Rapport d’activité pour l’année 1995
(BOCCRF du 6/07/96)
Introduction
Le présent rapport d’activité de la Commission des clauses abusives est établi en application des dispositions de l’article L. 132-5 du code de la consommation.
Le rapport a été adopté par la commission au cours de sa séance du 24 mai 1996.
Les missions
La commission est placée auprès du ministre chargé de la consommation.
Elle est consultée sur les projets de décrets qui peuvent lui être transmis par le ministre chargé de la consommation et dont l’objet est d’interdire, de limiter ou de réglementer certaines clauses considérées comme abusives (art. L. 132-1 du code de la consommation).
Elle recherche dans les modèles de contrats habituellement proposés par les professionnels aux non-professionnels ou consommateurs les clauses qui peuvent présenter un caractère abusif (art. L. 132-2) ; elle émet des recommandations éventuellement rendues publiques tendant à obtenir leur suppression ou leur modification. Le ministre chargé de la consommation décide de la publication des recommandations émises (art. L. 132-4).
Elle peut être saisie pour avis par le juge (décret n° 93-314 du 10 mars 1993).
La commission propose dans son rapport annuel les modifications législatives ou réglementaires qui lui paraissent souhaitables.
La composition de la commission a été fixée par arrêtés des 16 juin 1993, 25 novembre 1993 et 7 septembre 1994 (cf. annexe I).
Chapitre1er : Bilan des travaux de la commission en 1995
En 1995, la commission s’est réunie dix fois en séance plénière et deux fois en séance restreinte (audition des professionnels intéressés lors d’un projet de recommandation, examen des saisines,…).
A. – Les saisines et demandes d’avis
Conformément à l’article L. 132-3 du code de la consommation, la commission peut être saisie :
- par le ministre chargé de la consommation ;
- par les associations agréées de défense des consommateurs ;
- par les professionnels intéressés.
Elle peut également se saisir d’office.
Par ailleurs, lorsque à l’occasion d’une instance est soulevé le caractère abusif d’une clause contractuelle, le juge peut demander à la commission son avis sur le caractère abusif de cette clause.
1. Les saisines
a) Origine :
Au cours de l’année 1995, trente-cinq saisines recevables au sens de l’article L. 132-3 ont été enregistrées. Elles ont pour origine :
- les associations de consommateurs : dix ;
- le ministre et ses services : deux.
Par ailleurs, la commission a reçu d’autres demandes de personnes ou d’organismes non habilités par la loi à saisir la commission : particuliers (dix), professionnels dans le cadre d’un litige (onze), organisations de consommateurs non agréées (deux).
b) Objet :
Les principales questions abordées ont concerné :
- les contrats de syndic de copropriété ;
- les contrats de location de véhicules automobiles ;
- les conditions générales de dépôt-vente ;
- les contrats d’abonnement au câble ;
- les contrats d’assurance complémentaire à un contrat de crédit immobilier.
2. Les demandes d’avis des tribunaux
En 1995, la commission a été saisie trois fois pour avis. Les trois saisines entraient dans le champ de compétence de la commission (cf. annexe II).
A la date d’adoption de ce rapport d’activité, deux décisions judiciaires ont été rendues :
jugement du tribunal d’instance de Lagny-sur-Marne du 25 septembre 1995, époux Veyre c/sociétés Livre au quotidien, et Press labo (avis de la commission en date du 7 avril 1995) ;
jugement du tribunal d’instance de Saint-Étienne du 19 mars 1996, M. André Plasse c/Caisse d’épargne de Saint-Étienne (avis de la commission en date du 16 juin 1995).
B. Les recommandations adoptées en 1995
En 1995, la commission a adopté trois nouvelles recommandations après audition des professionnels intéressés. Elles concernent (cf. annexe III) :
- les contrats d’abonnement autoroutier ;
- les contrats proposés par les éditeurs ou distributeurs de logiciels ou progiciels destinés à l’utilisation sur micro-ordinateurs ;
- les contrats proposés par les syndics de copropriété.
Elles ont toutes été publiées au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (B.O.C.C.R.F.).
a) Recommandation n° 95-01 concernant les contrats d’abonnement autoroutier (B.O.C.C.R.F. du 18 mai 1995) ; elle a été adoptée le 17 mars 1995 sur le rapport de M. Dominique Ponsot. Les sociétés concessionnaires sont invitées à supprimer ou modifier certaines clauses, ainsi notamment celles qui ont pour objet ou pour effet de :
- réserver à la société concessionnaire la faculté de retirer à tout moment la carte à l’abonné, lorsque cette faculté n’est soumise à aucun motif légitime et adapté ;
- prévoir un délai de réclamation sur les éléments de la facture en laissant croire que tout recours contentieux serait enfermé dans le même délai ;
- soumettre la faculté de résiliation du contrat à des conditions plus strictes pour l’abonné que pour la société ; il en va ainsi des conditions de délai par exemple.
b) Recommandation n° 95-02 concernant les contrats proposés par les éditeurs ou distributeurs de logiciels ou progiciels destinés à l’utilisation sur micro-ordinateurs (B.O.C.C.R.F. du 25 août 1995).
Adoptée le 7 avril 1995 sur le rapport de M. Jean-Pierre Looten, la recommandation prend en compte la diversité des corps professionnels intervenant dans ce secteur : éditeurs de logiciels, constructeurs de matériel, accessoirement éditeurs, distributeurs.
L’étude, initialement ciblée sur les logiciels a été étendue aux progiciels, qui, représentant une sous-catégorie de logiciels, sont soumis au même traitement juridique que ces derniers.
Les principales clauses dont la commission recommande la suppression sont les suivantes :
- les clauses qui rendent inopposables à leur auteur les publicités et autres communications faites par les distributeurs de logiciels ;
- les clauses qui exonèrent le professionnel de son obligation de conseil ;
- les clauses qui excluent toute garantie du professionnel afférente au logiciel, à son support et l’exonèrent de toutes les conséquences des défauts de la documentation fournie lors de la mise à disposition du logiciel ;
- la combinaison de stipulations qui excluent toute garantie avec des clauses limitatives de garantie ;
- les clauses qui exonèrent le professionnel de toute responsabilité du fait des conséquences dommageables de l’utilisation des logiciels qu’il commercialise ;
- les clauses qui mentionnent une date de livraison ou d’exécution indicative ;
- les clauses qui reconnaissent directement ou indirectement au professionnel un droit de résiliation unilatéral ne reposant pas sur un manquement grave au contrat.
c) Recommandation n° 96-01 concernant les contrats proposés par les syndics de copropriété (B.O.C.C.R.F. du 24 janvier 1996).
Adoptée le 17 novembre 1995 sur le rapport de Mme Jacqueline Lucas et de M. Yves Rouquet, cette recommandation fait suite à une enquête diligentée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;
Dans sa recommandation, la commission demande aux syndics d’éliminer de leurs contrats les clauses leur permettant de :
- démissionner sans que le syndicat des copropriétaires dispose de la possibilité de résilier le contrat de syndic ;
- prévoir une reconduction automatique du contrat à la fin du mandat et le maintien en fonction du syndic au-delà de trois ans sans vote de l’assemblée générale ;
- ne pas respecter la liberté de choix voulue par le législateur concernant l’ouverture ou non d’un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat, en présentant comme obligatoire ou interdite par la loi l’ouverture d’un compte unique ;
- ne pas faire bénéficier le syndicat des copropriétaires des fruits et produits financiers des sommes placées sur un compte séparé ;
- ne pas établir précisément ce qui relève de la gestion courante et des prestations particulières ou d’utiliser une rubrique » divers » pour multiplier abusivement le nombre des prestations particulières ;
- mettre à la charge du syndicat, en cas de non-renouvellement ou de résiliation du contrat de syndic, une indemnité forfaitaire ne correspondant pas à une prestation effective ;
- mettre à la charge du copropriétaire défaillant la rémunération du syndic à l’occasion des frais de relance et de recouvrement ;
- prévoir une clause de révision dont les paramètres ne sont pas suffisamment explicites ;
- déroger aux règles légales de compétence territoriale ou d’attribution.
Chapitre 2 : Suivi des travaux de la commission
1. Enquêtes de suivi des recommandations de la Commission des clauses abusives par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
En 1995, les services déconcentrés de la D.G.C.C.R.F. ont diligenté des enquêtes dans des secteurs ayant fait l’objet de recommandations de la commission des clauses abusives. Au-delà de l’application des textes législatifs ou réglementaires dont ils ont la charge, ils ont vérifié le suivi de ces recommandations.
Les séjours linguistiques : des clauses jugées abusives par la commission existent encore dans les contrats proposés par une quinzaine d’organisateurs de voyages et séjours linguistiques.
A l’issue de ces contrôles, les professionnels concernés ont reçu des courriers leur demandant de se mettre en conformité avec la réglementation et de modifier leurs contrats. Tous les professionnels se sont engagés en ce sens.
Les garanties contractuelles des véhicules d’occasion : l’existence de clauses déclarées abusives par la commission a conduit les enquêteurs à rappeler aux professionnels le contenu de la recommandation n° 94-05 relative aux bons de commande et aux contrats de garantie des véhicules d’occasion.
Les contrats d’assurance complémentaire à un contrat de crédit : l’enquête avait pour objet le suivi de la recommandation n° 90-01 de la commission relative à ce secteur.
Les enquêteurs ont encore relevé de nombreuses clauses abusives dans les contrats, ainsi qu’une présentation confuse des garanties et des exclusions ; faute de regrouper les clauses de même objet ou de même nature, le consommateur perçoit mal l’étendue et les limites de ses droits.
Par ailleurs, compte tenu des nombreuses plaintes enregistrées en 1994 dans le secteur des locations saisonnières, la D.G.C.C.R.F. a réuni avant l’été tous les partenaires concernés par l’opération interministérielle vacances (O.I.V.) 1995.
Au cours de cette rencontre, la D.G.C.C.R.F. a rappelé le contenu de la recommandation n° 94-04 relative aux locations saisonnières.
La D.G.C.C.R.F.. procède en outre à des actions de communication concernant les recommandations adoptées, en particulier sous la forme de communiqués de presse et d’entretiens avec les journalistes et parfois d’émissions de télévision » Info conso » (sur M 6).
2. Groupe de travail du Conseil national de la consommation
Lors de la publication de la recommandation de la Commission des clauses abusives concernant les contrats de syndics de copropriété, le ministre a décidé de constituer un groupe de travail du Conseil national de la consommation, dont la mission sera de faire des propositions précises en vue de réglementer le contenu des contrats. Ce groupe devra également définir les moyens d’assurer pour les copropriétaires une plus grande transparence dans les relations entre les syndics et les entreprises réalisant des travaux ou services pour la copropriété.
Chapitre 3 : Actualité de la commission
1. Travaux en cours
La commission va adopter prochainement les recommandations concernant :
- les contrats de location de véhicules ;
- les contrats de télésurveillance ;
- les contrats de révélation de succession proposés par les généalogistes.
2. Nouvelles études
Le mandat de la commission en sa formation actuelle s’achève en juin 1996 (cf. arrêté du 16 juin 1993 portant nomination à la Commission des clauses abusives).
A la rentrée 1996, les nouveaux membres auront notamment comme sujets de réflexion les contrats de maintenance des immeubles, les contrats d’abonnement au câble et les contrats de distribution d’eau.
Les services déconcentrés de la D.G.C.C.R.F. qui collectent les contrats à l’origine des recommandations ont aussi transmis à la commission les contrats concernant les dépôts-ventes et les clubs de sport à caractère lucratif.
Annexes
Annexe 1
Arrêté du 16 juin 1993 portant nomination à la Commission des clauses abusives
Par arrêté du ministre de l’économie en date du 16 juin 1993 :
Sont nommés membres titulaires de la Commission des clauses abusives :
- M. Chartier (Yves), président, conseiller à la Cour de cassation ;
- Mme Feydeau (Marie-Thérèse), vice-président, vice-président du tribunal de grande instance de Paris ;
- M. Bouquin (Jean-Paul), délégué général du Conseil national du commerce ;
- M. Brasseur (Christian), Union fédérale des consommateurs ;
- Mme Bricchi (Françoise), magistrat au bureau du droit civil général au ministère de la justice ;
- Mme Crespel (Véronique), Fédération des familles de France ;
- M. Frybourg (Pierre), membre du bureau de l’Union nationale de la petite et moyenne industrie ;
- M. Leveneur (Laurent), professeur de droit à l’université Paris-II ;
- M. Paisant (Gilles), professeur de droit à l’université de Savoie ;
- Mme Meallet (Claude-Hélène), Confédération générale du logement ;
- M. Peinoit (Jean-Pierre), Fédération nationale des associations familles rurales ;
- M. Ricatte (Jean), chef du service des affaires juridiques à la Fédération des industries électriques et électroniques ;
- M. Rive (Claude), conseiler de la direction générale de l’Union des assurances de Paris.
Sont nommés membres suppléants de la Commission des clauses abusives :
- M. Bailhache (Christian), association Force ouvrière consommateurs ;
- M. Bouaziz (Pierre), avocat au barreau de Paris ;
- Mme Chadelat (Catherine), magistrat, chef du bureau du droit civil général au ministère de la justice ;
- Mme Foucher (Patricia), Union féminine civique et sociale ;
- Mme Idot (Laurence), professeur de droit à l’université Paris-V ;
- M. Laurent (Gérard), président de la Société nouvelle – Deschamps ;
- Mme Lucas (Jacqueline), Confédération syndicale du cadre de vie ;
- Mme Moureix (Nicole), conseiller à la cour administrative d’appel de Paris ;
- M. Perreau (Hubert), directeur des affaires législatives et fiscales au comité des constructeurs français d’automobiles ;
- Mme Poirier (Marie), Organisation des consommateurs ;
- M. Sarton (Alain), secrétaire général adjoint de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises ;
- M. Siouffi (Bernard), délégué général du syndicat des entreprises de vente par correspondance et à distance.
Les personnes citées ci-dessus sont nommées pour une durée de trois ans.
Mme Kerninon (Martine), inspecteur à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, est nommée secrétaire générale de la commission.
Arrêté du 25 novembre 1993 portant nomination à la Commission des clauses abusives
Par arrêté du ministre de l’économie en date du 25 novembre 1993, M. Avril (Eric), association Force ouvrière consommateurs, est nommé membre suppléant de la Commission des clauses abusives, en remplacement de M. Bailhache (Christian).
Arrêté du 7 septembre 1994 portant nomination à la Commission des clauses abusives
Par arrêté du ministre de l’économie en date du 7 septembre 1994 :
M. Siouffi (Bernard), délégué général du syndicat des entreprises de vente par correspondance et à distance, est nommé membre titulaire de la Commission des clauses abusives, en remplacement de M. Bouquin (Jean-Paul) ;
M. Drot (Bernard), directeur adjoint au Cetelem, est nommé membre suppléant de la Commission des clauses abusives, en remplacement de M. Siouffi (Bernard).
Annexe 2
Annexe 4
Cour de cassation
1re chambre civile, 24 janvier 1995, société Héliogravure Jean Didier c/E.D.F., recueil Dalloz Sirey 1995, jurisprudence 327 note Gilles Paisant, recueil Dalloz Sirey 1995 sommaires commentés 229 Obs Philippe Delebecque, contrats concurrence consommation 1995 note Laurent Leveneur, clauses abusives, protection des consommateurs, champ d’application, professionnel, contrat de fourniture électricité, exclusion.
1re chambre civile, 31 janvier 1995, époux Roblin c/société Pigier, enseignement privé, clause abusive, domaine d’application, résiliation, indemnités mises à la charge du consommateur.
1re chambre civile, 21 février 1995, Belhaj c/société Valem Aucar, juris-classeur périodique 1995, édition générale II, 22502 note Gilles Paisant, location d’un véhicule par un commerçant pour les besoins de son commerce, clauses abusives, champ d’application (non).
1re chambre civile, 30 janvier 1996, société Crédit de l’Est c/société André Bernis » latitude 5 » et M. J.-C. Bouffard, liquidateur de la liquidation judiciaire des sociétés C.M.S. et Crésus, clauses abusives, champ d’application, professionnel, rapport direct avec l’activité professionnelle, exclusion.
Cour d’appel
Paris, 8e chambre, 2 mai 1995, Mme Bertail c/B.N.P., carte de paiement avec code confidentiel, clause conférant à son usage une valeur probante, clause abusive (non).
Aix-en-Provence, 11e chambre, 20 septembre 1995, M. Abikhzer c/société Marsedis et centre commercial E. Leclerc, pellicules photographiques, perte, clause de limitation de responsabilité, clause abusive (oui).
Toulouse, 2e chambre, 6 décembre 1995, comptoir général d’ameublement Teisseire International (S.A.R.L.) c/U.F.C., contrat de commercialisation et d’installation de cuisines, clauses abusives (oui).
Tribunal de grande instance
Rennes, 1re chambre civile, 5 février 1996, A.F.O.C. c/M. Jacques Viot (entreprise Frac), bon de garantie, commercialisation de remorques, clauses abusives (oui), suppression sous astreinte (oui).
Paris, 1re chambre, 1er mars 1995, Fédération des familles de France c/U.A.P. S.A., contrats d’assurances perte d’emploi complémentaires aux contrats de prêts immobiliers, clauses abusives (non).
Paris, 1re chambre, 1er mars 1995, Fédération des familles de France c/G.A.N.Vie et S.N.V.B., contrat d’assurance complémentaire à un contrat de prêt à la consommation, clauses abusives (oui).
Paris, 1re chambre, 18 octobre 1995, Fédération des familles de France c/Comptoir des entrepreneurs S.A. et l’U.A.P., contrat d’assurance groupe complémentaire à un contrat de prêt, clause abusive (oui), suppression sous astreinte (oui).