ccass090402_14900.htm
Audience publique du 2 avril 2009
N° de pourvoi: 07-14900
Non publié au bulletin
Rejet
M. Gillet (président), président
Me Le Prado, SCP Ghestin, avocat(s)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu’à l’occasion de deux prêts consentis par le C…, M. X… a adhéré à un contrat d’assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d’invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse N… (l’assureur) ; qu’ayant été reconnu en état d’invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X… a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu’à la suite du refus de l’assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu’en l’espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l’impossibilité définitive pour l’adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l’arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu’au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu’en déboutant cependant M. X… de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l’interprétation faite par l’assureur est plus favorable à M. X… puisqu’elle considère que lorsque l’adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;
2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l’assureur se réserve la possibilité d’une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu’en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l’alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l’assureur, celui-ci peut opposer à l’adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu’il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu’il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu’il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d’exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu’il y ait impossibilité d’exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s’expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l’ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé l’ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l’interprétation faite par l’assureur était la plus favorable à l’assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation ;
Et attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l’application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire, la cour d’appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen, que l’état d’invalidité de l’assuré s’apprécie in concreto, de sorte que l’assureur doit sa garantie dès lors que les limitations pratiques assortissant l’avis médical de reprise partielle d’une activité aménagée par l’assuré sont telles qu’elles rendent totalement illusoires la possibilité de reprise de l’exercice effectif d’une activité adaptée à la situation concrète du bénéficiaire de la garantie ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a expressément constaté « que M. X…, qui n’a jamais exercé d’autre profession que celle d’agriculteur depuis l’âge de 14 ans, qui ne dispose d’aucun bagage scolaire ni d’aucune formation et qui était déjà âgé de 57 ans lorsqu’il a été placé en invalidité par la Mutualité sociale agricole, pourra difficilement retrouver une activité rémunératrice adaptée à son état de santé » ; qu’en affirmant cependant que M. X… ne remplit pas les conditions de la garantie, au prétexte que « ces difficultés sont dues non pas à l’invalidité dont M. X… est atteint, mais à des facteurs liés au marché de l’emploi, à l’âge de l’adhérent et à son niveau de formation », bien que ces circonstances caractérisaient l’impossibilité concrète pour l’assuré de retrouver effectivement une activité rémunérée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu que le moyen ne tend, sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale, qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation souveraine par laquelle la cour d’appel a estimé, sans dénaturer le contrat, que M. X… ne se trouvait pas dans un état d’invalidité correspondant à la définition contractuelle qu’en donne le contrat d’assurance ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, telles les clauses ayant pour objet ou pour effet d’accorder au professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou le service fourni est conforme aux stipulations du contrat ou de lui conférer le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat ; qu’en se bornant à affirmer en l’espèce que la clause litigieuse « ne crée au détriment de l’assuré aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat dans la mesure où l’assureur a fixé le tarif des primes en fonction des seules exigences du contrat », sans égard au fait qu’elle donne à l’assureur toute latitude pour décider si l’état du souscripteur correspond ou non à la garantie stipulée et refuser ainsi d’exécuter sa propre obligation de garantie, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Mais attendu qu’en retenant que la clause litigieuse ne créait au détriment de l’assuré aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la cour d’appel, qui n’a pas relevé que cette clause donnait toute latitude à l’assureur pour décider si l’état du souscripteur correspondait ou non à la garantie, a, répondant nécessairement en les écartant aux conclusions de M. X…, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille neuf.