(BOCCRF du 11/06/80)
Le présent rapport des activités de la commission des clauses abusives est établi en exécution de l’article 38 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services.
Ce rapport a été adopté par la commission le 22 avril 1980. Il couvre la période allant du mois de janvier 1979 au mois de janvier 1980. Il correspond à la deuxième année de fonctionnement de la commission, installée par le ministre chargé de la consommation le 31 janvier 1978.
Il est rappelé que le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 assigne trois missions à la commission des clauses abusives :
- elle est consultée sur les projets de décrets qui peuvent lui être transmis par le ministre chargé de la consommation, ayant pour objet d’interdire, de limiter ou de réglementer certaines clauses considérées comme abusives (art. 35),
- elle recherche dans les modèles de contrats habituellement proposés par les professionnels aux non-professionnels ou consommateurs les clauses qui peuvent présenter un caractère abusif (art. 37). Le cas échéant, elle émet des recommandations, éventuellement rendues publiques, tendant à obtenir la suppression ou la modification de clauses (art. 38),
- elle propose dans son rapport annuel les modifications législatives ou réglementaires qui lui paraissent souhaitables.
Chapitre Ier : Bilan des travaux de la commission des clauses abusives
Au cours de sa deuxième année de fonctionnement, la commission s’est réunie neuf fois en séance plénière et sept fois en sous-commission à l’occasion d’auditions de représentants d’organisations de consommateurs ou de professionnels.
Conformément à sa mission, la commission des clauses abusives a été amenée à connaître des modèles de contrats habituellement conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Elle a recherché si ces contrats ne contenaient pas de dispositions abusives et elle a émis des recommandations par lesquelles elle a dénoncé certaines clauses et conseillé des modalités de présentation des contrats.
La commission a également donné des avis sur des contrats types élaborés à l’initiative des organisations professionnelles, ou établis en concertation entre des représentants de celles-ci et des représentants d’organisations de consommateurs. Cet aspect nouveau de l’action de la commission répond au vœu qu’elle avait elle-même formulé dans son précédent rapport annuel. Elle avait en effet encouragé les professionnels et les consommateurs à établir des contrats types assurant un juste équilibre entre les partenaires économiques. La commission avait également demandé à être associée à leur élaboration, en suggérant qu’en cours de négociation les projets lui soient soumis pour avis.
I. Les saisines
Au cours de son deuxième exercice, la commission a fait l’objet de 51 saisines (43 en 1978).
L’examen de la recevabilité des saisines a permis à la commission, compte tenu des modalités prévues par la loi, de préciser son champ de compétence.
A. Les modalités de saisines
Suivant l’article 37 de la loi du 10 janvier 1978, la commission peut être saisie selon quatre manières :
1° Par le ministre chargé de la consommation.
Bien entendu, ceci confère aux services du ministre de l’économie la possibilité de saisir la commission; il en est ainsi plus particulièrement de ceux de la direction générale de la concurrence et de la consommation. A cet égard, la commission a été informée que les directions départementales de la concurrence et de la consommation ont été invitées par leur administration centrale à transmettre à la commission des clauses abusives les contrats et les litiges contractuels dont elles ont à connaître à l’occasion de l’exécution de leurs missions et, notamment, dans le cadre de la boîte postale 5000.
L’ensemble de ces informations devrait permettre à la commission de nourrir efficacement ses travaux dans les mois à venir.
2° Par les associations agréées de défense des consommateurs.
La majorité des saisines de la commission émanent d’associations nationales ou locales de défense des consommateurs.
3° Par les professionnels intéressés.
Suivant une doctrine élaborée au cours de sa première année de fonctionnement et mentionnée dans son précédent rapport, la commission a mis l’accent sur l’examen des modèles de contrat que les organisations professionnelles envisagent de suggérer à leurs adhérents; bien entendu, l’avis que peut donner la commission sur les projets de contrat s’analyse comme un conseil pour établir de meilleures conventions, plus équilibrées, et non comme un visa ou un label de garantie.
4° Par elle-même.
Le fait que la commission puisse se saisir d’office tend à ôter tout caractère formel aux modalités de saisine, puisque rien ne l’empêche de retenir un contrat particulièrement significatif qui lui serait adressée par une personne ou un organisme non habilité à la saisir et en particulier par les organisations de consommateurs non agréées.
La commission souligne combien il est important pour son information de recevoir de nombreux contrats. Elle peut ainsi se rendre compte des secteurs dans lesquels les contrats proposés contiennent des clauses abusives.
B. Les saisines recevables
Sur les 51 saisines enregistrées, la commission a considéré que 37 étaient recevables.
1° Classement selon leur origine.
Treize ont été adressées par le ministre de l’économie;
Dix-sept émanent des associations de défense des consommateurs; les saisines sont soit envoyées directement par les associations, soit transmises par l’intermédiaire des directions départementales de la concurrence et de la consommation. Il est observé que les demandes d’examen de contrats proviennent essentiellement d’associations locales;
Trois ont été formulées par des professionnels. L’une émane d’une entreprise demandant l’avis de la commission sur son projet de contrat. Tout en la déclarant recevable, la commission s’est contentée de conseiller au professionnel de se référer à ses recommandations publiées (recours en justice et contrat de garantie). Les deux autres demandes émanent d’organisations professionnelles qui ont demandé à la commission son avis sur des projets de contrats types :
a) Contrat type de vente de véhicules d’occasion établi en concertation par l’institut national de la consommation et la chambre syndicale nationale du commerce et de la réparation automobile;
b) Contrat type de location d’emplacements publicitaires établi par la chambre syndicale française de l’affichage.
Quatre saisines d’office de la commission. Complétant la liste des études envisagées au cours de sa première année d’activité, la commission a décidé d’examiner les contrats d’abonnement aux services des eaux et les différents types de contrat touchant au transport (transport de voyageurs, transport de marchandises et déménagement).
2° Classement selon l’objet des saisines.
Treize affaires concernant des contrats de vente de produits ou de biens immobiliers. Parmi les principaux étudiés, il convient de citer les contrats de vente immobilière (deux), les contrats de vente de véhicules (cinq) et les conditions générales de vente de meubles (deux).
Vingt-quatre affaires concernent des contrats de services, principalement : les contrats de location d’emplacements destinés à l’affichage publicitaire (cinq) et de locaux d’habitation (deux), conditions générales de vente de voyages (trois), contrats de fourniture de gaz liquéfié (trois).
C. Les saisines non recevables
Quatorze saisines ont été considérées comme non recevables, essentiellement pour trois raisons :
1° Parce que les plaignants étaient des particuliers; toutefois, dans ce cas, la commission a conservé pour son information les dossiers transmis lorsqu’ils concernaient un secteur pour lequel une étude était en cours ou envisagée.
2° Parce que les contrats sur lesquels l’attention de la commission était appelée n’étaient pas des contrats conclus entre professionnels, d’une part, et non-professionnels ou consommateurs, d’autre part.
Ainsi ont été déclarées irrecevables des conditions générales de vente de matériaux de construction dans la mesure où, en l’espèce, à l’exception d’un faible pourcentage de transactions entre professionnels et non-professionnels, les matériaux sont acquis pour un usage professionnel.
Pour des raisons identiques, les contrats d’abonnement téléphonique souscrits par des entreprises, les conventions d’assistance et de conseil de gestion d’entreprise, les contrats de location de machines à affranchir n’ont pas été pris en considération.
Les contrats de location de locaux d’habitation conclus entre propriétaires privés et locataires n’entrent également pas dans le champ d’application de la loi lorsque les propriétaires ne louent qu’un seul ou un très petit nombre de locaux.
3° Parce que les contrats communiqués à la commission ne paraissent, suivant les termes de l’article 37 de la loi du 10 janvier 1978, non » habituellement proposés « .
Ainsi, la commission a décidé de ne pas procéder à l’examen d’un modèle de convention de gestion de patrimoine privé; ce contrat n’apparaît pas suffisamment diffusé et, de plus, pouvait être aisément négocié par le non-professionnel.
II. Les études et les recommandations de la commission des clauses abusives
Au cours de sa deuxième année de fonctionnement, la commission des clauses abusives a procédé à des études soit de caractère général, soit de façon plus ponctuelle, dans sept secteurs d’activité différents. Elle a émis quatre recommandations, deux avis sur des projets de contrats types; trois études ont fait l’objet de premières conclusions qui sont appelées à être reprises dans la perspective de l’élaboration de recommandations.
A. Les recommandations
1° Contrats de location à usage d’habitation.
A plusieurs reprises, depuis son installation, la commission a été saisie en vue d’examiner ce type de contrats. Les représentants des organisations de consommateurs siégeant au sein de la commission ont confirmé que l’interprétation et l’exécution des baux locatifs constituent l’une des sources les plus importantes de litiges contractuels.
Le comité national de la consommation a communiqué un rapport à la commission des clauses abusives, récapitulant les vœux des consommateurs dans ce domaine.
Tout en étant consciente de l’ampleur et de l’intérêt de certains travaux déjà effectués pour améliorer la protection des locataires, notamment de ceux élaborés au sein de la commission permanente pour l’étude des charges locatives et des rapports entre propriétaires et locataires, la commission a décidé d’émettre une recommandation dans un domaine essentiel entrant dans sa compétence.
Préalablement, de nombreuses auditions ont été effectuées; ainsi la commission a entendu M. Delmon, président de la commission permanente mentionnée ci-dessus, des fonctionnaires du ministère de l’environnement et du cadre de vie et des représentants des organisations de locataires et de propriétaires suivantes :
organisations participant à la défense des locataires : confédération nationale du logement, confédération générale du logement, union centrale des locataires de France;
organismes représentant les intérêts des propriétaires de biens immobiliers : union nationale des fédérations d’organismes d’H.L.M., groupement des sociétés immobilières d’investissement, fédération française des sociétés d’assurances, société centrale immobilière de la caisse des dépôts, fédération nationale des agents immobiliers, fédération nationale des sociétés d’économie mixte, société nationale immobilière, syndicat des sociétés immobilières françaises, union nationale de la propriété immobilière.
En conclusion de ses travaux, la commission des clauses abusives a émis une recommandation qui a été adoptée le 4 février 1980 et transmise au ministre de l’économie conformément aux dispositions de l’article 38 de la loi du 10 janvier 1978.
Par sa recommandation, la commission rappelle, en premier lieu, les principales obligations des deux parties au contrat de location : le bailleur est tenu de délivrer les lieux loués en bon état de réparation, d’entretenir les lieux loués, de garantir tous les vices cachés empêchant l’usage de ces lieux et d’assumer ses responsabilités concernant ses propres fautes, celles des tiers ou celles consécutives à la négligence de ses préposés; le locataire doit utiliser les lieux loués en bon père de famille, payer les loyers et les charges et restituer les lieux loués dans l’état où il les a reçus.
La commission souhaite, en second lieu, que le contrat comporte certaines indications renseignant le locataire notamment sur le régime juridique auquel est assujettie la location, concernant l’identité du bailleur et la durée du bail, ainsi que sur les réparations locatives et les charges récupérables.
Enfin, quinze clauses fréquemment utilisées sont dénoncées toutes les clauses qui tendent à exonérer le bailleur de sa responsabilité en cas de manquement à ses différentes obligations et celles qui limitent abusivement les droits des locataires ou qui visent à lui imposer des obligations excessives.
Ainsi, en particulier, la commission recommande l’élimination des clauses suivantes ayant pour objet :
- de permettre au bailleur d’effectuer des modifications unilatérales portant soit sur les lieux loués, soit sur les prestations prévues;
- d’autoriser le bailleur à ne pas procéder aux réparations autres que celles d’entretien courant et les menues réparations et à les imposer au locataire;
- d’interdire au locataire de constituer une association;
- d’imposer au locataire des charges généralement considérées comme non récupérables ou de limiter son droit de vérifier la réalité des charges dont le paiement lui est réclamé;
- de donner la possibilité au bailleur de résilier unilatéralement le contrat en dehors des cas de mauvaise foi du locataire;
- de permettre de déroger aux règles de compétence territoriales ou d’attribution.
En définitive, cette recommandation vise à préciser certaines dispositions des accords conclus dans le cadre de la commission présidée par M. Delmon mais apportera aussi un complément utile au dispositif de protection prévu par la loi dont le projet sera déposé au Parlement, selon les déclarations du ministre chargé du logement, dans le courant de l’année 1980.
2° Recommandation concernant une clause contenue dans certains contrats de vente immobilière.
Cette recommandation émise par la commission présente par rapport aux précédentes un caractère ponctuel ne concernant qu’un aspect d’une catégorie de contrats. Elle préfigure toutefois les recommandations que la commission sera, à l’occasion, souvent amenée à émettre lorsque après avoir rendu des recommandations de portée générale, elle procédera à des examens plus particuliers pour répondre à des saisines précises de consommateurs ou de professionnels. Sur le fondement d’une requête transmise par le ministre chargé de la consommation, la commission a étudié une clause contenue dans un contrat de vente liant un acquéreur d’un pavillon à un constructeur – vendeur. Suivant cette clause, l’acquéreur est tenu de reprendre à son compte la police d’assurance souscrite par le constructeur garantissant certains risques.
La commission n’a pas considéré une telle clause comme abusive.
Toutefois il lui paraît utile, en contrepartie, d’organiser l’information de l’acquéreur (Cf. annexe III-1, texte de la recommandation publiée au Bulletin officiel des services des prix du 15 mai 1980).
3° Recommandation de la commission concernant un contrat d’abonnement à certains équipements.
La commission saisie par le ministre de l’économie et par des organisations de consommateurs a étudié un contrat d’abonnement à certains produits et a émis une recommandation que le ministre a décidé, à la demande de la commission, de communiquer directement au professionnel intéressé, l’invitant à modifier ses contrats.
L’originalité de ce type de contrat et le fait qu’il sera probablement utilisé dans divers secteurs, conduisent la commission à exposer le sens général de ses conclusions.
Par ce contrat, le professionnel met à la disposition de l »abonné’ des équipements moyennant un paiement mensuel; le contrat conclu pour une période de deux ans renouvelable, permet en outre à l’abonné de changer son équipement, quand il le souhaite, sous certaines conditions.
Il est apparu à la commission que cette opération d’abonnement présente des caractéristiques propres aux prestations de location, mais aussi, proches des opérations de crédit, bien qu’il ne soit pas proposé d’option achat en fin de contrat.
Quelle que soit la nature juridique du contrat, la commission a recommandé qu’à l’instar des modalités prévues en matière de crédit, un délai de réflexion soit accordé au consommateur; en l’occurrence, cela se justifie d’autant plus que le professionnel s’attribue à lui-même un tel délai pour vérifier la solvabilité de son client.
4° Recommandation relative aux clauses insérées dans les contrats de location d’emplacements destinés à l’affichage publicitaire.
Dans son précédent rapport annuel, la commission indiquait qu’elle avait émis et transmis au ministre de l’économie une recommandation concernant les contrats de location d’emplacements destinés à l’affichage publicitaire (Cf. annexe III-1, texte de la recommandation publiée au Bulletin officiel des services des prix du 15 mai 1980).
Avant de décider de la publication de la recommandation, le ministre a demandé à la commission de procéder à l’audition des professionnels intéressés.
La commission après avoir entendu les représentants de l’union des chambres syndicales françaises d’affichage et de publicité extérieure et de la chambre syndicale française de l’affichage, a constaté qu’aucun élément nouveau n’était apporté, susceptible de nécessiter la modification de la recommandation; au demeurant, les représentants de la profession ne se sont pas montrés opposés à ce que les contrats en vigueur soient modifiés en tenant compte des conclusions de la commission, d’autant plus que la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes impose de nouvelles obligations (notamment interdiction de proposer des contrats d’une durée supérieure à six ans).
La commission a donc décidé de maintenir la rédaction initiale de sa recommandation et a demandé au ministre d’en décider la publication.
Ainsi, cette recommandation constituera un complément aux dispositions légales et pourrait apporter une aide utile aux professionnels appelés à modifier leur contrat pour tenir compte du nouveau dispositif législatif (Cf. annexe III-2, texte de la recommandation publiée au Bulletin officiel des services des prix du 15 mai 1980).
B. Avis sur des projets de contrats types
1° Avis sur un projet de contrat type de louage d’emplacement publicitaire établi par la chambre syndicale française de l’affichage.
Cet avis a été rendu à la demande des représentants de la chambre syndicale française de l’affichage formulée à l’occasion de leur audition par la commission (cf. supra).
Constatant que le projet soumis à son examen ne contenait pas de clauses contraires à sa recommandation, la commission a donné un avis favorable, sous réserve que quelques modifications soient apportées.
Bien entendu, la commission des clauses abusives a émis ses conclusions sans préjudice de l’appréciation par une autorité compétente de la conformité du contrat type aux règles de concurrence.
2° Avis sur les contrats types » bon de commande de véhicule d’occasion » et de leurs annexes.
La commission des clauses abusives saisie par des organisations de consommateurs et par la profession intéressée a examiné des projets de contrats types établis en application d’un protocole d’accord conclu entre l’institut national de la consommation et la chambre syndicale nationale du commerce et de la réparation automobile.
La commission approuve le principe de contrat type concernant cette activité pour laquelle de nombreux litiges sont à déplorer. La commission a proposé quelques modifications, principalement pour améliorer l’information de l’acheteur et pour une meilleure adaptation aux nouvelles dispositions en vigueur, notamment la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à certaines opérations de crédit, le décret n° 78-464 du 24 mars 1978 portant application du chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, le décret n° 78-993 du 4 octobre 1978 pris pour l’application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne les véhicules automobiles ainsi que les propres recommandations de la commission relatives aux clauses abusives insérées dans les contrats de garantie et aux clauses concernant les recours en justice.
Il est noté que la commission a proposé une nouvelle rédaction des contrats types; en outre, elle a suggéré un cadre de présentation du carnet de garantie joint en annexe.
C. Études en cours ayant fait l’objet de premières conclusions
1° Modèles de contrats élaborés par la confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment (C.A.P.E.B.).
A la demande de la C.A.P.E.B., la commission a commencé l’examen des modèles de contrats dont l’utilisation sera conseillée par l’organisation professionnelle à ses adhérents.
Les intéressés ayant indiqué qu’ils envisageaient de procéder à la modification de leurs modèles de contrats pour précisément tenir compte des nouveaux textes légaux en vigueur, la commission s’est bornée dans un premier temps à donner des conseils aux représentants de la profession au cours d’une audition. Elle a principalement demandé que certaines clauses soient amendées pour tenir compte du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 et de ses recommandations publiées (en particulier celle concernant les recours en justice).
Les membres de la commission ont décidé d’entreprendre une étude générale sur les contrats d’entreprise. D’ores et déjà, sans préjuger de ses conclusions futures dans ce domaine, la commission émet le vœu :
- que la pratique des devis soit généralisée. De plus, elle rappelle que, conformément à l’article 1793 du code civil relatif aux marchés à forfait, les travaux supplémentaires doivent impérativement faire l’objet d’un écrit. Elle souhaite que cette exigence de l’article 1793 soit rappelée dans tous les contrats;
- qu’aucune clause n’exonère la responsabilité du professionnel en cas d’inobservation des délais d’exécution. Le cas échéant, des pénalités devraient être prévues pour réparer le préjudice subi par le client.
2° Contrat de fourniture de gaz liquéfié assortie d’une location du matériel de conditionnement.
Saisie à plusieurs reprises pour examiner les contrats de fourniture de gaz liquéfié, la commission a procédé à l’audition d’un représentant du comité professionnel du butane et du propane; elle a demandé, en outre, aux différentes entreprises assurant ces prestations de lui envoyer les modèles de contrats utilisés.
Sur la base des informations et des documents reçus, la commission a l’intention dans le courant de l’année 1980 de reprendre son étude et d’émettre le cas échéant une recommandation.
3° Conditions de résiliation d’une inscription à des cours dispensés par des établissements privés de formation.
L’examen ponctuel d’un contrat par lequel est proposé un cours de formation a amené la commission à suggérer deux propositions :
une modification de nature législative et réglementaire (cf. Infra, chap. II-I, C);
l’élimination de clauses pénales excessives et celles interdisant au non-professionnel ou consommateur de se dégager d’un contrat alors que le désistement ne crée aucun préjudice au professionnel.
Cette deuxième proposition devrait être reprise ultérieurement, d’une part dans le cadre d’une recommandation relative à cette catégorie de contrat, et d’autre part dans une recommandation plus générale concernant certaines clauses relatives à la formation, l’inexécution ou la résiliation des contrats.
D. Études envisagées
Outre les études en cours pour lesquelles elle devra rendre ses conclusions dans le courant du prochain exercice, pour répondre aux saisines dont elle a fait l’objet, la commission a décidé d’examiner les contrats proposés dans les domaines suivants :
- conditions générales de vente de meubles;
- conditions générales de vente de véhicules neufs;
- contrats d’hôtellerie de plein air (camping – caravaning);
- contrat de transport (voyageurs, marchandises, déménagements);
- contrat d’abonnement aux services des eaux;
- contrat de vente de maisons individuelles;
- contrat de résidence dans les maisons de retraite privées.
Chapitre II : Propositions de réformes
L’article 38 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 autorise la commission des clauses abusives à proposer des modifications législatives et réglementaires qui lui paraissent souhaitables.
En application de ce texte, la commission des clauses abusives avait dans son précédent rapport annuel proposé diverses modifications législatives et réglementaires de caractère général; elle avait également souhaité qu’interviennent certaines réformes dans son fonctionnement.
La commission renouvelle, dans ce présent rapport, celles de ses propositions qui n’ont pas encore été traduites dans les faits ou dont les suites n’ont pas encore été portées à sa connaissance. Elle émet également de nouvelles suggestions.
I. Modifications législatives et réglementaires de caractère général
A. Sanctions en matière de clauses abusives
La commission des clauses abusives a constaté à travers les contrats dont elle a été saisie que des clauses contraires aux dispositions du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 étaient encore proposées aux consommateurs. Bien que ces clauses soient réputées non écrites et qu’elles soient effectivement annulées lorsqu’un litige est porté devant le juge, le consommateur peut se croire engagé par elles s’il n’en connaît pas la nullité; il peut se voir également opposer ces clauses par un professionnel de mauvaise foi qui compterait sur les hésitations du consommateur à intenter une action en justice.
La sanction civile apparaissant comme manifestement insuffisante en de nombreux cas, la commission avait jugé souhaitable, dans son précédent rapport (Cf. rapport de la commission des clauses abusives pour l’année 1978 (chap. II-I, A)), de prévoir des sanctions pénales à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les dispositions des décrets pris en vertu de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978. La perspective de la peine encourue serait en effet de nature à inciter les professionnels à supprimer les clauses illégales des contrats qu’ils proposent.
Dans les cas où l’institution de telles sanctions aura été jugée nécessaire, la commission estime que la condition de leur efficacité serait qu’il soit donné pouvoir de rechercher et de constater les infractions aux agents des administrations généralement habilités dans le domaine des infractions économiques.
La commission pense toutefois que la voie répressive n’est pas la seule voie possible pour éliminer les clauses abusives; elle se propose d’étudier, en s’inspirant notamment des expériences étrangères, les moyens de parvenir au même résultat.
B. Garantie légale des défauts ou vices cachés
La commission persiste à penser qu’une réforme globale de la rédaction des articles 1641 à 1649 du code civil est nécessaire pour que celle-ci corresponde mieux au contenu réel de la garantie légale tel qu’il résulte d’une interprétation jurisprudentielle constante, mais complexe (Idem (chap. II-I, B)2). Les règles seraient ainsi mieux connues et par voie de conséquence, mieux respectées.
De surcroît, elle estime urgentes une généralisation et une extension des garanties contractuelles. Si ces objectifs ne peuvent être atteints au cours des prochains mois par voie de négociations entre organisations professionnelles et organisations de consommateurs, ils devront être repris par voie législative.
C. Inscription à des cours de formation
En étudiant un formulaire d’inscription à un cours de formation dispensé par un établissement d’enseignement privé et se rapportant aux litiges connus à l’occasion de telles inscriptions, la commission a été amenée à suggérer que soient prévues pour ce type d’enseignement professionnel, donné sur place, des modalités analogues à celles fixées par la loi du 12 juillet 1971 et le décret du 22 décembre 1972 relatifs aux contrats d’enseignement à distance.
Il s’agirait principalement d’accorder à l’élève un délai de réflexion avant tout engagement définitif. A l’instar de celui prévu par la loi de 1978 susmentionnée, ce délai pourrait être de six jours.
En outre, des possibilités de résiliation du contrat pourraient être reconnues, analogues à celles conférées par l’article 9 de la loi précitée.
Enfin, les exigences de présentation et de rédaction du contrat devraient être celles imposées par les articles 18 et suivants du décret du 22 décembre 1972.
D. Interdiction de faire signer à un consommateur une lettre de change ou un billet à ordre
Une telle interdiction n’est actuellement posée que par les lois n° 78-22 du 10 janvier 1978 et n° 79-596 du 13 juillet 1979 concernant les opérations de crédit. Or, il arrive que des professionnels demandent la signature de traites dans des opérations qui ne relèvent d’aucun de ces deux textes.
Cette pratique paraît très dangereuse pour les consommateurs en raison du principe cambiaire de l’inopposabilité des exceptions.
E. Interdiction par décret de clauses abusives
Un seul décret a été pris sur le fondement de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 pour interdire ou réglementer des clauses abusives.
La commission des clauses abusives souhaite que d’autres décrets soient élaborés. Elle renouvelle ses propositions inscrites dans son précédent rapport annuel visant à interdire certaines clauses (Cf rapport de la commission des clauses abusives pour l’année 1978 (chap. II-II, B)).
Ainsi, les quatre clauses suivantes devraient être interdites sous peine de sanctions pénales :
- clause selon laquelle le prix du bien livré ou du service rendu est déterminable par référence à un élément qui n’est pas indépendant de la volonté du professionnel;
- clause laissant au professionnel la liberté de choisir le délai de livraison;
- clause réduisant ou supprimant le droit d’agir en justice;
- clause dérogeant aux règles légales de compétence d’attribution du de compétence territoriale.
F. Réglementation de la présentation des écrits constatant les contrats
La commission des clauses abusives estime également utile de réglementer la présentation des contrats diffusés dans de nombreux secteurs. Une normalisation des modèles de conventions devrait laisser aux professionnels leur liberté quant au fond des contrats tout en leur imposant des conditions de forme.
A titre d’exemple, il est souhaité que la place de la signature soit réglementairement précisée : toute page comportant des obligations devrait être signée.
Ayant été informée de l’élaboration d’un modèle de présentation des contrats de garantie et de service après vente, la commission s’est montrée satisfaite de ce projet et a souhaité en être saisie dans les meilleurs délais conformément aux dispositions de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978, si le texte est appelé à être rendu obligatoire sur ce fondement.
G. Obligation de remettre les formulaires de contrat ou des conditions générales de vente à toute personne qui en ferait la demande
Une telle mesure s’inscrirait dans une politique d’éducation et d’information du consommateur. Celui-ci aurait ainsi, avant de signer, le temps de lire l’offre qui lui est faite, de la comparer avec celles proposées par les concurrents, de prendre conseil, et éventuellement d’engager une négociation sur le contenu des documents porteurs d’obligations.
Il est en effet actuellement fréquent que les professionnels refusent de communiquer leur contrat par avance, ne les remettant qu’à ceux qui les ont préalablement signés.
II. Propositions de réformes concernant le fonctionnement de la commission des clauses abusives
La nouveauté et l’originalité du système mis en place par le chapitre IV de la loi du 10 janvier 1978 expliquent que la commission des clauses abusives rencontre certaines difficultés pour effectuer un travail efficace.
Au terme de deux années d’activité, les membres de la commission des clauses abusives considèrent que ces difficultés ont essentiellement deux causes :
- ses propres moyens de fonctionnement qu’elle juge insuffisants;
- ses rapports avec l’administration et principalement le ministère de l’économie.
Les constatations qu’elle a effectuées à cet égard et les conclusions qu’elle en a tirées la conduisent à proposer plusieurs réformes.
A. Les moyens de fonctionnement
La commission des clauses abusives possède des moyens par trop limités et peu adaptés à la charge de travail qui réclame une véritable protection des consommateurs contre les clauses abusives.
1° La composition de la commission, institution de suppléants.
L’article 36 de la loi du 10 janvier 1978 a prévu que la commission se compose de quinze membres appartenant à cinq collèges : magistrats, fonctionnaires, jurisconsultes, consommateurs et professionnels (Composition de la commission des clauses abusives en annexe II).
L’esprit de la loi et la qualité de la réflexion exigent que ces cinq catégories soient toujours représentées au cours des séances. Compte tenu des difficultés pour les membres de la commission d’assister à toutes les séances en raison de leurs occupations professionnelles, il est important que chaque commissaire titulaire puisse se faire représenter par un suppléant.
Une modification de la loi ou un décret d’application devrait intervenir en ce sens.
2° La préparation des travaux.
Les commissaires établissent eux-mêmes les rapports destinés à préparer des conclusions de la commission.
Cette tâche est très lourde eu égard aux occupations professionnelles de chacun. La préparation des rapports nécessite en effet des recherches, des études et également des charges importantes de secrétariat.
Pour permettre à la commission d’analyser un plus grand nombre de contrats et de procéder à davantage d’études, des améliorations pourraient être apportées :
a) Nomination de rapporteurs extérieurs à la commission en tant qu’adjoints des rapporteurs membres de la commission.
Il a été demandé aux services de la direction générale de la concurrence et de la consommation par leur administration centrale de recueillir un certain nombre de conventions diffusées auprès des consommateurs et de constituer des études préliminaires dans différents secteurs d’activité.
La commission a accueilli cette information avec satisfaction; toutefois, il lui paraît que cette procédure ne peut être exclusive de celle consistant à nommer des rapporteurs extérieurs à la commission en tant qu’adjoints des rapporteurs désignés en son sein.
Ces rapporteurs adjoints pourraient être soit des fonctionnaires, soit des non-fonctionnaires.
b) Assistance l’un personnel permanent plus important.
La commission est actuellement assistée par deux fonctionnaires de la direction générale de la concurrence et de la consommation. Cet effectif paraît insuffisant pour réaliser avec l’efficacité voulue les nombreuses tâches matérielles nécessitées par son fonctionnement ainsi que la préparation des séances.
c) Des moyens budgétaires doivent être affectés au fonctionnement de la consommation.
B. Les rapports de la commission des clauses abusives avec l’administration
Créée par la loi, la commission des clauses abusives est instituée auprès du ministre chargé de la consommation.
Ainsi, dans le cadre d’une certaine autonomie, la commission remplit sa mission en relation avec les services de la direction générale de la concurrence et de la consommation.
Aux termes de la loi, les travaux de la commission peuvent être rendus publics par décision du ministre chargé de la consommation, la commission n’ayant à cet égard qu’un pouvoir de conseil. Cela paraît supposer qu’en contrepartie, elle soit régulièrement informée sur les suites données à ses propositions mais également que sa mission de conseil soit le plus souvent possible sollicitée sur les projets touchant à la réglementation des contrats.
1° Les suites données aux travaux de la commission.
Deux recommandations importantes, émises en 1978, ont été publiées au B.O.S.P. du 24 février 1979 :
Celle relative aux contrats de garantie;
Celle concernant les recours en justice.
Grâce à l’écho qu’en a donné la presse et plus particulièrement la presse spécialisée destinée aux professionnels et aux consommateurs, ces recommandations sont maintenant connues par un grand nombre de professionnels et par les militants des organisations de consommateurs.
Une telle expérience paraît devoir être renouvelée pour les autres recommandations émises par la commission des clauses abusives, et pour lesquelles il est regretté qu’aucune publication n’ait été décidée.
Par ailleurs, d’une façon générale, la commission souhaiterait connaître les suites données à ses travaux.
2° Consultation de la commission des clauses abusives sur des projets touchant le domaine de sa compétence.
La Commission avait souhaité dans son précédent rapport être associée dans la mesure du possible à l’élaboration des textes pouvant avoir des incidences sur la rédaction, les conclusions ou l’exécution des contrats passés entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs.
Elle constate et regrette qu’à ce titre elle n’ait jamais été saisie de projet.
3° Création de la fonction de commissaire du Gouvernement.
Cette coopération étroite entre la commission et l’administration paraît devoir être institutionnalisée par la création de la fonction de commissaire du Gouvernement.
Le commissaire du Gouvernement pourrait être un collaborateur du ministre chargé de la consommation. Il pourrait informer officiellement la commission des mesures envisagées en tout point de la politique de la consommation qui pourrait interférer avec les travaux effectués, en cours ou prévus par la commission.
Conclusion
Malgré les moyens dont elle dispose, la commission des clauses abusives a depuis son dernier rapport examiné de nombreux contrats parmi ceux qui touchent le plus les consommateurs dans leur vie quotidienne.
La commission constate que la quasi-totalité de ses études a été adoptée à l’unanimité. Ce consensus ainsi apparu entre les représentants des consommateurs et des professionnels avec l’accord des magistrats, des jurisconsultes et des fonctionnaires démontre qu’il est donc possible de supprimer de nombreuses clauses abusives dans les contrats habituellement proposés aux consommateurs.
La commission regrette d’autant plus que ce consensus ne soit pas encore suffisamment passé dans les faits. Elle espère pouvoir prochainement constater une réelle amélioration au niveau des pratiques contractuelles.