Cour de cassation
Il revient au juge interne d’écarter une clause compromissoire, figurant dans un contrat de consommation international, à raison de son caractère abusif

Cass. Civ.1, 30 septembre 2020, n°18-19.241

Cass. Civ. 1, 30 septembre 2020, n°18-19.241 

Clause compromissoire – Clause d’arbitrage – Contrat de consommation international – Caractère abusif – Office du juge national  

EXTRAITS : 

« La cour d’appel qui, après en avoir examiné l’applicabilité, en tenant compte de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif, a, sans méconnaître les dispositions de l’article 1448 du code de procédure civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d’assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur » .

ANALYSE : 

La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle la jurisprudence communautaire en ce qui concerne la portée de l’article 7, §1, de la directive 93/13. Ainsi, cette disposition impose aux États membres « de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives » (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, point 78) parmi lesquels figure « la possibilité d’introduire un recours ou de former opposition dans des conditions procédurales raisonnables » sans condition de délais ou de frais (arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, point 46) (points 9 et 10). Alors, en l’absence de règlementation communautaire en la matière, ces modalités procédurales « relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre en vertu du principe d’autonomie procédurale des États membres », à la condition qu’elles respectent les principes d’équivalence et d’effectivité (CJCE, 26 octobre 2006, N…  E…, C-168/05, et 19 septembre 2006, Germany et Arcor, C-392/04 et C-422/04, point 57) (point 11).  

En l’espèce, la Cour de cassation relève que, aux termes de l’article 1448 du Code de procédure civile, applicable à l’arbitrage international en vertu de l’article 1506 du même Code, « que lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable » (point 12). La Cour conclut alors que cette « règle procédurale de priorité (…) ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l’exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder » (point 13). 

Elle approuve par conséquent les juges du fond d’avoir jugé la clause compromissoire « manifestement abusive » (CA Versailles, 14ème ch., 15 fev. 2018, n°17/03779) au motif que cette appréciation devait relever du juge, garant de l’effectivité des droits que le consommateur tire de la directive sur les clauses abusives. 

La Cour de cassation procède donc à un revirement de sa jurisprudence Jaguar (Cass. civ. 1ère, 21 mai 1997, n°95-11.427) puisqu’auparavant l’appréciation de validité de la clause compromissoire dans un contrat international relevait de l’arbitre conformément à l’effet négatif du principe « compétence-compétence » (C.P.C., art. 1448).