Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n° 22-13.969 

Mots clés : Prêt immobilier – établissement de crédit – clause d’indexation – clause abusive – qualité de professionnel 

 

 

EXTRAITS : 

 

« Il en résulte qu’étant réputée agir conformément à son objet, la SCI a agi à des fins professionnelles et ne pouvait donc invoquer à son bénéfice le caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt. » 

 

 

ANALYSE : 

 

La société Caisse de Crédit Mutuel (ci-après la banque) a accordé à la société civile immobilière Masill (ci-après la SCI) deux prêts immobiliers par le biais d’actes datés du 27 octobre 2005 et du 2 juin 2006. Ces prêts devaient être remboursés en plusieurs versements mensuels en francs suisses. 

 

Le 17 janvier 2019, la SCI a assigné la banque en nullité des clauses d’indexation des contrats de prêt. Cette action visait également à déclarer abusives certaines de ces clauses, à établir la responsabilité de la banque, et à demander réparation des préjudices subis. 

 

Les juges du fond ont rejeté la demande de la SCI visant à déclarer comme abusives et réputées non écrites les clauses d’indexation en se fondant sur les motifs suivants lesquels les clauses étaient claires et compréhensibles sur le plan grammatical, et en affirmant que celles-ci indiquaient de manière transparente le risque de variation des taux de change.  

 

Les juges du fond retiennent qu’on peut attendre d’une SCI, qui avait en l’espèce contracté deux prêts pour des investissements de défiscalisation, qu’elle lise attentivement les contrats rédigés de manière compréhensible et accepter les risques liés aux variations des taux de change, avec toutes les conséquences économiques qui en découlent.  

 

La SCI a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Besançon rendu le 25 janvier 2022.  

 

Se fondant implicitement sur le revirement de la Cour de cassation à la suite de la jursprudence de la CJUE (Cass. civ. 1ère, 20 avril 2022, 20-13.316, 19-11.599, n° 19-11600), la SCI énonce qu’une clause qui définit l’élément essentiel d’un contrat peut être considérée comme abusive si elle n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible. La clarté et la compréhensibilité d’une clause contractuelle ne se limitent pas seulement à une compréhension grammaticale formelle, mais impliquent également que le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, puisse comprendre le fonctionnement concret d’une clause, notamment en ce qui concerne les conséquences financières potentiellement importantes, telles qu’une variation des taux de change. Et sur cet aspect la SCI estime que les juges du fond n’ont pas examiné si les clauses expliquaient de manière transparente le mécanisme réel de conversion des devises étrangères, ni les conséquences économiques potentiellement significatives d’une telle variation.  

 

La Cour de cassation écarte cependant le grief en substituant aux motifs critiqués un motif de pur droit lié au défaut d’applicabilité de la législation sur les clauses abusives. 

 

Elle énonce « qu’une société civile immobilière agit en qualité de professionnelle lorsqu’elle souscrit des prêts immobiliers pour financer l’acquisition d’immeubles conformément à son objet ».  

 

La première chambre civile se fonde sur les constatations des juges du fond selon lequelles « la SCI avait souscrit deux prêts immobiliers afin d’acquérir des immeubles à des fins d’investissement locatif ».  

 

Pour en déduire qu’il s’agit là d’une finalité professionnelle, la Cour de cassation relève qu’elle est réputée agir conformément à son objet. On reconnaît ici le principe de spécialité des personnes morales. 

 

La Cour de cassation a donc pu considérer  que la SCI avait agi en tant que professionnelle et que par conséquent la SCI ne pouvait pas bénéficier de la protection contre les clauses abusives dans les contrats de prêt. Il en découle qu’elle ne pouvait invoquer le caractère abusif des clauses d’indexation et demander qu’elles soient réputées non écrites.  

 

Une difficulté aurait pu naître du fait que l’activité d’une SCI n’est ni libérale, ni commerciale, ni artisanale, ni a fortiori commerciale puisqu’elle est précisément civile.  

Or, le professionnel est selon le droit européen, transposé à l’article liminaire du code de la consommation « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ». 

 

Pour autant la solution est pleinement conforme au droit européen. La CJUE considère que « le législateur de l’Union a consacré une conception particulièrement large de la notion de «professionnel», laquelle vise «toute personne physique ou morale» dès lors qu’elle exerce une activité rémunérée et n’exclut de son champ d’application ni les entités poursuivant une mission d’intérêt général ni celles qui revêtent un statut de droit public » (CJUE, 3 oct. 2013, aff. C-59/12, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs). En d’autres termes, une personne peut agir en qualité de professionnelle même si son activité ne figure pas dans la liste énumérée dans la définition. 

 

 

 

Voir également :  

CJUE, 3 oct. 2013, aff. C-59/12, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs  

Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720

Mots-clés : Devoir d’information du professionnel, exigence de transparence, clause abusive, information exacte et suffisante.  

  

EXTRAIT :  

« En statuant ainsi, sans constater que le professionnel avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée des contrats, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ceux-ci percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel a violé́ le texte susvisé́. » 

  

  

ANALYSE : 

Dans cet arrêt, la Première chambre civile de la Cour de cassation rappelle un critère d’appréciation du caractère abusif d’une clause dans un prêt libellé en devise étrangère, celui du devoir d’information exact et suffisant du professionnel envers le consommateur des risques liés au remboursement d’un tel prêt. 

  

En l’espèce, en 2004, des emprunteurs ont contracté auprès d’une banque deux prêts immobiliers libellés en francs suisses et remboursables selon des taux d’intérêts variables indexés sur l’indice Libor trois mois. Le 26 avril 2016, les emprunteurs assignent la banque en responsabilité pour son manquement à son devoir d’information et en constatation du caractère abusif de certaines clauses relatives aux modalités de remboursement des contrats de prêt libellés en devise étrangère.  

La Cour d’appel rejette la demande des emprunteurs à réputer non écrites (et donc écarte l’application de la réglementation des clauses abusives) les clauses des contrats de prêt relatives aux modalités de remboursement de ceux-ci et aux possibilités de conversion en euro des prêts souscrit en franc suisse. Elle retient que la description du mécanisme permettant le paiement des échéances était suffisamment claire pour alerter les emprunteurs et qu’en tout état de cause, ceux-ci ne pouvaient pas ignorer les risques de leur préjudice au moment de la conclusion du contrat. Aussi, elle appuie sa position en rappelant que l’attestation annexée au prêt donnée par la banque, attestant de la connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse, a bien été signée par les emprunteurs. Ainsi, ceux-ci ne peuvent prétendre que les clauses litigieuses relatives aux modalités de remboursement sont abusives au sens de l’article L132-1 ancien du code de la consommation.  

  

La Cour de cassation casse l’arrêt en se fondant sur l’arrêt du 10 juin 2021 BNP Paribas Personal Finance, par lequel la CJUE, a fait peser sur le professionnel un devoir d’information l’obligeant à donner les informations exactes et suffisantes lui permettant d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des obligations financières pendant toute la durée du contrat.  

Le devoir du professionnel, ici le banquier, ne saurait alors, contrairement à ce qu’a jugé la Cour d’appel, se résumer à la simple description des mécanismes de remboursement. Ce raisonnement qui se fonde sur un principe étendu de la transparence matérielle de clause rappelé dans la décision du 30 mars 2022 (pourvoi n° 19-17.996). est issu notamment de la décision Kásler et Kaslerné Rabai (CJUE 30 avr. 2014, aff. C-26/13, Kásler) dans laquelle la Cour de justice avait explicité l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses. L’attestation de la connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse ne suffit pas à répondre aux exigences posées par la CJUE dans la mesure où elle ne fait pas état des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des obligations financières pendant toute la durée du contrat dans l’hypothèse d’une dépréciation de la monnaie.  

 

La cassation, au visa de l’article L. 1-1 du code de la consommation, montre que, conformément à la jurisprudence BNP Paribas de la CJUE, le non-respect du professionnel de son obligation de transparence, qui est donc ici caractérisé, peut avoir pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur. 

 

Voir également. 

CJUE, 1re ch, 10 juin 2021 aff. C-776/19 

Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-17.996  

CJUE 30 avr. 2014, aff. C-26/13, Kásler 

Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720

Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720

Mots-clés : Prêt à taux d’intérêt variable – Prescription – Délai quinquennal – Devoir d’information – Connaissance du risque- Exigence de transparence. 

  

EXTRAIT :  

« Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :  

  1. Il résulte de ces textes que l’action en responsabilité́ de l’emprunteur à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir d’information portant sur le fonctionnement concret de clauses d’un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement. »

  

ANALYSE :  

Dans cet arrêt, la Première chambre civile de la Cour de cassation énonce que le point de départ du délai de prescription quinquennal de l’action en responsabilité contre le professionnel pour manquement au devoir d’information, quant au fonctionnement de clauses d’un prêt libellé en devise étrangère, est la date de la connaissance effective par le consommateur des risques et conséquences de ce manquement.  

 

En l’espèce, en 2004, des emprunteurs ont contracté auprès d’une banque deux prêts immobiliers libellés en francs suisses et remboursables selon des taux d’intérêts variables indexés sur l’indice Libor trois mois. Le 26 avril 2016, les emprunteurs assignent la banque en responsabilité pour son manquement à son devoir d’information. 

La Cour d’appel de Colmar, par un arrêt du 27 septembre 2021, déclare irrecevable l’action fondée sur le manquement de la banque à son devoir d’information au motif que les emprunteurs ne prouvaient pas légitimement ignorer les risques de leur préjudice au moment de la souscription des prêts. Sur ces constatations, les juges du fond considèrent que le point de départ du délai de prescription quinquennal est celui de la date de conclusion des contrats, c’est-à-dire en 2004. Les emprunteurs décident de se pourvoir en cassation en invoquant les articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce dont il résulte que le point de départ du délai de prescription quinquennal est la « date à compter de laquelle le consommateur a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement ». Ainsi, les emprunteurs estiment avoir pu légitimement ignorer les risques de dégradation de la parité entre le franc suisse et l’euro au moment de la signature, faute d’information par la banque. 

La Cour de cassation fait droit aux demandes des emprunteurs et casse l’arrêt de la Cour d’appel, en ce qu’il déclare prescrite l’action en responsabilité formée par les emprunteurs au titre d’un manquement de la banque à son devoir d’information.  

Sans fixer le point de départ du délai de prescription, la Cour, au visa des articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce, juge qu’il incombait à la cour d’appel de caractériser la date de la connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières. Il reviendra à la Cour d’appel de fixer ce point de départ qui ne saurait être celui de la conclusion des contrats de prêts. 

 

La décision intéresse indirectement la matière des clauses abusives. En effet, elle s’inscrit dans le sillage de la décision qui s’inspirant du principe de transparence dégagé en matière de clause abusive avait imposé au banquier un devoir d’information sur les risques induits par la clause “devises étrangères” (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-20.717 ). Et précisément, dans cette décision, la Cour réitère sa jurisprudence selon laquelle le non-respect du professionnel de son obligation de transparence peut avoir pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur (Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720). 

CJUE, 15 juin 2023, aff. C-287/22, – Getin Noble Bank

Mots clés : Prêt hypothécaire indexé sur une devise étrangère – demande d’octroi de mesures provisoires 

 

 

EXTRAIT  

 

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, 

Doivent être interprétés en ce sens que :  

ils s’opposent à une jurisprudence nationale selon laquelle le juge national peut rejeter une demande d’octroi de mesures provisoires d’un consommateur tendant à la suspension, dans l’attente d’une décision définitive relative à l’invalidation du contrat de prêt conclu par ce consommateur au motif que ce contrat de prêt comporte des clauses abusives, du paiement des mensualités dues en vertu dudit contrat de prêt, lorsque l’octroi de ces mesures provisoires est nécessaire pour assurer la pleine efficacité de cette décision.»   

 

ANALYSE 

Dans le cadre d’un litige relatif à la nullité d’un contrat de prêt hypothécaire en raison de la suppression de clauses abusives qu’il contient, lesquelles étaient relatives à la conversion en francs suisses (CHF) du montant au taux d’achat fixé par la banque avec un taux d’intérêt variable, et les mensualités calculées en CHF, remboursables en PLN au taux de vente du CHF, la Cour de justice a été saisie de la question de la possibilité pour une juridiction nationale de rejeter l’octroi de mesures provisoires d’un consommateur tenant à la suspension de l’exécution d’un tel contrat. 

La Cour expose que l’objectif de la directive 93/13 d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs transparaît à l’article 6 paragraphe 1 de ladite directive. Cet article impose aux États membres de veiller à ce que les clauses contractuelles ne lient pas le consommateur, et ce, sans que celui-ci ait besoin de former un recours et d’obtenir un jugement confirmant le caractère abusif de ces clauses. (Arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, EU:C:2009:350) 

Elle rappelle que le principe d’autonomie procédurale, en vertu duquel les Etats membres sont libres de définir les modalités internes dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause et les effets juridiques concrets de celui-ci, doit s’exercer tout en respectant le principe d’effectivité, de manière à ne pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’union. 

Une jurisprudence antérieure a pu s’opposer à une réglementation nationale ne permettant pas au juge national d’adopter des mesures provisoires, lorsque l’octroi de ces mesures est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de sa décision finale, cette réglementation étant de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par ladite directive (est cité en ce sens l’arrêt Aziz, 14 mars 2013, C-415/11, EU:C:2013:164). 

La Cour rappelle en outre qu’il a pu être estimé nécessaire d’octroyer des mesures provisoires notamment lorsqu’il existe un risque pour le consommateur de payer, au cours d’une procédure juridictionnelle des mensualités plus élevées que celui effectivement dû si la clause concernée devait être écartée (Fernández Oliva e.a., C-568/14 à C-570/14, EU:C:2016:828). 

Elle en conclut que la protection garantie aux consommateurs par la directive 93/13 (en particulier es articles 6 et 7 de celle-ci), requiert que le juge national puisse octroyer une mesure provisoire appropriée, si cela est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir en ce qui concerne le caractère abusif de clauses contractuelles. 

La Cour expose, en invoquant l’effectivité de la protection assurée par la directive, que si un juge constate sur le fond, que suite à la suppression d’une clause pour laquelle il existe des indices suffisants de son caractère abusif, le contrat ne peut objectivement plus être exécuté, et qu’il faudra restituer au consommateur les sommes indûment versées, le rejet d’une demande provisoire qui a pour objectif de suspendre le paiement des mensualités revient à rendre inefficace la décision qui interviendra de manière définitive sur le fond. Ces mesures provisoires pourraient en effet être nécessaires pour garantir l’effectivité de la décision à venir sur le devenir du contrat en raison de la clause abusive, sur la clause résolutoire et l’effectivité de la protection assurée par la directive.  

La Cour considère qu’en l’espèce, cette situation est caractérisée. Elle ajoute qu’ici le consommateur a versé à la banque un montant supérieur à la somme empruntée avant d’engager la procédure et relève, en l’absence de cette mesure provisoire, une possible détérioration de la situation financière du consommateur.  

Au regard de ses développements, la Cour a donc estimé qu’une jurisprudence dans laquelle est refusé l’octroi de mesures provisoires tendant à la suspension des mensualités du contrat de prêt comportant des clauses abusives, alors que ces mesures sont dans l’intérêt du consommateur, et visent notamment  à assurer la pleine effectivité de la décision définitive d’invalidation du contrat eu égard le caractère abusif des clauses, n’est pas conforme au principe d’effectivité, et n’est pas compatible avec l’article 6 §1 et l’article 7 §1 de la directive 93/13. Les juridictions nationales sont en effet tenues de garantir la pleine effectivité de la directive, et ce notamment en modifiant une jurisprudence établie qui serait contraire au droit de l’Union européenne. 

Une telle solution semble ouvrir la possibilité pour le consommateur d’agir en référé pour solliciter la suspension des mensualités sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile. 

CJUE, 8 juin 2023, aff. C-455/21 

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrat d’adhésion – Notion de consommateur – Avantage financier – Clause abusive – Directive 93/13/CEE –  

 

EXTRAIT  

« (…) relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, une personne physique qui adhère à un système mis en œuvre par une société commerciale et permettant, notamment, de bénéficier de certains avantages financiers dans le cadre de l’acquisition, par cette personne physique ou par d’autres personnes participant à ce système à la suite de sa recommandation, de biens et de services auprès des partenaires commerciaux de cette société, lorsque ladite personne physique agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ».  

 

 

ANALYSE 

A l’occasion d’un contentieux survenu dans le cadre d’un contrat d’adhésion, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser la notion de consommateur au sens de la législation sur les clauses abusives.  

La Cour était saisie d’un contentieux relatif à un système mis en œuvre par une société commerciale et permettant, notamment, de bénéficier de certains avantages financiers dans le cadre de l’acquisition, par une personne physique ou par d’autres personnes participant à ce système à la suite de sa recommandation, de biens et de services auprès des partenaires commerciaux de cette société, 

Pour ce faire, la Cour commence par rappeler le principe de loi applicable pour les contrats de consommation qui est celle de la résidence habituelle du consommateur. Elle rappelle également que selon une disposition impérative les clauses abusives  ne lient pas les consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19, EU :C :2022 :394 point 36 . Les règles uniformes concernant les clauses abusives doivent s’appliquer à « tout contrat » conclu entre un professionnel et un consommateur, tels que définis à l’article 2, sous b) et c), de la directive 93/13/CEE (arrêt du 27 octobre 2022, C-485/21, EU:C:2022:839, point 22). La notion de consommateur a un caractère objectif et est indépendante des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement (arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 24).  

Par conséquent, dans le cas d’une personne physique qui adhère à un système tel que celui en cause au principal, il appartient au juge national d’établir, en prenant en considération également la nature des services offerts par le professionnel concerné, si cette personne physique a agi dans le cadre de son activité professionnelle ou si elle a agi à des fins étrangères à cette activité.  

En d’autres termes, si la personne a adhéré à des fins personnelles pour bénéficier des avantages commerciaux en question, elle est un consommateur et non un professionnel. 

CJUE, 8 juin 2023, aff. C-570/21 – I.S and KS c. YYY 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrat à double finalité – Notion de “consommateur” – Critères – Protection des consommateurs   

  

EXTRAIT  

L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,  

doit être interprété en ce sens que :  

relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, une personne ayant conclu un contrat de crédit destiné à un usage en partie lié à son activité professionnelle et en partie étranger à cette activité, conjointement avec un autre emprunteur n’ayant pas agi dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat.  

 

L’article 2, sous b), de la directive 93/13  

doit être interprété en ce sens que :  

afin de déterminer si une personne relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, et, plus particulièrement, si la finalité professionnelle d’un contrat de crédit conclu par cette personne est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat, la juridiction de renvoi est tenue de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes entourant ce contrat, tant quantitatives que qualitatives, telles que, notamment, la répartition du capital emprunté entre une activité professionnelle et une activité extraprofessionnelle ainsi que, en cas de pluralité d’emprunteurs, le fait qu’un seul d’entre eux poursuit une finalité professionnelle ou que le prêteur a subordonné l’octroi d’un crédit destiné à des fins de consommation à une affectation partielle du montant emprunté au remboursement de dettes liées à une activité professionnelle.  

»  

  

ANALYSE   

 La CJUE était saisie du point de savoir su peut être qualifiée de « consommateur » une personne ayant conclu un contrat de crédit destiné à un usage en partie lié à son activité professionnelle et en partie étranger à cette activité, conjointement avec un autre emprunteur n’ayant pas agi dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque le lien existant entre ce contrat et l’activité professionnelle de cette personne est non pas marginal au point d’avoir un rôle négligeable dans le contexte global dudit contrat, mais est à ce point limité qu’il n’est pas prédominant dans ce contexte. 

 

La CJUE commence par rappeler qu’elle a eu à traiter de cette question dans le cadre de l’interprétation des règles de compétence en matière de contrats conclus avec les consommateurs prévues par la convention de Bruxelles. Elle rappelle qu’elle avait jugé que qu’une personne qui a conclu un contrat pour un usage se rapportant en partie à son activité professionnelle, et n’étant donc qu’en partie seulement étranger à celle-ci, n’est pas en droit de se prévaloir du bénéfice des règles de compétence spécifiques en matière de contrats conclus avec les consommateurs prévues par la convention de Bruxelles, sauf si l’usage professionnel est marginal au point d’avoir un rôle négligeable dans le contexte global de l’opération en cause (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2005, Gruber, C464/01, EU:C:2005:32, points 39 et 54). 

 

Cependant, la présente affaire est l’occasion pour la CJUE d’indique que l’article 2, sous b), de la directive 93/13 n’est pas une disposition devant faire l’objet d’une interprétation stricte et que compte tenu de la ratio legis de cette directive visant à protéger les consommateurs en cas de clauses contractuelles abusives, l’interprétation stricte de la notion de « consommateur » retenue dans l’arrêt Gruber, aux fins de la détermination de la portée des règles de compétence dérogatoires prévues aux articles 13 à 15 de la convention de Bruxelles en cas de contrat à double finalité, ne saurait être étendue, par analogie, à la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13. 

 

Elle en déduit que relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, une personne ayant conclu un contrat de crédit destiné à un usage en partie lié à son activité professionnelle et en partie étranger à cette activité, conjointement avec un autre emprunteur n’ayant pas agi dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat. 

 

En d’autres termes, il suffit que la finalité professionnelle ne soit pas prédominante pour que la personne puisse être qualifiée de consommateur. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit marginale.  

 

La CJUE précise ensuite les critères pour déterminer, dans un contrat de prêt « mixte » (lorsque les fonds alloués sont partiellement affectés à une activité professionnelle et une autre partie à des fins de consommation étrangères à une activité professionnelle), si la finalité professionnelle n’est pas prédominante.  

 

Elle indique que le juge est tenu de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes entourant ce contrat, tant quantitatives que qualitatives. La Cour précise que c’est le cas de la répartition du capital emprunté entre une activité professionnelle et une activité extraprofessionnelle ainsi que, en cas de pluralité d’emprunteurs, le fait qu’un seul d’entre eux poursuit une finalité professionnelle ou que le prêteur a subordonné l’octroi d’un crédit destiné à des fins de consommation à une affectation partielle du montant emprunté au remboursement de dettes liées à une activité professionnelle (pt 57). 

 

Elle ajoute que ces critères ne sont ni exhaustifs ni exclusifs, de sorte qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner l’ensemble des circonstances entourant le contrat en cause au principal et d’apprécier, sur la base des éléments de preuve objectifs dont il dispose, dans quelle mesure la finalité professionnelle ou non professionnelle de ce contrat est prédominante dans le contexte global de ce dernier (pt 58). 

Cass. civ. 3ème, 25 mai 2023, n° 21-20.643

Mots-clés : Contrat — Maitre de l’ouvrage — Clause abusive — Clause de solidarité 

 

EXTRAITS : 

« Les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, selon lesquelles sont réputées non écrites parce qu’abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant.  

Le contrat ayant un rapport direct avec l’activité professionnelle du maître de l’ouvrage, celui-ci ne peut être considéré comme un non-professionnel dans ses rapports avec le maître d’œuvre, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction, de sorte que les dispositions précitées ne sont pas applicables. ». 

 

ANALYSE : 

En l’espèce, une société avait conclu avec un architecte un contrat de maitrise d’œuvre de travaux pour l’extension de l’hôtel qu’elle exploitait. Ce contrat contenait une clause d’exclusion de solidarité entre les personnes intervenant dans la réalisation des travaux. Mais à la suite de problèmes dans leur réalisation, la société a souhaité assigner en justice toutes les entreprises intervenues ainsi que l’architecte. Toutefois, la société a argué qu’elle devait être considérée comme un non-professionnel et que la clause d’exclusion de solidarité créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et devait être déclarée abusive.  

Les magistrats de la Cour de cassation jugent que la législation sur les clauses abusives est inapplicable au maitre de l’ouvrage, faute pour lui de pouvoir être considéré comme un non-professionnel. Pour écarter cette qualification, la troisième chambre civile juge que le contrat litigieux (un contrat d’extension de l’hôtel) a un rapport direct avec l’activité professionnelle de l’intéressé, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction.  

L’arrêt est rendu sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 qui a introduit une définition du « non-professionnel », laquelle, sans se référer au critère du rapport direct, énonce qu’il s’agit d’une personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles. 

Pour autant le critère du rapport direct sur lequel s’appuie la Cour de cassation et la jurisprudence qu’elle cite (Cass. Civ. 1ère, 24 janvier 1995, pourvoi n° 92-18.227) avait été abandonnée avant l’ordonnance précitée (Cass. civ. 1re, 11 déc. 2008, no 07-18.128). L’arrêt est donc critiquable sur ce point. Cependant, la troisième chambre civile marque une évolution par rapport à sa jurisprudence antérieure. Elle avait en effet eu l’occasion d’appliquer la qualité de non-professionnel au professionnel qui n’était pas de la même spécialité que son cocontractant aux fins d’écarter une clause limitative de responsabilité (Cass. civ. 3e, 4 févr. 2016, no14-29.347 ; Cass. civ. 3e, 7 nov. 2019, no 18-23.259), alors que le critère de la compétence est inopérant pour déterminer la qualité des parties au contrat de consommation. Or, dans la présente décision elle semble, à juste titre, écarter ce critère en jugeant qu’il importait peu que le maître d’ouvrage ne dispose pas de compétences techniques dans le domaine de la construction.  

La jurisprudence de la troisième chambre civile dans la mise en œuvre de la législation sur les clauses abusives dans le domaine de la construction tend donc à se rapprocher de l’orthodoxie. 

Cass. civ. 1ère, 17 mai 2023, n° 22-16.725 

Contrat de prêt libellé en devise étrangère — francs suisses — Clause « réputée non écrite » — risque de change  

 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 

10. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni à l’emprunteur des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives,

d’une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ». 

 

ANALYSE : 

Un emprunteur avait conclu deux prêts libellés en devise étrangère. La Cour d’appel de Colmar a considéré que les informations transmises à ce dernier par la banque lui avaient permis de comprendre le prêt et ses conséquences économiques. Par conséquent, les juges du fond ont débouté l’emprunteur de sa demande visant à faire réputée non-écrite la clause du contrat.  

Cependant, les magistrats de la Cour de cassation se fondant sur l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 BNP Paribas Personal Fiance SA), ont rappelé que pour faire déclarer une clause abusive, il convient dans un premier temps de vérifier si la clause ne porte pas sur le prix ou l’objet principal du contrat et ensuite si le professionnel « a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives ». Or, en l’espèce certes l’emprunteur avait signé une attestation déclarant avoir pris connaissance des risques de change mais cela ne prouve pas qu’il ait reçu toutes les informations nécessaires à sa compréhension. 

La première chambre civile de la Cour de cassation casse la décision rendue par les juges du fond considérant que la clause portant sur le mécanisme financier et les informations apportées par la banque ne permettaient pas au consommateur de prendre connaissance de toutes les informations et des conséquences économiques négatives du prêt. Par conséquent, la clause est déclarée abusive et réputée non-écrite.  

Voir également : 

-  Site de la CCA : CJUE 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance SA 

CJUE, 4 mai 2023, aff. C-200/21 BRD Groupe Société Générale SA, Next Capital Solutions Ltd

Mots-clés : Contrat entre professionnel et consommateur – Juge de l’exécution – Délai d’opposition à l’exécution forcée – Garantie financière – clauses abusive 

  

EXTRAIT   

  

« La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que : elle s’oppose à une disposition de droit national qui ne permet pas au juge de l’exécution, saisi, en dehors du délai de quinze jours imparti par cette disposition, d’une opposition à l’exécution forcée d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, formant titre exécutoire, d’apprécier, d’office ou à la demande du consommateur, le caractère abusif des clauses de ce contrat, alors que ce consommateur dispose, par ailleurs, d’un recours au fond qui lui permet de demander au juge saisi de ce recours de procéder à un tel contrôle et d’ordonner la suspension de l’exécution forcée jusqu’à l’issue dudit recours, conformément à une autre disposition de ce droit national, dès lors que cette suspension n’est possible que moyennant le versement d’une garantie dont le montant est susceptible de dissuader le consommateur d’introduire et de maintenir un tel recours, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. À défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la législation nationale conformes aux exigences de cette directive, le juge national saisi d’une opposition à l’exécution forcée d’un tel contrat a l’obligation d’examiner d’office si les clauses de celui-ci présentent un caractère abusif, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions nationales qui s’opposent à un tel examen. »  

  

ANALYSE   

  

En vertu de l’article 6 paragraphe 1 et de l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13, les clauses abusives figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne lient pas les consommateurs ; les Etats membres veillent à ce que les consommateurs disposent de moyens adéquats et efficaces pour faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats qu’ils concluent avec les professionnels.  

 

La CJUE veille à l’effectivité de cette disposition. 

 

Or, la Cour se demande en l’espèce si un texte national prévoyant un délai de quinze jours pour soulever le caractère abusif d’une clause, dans le cadre d’une procédure d’opposition à l’exécution forcée d’un contrat, est conforme ou pas au principe d’effectivité posé par la directive 93/13.  

Cette question se pose pour deux raisons principales. Premièrement, selon la jurisprudence de la CJUE, l’action permettant de faire constater le caractère abusif d’une clause n’est soumise à aucun délai en vertu de la directive 93/13. Deuxièmement, le droit national impliqué dans cette affaire (droit roumain en l’occurrence) permet à la partie intéressée de soulever le caractère abusif d’une clause et de demander ainsi la suspension de l’exécution forcée du contrat dans le cadre d’un recours au fond, non-soumis au délai de forclusion applicable en matière d’opposition à l’exécution forcée.       
 

La Cour avait déjà affirmé qu’une disposition nationale empêchant un consommateur de contester le caractère abusif d’une clause dans le cadre d’une opposition à l’exécution forcée du contrat conclu, au motif que le délai de forclusion imparti serait écoulé, est contraire à la directive 93/13  (voir en ce sens ordonnance du 6 novembre 2019, BNP Paribas Personal Finance SA Paris Sucursala Bucureşti et Secapital, C-75/19, point 34). Dans cette affaire qui concernait aussi le droit roumain, la Cour avait précisé qu’une telle règle demeure contraire à la directive 93/13, quand bien même le droit national concerné permettrait au consommateur de contester les clauses abusives du contrat conclu dans le cadre d’un recours au fond soumis à aucun délai particulier. En effet, la solution rendue au fond est sans effet sur celle résultant de la procédure d’exécution forcée, qui peut s’imposer au consommateur avant l’issue du recours engagé au fond.  

 

En l’espèce, la Cour se demande toutefois si la solution de 2019 évoquée ci-dessus est applicable ou pas dans l’hypothèse où le juge saisi du recours au fond serait compétent pour suspendre l’exécution forcée du contrat conclu.  

Etait en jeu une disposition nationale qui subordonnait le recours au fond à la constitution préalable d’une garantie financière. La Cour, rappelant que le montant de frais de justice est susceptible de dissuader les consommateurs de contester les clauses abusives (voir en ce sens arrêt du 17 mai 2022, Impuls Leasing România C-725/19 point 60) énonce que  la juridiction nationale de renvoi doit vérifier si le montant de la garantie financière exigée est susceptible ou pas de décourager les consommateurs d’engager une action au fond. 

 

La Cour précise en outre qu’à défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la législation nationale conformes aux exigences de cette directive, le juge national saisi d’une opposition à l’exécution forcée d’un contrat a l’obligation d’examiner d’office si les clauses de celui-ci présentent un caractère abusif. Dès lors si la disposition nationale empêche l’examen du caractère abusif des clauses, elle doit être purement et simplement écartée, (voir en ce sens arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C-419/18 et C-483/18, point 76).