d’autres dispositions de la réglementation applicable en l’espèce, qui permet au créancier de recouvrer des sommes découlant de clauses abusives par l’exécution d’une sûreté immobilière grevant le bien immobilier du consommateur sans appréciation des clauses contractuelles par une juridiction, en dépit de l’existence d’un litige portant sur la question de savoir s’il s’agit d’une clause abusive?

3) L’arrêt de la Cour [Simmenthal, EU:C:1978:49], doit-il être interprété en ce sens que, aux fins des objectifs des directives citées [dans la première question] et à la lumière de l’article 38 de la [Charte], la juridiction nationale n’applique pas des dispositions internes, tel l’article 151j, paragraphe 1, du code civil, combiné à d’autres dispositions de la réglementation applicable en l’espèce, qui permet au créancier de recouvrer des sommes découlant de clauses abusives par l’exécution d’une sûreté immobilière grevant les biens immobiliers du consommateur sans appréciation des clauses contractuelles par une juridiction, et qui lui permet aussi d’éviter le contrôle juridictionnel d’office des clauses contractuelles en dépit de l’existence d’un litige?

4) L’article 4 de la [directive 93/13] doit-il être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu avec un consommateur sans que ce dernier ait été représenté par un avocat, qui permet au créancier d’exécuter, par voie extrajudiciaire, une sûreté immobilière sans contrôle juridictionnel contourne le principe important du droit de l’Union consistant en un contrôle juridictionnel d’office des clauses contractuelles et est, de ce fait, abusive même lorsque le texte d’une telle clause contractuelle découle d’une disposition interne?»

Les développements intervenus postérieurement à l’introduction de la demande de décision préjudicielle

31 Lors de l’audience de plaidoiries du 5 juin 2014, le gouvernement slovaque a informé la Cour que, en raison de l’adoption de la loi n° 106/2014 Z.z., du 1er avril 2014, applicable à tous les contrats en cours d’exécution à partir du 1er juin 2014, les règles procédurales concernant la réalisation des sûretés ont été modifiées.

32 En particulier, l’article V, paragraphe 7, de cette loi aurait complété l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires de sorte que cette disposition serait désormais rédigée comme suit:

«En cas de contestation de la validité du contrat constitutif de sûreté ou d’infraction aux dispositions de la présente loi, la personne alléguant une violation de ses droits du fait de cette infraction peut demander au juge de déclarer la nullité de la vente […]»

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

33 Le gouvernement allemand considère, à titre principal, que les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi à titre préjudiciel sont irrecevables.

34 La juridiction de renvoi ne fournirait, tout d’abord, ni les éléments de fait ni les éléments de droit nécessaires pour que la Cour puisse répondre de façon utile auxdites questions. D’une part, la possible réalisation d’une sûreté sans l’intervention d’un contrôle juridictionnel ne constituerait pas une question portant sur une pratique commerciale déloyale. D’autre part, la juridiction de renvoi ne ferait aucune référence concrète aux dispositions de la directive 2005/29.

35 Ensuite, ces questions constitueraient des questions théoriques dont la réponse ne relèverait pas de la compétence de la Cour. En effet, la sûreté n’ayant pas encore été mise en œuvre par société A…l, la situation décrite par la juridiction de renvoi n’existerait pas.

36 Enfin, la procédure au principal porterait sur la nullité du contrat de prêt et de la convention constitutive de la sûreté. Or, la juridiction de renvoi souhaiterait plutôt obtenir, au moyen de ses deux premières questions, une appréciation de la conformité de dispositions procédurales nationales avec la directive 93/13. Celle-ci ayant pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux clauses abusives, elle ne viserait donc que les clauses stipulées dans des contrats et non pas les conditions de la réalisation d’une telle sûreté prévues par le droit national.

37 Tout en reconnaissant que la demande de décision préjudicielle comporte certaines lacunes, le gouvernement slovaque estime toutefois que les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi sont recevables. Quant à la Commission européenne, elle a fait valoir, lors de l’audience, que les conditions d’irrecevabilité telles que définies par la Cour dans l’ordonnance SKP (C‑433/11, EU:C:2012:702) ne sont pas réunies dans la présente affaire et elle considère, par voie de conséquence, que ces deux questions sont recevables.

38 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 27 et jurisprudence citée).

39 En premier lieu, il convient de relever que la première question préjudicielle vise en effet, outre la directive 93/13, la directive 2005/29. Toutefois, comme l’a fait valoir à juste titre le gouvernement allemand, la juridiction de renvoi se contente de citer cette dernière directive sans indiquer la raison pour laquelle son interprétation est nécessaire à la solution du litige au principal. De surcroît, elle ne précise pas non plus dans quelle mesure la procédure de réalisation de la sûreté contestée par la requérante au principal serait susceptible de constituer une pratique commerciale déloyale.

40 S’agissant encore de l’objet de la présente demande de décision préjudicielle, celle-ci concerne la portée des articles 1er, paragraphe 2, 3, paragraphe 1, 4, 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, dispositions en vertu desquelles le législateur de l’Union a, respectivement, prévu une exception au champ d’application de cette directive, défini ce qui constitue une clause abusive, énoncé la règle selon laquelle une clause abusive ne lie pas les consommateurs et précisé que les États membres veillent à ce que des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives.

41 Partant, il sera répondu aux questions posées par la juridiction de renvoi au regard des seules dispositions de la directive 93/13.

42 En second lieu, le fait que la sûreté n’a pas encore été complètement réalisée ne signifie pas que lesdites questions ont un caractère hypothétique. D’une part, la juridiction de renvoi souligne que société A…l a réellement effectué, à l’égard du consommateur, des démarches en vue de procéder à la vente du bien immobilier constitutif de la sûreté. D’autre part, quand bien même la réalisation de la sûreté ne serait pas arrivée à son terme, les questions posées consistent moins à savoir si la vente a été achevée qu’à déterminer si le créancier peut de jure procéder à une telle vente et si le débiteur dispose de voies juridictionnelles afin d’en contester la réalisation.

43 En ce sens, les questions préjudicielles ne sont pas de nature hypothétique et l’interprétation sollicitée des dispositions de la directive 93/13 est nécessaire à la solution du litige au principal.

44 Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de déclarer recevable la demande de décision préjudicielle.

Sur le fond

Sur les première à troisième questions

45 Il importe de préciser que, si la première question ne mentionne que le seul article 38 de la Charte, la présente demande de décision préjudicielle se réfère, en substance, et cite, notamment, au nombre des éléments pertinents du droit de l’Union, l’article 47 de la Charte. Étant donné que les trois premières questions posées par la juridiction de renvoi visent à déterminer le niveau de protection dont bénéficient les consommateurs ainsi que les voies de recours juridictionnel dont ces derniers disposent, il convient d’intégrer cet article parmi les instruments du droit de l’Union dont la juridiction de renvoi demande à la Cour de lui fournir une interprétation.

46 Par ses trois premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, à la lumière des articles 38 et 47 de la Charte, les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet le recouvrement d’une créance, fondée sur des clauses contractuelles éventuellement abusives, par la réalisation extrajudiciaire d’une sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur. Dans l’affirmative, cette juridiction cherche à savoir si, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt Simmenthal (EU:C:1978:49), ces dispositions internes doivent être écartées.

47 Il convient, d’une part, de rappeler que l’article 38 de la Charte dispose qu’un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les politiques de l’Union. L’article 47 de la Charte concerne le droit à un recours juridictionnel effectif. Ces impératifs valent pour la mise en œuvre de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 52).

48 D’autre part, dans sa jurisprudence, la Cour a déjà jugé que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 39 et jurisprudence citée; Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 39 et jurisprudence citée ainsi que Sánchez Morcillo et Abril García, C‑169/14, EU:C:2014:2099, point 22).

49 En ce qui concerne l’exécution de garanties accompagnant les contrats de prêt conclus par les consommateurs, force est de constater que la directive 93/13 ne contient aucune indication relative à la réalisation des sûretés.

50 Toutefois, il est de jurisprudence constante que, en l’absence dans le droit de l’Union d’une harmonisation des mécanismes nationaux d’exécution forcée, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir de telles règles, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 50 et jurisprudence citée, ainsi que Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 46).

51 S’agissant du principe d’équivalence, il y a lieu de relever que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité avec celui-ci de la réglementation en cause dans l’affaire au principal.

52 En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que chaque situation dans laquelle se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysée en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (arrêt Asociación de Consumidores Independientes de Castilla y León, C‑413/12, EU:C:2013:800, point 34 et jurisprudence citée).

53 En outre, les caractéristiques spécifiques des procédures qui se déroulent dans le cadre national entre les professionnels et les consommateurs ne sauraient constituer un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doivent bénéficier ces derniers en vertu des dispositions de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêts Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que Aziz, EU:C:2013:164, point 62).

54 Il importe donc de déterminer, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans quelle mesure il serait pratiquement impossible ou excessivement difficile d’appliquer la protection conférée par ladite directive.

55 En l’occurrence, il ressort du dossier que l’article 151m, paragraphe 1, du code civil, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 3, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, prévoit, d’une part, qu’une vente aux enchères peut être contestée dans un délai de 30 jours après la notification de l’exécution de la sûreté et, d’autre part, que la personne qui conteste les modalités de cette vente dispose, en vertu de l’article 21, paragraphe 2, de la même loi, d’un délai de 3 mois, suivant l’adjudication, pour agir.

56 Or, si la directive 93/13 impose, dans les litiges mettant en cause un professionnel et un consommateur, une intervention positive, extérieure aux parties au contrat, du juge national saisi de tels litiges (arrêts Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 40 et jurisprudence citée), le respect du principe d’effectivité ne saurait aller jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (voir, en ce sens, arrêt Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, EU:C:2009:615, point 47).

57 Sous réserve de vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, la combinaison des délais prévus par la législation nationale en cause au principal, tels que rappelés au point 55 du présent arrêt, n’est comparable ni avec le délai de 20 jours en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Banco Español de Crédito (EU:C:2012:349) ni avec les circonstances de l’affaire ayant abouti à l’arrêt Aziz (EU:C:2013:164, points 57 à 59) dans lesquelles le recours du consommateur contre de telles mesures était voué à l’échec.

58 Par ailleurs, afin de préserver les droits que les consommateurs tirent de la directive 93/13, les États membres sont tenus, notamment, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, d’adopter des modalités protectrices de manière à faire cesser l’utilisation de clauses qualifiées d’abusives. Cela est d’ailleurs corroboré par le vingt-quatrième considérant de cette directive qui précise qu’à cet effet les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces.

59 Plus particulièrement, selon la jurisprudence constante de la Cour relative au principe de coopération loyale, désormais consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, tout en conservant le choix des sanctions applicables aux violations du droit de l’Union, les États membres doivent notamment veiller à ce que celles-ci aient un caractère effectif, proportionné et dissuasif (voir, en ce sens, arrêt LCL Le Crédit Lyonnais, C‑565/12, EU:C:2014:190, point 44 et jurisprudence citée).

60 En ce qui concerne le caractère effectif et dissuasif, d’une part, les observations écrites soumises à la Cour par le gouvernement slovaque précisent que, au cours d’une telle procédure de réalisation extrajudiciaire d’une sûreté, le juge national compétent pourrait, en vertu des articles 74, paragraphe 1, et 76, paragraphe 1, du code de procédure civile, adopter toute mesure provisoire interdisant la poursuite de l’exécution d’une telle vente.

61 D’autre part, comme il a été rappelé aux points 31 et 32 du présent arrêt, il semble que la loi n° 106/2014, du 1er avril 2014, entrée en vigueur le 1er juin 2014 et applicable à tous les contrats constitutifs de sûreté en cours d’exécution à cette date, ait modifié les règles procédurales applicables à une clause telle que celle en cause au principal. En particulier, l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, dans sa rédaction en vigueur, permettrait au juge, en cas de contestation de la validité de la clause de sûreté, de déclarer la nullité de la vente, ce qui, rétrospectivement, placerait le consommateur dans une situation quasiment analogue à sa situation initiale et ne limiterait donc pas la réparation de son préjudice, en cas d’illicéité de la vente, à une simple compensation financière.

62 En ce qui concerne le caractère proportionné de la sanction, il convient d’accorder une attention particulière à la circonstance que le bien concerné par la procédure de réalisation extrajudiciaire de la sûreté en cause au principal est le bien immobilier constituant le logement familial du consommateur.

63 En effet, la perte du logement familial est non seulement de nature à porter gravement atteinte au droit des consommateurs (arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 61), mais elle place également la famille du consommateur concerné dans une situation particulièrement fragile (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour Sánchez Morcillo et Abril García, EU:C:2014:1388, point 11).

64 À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré, d’une part, que la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile et, d’autre part, que toute personne qui risque d’en être victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnalité de cette mesure (voir arrêts Cour EDH, McCann c. Royaume-Uni, n° 19009/04, § 50, CEDH 2008, et Rousk c. Suède, n° 27183/04, § 137).

65 Dans le droit de l’Union, le droit au logement est un droit fondamental garanti par l’article 7 de la Charte que la juridiction de renvoi doit prendre en considération dans la mise en œuvre de la directive 93/13.

66 S’agissant plus particulièrement des conséquences qu’emporte l’éviction du consommateur et de sa famille du logement constituant leur résidence principale, la Cour a déjà souligné l’importance, pour le juge national compétent, de disposer de mesures provisoires permettant de suspendre une procédure illicite de saisie hypothécaire ou d’y faire échec lorsque l’octroi de telles mesures s’avère nécessaire pour garantir l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 59).

67 En l’espèce, la possibilité pour le juge national compétent d’adopter toute mesure provisoire, telle que celle décrite au point 60 du présent arrêt, semble être en mesure de constituer un moyen adéquat et efficace de faire cesser l’application de clauses abusives, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

68 Il résulte des considérations qui précèdent que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet le recouvrement d’une créance, fondée sur des clauses contractuelles éventuellement abusives, par la réalisation extrajudiciaire d’une sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur, dans la mesure où cette réglementation ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile la sauvegarde des droits que cette directive confère au consommateur, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

69 Au vu de la réponse apportée à la première partie des trois premières questions, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde partie de celles-ci, relative à l’incidence de la jurisprudence issue de l’arrêt Simmenthal (EU:C:1978:49) sur une réglementation nationale permettant la réalisation d’une sûreté par voie extrajudiciaire.

Sur la quatrième question

70 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, alors même que le contenu de cette clause découle d’une disposition législative.

71 À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que la circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt Vicoplus e.a., C‑307/09 à C‑309/09, EU:C:2011:64, point 22 et jurisprudence citée).

72 Ensuite, dans la mesure où la juridiction de renvoi se réfère amplement à l’exclusion du champ d’application de la directive 93/13 des clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives de droit interne, il importe de considérer que, quand bien même il n’est pas fait référence à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive dans la demande de décision préjudicielle, cette disposition est implicitement mais nécessairement visée par la quatrième question préjudicielle. Par conséquent, la présente demande de décision préjudicielle doit être regardée comme visant l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.

73 Enfin, il est de jurisprudence constante que la Cour peut, dans le cadre de l’exercice de sa compétence en matière d’interprétation du droit de l’Union qui lui est conférée par l’article 267 TFUE, interpréter les critères généraux utilisés par le législateur de l’Union pour définir la notion de clause abusive (voir, en ce sens, ordonnance Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 60 et jurisprudence citée). Cependant, c’est à la juridiction de renvoi qu’il revient de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en découle que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêts Aziz, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée; Kásler et Káslerné Rábai, EU:C:2014:282, point 45 ainsi que ordonnance Sebestyén, C‑342/13, EU:C:2014:1857, point 25).

74 Si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/13 définit le champ d’application de cette directive, le paragraphe 2 du même article prévoit une exclusion pour les clauses reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives.

75 À cet égard, les gouvernements slovaque et allemand suggèrent à la Cour de répondre que la clause contractuelle en cause au principal, à savoir la vente aux enchères volontaire, relève de ladite exclusion. Inversement, la Commission estime que l’effet utile des dispositions de la directive 93/13 serait compromis si une hypothèse, telle que celle en cause au principal, était couverte par une telle exclusion.

76 La Cour a déjà eu l’occasion de rappeler que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 institue une exclusion au champ d’application de celle-ci qui vise les clauses reflétant les dispositions législatives ou réglementaires impératives (voir, en ce sens, arrêt RWE Vertrieb, C‑92/11, EU:C:2013:180, point 25).

77 Comme toute exception, il convient de rappeler, eu égard à l’objectif de ladite directive, à savoir la protection des consommateurs contre les clauses abusives insérées dans les contrats conclus avec ces derniers par les professionnels, qu’elle est d’interprétation stricte.

78 En l’occurrence, il ressort de l’arrêt RWE Vertrieb (EU:C:2013:180) que cette exclusion suppose la réunion de deux conditions. D’une part, la clause contractuelle doit refléter une disposition législative ou réglementaire et, d’autre part, cette disposition doit être impérative.

79 À cet égard, il convient de relever que, aux fins d’établir si une clause contractuelle est exclue du champ d’application de la directive 93/13, il incombe au juge national de vérifier si cette clause reflète les dispositions du droit national qui s’appliquent entre les parties contractantes indépendamment de leur choix ou celles qui sont applicables par défaut, c’est-à-dire en l’absence d’un arrangement différent entre les parties à cet égard (voir, en ce sens, arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 26).

80 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, est exclue du champ d’application de cette directive uniquement si ladite clause contractuelle reflète le contenu d’une disposition législative ou réglementaire impérative, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur l’effet du présent arrêt dans le temps

81 Dans l’hypothèse où la Cour parviendrait à la conclusion que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que la réalisation par voie extrajudiciaire d’une sûreté, telle que celle en cause au principal, doit obligatoirement être précédée d’un contrôle juridictionnel, le gouvernement slovaque demande à la Cour de limiter dans le temps les effets de cet arrêt.

82 Eu égard à la réponse apportée aux trois premières questions, il n’y a pas lieu de répondre à cette demande du gouvernement slovaque.

Sur les dépens

83 Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux des parties au principal, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1) Les dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet le recouvrement d’une créance, fondée sur des clauses contractuelles éventuellement abusives, par la réalisation extrajudiciaire d’une sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur, dans la mesure où cette réglementation ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile la sauvegarde des droits que cette directive confère au consommateur, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

2) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, est exclue du champ d’application de cette directive uniquement si ladite clause contractuelle reflète le contenu d’une disposition législative ou réglementaire impérative, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

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Cass.Civ.I, 10 septembre 2014, n°12-20931
Analyse 1

Titre : Garantie Incapacité temporaire totale de travail, définition claire, objet du contrat d’assurance, non-application de la législation relative aux clauses abusives, alinéa 7 de l’article L. 132-1 du code de la consommation.
Résumé : L’appréciation du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ne peut porter sur l’objet principal de celui-ci. Dès lors, la clause qui, rédigée de façon claire et compréhensible, définit l’incapacité temporaire de travail porte sur l’objet principal du contrat et ne peut donc être déclarée abusive.
Analyse 2

Titre : Expertise médicale, contrat d’assurance, clause d’octroi d’indemnité après examen médical, médecin diligenté par l’assureur, choix laissé à l’assuré de sélectionner le médecin de son choix, nécessité d’informer l’assureur de cette liberté de choix avant la réalisation de l’expertise, caractère abusif (non).

Résumé : La clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui subordonne l’octroi ou le maintien des prestations versées en exécution de la garantie incapacité temporaire totale au résultat d’un contrôle médical diligenté par l’assureur, sans informer le consommateur de la faculté de se faire assister du médecin de son choix lors de cet examen et d’opposer, le cas échéant, les conclusions de son propre médecin traitant, ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l’assuré dès lors qu’une autre clause des conditions  générales lui offre la possibilité de solliciter la mise en œuvre d’une procédure de conciliation et de tierce expertise au cours de laquelle le médecin de son choix peut intervenir.