La Commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil ;
Vu la proposition de directive du Conseil des communautés européennes visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant le contrat d’assurance, présentée par la commission au conseil le 10 juillet 1979 ;
Entendus les représentants des assureurs concernés et de la direction des assurances du ministère de l’économie, des finances et du budget.
Considérant que ni l’existence d’une législation détaillée en partie d’ordre public, faisant l’objet du code des assurances, ni celle du contrôle de la direction des assurances du ministère des finances sur tous les documents faisant état d’une opération d’assurance ne font a priori obstacle à la compétence de la commission des clauses abusives pour examiner les contrats d’assurance ; qu’en effet l’ordre public dont relève le droit de l’assurance est essentiellement un ordre public de protection qui impose un minimum de garanties au profit de l’assuré, mais laisse à l’assureur la possibilité d’octroyer des avantages supplémentaires ; que, par conséquent en s’en tenant au minimum légal, lorsque celui-ci ne paraît pas suffisant pour assurer la protection des intérêts légitimes du consommateur, l’assureur peut effectivement commettre un » abus de puissance économique » au sens que donne à cette expression l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ; que, par ailleurs, la mission confiée à la direction des assurances, si elle englobe effectivement le contrôle dans l’intérêt des assurés, des clauses des contrats d’assurance, est beaucoup plus large puisqu’elle consiste à favoriser, de façon générale, le développement de l’assurance ; qu’en toute hypothèse, la commission des clauses abusives a déjà admis que l’existence d’un contrôle parallèle d’une autorité de tutelle ne fait nullement obstacle à sa compétence ;
Considérant que les contrats d’assurance » multirisques habitation » ont pour objet de garantir des individus contre les principaux risques de la » vie privée « , à l’exclusion des risques professionnels ; que les bénéficiaires de ces contrats appartiennent donc incontestablement à la catégorie des » non-professionnels ou consommateurs » au sens où l’entend la loi du 10 janvier 1978 ;
Considérant que l’assurance » multirisques – habitation » est aujourd’hui extrêmement répandue en France, au point que la plupart des citoyens majeurs sont désormais titulaires d’un tel contrat ; que cette forme d’assurance intéresse donc de très nombreux consommateurs ; que la loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs impose au consommateur locataire de s’assurer contre les risques dont il doit répondre en qualité de locataire ;
Considérant que depuis quelques années, les dirigeants des organisations professionnelles ainsi que ceux de certaines grandes compagnies d’assurance ont exprimé leur volonté de réformer des pratiques antérieures trop routinières, de clarifier les contrats et de prendre en compte davantage l’intérêt des consommateurs ; que ces déclarations d’intention ont été suivies d’efforts réels, encouragés d’ailleurs par une jurisprudence qui ces dernières années s’est attachée avec une vigueur toute particulière à accroître la protection des assurés ; que la commission des clauses abusives se doit donc d’appuyer cette tendance ;
Considérant que dans la plupart des contrats d’assurance » multirisques – habitation » figure une clause imposant à l’assuré de déclarer, à la souscription, » toutes les circonstances qui permettent d’apprécier le risque pris en charge « , cette formule étant, le plus souvent, suivie d’une énumération de faits à déclarer qui n’est pas limitative puisqu’elle est précédée de l’adverbe » notamment » ; qu’il est ajouté que l’assuré doit, en cours de contrat, déclarer lui-même toute modification des circonstances spécifiées soit dans cette énumération, soit aux conditions particulières ; que les sanctions prévues pour l’inobservation de cette obligation sont en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle, la nullité rétroactive du contrat souvent accompagnée du droit, pour l’assureur, de conserver, à titre de dommages – intérêts, les primes payées et de recouvrer les primes échues et, si la mauvaise foi n’est pas établie, la réduction de l’indemnité en proportion des primes payées par rapport à celles qui auraient été dues si le risque avait été exactement et correctement déclaré ;
Considérant que ces clauses, bien que licites au regard des articles L. 113-2 (1° et 2°) L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances, n’en sont pas moins très dangereuses pour l’assuré ; que celui-ci n’étant pas un technicien de l’assurance ne peut normalement savoir quelles sont » toutes les circonstances de nature à faire apprécier par l’assureur le risque qu’il prend en charge » et pense généralement que c’est l’assureur qui lui posera les questions utiles pour l’appréciation du risque ; qu’on n’imagine pas, en tout cas, qu’il lui incombe de prendre les devants et de rechercher lui-même quels sont les faits qui peuvent avoir une incidence sur le coût des garanties qu’il demande et, encore moins, qu’en cours de contrat il est tenu de surveiller constamment le risque afin de rendre compte immédiatement à l’assureur de toute aggravation même indépendante de son propre fait ; que d’ailleurs beaucoup d’assureurs sentent si bien eux-mêmes le caractère excessif de cette obligation qu’ils n’en exigent pas le strict respect, se contentant des réponses aux questions posées au preneur d’assurance lors de la souscription ou du renouvellement ; qu’il convient donc de généraliser cette pratique et de n’exiger de l’assuré que des réponses claires, complètes et exactes au questionnaire qu’il appartient à l’assureur d’établir lui-même et de soumettre à son co-contractant lors de la souscription et, s’il le souhaite, au moment du renouvellement ; que, sauf en cas de fraude ou de mauvaise foi dont la preuve incombe à l’assureur, la déclaration inexacte ou incomplète du risque ne devrait jamais faire l’objet d’une sanction contractuelle plus sévère que la réduction de l’indemnité en proportion du montant des primes payées par rapport aux primes qui auraient été dues si le risque avait été complètement et exactement déclaré, cette mesure ne pouvant, en outre, être appliquée si le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre ;
Considérant que les contrats d’assurance » multirisques – habitation » attachent à l’aggravation du risque régulièrement déclarée des conséquences franchement déséquilibrées par rapport à celles qui sont prévues pour la diminution du risque ; que, dans la première hypothèse, l’assureur se réserve la faculté d’opter entre une augmentation de prime et la résiliation du contrat, celle-ci pouvant être imposée si l’assuré refuse l’augmentation proposée, auquel cas l’assureur est en droit d’exiger en outre une indemnité ; qu’en cas de diminution du risque seuls certains contrats reconnaissent à l’assuré le droit d’obtenir une réduction de prime et la résiliation n’est alors de droit que dans l’hypothèse de disparition d’une circonstance aggravante spécifiée au contrat, aucune indemnité n’étant, en toute hypothèse, prévue au profit de l’assuré ; qu’il convient donc de rétablir l’équilibre en éliminant les clauses qui attachent à l’aggravation du risque des conséquences plus sévères pour l’assuré que n’en comporte, pour l’assureur, la diminution du risque ; qu’il est souhaitable également de stipuler explicitement que l’assuré pourra, en cas de diminution du risque, choisir entre la réduction de la prime et la résiliation ;
Considérant que l’aménagement contractuel de la durée des contrats d’assurance » multirisques – habitation » fait actuellement l’objet de clauses extrêmement variées, allant de la durée annuelle avec tacite reconduction jusqu’à la formule » durée société « , » durée compagnie » ou » durée statutaire « , assortie d’une faculté de résiliation tous les trois ans et après deux périodes de trois ans, tous les ans, en passant par des systèmes intermédiaires ; qu’en Alsace-Lorraine la durée du contrat va parfois jusqu’à dix ans, la faculté de résiliation annuelle n’étant ouverte qu’au bout de la onzième année ;
Considérant que, pour l’assuré – consommateur les clauses lui laissant une seule possibilité de résiliation en six ans et, a fortiori, celles qui retardent l’exercice de cette faculté jusqu’à la onzième année sont abusives en raison de la durée excessive de l’engagement qu’elles imposent ; que, d’ailleurs, malgré les apparences, l’assureur est beaucoup moins strictement lié que l’assuré puisqu’il se réserve le droit de résilier pour aggravation du risque et pour sinistre ; que la possibilité de se dégager d’un contrat qui ne paraît plus conforme à ses intérêts est un élément essentiel de la protection du consommateur ; qu’en conséquence il est souhaitable de généraliser la pratique, déjà adoptée par certains assureurs, des contrats de durée annuelle avec clause de tacite reconduction et, en tout cas, de ménager à l’assuré une faculté de résiliation annuelle dès le début de son engagement ; que cependant, si l’assuré exprime lui-même, par écrit, au moment de la souscription, le souhait que la durée initiale du contrat soit portée à trois ans, il est possible d’admettre que l’exercice de la faculté de résiliation annuelle soit différée jusqu’à l’expiration de ce délai triennal à condition que celui-ci ait été accepté par l’assureur ; qu’en toute hypothèse les formules » durée société « , » durée – compagnie « , » durée statutaire » sont répréhensibles en raison de leur manque de clarté et qu’elles doivent donc disparaître ;
Considérant que l’organisation contractuelle de la tacite reconduction est actuellement très défavorable pour le consommateur qui désire ne pas renouveler son engagement ; que la plupart des contrats exigent en effet que la lettre exprimant la volonté de non-renouvellement soit parvenue à l’assureur au moins un jour avant le commencement du préavis qui court lui-même avant la date prévue pour la reconduction tacite ; que, par exemple, si le contrat prend normalement fin le 1er janvier et que le préavis est de trois mois, la lettre de résiliation doit, pour éviter la reconduction, être parvenue à destination au plus tard le 30 septembre ; qu’il ne suffit pas qu’elle soit partie ce jour là, le cachet de la poste ne faisant pas foi et le retard des services postaux n’étant pas pris en considération ; que, dès lors, si cette lettre arrive même avec un seul jour de retard le contrat est automatiquement reconduit pour une nouvelle période qui, dans le système actuel, peut être de trois ans ; que l’assureur n’a même pas alors à répondre à la lettre tardive de l’assuré, son silence n’étant pas interprété comme une renonciation à se prévaloir de ce retard ;
Considérant que ce système est ressenti par les assurés comme un piège car, se croyant engagés jusqu’à la date prévue pour l’expiration du contrat ou son renouvellement par tacite reconduction, ils s’aperçoivent souvent trop tard qu’ils ont laissé passer le moment auquel ils pouvaient exprimer leur volonté de ne pas renouveler et ils comprennent fort mal que même lorsqu’ils ont agi à temps, ils puissent souffrir d’un retard de la poste ; que le nombre des procès relatifs à cette question révèle un véritable malaise ;
Considérant que, pour protéger efficacement l’assuré – consommateur, il apparaît nécessaire, d’une part, d’indiquer, en caractères très apparents et en tête du contrat après sa date de prise d’effet et sa durée la date à laquelle l’assuré sera forclos pour expédier la lettre exprimant sa volonté de ne pas renouveler le contrat, d’autre part d’éliminer toutes les clauses ayant pour objet ou pour effet d’imposer le renouvellement à un assuré qui a expédié sa lettre de résiliation avant la date indiquée pour l’expiration du contrat ou son renouvellement par tacite reconduction ; qu’enfin le préavis imposé à l’assuré ne saurait, en toute hypothèse, dépasser une durée de deux mois ; que chaque avis d’échéance doit également indiquer la date à laquelle l’assuré sera forclos pour expédier la lettre exprimant sa volonté de ne pas renouveler le contrat ;
Considérant que, parmi les clauses qui définissent les hypothèses dans lesquelles l’une ou l’autre des parties peut demander la résiliation du contrat avant la date prévue pour son expiration ou son renouvellement par tacite reconduction, certaines sont franchement défavorables à l’assuré et instituent un déséquilibre à son détriment ; que notamment celle qui donne à l’assureur le droit de résilier le contrat » après sinistre » sans autre condition et sans indemnité est abusive ; qu’en effet le sinistre est l’événement envisagé par les deux parties et contre lequel l’assurance a pour objet, moyennant paiement d’une prime, de garantir l’assuré ; que prendre prétexte de sa survenance pour mettre fin au contrat est donc totalement injustifié ;
Considérant que l’assuré doit se voir reconnaître un droit contractuel de résiliation anticipée en cas de diminution du risque ou d’inexécution par l’assureur de ses obligations ;
Considérant que, dans tous les contrats d’assurance » multirisques – habitation » figure une clause prévoyant un droit de résiliation réciproque en cas de changement de domicile de situation matrimoniale, de régime matrimonial ou de profession ainsi que de cessation de l’activité professionnelle de l’assuré ; que cette clause précise généralement que » si la résiliation est invoquée par l’assuré, elle devra comporter toutes précisions de nature à établir qu’elle est en relation avec ledit événement » et que » le risque ne se retrouve pas dans la situation nouvelle » ; que l’application de cette disposition suscite, dans les rapports entre assureurs et assuré un sérieux malaise qui provient de l’extrême difficulté à définir les justifications nécessaires pour prouver que le risque ne se retrouve pas dans la situation nouvelle ; que la résiliation devrait être de droit pour l’assuré qui prouve l’un des événements visés par la clause ;
Considérant que, de façon générale il est abusif de sanctionner l’exercice d’une prérogative reconnue par la loi ou par le contrat ; que cependant de nombreuses clauses des contrats d’assurance » multirisques – habitation » permettent à l’assureur de réclamer une indemnité à l’assuré lorsque celui-ci exerce son droit de résiliation ; que toutes ces clauses doivent donc disparaître ;
Considérant qu’est abusive toute clause ayant pour objet ou pour effet de donner à l’assureur le droit de réduire unilatéralement les garanties promises ou d’accroître les franchises, sauf au moment du renouvellement du contrat et à condition de prévoir que l’assuré sera averti de cette réduction au plus tard un mois avant le jour où ce dernier sera forclos pour notifier sa volonté de ne pas renouveler le contrat ; que, jusqu’en 1983, les contrats d’assurance » multirisques – habitation » prévoyaient que, pour le risque » grèves, émeutes, mouvements populaires et actes de terrorisme « , chacune des parties pouvait mettre fin à la garantie avec un préavis de sept jours, sans que le contrat lui-même soit résilié ; que cette clause, qui n’était invoquée en fait que par l’assureur, était extrêmement dangereuse pour l’assuré en raison tant de sa généralité que de l’absence de toute condition pour son exercice et de la brièveté du délai de préavis qui permettait à l’assureur de se retirer précisément lorsque le risque était sur le point de se réaliser sans laisser à l’assuré la possibilité de trouver ailleurs la même garantie ; que les assureurs ont accepté de renoncer à cette clause en raison de la possibilité qui leur a été offerte par la loi de finances rectificative du 30 décembre 1982 de réassurer les risques auprès de la Caisse centrale de réassurance ; mais que cette clause continue à figurer dans les conditions générales imprimées et qu’elle pourrait être remise en application si cette possibilité de réassurance était supprimée ; qu’il convient donc de signaler son caractère abusif ;
Considérant que de nombreux contrats d’assurance » multirisques – habitation » comportent une clause donnant à l’assureur le droit d’augmenter la prime en cours de contrat » pour des motifs de caractère technique » ou même sans aucune justification, en ne laissant à l’assuré qui refuse cette augmentation que la voie de la résiliation ; que cette disposition est d’autant plus critiquable que » les motifs de caractère technique « , à supposer qu’ils soient exigés sont laissés à l’appréciation de l’assureur, ce qui donne en pratique à celui-ci la possibilité d’imposer ses conditions ; que le droit de résiliation prévu au profit de l’assuré ne suffit évidemment pas à contrebalancer cette position d’infériorité, alors surtout qu’il est lui-même généralement enfermé dans un délai très court (d’une quinzaine de jours) ; que cette clause est donc à la fois illicite, parce qu’elle rend le prix indéterminé, et abusive ;
Considérant qu’en toute hypothèse l’assureur ne peut sans abus se réserver le droit d’augmenter unilatéralement le taux de la prime pour une cause autre que l’aggravation du risque, sauf au moment du renouvellement du contrat et à condition que l’assuré ait été averti de cette augmentation au plus tard un mois ayant le jour où ce dernier sera forclos pour notifier sa volonté de ne pas renouveler le contrat ;
Considérant que certains contrats d’assurance » multirisques – habitation » contiennent une clause subordonnant le recours en justice de l’assuré contre l’assureur à l’ » expertise » préalable ; que cette clause est illicite et abusive ;
Considérant que l’organisation actuelle de l’ » expertise » en cas de sinistre ne garantit pas toujours son caractère pleinement contradictoire et que la personne désignée à titre d’ » expert » est fréquemment liée à l’assureur par un rapport de dépendance juridique ou économique ;
Considérant que si la plupart des contrats d’assurance » multirisques – habitation » prévoient qu’en cas de sinistre le paiement par l’assureur devra intervenir dans un délai maximal de trente jours après l’accord amiable ou la décision judiciaire devenue exécutoire, ils n’imposent généralement aucune sanction pour la méconnaissance de cette obligation ; que le point de départ choisi pour ce délai laisse d’ailleurs place à tous les atermoiements, notamment au moment des expertises ; qu’il serait donc nécessaire d’affirmer par une clause expresse le droit de l’assuré à la résiliation du contrat, assorti éventuellement de dommages – intérêts en cas de faute de l’assureur, notamment de retard ou de résistance abusive dans le règlement du sinistre ; qu’en outre, le contrat devrait imposer à l’assureur un délai d’une durée maximale de quatre mois à partir de la déclaration du sinistre pour présenter une offre d’indemnité à l’assuré ou à la victime ;
Considérant que, parmi les nombreuses obligations que les contrats d’assurance » multirisques – habitation » imposent à l’assuré en cas de sinistre, certaines sont extrêmement strictes ; que c’est le cas notamment de la clause imposant la déclaration du sinistre dans les cinq jours et, en cas de vol dans les vingt-quatre heures ; qu’il conviendrait d’assouplir cette obligation en faisant appel à la notion de » délai raisonnable » préconisée par l’article 9 de la proposition de directive du Conseil des communautés européennes du 10 juillet 1979 ; que surtout la déchéance du bénéfice de l’assurance, qui est souvent imposée comme sanction de la méconnaissance de cette obligation, apparaît beaucoup trop sévère ; que sauf en cas de mauvaise foi dûment établie, il est abusif d’appliquer dans ce cas une sanction plus grave que l’indemnité mesurée au dommage effectivement subi par l’assureur ;
Considérant que, de façon générale, sont abusives les clauses qui assortissent la méconnaissance de l’une quelconque des obligations imposées à l’assuré en cas de sinistre d’une déchéance totale du bénéfice de l’assurance, sauf en cas de mauvaise foi dûment établie, la seule sanction admissible étant l’indemnité mesurée au dommage effectivement subi par l’assureur du fait de la négligence constatée ;
Considérant que l’une des causes principales de l’insuffisance de l’information de l’assuré sur les garanties qui lui sont consenties réside dans la multiplicité des documents contractuels constatant les engagements de l’assureur ; qu’en plus des » conditions générales » qui sont distribuées sous forme d’imprimés et ne sont que très rarement remises à jour et des » conditions particulières » sur lesquelles figurent les signatures des contractants, l’assuré reçoit de temps en temps des avenants et des intercalaires dactylographiés constatant certaines modifications de garantie ; qu’il y a là une source de confusions possibles, les clauses figurant sur les différents documents détenus par l’assuré pouvant être contradictoires ; que, pour éviter ce désordre, il serait nécessaire que le contrat d’assurance » multirisques – habitation » soit constaté, au moment de sa conclusion, par un écrit unique et personnalisé signé par les deux parties et que cet écrit soit renouvelé et mis à jour au moins tous les trois ans si les garanties ont été modifiées depuis la délivrance du précédent document ;
Considérant que, dans la pratique actuelle, la compréhension de la portée des garanties est rendue très difficile par l’extrême dispersion des clauses définissant les risques couverts et le montant des garanties ; que, pour se faire une idée exacte des événement contre lesquels il est assuré, le consommateur doit confronter plusieurs séries de dispositions qui se trouvent très éloignées les unes des autres dans les conditions générales de sa police d’assurance ; qu’il doit lire d’abord la définition positive du risque garanti dans chacune des branches pour lesquelles il a opté (incendie et dégâts des eaux vol responsabilité civile et éventuellement autres risques) ; que cette définition est parfois très longue, notamment pour le risque de responsabilité civile, et qu’elle comporte des restrictions qui sont déjà des exclusions indirectes ; que cette lecture doit être complétée par celle des exclusions directes qui sont elles-mêmes très dispersées ; qu’une première liste » d’exclusions générales » comporte celles qui sont communes à toutes les branches ; qu’il faut y ajouter les exclusions propres à chaque branche ; qu’en outre il existe souvent, dans la branche » incendie dégâts des eaux et risques annexes « , une liste d’exclusions applicables à tous les risques de la branche suivie de listes d’exclusions propres à chacune des sous-branches ; que, de même, pour le risque » responsabilité civile » lorsqu’il est subdivisé en » responsabilité civile du particulier » et » responsabilité civile du propriétaire » ou du » locataire d’immeuble « , il y a souvent deux listes d’exclusions correspondant à chacune de ces catégories qu’il faut parfois combiner avec celle qui récapitule les exclusions communes à tous les cas de responsabilité ; que, lorsque les conditions générales prévoient des extensions de garantie, elles comportent encore, pour chacune de ces extensions, une liste d’exclusions concernant ces risques étendus ; qu’enfin, même la lecture la plus attentive et la plus minutieuse de la définition positive du risque et des différentes listes d’exclusions ne suffit pas à mettre l’assuré à l’abri de toutes les surprises ; qu’en effet les conditions générales des contrats » multirisques – habitation » comportent presque toutes aujourd’hui une liste de » définitions des termes principaux de contrat » contenant elles aussi des indications qui complètent la description du risque et imposent parfois des exclusions indirectes ; qu’il y a là un dédale dans lequel même l’assuré le plus attentif et le plus patient risque de se perdre ;
Considérant que pour connaître le montant de la somme à laquelle il peut prétendre, l’assuré doit encore se livrer à des recherches presque aussi complexes que celles qui lui sont imposées pour déterminer s’il est ou non garanti ; qu’en effet il doit tenir compte non seulement des limitations de garantie proprement dites, dont les unes affectent un seul risque, les autres un groupe de risques, mais aussi des limitations indirectes résultant de la référence aux notions de » valeur d’usage « , » valeur vénale « , » valeur de remplacement « , » valeur à neuf » dont la description renvoie généralement à la notion de » vétusté » qui fait elle-même rarement l’objet d’une définition précise ; qu’il faut encore prendre en considération les » franchises « , dont certaines sont générales, d’autres propres à tel ou tel risque ou groupe de risques les » limitations globales pour dommages exceptionnels » qui existent dans la branche responsabilité civile et enfin » les définitions de termes principaux du contrat » qui contiennent souvent des limitations indirectes de garantie ; que cette extrême dispersion des clauses définissant la portée des garanties est un obstacle considérable à la compréhension de dispositions contractuelles par l’assuré -consommateur ;
Considérant que, pour remédier à ce défaut, il importe d’abord de généraliser la pratique déjà assez répandus des tableaux récapitulatifs des garanties, présentés autant que possible sur une seule page, et indiquant en trois colonnes la nature des garanties, leurs montants et les franchises ; qu’en outre et surtout il faudrait mettre au point, des définitions normalisées de chacun des risques proposés à l’assurance principalement de » l’incendie « , du » dégât des eaux « , du » vol » et de la » responsabilité civile « , et faire suivre cette définition d’une liste unique et exhaustive d’exclusions de telle sorte que l’assuré puisse être certain que le risque est effectivement garanti hors des hypothèses expressément visées par cette énumération ; que, de même, les limitations et franchises devraient être regroupées, pour chaque branche,, en une liste unique ;
Considérant que malgré les efforts accomplis récemment par les assureurs pour améliorer la définition des expressions employées dans les » conditions générales » des polices d’assurance, il arrive que certaines soient encore insuffisamment précises ou intelligibles ; que cet inconvénient est surtout sensible s’agissant de termes assez spécifiques à la langue de l’assurance, tels que ceux de » dommage immatériel « , » immatériel consécutif « , » valeur d’usage « , » valeur de remplacement « , » valeur à neuf « , » vétusté » ; qu’il est donc nécessaire d’entreprendre par concertation entre représentants des assureurs et des assurés, un effort de clarification et de normalisation de la terminologie utilisée ;
Considérant que, lorsque l’assurance de chose est consentie pour une valeur déclarée à l’avance, l’assureur bénéficie en principe, sauf renonciation expresse prévue par l’article L. 121-5 du code des assurances, de la » règle proportionnelle » qui lui permet en cas de destruction du bien, de limiter son engagement en fonction du rapport existant entre la somme assurée et la valeur assurable ou somme pour laquelle l’assuré aurait dû se faire garantir pour recevoir une indemnisation intégrale si le bien avait été totalement détruit ; que cette règle est très mal ressentie par les assurés qui ne comprennent pas pourquoi, s’étant assurés pour une certaine somme qui n’est pas atteinte, ils ne sont pas pleinement dédommagés ; que d’ailleurs la plupart des contrats d’assurance » multirisques – habitation « , notamment ceux qui sont indexés, contiennent une renonciation à cette règle ; qu’il est donc souhaitable de généraliser cette pratique et d’écarter complètement la » règle proportionnelle dans ce type d’assurance ;
Considérant que les contrats » multirisques – habitation » contiennent un certain nombre de clauses prévoyant des limitations de garantie manifestement excessives ; qu’il en est ainsi de la clause qui, en cas de destruction d’un immeuble construit sur un terrain dont l’assuré n’est pas propriétaire, limite l’indemnité à défaut de reconstruction à » la valeur des matériaux évalués comme matériaux de démolition » ; qu’il en va de même de la clause qui pour le vol ou la destruction d’un mobilier ancien et signé limite l’indemnité à la valeur d’un mobilier semblable de fabrication récente ou de celle qui, en cas de disparition de bijoux ou d’objets de métal précieux, prévoit le remboursement de la valeur du métal brut et de celle qui applique aux objets d’art un coefficient de vétusté calculé d’après leur ancienneté qui est précisément un élément de leur valeur ; que l’on peut encore adresser le même reproche à la clause qui aggrave l’abattement pour vétusté par rapport à la vétusté réelle en disposant, par exemple, que » pour chaque partie sinistrée des biens assurés dont la vétusté reconnue par expertise excédera 40 p. 100 au jour du sinistre, l’indemnité sera calculée en appliquant au taux réel de vétusté une majoration de 20 p. 100 » ; que toutes ces clauses sont abusives et doivent disparaître des contrats d’assurance » multirisques – habitation » ;
Considérant qu’est également abusive parce que susceptible d’induire l’assuré en erreur sur l’étendue de la garantie, la clause qui, après avoir admis que l’indemnisation doit se faire en » valeur à neuf « , apporte des restrictions à cet engagement grâce à une définition de la » valeur à neuf » qui laisse place à la prise en compte d’un coefficient de vétusté ;
Considérant que l’application de la clause imposant à l’assuré la preuve que le vol dont il a été victime a été commis par effraction, escalade, usage de fausses clés ou introduction clandestine est actuellement la source de vives déceptions pour les assurés et donne lieu à un contentieux considérable ; qu’en effet, alors qu’à la lecture du contrat le preneur d’assurance peut croire qu’il est couvert pour tous les cas de vol, l’assureur lui refuse en réalité très souvent sa garantie en cas d’escalade, d’usage de fausses clés ou d’introduction clandestine au motif que ce fait n’a laissé aucune trace matérielle ; que, par conséquent, la demande de l’assuré est parfois rejetée alors que l’existence du vol n’est pas contestée, qu’aucun défaut de précaution n’est reproché à l’assuré et qu’il est certain qu’à défaut d’effraction le vol n’a pu se produire que par escalade ou usage de fausses clés ou introduction clandestine ; que de telles situations sont choquantes et qu’il serait donc souhaitable de remplacer la clause examinée par une formule englobant tous les cas de vol dont la réalité est dûment établie, notamment par effraction, escalade, usage de fausses clés, introduction clandestine ou tout autre moyen ;
Considérant que tous les contrats d’assurance » multirisque habitation » imposent certaines précautions destinées à éviter le vol ou à le rendre plus difficile (verrous aux portes barreaux aux fenêtres facilement accessibles…) ; que ces exigences sont légitimes dans leur principe, mais que leur application peut parfois donner lieu à des abus ; qu’il en est ainsi lorsque la clause est rédigée de façon si vague qu’elle met l’assuré à la merci de l’assureur ; que c’est le cas, par exemple, lorsqu’elle impose à l’assuré de » prendre toutes les mesures préventives pour la sécurité de ses biens « , sous peine de s’exposer à la déchéance du bénéfice de l’assurance ;
Considérant que l’abus peut également apparaître si les précautions imposées sont pratiquement irréalisables, par exemple lorsque l’assureur exige l’utilisation effective de tous les moyens de protection (y compris volets verrous grilles…) pour toute absence, même très courte et pendant la journée ;
Considérant que la sévérité de la sanction paraît souvent disproportionnée à la gravité de la faute ; qu’en particulier le refus total de la garantie pour une négligence vénielle est abusif ; qu’en outre il est particulièrement choquant que la sanction soit déclarée applicable alors même qu’il serait établi que le vol n’a été ni causé ni même favorisé par la négligence des précautions prescrites ;
Considérant qu’il est également abusif de stipuler que l’assureur sera déchargé de la garantie contre le vol, alors que cette garantie est mentionnée au contrat et prise en compte pour le calcul de la prime sur la seule constatation que la maison voisine la plus proche se trouve à plus de 100 mètres de celle de l’assuré ;
Considérant que les contrats d’assurance » multirisques habitation » contiennent tous une clause suspendant de plein droit la garantie vol en cas d’inoccupation des locaux pendant un certain temps (qui va selon les contrats, de 45 à 90 jours) ; que cette disposition paraît critiquable car c’est précisément en cas d’absence que les assurés sont le plus exposés au vol et c’est en fonction de ce risque qu’ils s’assurent ; que la brutalité de la mesure les prend le plus souvent totalement au dépourvu car ils ignorent généralement cette disposition sur laquelle leur attention n’a pas été attirée lors de la souscription ; que cette clause doit donc disparaître ;
Considérant que sont abusives les clauses limitant les procédés de preuve que l’assuré est autorisé à utiliser pour établir l’existence ou la valeur des objets volés, par exemple celles qui l’obligent à présenter sa facture d’achat ou à produire un état détaillé des valeurs et objets précieux établi antérieurement au vol et conservé dans un coffre ou dans un meuble séparé ; qu’en effet la charge de la preuve, en matière de vol, est par nature déjà très lourde pour l’assuré ; qu’il est donc excessif de l’aggraver encore par des exigences qui risquent de la rendre écrasante, ce qui est une manière indirecte de refuser la garantie ;
Considérant que la clause limitant la garantie des objets précieux à un certain pourcentage des capitaux assurés peut être dangereuse pour l’assuré dans la mesure où la définition de cette catégorie d’objets est peu rigoureuse ;
Considérant que, dans les contrats d’assurance » multirisques habitation » on relève toute une série de dispositions concourant à restreindre la garantie contre le vol des objets de valeur ou objets précieux: règles de preuve particulièrement strictes, suspension après un délai d’inoccupation spécialement bref (15 jours), précautions très contraignantes contre le vol (dépôt dans un meuble fermé à clé ou dans un coffre dès qu’ils ne sont pas utilisés), règles d’indemnisation souvent très imprécises et parfois franchement lésionnaires comme celles qui concernent le mobilier ancien ou les objets en métal précieux et qui ont été signalées plus haut etc. ; que le cumul de ces clauses donne parfois l’impression d’une volonté délibérée de vider la garantie de sa substance tout en la laissant figurer officiellement au contrat, ce qui entretient l’assuré dans l’illusion ;
Considérant que dans la branche » incendie et dégâts des eaux « , les clauses les plus dangereuses pour les assurés sont celles qui, sous une apparence anodine, donnent à l’assureur la faculté de discuter presque systématiquement l’application de la garantie ; qu’il en est ainsi de celle qui exclut » tous les dommages dus à un défaut d’entretien » ou » à un défaut des réparations indispensables incombant à l’assuré » sauf à l’assureur de préciser la portée exacte de cette obligation d’entretien ; que, plus insidieuse, mais également efficace apparaît la clause qui exige la preuve du caractère » accidentel » du sinistre, car, si l’on se réfère à l’interprétation qu’en donnent certaines juridictions, la notion d’accident exclut à la fois les dommages qui se sont produits de façon progressive et ceux qui ont été causés ou favorisés par une imprudence ou une négligence de l’assuré ; que l’assureur peut donc être tenté de s’appuyer sur l’exigence d’un dommage accidentel pour contester sa garantie chaque fois que l’incendie ou le dégât des eaux n’est pas, de toute évidence, imputable exclusivement à un événement extérieur présentant les caractères de la force majeure ; que ces dispositions équivalent par conséquent à des exclusions de garantie dont la portée est beaucoup trop large et vague pour répondre à l’exigence formulée par l’article L. 113-1 du code des assurances qui n’admet que les exclusions » limitées » ; qu’elles sont donc illégales et abusives ;
Considérant qu’il est également excessif de stipuler que la sanction prévue pour inobservation d’une précaution exigée afin d’éviter l’incendie ou le dégât des eaux doit s’appliquer au détriment de l’assuré même s’il est prouvé que cette négligence n’a eu aucune influence sur le sinistre ;
Considérant que la clause réservant l’application de la garantie » dégâts des eaux » aux dommages causés par la descente des eaux impose une distinction tout à fait arbitraire et extrêmement difficile à mettre en œuvre entre ces dommages et ceux qui sont provoqués par un refoulement ou toute autre cause, que cette clause est donc abusive ;
Considérant que lors de la mise en jeu de la garantie » responsabilité civile « , l’assuré se heurte souvent à certaines dispositions contractuelles (en particulier à la clause dite » de direction du procès « ) qui restreignent ou paralysent sa liberté d’organiser comme il l’entend sa défense en justice contre la victime du dommage ; que ces stipulations peuvent avoir des conséquences graves, notamment lorsque les intérêts de l’assuré sont différents de ceux de l’assureur ; qu’elles sont contestables au regard des principes de la procédure civile et qu’elles ne sont pas nécessaires à la défense des intérêts de l’assureur qui seraient suffisamment garantis par une clause obligeant l’assuré à le tenir constamment informé de la procédure et à lui transmettre toutes les pièces du procès ; que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1983 sur la protection des victimes d’infractions, l’assureur peut en effet intervenir non seulement devant les tribunaux civils, mais aussi devant les juridictions répressives saisies de l’action civile en cas de blessures ou d’homicide involontaires ; que, dans les cas où cette intervention demeure impossible, il reste à l’assureur la possibilité d’utiliser la voie de recours de la tierce opposition pour contester le jugement rendu contre l’assuré ; que toutes les clauses qui restreignent, de façon directe ou indirecte, la liberté de l’assuré dans l’organisation de sa défense en justice doivent donc disparaître ;
Considérant que la clause limitant la garantie responsabilité civile à la couverture des dommages accidentels est extrêmement dangereuse pour l’assuré ; qu’en effet si l’on considère, avec une partie de la jurisprudence, que la notion d’ » accident » exclut tous les dommages qui ne résultent pas d’un » fait fortuit, soudain, imprévisible et irrésistible » pour l’assuré, c’est-à-dire tous ceux qui ne sont pas dus à un cas de force majeure, il faut constater que cette disposition vide entièrement la garantie de sa substance, la force majeure étant précisément exclusive de toute responsabilité ;
Considérant que l’exclusion de la garantie responsabilité civile pour » les dommages résultant de la violation délibérée des lois règlements et usages » est également abusive en raison de la généralité de la formule employée, que cette exclusion n’est pas suffisamment » limitée » au sens qu’exige l’article L. 113-1 du code des assurances et qu’elle risque d’être utilisée pour faire systématiquement obstacle à la mise en œuvre de la garantie en présence d’une faute quelconque de l’assuré ;
Considérant que ne répondent pas non plus à l’exigence formulée par l’article L. 113-1 et sont donc à la fois illégales et abusives les clauses qui excluent l’application de la garantie en présence de certaines fautes définies seulement par leur gravité comme les fautes » lourdes » » inexcusables « … ainsi que celles qui emploient des formules ambiguës ou imprécises en écartant, par exemple, » les dommages dont la survenance était inéluctable » ou » les dommages, inconvénients et troubles du voisinage, qui résultent de façon prévisible ou inévitable de la nature de l’immeuble, objet du contrat » ;
Considérant qu’est également ambiguë la disposition qui restreint la garantie à la responsabilité civile encourue à l’égard » d’autrui » ou » des tiers « , car cette formule, en renvoyant à une définition qui exclut de la catégorie des bénéficiaires les personnes dont la responsabilité est elle-même garantie, a pour effet d’écarter, sans le dire explicitement, tous les dommages subis par les membres de la famille proche et par les préposés du souscripteur ; que, si cette exclusion peut s’expliquer par le souci d’éviter la fraude, du moins devrait-elle être plus clairement exprimée ;
Considérant que la clause restreignant la garantie à la responsabilité délictuelle ou excluant les conséquences de la responsabilité contractuelle est abusive à la fois à cause de son caractère trop général et en raison de la difficulté pour un assuré moyen d’en saisir la portée ; qu’elle a d’ailleurs été jugée illicite au regard de l’article L. 113-1 du code des assurances ;
Considérant que le même grief d’obscurité peut être adressé à la clause, très répandue dans les contrats d’assurance » multirisques – habitation « , qui a pour objet d’exclure » les conséquences d’engagements contractuels dans la mesure où elles excèdent celles auxquelles l’assuré serait tenu en vertu des textes légaux ou réglementaires sur la responsabilité civile » ; qu’il y a là en effet, une formule dont la signification, à supposer qu’elle puisse être dégagée par un juriste averti, échappe en tout cas au consommateur moyen.
Recommande
I- Que soient éliminées des contrats d’assurance » multirisques habitation » les clauses suivantes ayant pour objet ou pour effet :
1° De soumettre l’assuré aux sanctions prévues pour non-déclaration ou déclaration inexacte du risque assuré lorsqu’il a omis de signaler des circonstances ou des faits autres que ceux sur lesquels l’assureur l’a explicitement interrogé au moyen d’un questionnaire écrit avant la conclusion du contrat, en cours de contrat ou lors de son renouvellement ;
2° D’assortir la déclaration inexacte ou incomplète du risque, hors les cas de mauvaise foi dûment établie, d’une sanction plus sévère que la réduction de l’indemnité en proportion du montant des primes payées par rapport à celui des primes qui auraient été dues si le risque avait été complètement et exactement déclaré et d’appliquer cette sanction lorsque le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre ;
3° D’assortir de conséquences plus lourdes pour l’assuré l’aggravation du risque régulièrement déclaré que n’en comporte pour l’assureur, la diminution du risque ;
4° De priver l’assuré de la faculté de mettre fin chaque année au contrat sauf s’il a expressément demandé et qu’il ait été accepté, que la durée initiale de celui-ci soit portée à trois ans, ce qui aurait alors pour effet de reporter l’exercice de la faculté de résiliation annuelle à l’expiration de cette période triennale ;
5° De dissimuler à l’assuré cette faculté de mettre fin chaque année aux relations contractuelles par une définition de la durée du contrat résultant d’une formule trompeuse telle que » durée compagnie « , » durée société « , » durée statutaire » ;
6° D’imposer le renouvellement du contrat à un assuré qui a manifesté sa volonté contraire par l’expédition d’une lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen avant la date indiquée pour le jeu de la tacite reconduction ;
7° D’imposer à l’assuré, lorsqu’il prend l’initiative du non-renouvellement un délai de préavis supérieur à deux mois ;
8° De donner à l’assureur la faculté de mettre fin au contrat avant la date prévue pour son expiration ou son renouvellement par tacite reconduction en se fondant simplement sur la survenance d’un sinistre ;
9° De subordonner le droit de l’assuré à la résiliation du contrat en cas de changement de domicile, de situation matrimoniale, de régime matrimonial ou de profession à une condition quelconque notamment à la preuve que le risque ne se retrouve pas dans la situation nouvelle ;
10° D’octroyer à l’assureur un droit à indemnité qui ne serait pas fondé sur une faute de l’assuré, mais, par exemple, sur l’exercice d’une prérogative légale ou contractuelle, comme le droit de résiliation ;
11° De donner à l’assureur le droit de réduire unilatéralement les garanties promises ou d’accroître les franchises, sauf au moment du renouvellement du contrat et à condition de prévoir que l’assuré sera averti de ce changement au plus tard un mois avant le jour où ce dernier sera forclos pour notifier sa volonté de ne pas renouveler le contrat ;
12° De donner à l’assureur le droit d’augmenter unilatéralement la prime pour des » motifs de caractère technique « ou tout autre motif que l’aggravation du risque, sauf au moment du renouvellement du contrat et à condition de prévoir que l’assuré sera averti de cette augmentation au plus tard un mois avant le jour où ce dernier sera forclos pour notifier sa volonté de ne pas renouveler le contrat ;
13° De limiter le droit de l’assuré à agir en justice contre l’assureur en le subordonnant à une procédure préalable souvent présentée comme une » expertise » ;
14° D’imposer des délais trop courts pour la déclaration d’un sinistre ;
15° D’assortir, sauf en cas de mauvaise foi dûment établie, la méconnaissance des obligations imposées à l’assuré en cas de sinistre en particulier le retard dans la déclaration du sinistre, de la déchéance du bénéfice de l’assurance et de façon plus générale, d’une sanction plus grave qu’une condamnation à indemniser l’assureur du dommage que cette faute lui a causé ;
16° D’inclure dans les » définitions des termes principaux du contrat » des restrictions équivalant à des exclusions indirectes de risque ou à des limitations indirectes de garantie ;
17° De prévoir des limitations de garanties excessives telles que celles qui consistent, en cas de destruction d’un immeuble construit sur un terrain dont l’assuré n’est pas propriétaire à plafonner l’indemnité, à défaut de reconstruction, à la valeur des matériaux envisagés comme matériaux de démolition ou, en cas de vol ou de destruction d’un mobilier ancien et signé, à limiter l’indemnité à la valeur d’un mobilier semblable de fabrication récente ou encore, en cas de disparition de bijoux ou d’objets en métal précieux, à prévoir seulement le remboursement de la valeur de métal brut, ou à appliquer aux objets d’art un coefficient de vétusté calculé d’après leur ancienneté qui est précisément très souvent un élément de leur valeur ou enfin à aggraver l’abattement pour vétusté par rapport à sa valeur réelle.
18° D’induire l’assuré en erreur sur l’étendue de la garantie en stipulant d’une part l’indemnisation en » valeur à neuf » et en donnant d’autre part une définition restrictive de la » valeur à neuf » qui laisse place à la prise en compte d’un coefficient de vétusté ;
19° D’exiger de l’assuré qui se prévaut de la garantie contre le vol, non seulement la preuve de celui-ci, mais aussi, à défaut d’effraction, celle de l’escalade, de l’usage de fausses clés, de l’introduction clandestine ou de toute autre circonstance ;
20° De subordonner le bénéfice de la garantie contre le vol à l’observation par l’assuré d’une obligation générale et imprécise comme celle qui consiste à » prendre toutes les mesures préventives nécessaires pour assurer la sécurité de ses biens » ;
21° D’imposer à l’assuré, sous peine de perdre le bénéfice de l’assurance, des précautions pratiquement irréalisables contre le vol, en particulier l’utilisation effective de tous les moyens de protection existants – y compris les volets, grilles et verrous – pour une absence quelconque, même très courte et durant la journée ;
22° De sanctionner la méconnaissance des précautions exigées pour éviter le vol par la déchéance totale du bénéfice de l’assurance, hors le cas de fraude dûment établie ;
23° De réduire ou de supprimer l’indemnité en tirant argument de l’inobservation des précautions destinées à éviter le vol, même lorsqu’il est prouvé que celui-ci n’a pas été causé ni favorisé par la négligence constatée ;
24° De décharger l’assureur de la garantie contre le vol pourtant mentionnée au contrat et prise en compte pour le calcul de la prime, sur la seule constatation que la maison voisine la plus proche se trouve au-delà d’une certaine distance ;
25° De suspendre la garantie contre le vol à partir d’une certaine durée d’inoccupation des locaux ;
26° De limiter les procédés de preuve admis pour établir le vol ;
27° De subordonner la garantie contre le vol des » objets précieux » ou » objets de valeur » à des conditions si nombreuses et si strictes qu’elles privent en fait la garantie de toute portée ;
28° De limiter l’étendue de la garantie des objets précieux à un certain pourcentage des capitaux assurés sans donner, de cette catégorie de biens, une définition précise et fondée sur des critères objectifs ;
29° D’exclure, de façon générale, de la garantie incendie et dégâts des eaux » tous les dommages dus à un défaut d’entretien » ou à » un défaut des réparations indispensables incombant à l’assuré » ;
30° De subordonner l’application de la garantie incendie et dégâts des eaux à la preuve d’un accident ou, plus généralement, de toute autre condition permettant à l’assureur de refuser cette garantie pour les dommages qui se produisent de façon progressive ou qui ne sont pas imputables exclusivement à un événement extérieur présentant les caractères de la force majeure ;
31° D’appliquer la sanction prévue pour inobservation d’une précaution exigée afin d’éviter l’incendie ou le dégât des eaux alors même qu’il serait prouvé que cette négligence n’a eu aucune influence sur la réalisation du sinistre ;
32° De distinguer, pour l’application de la garantie » dégâts des eaux « , entre les dommages résultant de la descente des eaux et ceux qui sont la conséquence d’un refoulement ou d’une autre cause ;
33° De paralyser ou de restreindre de façon directe ou indirecte, la liberté de l’assuré dans l’organisation de sa défense en justice contre la victime du dommage, notamment en subordonnant le bénéfice de la garantie responsabilité civile à l’abandon de la » direction du procès » à l’assureur ;
34° De subordonner l’application de la garantie responsabilité civile à la preuve du caractère » accidentel » du dommage subi par la victime ;
35° D’exclure de la garantie responsabilité civile » tous les dommages qui résultent de la violation délibérée des lois, règlements et usages » ;
36° D’exclure l’application de la garantie responsabilité civile en présence de certaines fautes définies en termes généraux et vagues, comme par exemple les fautes » lourdes « , » inexcusables « , » les dommages dont la survenance était inéluctable » ou » les dommages, les inconvénients et les troubles de voisinage ou d’usage qui résultent de façon prévisible ou inévitable de la nature de l’immeuble, objet du contrat » ;
37° De restreindre la garantie responsabilité civile à la responsabilité encourue à l’égard » d’autrui » ou des » tiers « , sans préciser immédiatement quelles sont les victimes auxquelles cette formule interdit de se prévaloir du bénéfice de l’assurance ;
38° De restreindre la garantie responsabilité civile à la seule responsabilité délictuelle ou d’exclure les conséquences de la responsabilité contractuelle ;
39° D’exclure de la garantie responsabilité civile » les conséquences des engagements contractuels dans la mesure où elles excèdent celles auxquelles l’assuré serait tenu en vertu des textes légaux ou réglementaires sur la responsabilité » ;
II. – Que les contrats d’assurance » multirisques – habitation » comportent des clauses ayant pour objet ou pour effet :
1° D’affirmer le droit pour l’assuré de choisir, en cas de diminution du risque, entre la résiliation du contrat et la réduction de la prime ;
2° D’indiquer, en caractères très apparents et en tête du contrat après sa date de prise d’effet et sa durée, la date à laquelle l’assuré sera forclos pour exprimer sa volonté de ne pas renouveler le contrat ;
3° D’indiquer, dans chaque avis d’échéance, la date à laquelle l’assuré sera forclos pour exprimer sa volonté de ne pas renouveler le contrat ;
4° D’informer l’assureur qu’il n’est pas lié par les conclusions de l’ » expert » désigné par la compagnie ;
5° D’affirmer le droit de l’assuré à la résiliation du contrat assorti éventuellement de dommages – intérêts en cas d’inexécution par l’assureur de ses obligations, notamment de retard ou de résistance abusive dans le règlement d’un sinistre ;
6° D’imposer à l’assureur un délai d’une durée maximale de quatre mois à partir de la déclaration du sinistre pour présenter une offre d’indemnité à l’assuré ou à la victime ;
7° De constater la renonciation à la » règle proportionnelle » prévue par l’article L. 121-5 du code des assurances ;
III. – Que la présentation matérielle des contrats d’assurance multirisques – habitation obéisse aux règles suivantes :
1° Remise à l’assureur, au moment de la souscription, d’un document écrit unique et personnalisé, signé par les deux parties constatant le contrat et décrivant les garanties ;
2° Renouvellement et mise à jour de cet écrit au moins tous les trois ans si les garanties ont été modifiées depuis la délivrance du précédent document ;
3° Insertion dans ce document d’un tableau récapitulatif des garanties, de lecture facile, divisé en trois colonnes consacrées respectivement à la nature des garanties, à leur montant et aux franchises ;
4° Rédaction pour chaque branche de l’assurance :
- D’une liste unique d’exclusions formulées en caractères très apparents et regroupant tous les cas dans lesquels la garantie est écartée, de telle sorte que le risque soit effectivement couvert hors des hypothèses expressément visées par cette énumération ;
- D’une liste unique des limitations de garantie et des franchises ;
- Clarification et normalisation de la terminologie notamment grâce à un effort de concertation entre représentants des assureurs et des assurés.
(Texte adopté le 20 septembre 1985 sur le rapport de Mlle Geneviève Viney.)
Voir également :
Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur :