(BOCCRF du 09/05/08)
INTRODUCTION
Le présent rapport d’activité de la Commission des clauses abusives est établi en application des dispositions de l’article L 132-5 du code de la consommation.
Le rapport a été adopté par la Commission au cours de sa séance du 21 février 2008.
Au cours de l’année 2007, la Commission des clauses abusives a plus particulièrement consacré ses travaux à l’examen des contrats de vente mobilière conclus par Internet, des contrats relatifs aux services groupés de l’Internet, du téléphone et de la télévision (triple play), des contrats de fournitures de voyages par Internet, des contrats proposés par les établissements hébergeant les personnes âgées, ainsi que des contrats proposés en matière d’aménagement de la maison et de transports terrestres de voyageurs.
Elle a ainsi porté son attention sur des secteurs d’activité importants, qui connaissent une expansion considérable et nécessitent une vigilance en ce qui concerne la protection des consommateurs. Il ne s’agit pas de stigmatiser les professionnels de ces secteurs, mais, la nécessité de s’adapter rapidement à l’évolution considérable des demandes à satisfaire ainsi qu’à l’évolution du cadre juridique applicable et des technologies utilisables, la nouveauté des prestations proposées ou attendues dont il convient de définir les conditions, et l’état de « dépendance » des « consommateurs » induisent une complexité et une « sensibilité » des relations contractuelles dont il y a lieu de s’assurer des modalités de conclusion.
L’examen des contrats proposés dans ces domaines a notamment permis de mesurer la fragilité de la liberté contractuelle et la difficulté de préserver l’intégrité du consentement dans un contexte où, l’engouement ou la situation du consommateur peut le rendre dépendant du « pouvoir contractuel » du professionnel. Tout particulièrement dans le domaine des fournisseurs d’accès à Internet ou des prestataires utilisant cette technologie, il a pu être constaté la tendance récurrente des professionnels à conserver la maîtrise de la formation et de l’économie du contrat et à apporter des limitations à leurs responsabilités, renforçant ainsi le caractère de contrats d’adhésion des conventions. Il a pu de même être observé la part croissante du caractère illicite des clauses dont la suppression est recommandée, au regard des textes applicables au domaine d’activité considéré, ceci peut-être en raison de la profusion réglementaire.
Dans le prolongement de sa réflexion qui lui avait déjà donné l’occasion, en 2006, de préciser ses méthodes de travail lors de la refonte du « vade mecum » du rapporteur, la CCA est conduite à souhaiter un renforcement du concours de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Ainsi, il y aurait sans doute avantage à prévoir une remontée plus systématique des constatations des directions départementales afin, après exploitation au niveau central, d’informer en temps réel la commission sur les domaines d’activités qui, en ce qui concerne les contrats proposés par les professionnels, suscitent les doléances des consommateurs, les interrogations des organisations professionnelles ou les doutes de l’administration, et ce d’autant que les directions départementales disposent désormais de pouvoirs d’injonction à l’égard des professionnels et de saisine des juridictions. En outre, pour améliorer les pratiques déjà existantes, en cas de saisine de la Commission, la transmission des contrats soumis à son examen devrait plus systématiquement comporter, avec les motifs de saisine, l’indication des structures ou instances représentatives de la profession concernée et la liste des principaux professionnels du secteur d’activité, avec une description du contexte socio-économique de cette activité et le cadre juridique complet régissant celle-ci.
Soucieuse de sa parfaite information, la Commission procède à l’audition des professionnels de la branche ou du secteur d’activité concerné qui ont été préalablement rendus destinataires du rapport établi par le rapporteur chargé d’examiner les contrats proposés aux consommateurs et adopté par la commission. Là encore, les constatations de la Commission l’incitent à attirer l’attention sur l’opportunité que les représentants des professionnels soient des juristes connaissant les pratiques qui président à la conclusion des contrats avec les particuliers. Il importe, en effet, que la Commission soit informée ou sensibilisée quant au contexte réel dans lequel se nouent les relations contractuelles puisque l’appréciation d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties s’opère, notamment, au regard des circonstances qui entourent la conclusion des conventions.
Les travaux ci-dessus évoqués ont permis à la Commission de consacrer la doctrine qui est la sienne, relative à l’appréciation du caractère abusif des clauses.
A l’évidence, cette appréciation procède d’une approche résolument pragmatique et non pas dogmatique. Bien que son activité soit orientée vers la protection du consommateur, sa création répond à un souci d’intérêt général et sa composition pluraliste la prévient du risque de militantisme. Sa démarche se veut empreinte de pertinence juridique et, en cela, elle contribue à la mise en œuvre du droit positif et à la conciliation de dispositions législatives ou réglementaires en considération desquelles elle doit analyser l’éventuel caractère abusif d’une stipulation, étant d’ailleurs observé que la complexité et la multiplicité des textes lui donnent un plus large pouvoir d’interprétation. Ainsi, à l’occasion de l’examen des contrats proposés pour la vente de voyages par Internet, elle s’est efforcée, après s’être interrogée sur la qualité, parfois imprécise, en laquelle agissaient les professionnels du secteur, d’assurer la combinaison des textes régissant les voyages à forfait et la législation applicable aux contrats à distance. Ce travail a d’ailleurs conduit la Commission à proposer d’étendre le champ d’application des dispositions relatives aux voyages à forfait aux « vols secs ».
Cependant, l’appréciation d’un déséquilibre significatif implique aussi la prise en considération de la dimension psychologique et sociologique des rapports contractuels. Celle-ci conduit donc la Commission à s’interroger sur le potentiel de déséquilibre ou sur les virtualités inégalitaires des clauses, compte tenu de la perception que peuvent en avoir les consommateurs. Cette démarche la conduit donc à ne pas se borner à une lecture « savante » ou exclusivement juridique des contrats pour retenir une acception idéalisée du mot, de l’expression ou de la phrase, mais à s’efforcer de replacer la clause examinée dans son contexte et d’en évaluer l’effet sur le consommateur moyen. C’est donc à une démarche essentiellement interprétative, guidée par l’équité, à laquelle se livre la Commission conduite à stigmatiser les clauses en raison du sens ou de la portée que ce consommateur moyen pourra être amené à leur donner. On peut donc admettre une part de subjectivité dans l’approche, largement pondérée, toutefois, par les diverses sensibilités qui s’expriment au sein de la Commission. Telle est la compréhension qu’il faut avoir lorsque la Commission recommande, de manière qui peut apparaître audacieuse, la suppression d’une clause qui a pour objet ou pour effet de « laisser croire » au consommateur à une conséquence inexacte de son engagement, l’induisant en erreur sur la portée réelle des droits et obligations respectifs nés du contrat. Ainsi en est-il de la stipulation de « l’acceptation sans réserve » de conditions générales, considérée comme abusive en ce qu’elle peut avoir pour effet de laisser croire au consommateur à l’impossibilité de toute contestation ultérieure. Il peut en aller de même en ce qui concerne la tendance à relever le caractère abusif d’une clause dont est constatée la rédaction illisible, en la forme.
Pour autant, la commission sait se garder de la tentation de l’assistanat qui ne laisse aucune place à la responsabilité ou à la maturité du consommateur. Elle s’emploie, en prenant en compte les données humaines et sociales, avec un souci de réalisme et de sécurité juridique, à donner une vérité à la notion d’équilibre contractuel. Reconnaissance est d’ailleurs faite de sa démarche par la jurisprudence qui, sans conférer à ses recommandations une valeur normative, tend cependant à s’y référer. De même, le législateur a eu l’occasion de s’inspirer également de certaines recommandations, en dernier lieu en ce qui concerne l’assurance de protection juridique.
Il reste que l’efficacité de ses recommandations serait accrue si la Commission était en mesure d’en médiatiser la publication, au-delà de son site Internet, et d’en vérifier le suivi. A cet égard, toute initiative en ce sens ne pourrait qu’être bénéfique.
Puisqu’un rapport d’activité est l’occasion, à la fois, de dresser un bilan de l’action passée et de se projeter vers l’action future, la Commission formule le souhait que l’année de son trentième anniversaire lui permette de répondre mieux encore aux attentes des consommateurs et professionnels concernés, la conforte dans son rôle éminent de sauvegarde de l’équilibre contractuel entre les uns et les autres, et contribue à mettre toujours plus au centre de la relation de consommation sa caractéristique humaine.
CHAPITRE I : Présentation générale
Les missions
La Commission est placée auprès du Ministre chargé de la consommation.
Elle recherche, dans les modèles de contrats habituellement proposés par les professionnels aux non-professionnels ou consommateurs, les clauses qui peuvent présenter un caractère abusif (art L. 132-2) ; elle émet des recommandations tendant à obtenir leur suppression ou leur modification. Le Ministre chargé de la consommation décide de la publication des recommandations émises (art. L 132-4).
Elle est consultée sur les projets de décrets qui lui sont transmis par le Ministre chargé de la consommation et dont l’objet est d’interdire, de limiter ou de réglementer certaines clauses considérées comme abusives (art. L 132-1 du code de la consommation).
Conformément à l’article L 132-3 du code de la consommation, la Commission peut être saisie :
- par le Ministre chargé de la consommation ;
- par les associations agréées de défense des consommateurs ;
- par les professionnels intéressés.
La Commission peut également se saisir d’office.
Elle peut être saisie pour avis par le juge lorsque, à l’occasion d’une instance, le caractère abusif d’une clause est soulevé (art R 132-6). Dans ce cas, la Commission doit faire connaître son avis dans un délai maximum de trois mois à compter de sa saisine.
En outre, la Commission peut être saisie sur un projet de décret par le Ministre chargé de la consommation.
Enfin, la Commission peut proposer, dans son rapport annuel, les modifications législatives ou réglementaires qui lui paraissent souhaitables.
Les modalités de fonctionnement
La Commission a la faculté de se réunir en formation plénière ou en formation restreinte.
Lorsqu’elle est saisie, ou de sa propre initiative, la Commission peut demander à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de procéder à la collecte des modèles de contrats proposés dans un secteur économique déterminé. Ces contrats sont ensuite remis au rapporteur désigné par la Commission.
La Commission, en formation plénière, examine le pré-rapport établi par le rapporteur.
Le texte adopté est ensuite communiqué aux professionnels du secteur intéressé qui sont invités à présenter leurs observations à la Commission, réunie en formation restreinte, en présence du rapporteur.
A la suite de cette audition, le rapporteur élabore un projet de recommandation. Ce projet est soumis à la Commission en formation plénière. Celle-ci arrête le texte définitif.
La recommandation adoptée est alors transmise au Ministre chargé de la consommation en vue de sa publication.
CHAPITRE II : Bilan des travaux de la Commission en 2007
En 2007, la Commission s’est réunie 14 fois :
- Le 25 janvier, séance plénière : audition des professionnels sur le rapport de M. VIGNEAU (contrats de vente mobilière conclus par Internet) ;
- Le 19 janvier, séance plénière : projet d’avis rédigé par Mme GAULTIER POMMERY sur une saisine du juge de proximité de Béziers et projet de recommandation établi par M. PAISANT sur les contrats proposant aux consommateurs les services groupés du téléphone, d’Internet et de la télévision ;
- le 15 février, séance plénière : audition des professionnels sur le rapport de Mme PETIT-MACUR relatif à la fourniture de voyages par Internet ;
- le 15 février, séance plénière : projet de recommandation établi par M. PAISANT sur les contrats proposant aux consommateurs les services groupés d’Internet, du téléphone et de la télévision ;
- le 22 mars, séance plénière : rapport préliminaire établi par Mme CABRILLAC sur les contrats d’entretien des ascenseurs et projet de recommandation de M. VIGNEAU sur les contrats de vente mobilière conclus par Internet ;
- le 26 avril, séance plénière : projet de recommandation rédigé par M. VIGNEAU sur les contrats de vente mobilière conclus par Internet ;
- le 24 mai, séance plénière : projet d’avis établi par Mme ROBERT-NICOUD sur une demande du tribunal d’instance de Mirande et projet de recommandation relative aux contrats de vente mobilière conclus par Internet établi par M. VIGNEAU ;
- le 21 juin, séance plénière : projet d’avis établi par Mme ROBERT-NICOUD sur une demande du juge de proximité de Mirande et rapport d’activité pour 2006 ;
- le 20 septembre, séance plénière : audition des professionnels sur le rapport de Mme SOLAL relatif aux contrats de transports terrestres de voyageurs ;
- le20 septembre, séance plénière : projet de recommandation rédigé par Mme PETIT-MACUR sur la fourniture de voyages par Internet ;
- le 25 octobre, séance plénière : projet de recommandation rédigé par Mme PETIT-MACUR sur la fourniture de voyages par Internet ;
- le 22 novembre, séance plénière : adoption de recommandation préparé par Mme PETIT-MACUR sur les contrats de fourniture de voyages par Internet ;
- le 13 décembre, séance plénière : projet de recommandation rédigé par M. DELBANO sur contrats proposés par des établissements hébergeant des personnes âgées ;
- le 13 décembre, séance plénière : adoption du projet de recommandation préparé par M. DELBANO sur contrats proposés par des établissements hébergeant des personnes âgées.
A – Les recommandations.
Au cours de l’année 2007, deux recommandations ont été publiées. Elles concernent les services groupés de l’Internet, du téléphone et de la télévision (« triple play ») et les contrats de vente mobilière conclus par Internet.
Les services groupés de l’Internet, du téléphone et de la télévision (« triple play »)
Constatant les importants progrès technologiques qui permettent à un même opérateur d’offrir aux consommateurs, par un même contrat, les services groupés de l’Internet haut débit, du téléphone et de la télévision, et prenant acte de l’engouement des consommateurs pour ces nouvelles offres, la Commission a examiné les contrats offrant des services groupés de l’Internet, du téléphone et de la télévision (offres aussi appelées « triple play »).
Voici quelques-unes des clauses qui ont été considérées abusives. Elles ont pour objet ou pour effet :
- de dispenser le professionnel de son obligation d’information et de conseil relativement à la compatibilité et à l’installation des équipements permettant l’accès du consommateur aux services à lui proposés ;
- d’exonérer le professionnel de sa responsabilité dans tous les cas d’impossibilité d’accès du consommateur aux services proposés ; – de permettre au professionnel de modifier unilatéralement les conditions techniques et financières de la fourniture du service au consommateur sans prévoir la possibilité pour ce dernier de résilier le contrat sans pénalité ;
- de réserver au professionnel la faculté de modifier de manière discrétionnaire le contenu du service offert au consommateur, en contravention avec les dispositions de l’article L 121-84 du code de la consommation ;
- de limiter à une simple obligation de moyens l’obligation de fourniture d’accès du professionnel ;
- de soumettre le droit à réparation du consommateur au caractère prolongé du manquement du professionnel à ses obligations ou de limiter cette réparation à un montant dérisoire.
Les contrats de vente mobilière conclus par Internet
L’importance et la croissance rapide de ce marché justifient une protection attentive du consommateur, c’est pourquoi les dix sept clauses figurant dans la recommandation ont été considérées comme susceptibles de porter gravement atteinte aux intérêts des particuliers qui contractent avec les opérateurs concernés et, partant, abusives.
Voici quelques-unes des clauses qui ont été considérées abusives. Elles ont pour objet ou pour effet :
- de laisser croire au consommateur que lui seraient opposables des modifications unilatérales des conditions générales intervenues postérieurement à la conclusion du contrat ;
- de dispenser le professionnel de son obligation de livraison du bien alors qu’il est par ailleurs prévu que le vendeur ne pourra en aucun cas voir sa responsabilité engagée de ce chef ;
- de conférer au professionnel le droit de modifier unilatéralement le prix ou d’ajouter unilatéralement le coût d’une livraison qui n’a pas été contractuellement fixé ;
- d’exonérer le vendeur de son obligation de délivrance conforme ;
- d’établir une confusion entre les garanties légale et conventionnelle, laissant croire que le jeu de la garantie légale serait subordonné aux conditions du contrat.
B – Les demandes d’avis.
1 – Les demandes émanant de particuliers
En 2007, le secrétariat général de la Commission a adressé 287 réponses à des courriers individuels qui sollicitaient soit des renseignements sur les clauses abusives, soit une intervention de la Commission dans le cadre d’un litige. La plupart des demandes émanaient de consommateurs, d’autres d’associations de consommateurs agréées ou de professionnels (une dizaine dans chaque cas).
Les réponses apportées consistaient à rappeler les règles de saisine de la Commission et à préciser que le rôle de la Commission est d’examiner l’ensemble des contrats d’un secteur professionnel afin d’émettre des recommandations qui recensent les clauses abusives relevées dans un nombre représentatif de contrats collectés. A ce titre, la loi ne donnant pas à la Commission le pouvoir de régler des situations individuelles, il n’est pas possible à son secrétariat général d’intervenir dans un litige.
Le cas échéant, la réponse est complétée par le texte de la recommandation ou de l’avis ad hoc et enrichie de références jurisprudentielles extraites de la base du site www.clauses-abusives.fr.
Il convient de remarquer que durant les mois de septembre, octobre et novembre, la Commission a reçu 82 courriers de consommateurs qui se répartissaient en 65 courriels (80%) et 17 « courriers papier » (20%).
Ces saisines permettent à la Commission d’orienter ses travaux en fonction des questions qui lui sont soumises par les organismes habilités et par les consommateurs qui lui font part des difficultés qu’ils rencontrent dans l’exécution des contrats qu’ils ont signés. Même si la loi ne permet pas à la Commission de rendre un avis sur un contrat particulier, elle peut, saisie d’une ou de plusieurs clauses litigieuses, étendre son étude à l’ensemble des contrats du secteur professionnel concerné et émettre une recommandation qui recense les clauses abusives ainsi relevées.
2 – Les demandes d’avis des juridictions
En 2007, la Commission a rendu deux avis sur saisines de juridictions.
La saisine concerne deux clauses d’un contrat de déménagement. La première clause stipule que les réserves doivent être formulées dans les trois jours qui suivent la livraison. La Commission a considéré que cette clause est abusive dès lors que des dommages ou dégradations peuvent, selon leur nature ou leur gravité, n’être pas décelables dans un si bref délai et qu’elle comporte ainsi le risque de priver le consommateur d’une réelle possibilité d’agir. La seconde clause stipule une prescription de un an pour les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le déménagement. La Commission a estimé que, compte tenu en l’espèce de la durée de la recherche d’une solution amiable, ce délai d’un an apparaît insuffisant et de nature à priver le consommateur de la possibilité de faire valoir utilement ses droits en justice. Dans son jugement du 23 novembre 2006, la juridiction de proximité de Béziers a estimé que la clause qui fixe à trois jours le délai imparti pour formuler une réclamation est abusive dès lors qu’il est de nature à limiter de façon inappropriée ses droits légaux d’action vis à vis du professionnel en cas d’exécution défectueuse par ce dernier d’une quelconque de ses obligations contractuelles. La juridiction a aussi considéré que la clause qui fixe à un an le délai d’actions pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement n’est pas abusive dès lors qu’elle ne paraît pas de nature à limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel en cas d’exécution défectueuse par ce dernier d’une quelconque de ses obligations contractuelles.
Demande d’avis présentée par le juge de proximité de Mirande par jugement du 5 mars 2007.
Cette demande d’avis concerne la clause de durée (24 mois) d’un contrat de téléphonie mobile. La Commission a considéré que la clause qui fixe à 24 mois la durée initiale du contrat n’est pas abusive dans la mesure où elle prévoit la possibilité de résiliation pour motifs légitimes.
C – Activité du site internet (www.clauses-abusives.fr).
Trafic :
1- Données brutes
Au cours de l’année 2007, la base de jurisprudence du site a été complétée. Ouverte fin décembre 2003, cette rubrique a été alimentée d’une centaine de nouvelles décisions pour regrouper, en fin de l’année, un total de (437) arrêts ou jugements.
Le site a été consulté 1 466 397 fois au cours de l’année 2007.
En données cumulées, l’accroissement du trafic apparaît très significativement :
Cette forte croissance des consultations a eu un impact sur la liste de diffusion du site qui, en enregistrant (180) nouvelles inscriptions, atteignait en fin d’année (1 060) abonnés actifs. Ces abonnés sont destinataires de messages les informant de l’actualité de la Commission (publication des avis, des recommandations et des rapports d’activité, évolutions du site).
Le rôle prépondérant de la boîte aux lettres électronique (commission-des-clauses-abusives@finances.gouv.fr) comme moyen de communication avec la Commission, a été confirmé en 2007. Ainsi, 227 courriels ont-ils été expédiés par la Commission contre 60 courriers « papier » (soit un rapport de 3,8 à 1).
2- Analyse des informations les plus recherchées par les internautes
Au cours de l’année 2007, la rubrique la plus consultée a été la base de jurisprudence (51 % des accès), puis celle des recommandations (36 %), des rapports d’activité (7 %) puis des avis (6 %).
Les recommandations
Les cinq recommandations les plus consultées sont, dans l’ordre, celles relatives :
- à la location avec option d’achat ou promesse de vente de biens de consommation (86-01),
- à la location de locaux à usage d’habitation (00-01),
- aux services groupés de l’Internet, du téléphone et de la télévision (« triple play ») (07-01),
- à la construction de maisons individuelles selon un plan établi à l’avance et proposé par le constructeur (91-03 & 81-02),
- au dépôt-vente (99-01).
La base de jurisprudence
Les décisions les plus téléchargées sont relatives :
- aux comptes de dépôt bancaires ;
- à la téléphonie mobile ;
- à la fourniture de gaz de pétrole liquéfié.
Les rapports d’activité
Les rapports d’activité sont cités 14 fois dans la liste des 100 fichiers les plus couramment téléchargés.
Les avis
Les avis les plus consultés sont ceux relatifs :
- à un contrat de fourniture de gaz (02-02) ;
- à la télévision par câble couplée à un accès Internet (05-05) ;
- à la téléphonie mobile (07-02) ;
- aux conditions de détermination du taux d’incapacité de l’assuré dans un contrat d’assurance (01-01) ;
- à un contrat d’assurance-garantie automobile (06-03) ;
- à un contrat de déménagement (07-01).
D – Proposition de modifications législatives ou réglementaires.
1 – Saisie pour avis d’un projet de décret qui, tendant à parfaire la transposition de la directive européenne n° 2002/65 du 23 septembre 2002, concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, qualifiait abusive au sens du premier alinéa de l’article L. 132-1 la clause ayant pour objet ou pour effet de prévoir qu’incombe au consommateur la charge de la preuve du respect par le fournisseur de tout ou partie des obligations, la Commission a souhaité l’extension de cette interdiction à l’ensemble des contrats de consommation.
Ainsi, dans son rapport d’activité pour 2005, la Commission avait proposé que soit déclarée abusive, dans l’ensemble des contrats de consommation, la clause ayant pour objet ou pour effet de mettre à la charge du consommateur la preuve que le professionnel n’a pas satisfait aux obligations auxquelles il est légalement ou contractuellement tenu.
La Commission renouvelle cette demande.
2 – A l’occasion de l’examen de la recommandation relative aux contrats de fourniture de voyages sur Internet, la Commission a observé que la circonstance que les contrats de fourniture de « vols secs » conclus par Internet ne soient pas soumis à la responsabilité de plein droit instituée par l’article L 211-17 du code du tourisme est de nature à induire en erreur le consommateur sur l’étendue de ses droits.
Afin de clarifier cette situation, la Commission propose d’étendre aux prestations de transport la garantie de plein droit de l’article L 211-17 dans les termes suggérés infra dans les développements relatifs au livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs présenté par la Commission européenne.
E – Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs présenté par la Commission européenne.
Le 8 février 2007, la Commission européenne a présenté un livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs.
Cette révision couvre huit directives dont le but est de protéger les consommateurs. L’objectif affiché de cette révision est d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur des consommateurs, en offrant un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, dans le respect du principe de subsidiarité.
La révision de l’acquis en matière de protection des consommateurs constituera à cet égard une occasion de moderniser les huit directives mentionnées dans l’objectif de les simplifier et de les harmoniser. Surtout, la Commission envisage également de mettre à profit ces travaux pour étendre, si nécessaire, la protection offerte aux consommateurs et passe en revue les huit directives, globalement et individuellement, de manière à repérer les lacunes réglementaires et les imperfections communes ainsi que les problèmes spécifiques à chacune d’entre elles.
Deux des huit directives incluses dans le champ de l’exercice auront vocation à constituer la colonne vertébrale de ce que la Commission appelle dans son livre vert un instrument horizontal, qui sera en réalité une directive cadre nourrie des définitions et principes communs de cette législation communautaire : il s’agit tout d’abord de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ainsi que de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. En effet, de part leur caractère transversal, ces directives ont vocation à régir la plupart des contrats conclus entre professionnels et consommateurs.
La Commission des clauses abusives estime inopportune l’extension du dispositif institué par la directive sur les clauses abusives, transposée en droit interne aux clauses relatives à la définition de l’objet principal du contrat et à l’adéquation du prix.
En second lieu, la Commission des clauses abusives souhaite que soit mise à profit la conjonction de cette révision à venir du droit communautaire de la consommation, qui inclura notamment la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, et de la présidence française de l’Union européenne au cours du second semestre de l’année 2008, pour proposer une clarification des obligations du voyagiste en cas de « vol sec » dans le sens préconisé à la partie précédente, afin d’étendre aux prestations de transport la garantie de plein droit prévue en matière de voyage à forfait.
F – Rencontre internationale.
Entre les 10 et 13 décembre 2007, Mme Jane K. WINN, diplômée de la Harvard Law School, professeur de droit titulaire d’une « professorship » à l’université de l’état de Washington, aux États-Unis, accompagnée de M. Nicolas JONDET, étudiant français préparant une thèse à l’université d’Édimbourg, en Écosse, a rencontré le vice-président de la Commission, deux de ses membres et son secrétaire général.
Le professeur WINN a éclairé ses interlocuteurs sur certains des aspects de la construction et de la mise en oeuvre du droit de la consommation aux États-Unis, en décrivant un contexte où la règle de droit est issue du précédent et non de la norme, où elle varie notablement selon l’État dans lequel on se trouve, où les rapports de force politiques et économiques du moment ont conduit, notamment au travers du choix des juges, désignés par l’exécutif ou bien élus, à une régression des règles protectrices des consommateurs.
Selon le professeur WINN, le fait que les États-Unis se reposent exclusivement sur l’application judiciaire de la notion d’« unconscionability » (ce qui ne peut raisonnablement être cautionné par le juge) et sur les class actions pour lutter contre les clauses abusives, est le reflet d’une culture politique américaine fondée sur l’individualisme et le libéralisme économique. Il semble que le droit de la consommation américain et la protection du consommateur n’aient plus guère évolués depuis près de trente ans.
Il lui est apparu qu’en France, la force d’un État centralisé, la tradition de la codification, une organisation juridictionnelle uniforme, un corps unique de magistrats professionnels et la pratique de la Commission des clauses abusives contribuent au contraire à donner une réelle cohérence aux droits de la consommation et des clauses abusives.
Le professeur WINN estime que les clauses abusives sont un problème commun à toutes les économies de marché et que la France a été pionnière dans ce domaine. Elle a remarqué que le fonctionnement de la Commission des clauses abusives s’apparente à celui des conférences de consensus américaines, par lesquelles, de manière non contraignante, et à défaut de codification, il est tenté, au niveau fédéral, de déterminer un socle juridique commun dans plusieurs domaines d’importance.
Le professeur WINN note enfin que la législation européenne sur les clauses abusives fait plus d’émules dans le monde que le modèle issu de la common law.
G -Travaux en cours.
Au cours de l’année 2007, la Commission a continué l’examen des contrats d’aménagement de la maison et de transports terrestres de voyageurs.
CHAPITRE III : Jurisprudences diverses
Extraites de la base de jurisprudence de son site Internet, deux décisions sont consécutives aux travaux de la Commission.
Conseil d’État, arrêt du 16 janvier 2006 :
A la suite de la recommandation n° 05-02 relative aux conventions de compte de dépôt, un établissement bancaire, dont une des clauses avait fait l’objet d’une recommandation de suppression, a engagé un recours pour excès de pouvoir contre cette recommandation.
Dans un arrêt du 16 janvier 2006, le Conseil d’État a estimé qu’il résulte des articles L 132-1 et L 132-4 du code de la consommation que la commission des clauses abusives, lorsqu’elle émet des recommandations, n’édicte pas des règles qui s’imposeraient aux particuliers ou aux autorités publiques, mais se borne à inviter les professionnels concernés à supprimer ou modifier les clauses dont elle estime qu’elles présentent un caractère abusif ; il n’appartient qu’au juge compétent, en cas de litige, de prononcer la nullité de telles clauses ; par suite, les recommandations émises par la commission ne constituent pas des décisions administratives susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Enfin, concernant la décision ministérielle de publication d’une recommandation, le Conseil d’État a jugé que la décision par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie décide de publier une recommandation de la commission des clauses abusives est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, qui vérifie qu’elle n’est pas entachée d’illégalité externe, d’erreur de fait, d’erreur de droit ou de détournement de pouvoir mais que toutefois, il ne lui appartient pas de se prononcer sur des moyens par lesquels serait mis en cause le contenu de la recommandation et, notamment, sa légalité ; sous réserve de la condition posée par l’article L. 132-4 du code de la consommation et relative au risque d’identification de situations individuelles, l’appréciation à laquelle se livre le ministre pour décider une telle publication n’est pas davantage susceptible d’être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir.
Juridiction de proximité de Béziers, jugement du 23 novembre 2006:
Par un jugement du 6 juillet 2006, la juridiction de proximité de Béziers a sollicité l’avis de la Commission sur le caractère éventuellement abusif de deux clauses d’un contrat d’assurance garantie automobile.
Dans son avis n° 06-03, la Commission a estimé que ces clauses, relatives aux conditions de détermination et d’application du taux de vétusté, qui réservaient à la compagnie d’assurance la fixation du montant pris en charge étaient abusives.
Par un jugement du 23 novembre 2006, la juridiction de proximité de Béziers a suivi l’avis de la Commission et a jugé que la clause qui stipule la possibilité d’application d’un coefficient de vétusté aux pièces neuves ou en échange standard en fonction, notamment, du kilométrage parcouru par le véhicule, du temps d’usage de la pièce remplacée et de son état constaté et qui, dans son second paragraphe précise qu’un coefficient de vétusté est appliqué systématiquement à partir d’un kilométrage de 80 000 Km, sans prise en compte des éléments objectifs énoncés auparavant, est abusive dès lors qu’elle aboutit, quant aux conditions de détermination et d’application du taux de vétusté, à réserver à la compagnie d’assurances la fixation du montant pris en charge.
Annexes
Composition de la Commission
Les membres de la Commission ont été nommés par trois arrêtés du 29 août 2005 (JORF du 9 septembre 2005), du 2 janvier 2006 (JORF du 11 janvier 2006) et du 9 novembre 2006 (JORF du 18 novembre 2006) :
En qualité de magistrats :
M. Gallet (Jean-Louis), président ;
M. Roth (Cyril), vice-président, membre titulaire ;
M. Vasseur (Thomas), membre titulaire ;
Mme Robert-Nicoud (Murielle), membre suppléant (arrêté du 2 janvier 2006) ;
En qualité de personnalités qualifiées en matière de droit ou de techniques des contrats :
M. Leveneur (Laurent), membre titulaire ;
M. Paisant (Gilles), membre titulaire ;
Mme Davo (Hélène), membre suppléant ;
M. Mathey (Nicolas), membre suppléant (arrêté du 9 novembre 2006) ;
En qualité de représentants des professionnels :
Mme Favorel-Pige (Fanny), membre titulaire ;
M. Jacquemont (Camille), membre titulaire ;
M. Jourde (Eric), membre titulaire ;
M. Poiget (Philippe), membre titulaire ;
Mme Barthomeuf-Lassire (Pascale), membre suppléant ;
Mme Kosser-Glories (Delphine), membre suppléant ;
M. Perreau (Hubert), membre suppléant ;
M. Pinon (René), membre suppléant ;
En qualité de représentants des consommateurs :
M. Bouaziz (Pierre), membre titulaire ;
Mme Bricks (Nathalie), membre titulaire ;
Mme Lambert (Mariannick), membre titulaire ;
Mme Perrois (Sandrine), membre titulaire ;
Mme Fabre (Catherine), membre suppléant ;
Mme Gaultier-Pommery (Ariane), membre suppléant ;
Mme Patetta (Gaëlle), membre suppléant ;
M. Revenu (Nicolas), membre suppléant.
Recommandations :
n° 07-02 relative aux contrats de vente mobilière conclus par Internet (BOCCRF du 24/12/2007)