Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 1er avril 2004.
F… GmbH Baugesellschaft & Co. KG contre Ludger H… et Ulrike H….
Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof – Allemagne.
Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat portant sur la construction et la livraison d’un emplacement de parking – Inversion de l’ordre d’exécution des obligations contractuelles prévu par les dispositions supplétives du droit national – Clause obligeant le consommateur à payer le prix avant que le professionnel n’ait exécuté ses obligations – Obligation du professionnel de fournir une garantie.
Affaire C-237/02.

Dans l’affaire C-237/02,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par le Bundesgerichtshof (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
F…
et
L… H…,
U… H….,
une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29),
LA COUR (cinquième chambre)
composée de M. P. Jann (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, A. La Pergola et S. von Bahr, juges,
avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M. R. Grass,
considérant les observations écrites présentées:
– pour F…, par Me U. Jeutter, Rechtsanwalt,
– pour M. et Mme H…, par Me D. Fiebelkorn, Rechtsanwältin,
– pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. França et H. Kreppel, en qualité d’agents,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du
25 septembre 2003,
rend le présent
Arrêt

1. Par ordonnance du 2 mai 2002, parvenue à la Cour le 27 juin suivant, le Bundesgerichtshof a posé, en application de l’article 234 CE, une question préjudicielle sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»).

2. Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant F…, demanderesse au principal, à M. et Mme H…, défendeurs au principal, à propos du versement d’intérêts moratoires sur le prix à payer pour la construction et l’achat d’un emplacement de parking.
Le cadre juridique
La directive

3. Aux termes de son article 1er , paragraphe 1, la directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

4. L’article 3 de la directive est libellé comme suit:
«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.
[…]
3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

5. Parmi les clauses mentionnées dans cette annexe, figurent:
«[les] clauses ayant pour objet ou pour effet
[…]
b) d’exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou d’une autre partie en cas de nonexécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par le professionnel d’une quelconque des obligations contractuelles […];
[…]
o) d’obliger le consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n’exécuterait pas les siennes;
[…]»

6. L’article 4, paragraphe 1, de la directive dispose:
«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

Le droit national

7. À l’époque pertinente pour les faits du litige au principal, la protection des consommateurs contre les clauses abusives prévue par la directive était assurée en droit allemand par le Gesetz zur Regelung des Rechts der Allgemeinen Geschäftsbedingungen (loi relative aux conditions générales d’affaires), du 9 décembre 1976 (BGBl. 1976, I, p. 3317, ciaprès l’«AGBG»). L’article 9 de cette loi prévoyait:
«1. Les dispositions des conditions générales d’affaires sont inefficaces lorsque, contrairement aux impératifs de la bonne foi, elles désavantagent le partenaire contractuel du stipulant de manière déraisonnable.
2. En cas de doute, il y a lieu d’admettre un désavantage déraisonnable lorsqu’une disposition:
1. n’est pas compatible avec les idées fondamentales de la réglementation légale dont elle s’écarte, ou
2. limite des droits ou obligations essentiels résultant de la nature du contrat de telle sorte que la réalisation du but contractuel est menacé.»

8. S’agissant du contrat de louage d’ouvrage, le Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand, ci-après le «BGB») prévoit, à son article 641, paragraphe 1, une règle supplétive relative à l’exigibilité de la rémunération. Selon cette disposition, la rémunération est due à la réception de l’ouvrage.
Le litige au principal

9. Par contrat passé devant notaire le 5 mai 1998, F…, une entreprise de construction communale, a, dans le cadre de ses activités commerciales, vendu à M. et Mme H…, à des fins privées, un emplacement dans un parking qu’elle devait construire.

10. Aux termes de l’article 5 du contrat, la totalité du prix était exigible après remise par l’entrepreneur d’une sûreté. En cas de retard de paiement, l’acquéreur était redevable d’intérêts moratoires.

11. La sûreté a été constituée sous la forme d’une garantie bancaire et remise à M. et Mme H… le 20 mai 1999. La banque offrant la garantie s’est engagée, en renonçant au bénéfice de discussion, à garantir les éventuelles prétentions que M. et Mme H… pourraient faire valoir à l’encontre de F… en restitution du prix d’achat qui lui serait versé ou dont elle serait habilitée à disposer.

12. M. et Mme H… ont refusé d’exécuter le paiement. Ils ont fait valoir que la disposition relative à l’exigibilité de la totalité du prix était contraire à l’article 9 de l’AGBG. Ils n’ont versé le prix qu’après s’être vu délivrer l’emplacement dans le parking, exempt de vices, le 21 décembre 1999.

13. F… a réclamé des intérêts moratoires en raison du paiement tardif. Le Landgericht Freiburg (Allemagne) a accueilli la demande. Sur appel, l’Oberlandesgericht Karlsruhe (Allemagne) a rejeté la demande. F… s’est alors pourvue en «Revision» devant le Bundesgerichtshof.

14. Ce dernier a constaté que le contrat litigieux relève du champ d’application de la directive, tel qu’il est défini à l’article 3, paragraphe 2, de celle-ci. Il tend à considérer que, dans le contexte du droit allemand, l’article 5 du contrat litigieux ne constitue pas une clause abusive. Il estime cependant que, eu égard à la diversité des réglementations en vigueur dans les États membres, cette appréciation n’est pas exempte de doute. Le Bundesgerichtshof a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Une clause contenue dans des conditions générales de vente, en vertu de laquelle l’acquéreur d’une construction à ériger est tenu d’en payer la totalité du prix, indépendamment de l’état d’avancement de la construction, lorsque le vendeur lui a au préalable remis une garantie bancaire de nature à couvrir les sommes auxquelles il pourrait prétendre du fait de la non-exécution ou d’une mauvaise exécution du contrat, doit-elle être considérée comme abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs?»
Sur la question préjudicielle

15. Toutes les observations soumises à la Cour comportent une mise en balance des avantages et désavantages liés à la clause litigieuse dans le cadre du droit national.

16. F… et le gouvernement allemand font valoir que la clause litigieuse n’est pas abusive. Les désavantages qui peuvent résulter pour le consommateur de l’obligation de verser le prix avant l’exécution du contrat seraient compensés par la garantie bancaire fournie par le constructeur. Certes, cette clause inverse l’ordre de fourniture des prestations, tel qu’il est prévu, à titre supplétif, par l’article 641 du BGB. Toutefois, dans la mesure où, pour le constructeur, elle réduit la nécessité de recourir à des emprunts pour financer la construction, le prix de cette dernière pourrait être diminué en conséquence. En outre, la garantie bancaire fournie par le constructeur limiterait les désavantages subis par les acquéreurs, puisqu’elle leur garantit la restitution des montants payés tant en cas de non-exécution qu’en cas d’exécution défectueuse, et ce même dans l’hypothèse d’une insolvabilité du constructeur.

17. M. et Mme H… soutiennent que la clause litigieuse est abusive et entre dans la catégorie des clauses visées au point 1, sous b) et o), de l’annexe à la directive. Le principe de base, reconnu dans tous les régimes de droit civil, selon lequel les prestations réciproques doivent s’exécuter de manière simultanée, serait violé et l’«égalité des armes» entre les parties contractantes serait rompue au détriment du consommateur, dont la position serait affaiblie de manière significative notamment dans l’éventualité d’un litige au sujet de l’existence de vices de construction. Ils ajoutent que la clause est inattendue, qu’elle n’est pas claire et qu’elle a été imposée par un constructeur en situation de monopole.

18. Au terme d’une analyse approfondie du droit allemand, la Commission des Communautés européennes parvient à la conclusion que la clause litigieuse entraîne, en toute hypothèse, un désavantage au détriment du consommateur. La question de savoir s’il s’agit d’un déséquilibre significatif et injustifié au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive serait une question d’appréciation à laquelle il appartient au juge national de répondre.

19. À cet égard, il convient de constater que, en se référant aux notions de bonne foi et de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, l’article 3 de la directive ne définit que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2002, Commission/Suède, C-478/99, Rec. p. I-4147, point 17).

20. L’annexe à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Une clause qui y figure ne doit pas nécessairement être considérée comme abusive et, inversement, une clause qui n’y figure pas peut néanmoins être déclarée abusive (arrêt Commission/Suède, précité, point 20).

21. S’agissant de la question de savoir si une clause contractuelle particulière présente ou non un caractère abusif, l’article 4 de la directive indique que la réponse doit être apportée en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion. Il convient de relever que, dans ce contexte, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national.

22. Il s’ensuit que, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 25 de ses conclusions, la Cour peut, dans le cadre de l’exercice de la compétence d’interprétation du droit communautaire qui lui est conférée à l’article 234 CE, interpréter les critères généraux utilisés par le législateur communautaire pour définir la notion de clause abusive. En revanche, elle ne saurait se prononcer sur l’application de ces critères généraux à une clause particulière qui doit être examinée en fonction des circonstances propres au cas d’espèce.

23. Il est vrai que, dans l’arrêt du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941, points 21 à 24), la Cour a jugé qu’une clause préalablement rédigée par un professionnel, qui a pour objet de conférer compétence, pour tous les litiges découlant du contrat, à la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le siège du professionnel, réunit tous les critères pour pouvoir être qualifiée d’abusive au regard de la directive. Toutefois, cette appréciation a été portée à propos d’une clause à l’avantage exclusif du professionnel et sans contrepartie pour le consommateur, mettant en cause, quel que soit le type de contrat, l’effectivité de la protection juridictionnelle des droits que la directive reconnaît au consommateur. Il était donc possible de constater le caractère abusif de cette clause sans avoir à examiner toutes les circonstances propres à la conclusion du contrat ni à apprécier les avantages et les désavantages liés à cette clause dans le droit national applicable au contrat.

24. Ainsi qu’il ressort des observations qui ont été soumises à la Cour, tel n’est pas le cas de la clause qui fait l’objet du litige au principal.

25. Il y a donc lieu de répondre à la question posée en ce sens qu’il appartient au juge national de déterminer si une clause contractuelle telle que celle qui fait l’objet du litige au principal réunit les critères requis pour être qualifiée d’abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive.

Sur les dépens
26. Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
statuant sur la question à elle soumise par le Bundesgerichtshof, par ordonnance du 2 mai 2002, dit pour droit:
Il appartient au juge national de déterminer si une clause contractuelle telle que celle qui fait l’objet du litige au principal réunit les critères requis pour être qualifiée d’abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

Consulter l’arrêt de la Cour

Numéro : cjce040401.htm

ANALYSE 1 :

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, protection, appréciation par le juge national du caractère abusif d’une clause.

Résumé : Si la CJCE peut interpréter les critères généraux utilisés par le législateur communautaire pour définir la notion de clause abusive, elle ne saurait, en revanche, se prononcer sur l’application de ces critères à une clause particulière qui doit être examinée par le juge national en fonction des circonstances propres au cas d’espèce pour déterminer si cette clause réunit les critères requis pour être qualifiée d’abusive.

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 228 Ko)

Numéro : caa040319_173.pdf

 

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, télésurveillance, commerce.

Résumé : Le contrat de télésurveillance souscrit  pour la protection d’un commerce est conclu dans le cadre de l’exploitation même de celui-ci, ce qui exclut l’application des dispositions de l’article L 132-1 du code de la consommation.

 

Voir également :

Recommandation n° 97-01 : télésurveillance

Consulter l’arrêt de la Cour 

Numéro : ccass040318.htm

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, clause d’un contrat accessoire à un contrat conclu pour des besoins professionnels.

Résumé : Le contrat par lequel un emprunteur adhère à l’assurance de groupe souscrite par l’établissement prêteur afin de garantir le remboursement de l’emprunt en cas de décès, invalidité permanente et absolue alors que le contrat d’assurance est accessoire à des prêts professionnels souscrits pour les besoins de l’exploitation d’un fonds de commerce n’est pas soumis aux dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995, permettant de qualifier d’abusives certaines clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs.

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 509 Ko)

Numéro : cag040226.pdf

 

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, action en suppression de clauses abusives, exclusion, bénéficiaire du contrat

Résumé : La stipulation pour autrui dont est bénéficiaire l’occupant d’un immeuble lui ouvre une action directe contre la société de télésurveillance qui aurait fautivement exécuté la prestation de télésurveillance promise, mais ne lui confère aucune qualité pour demander l’annulation d’une clause du contrat en application de l’article L 132-1 du code de la consommation.

 

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, contrat de télésurveillance souscrit par une société exploitant plusieurs bijouteries.

Résumé : Le contrat de télésurveillance assurant la protection des locaux commerciaux d’une société qui exploite plusieurs bijouteries est en rapport direct avec l’exercice de la profession du souscripteur qui est tenu, dans le cadre de sa gestion habituelle, d’assurer la sécurité de ses locaux en raison des risques particuliers auxquels il est exposé ; il s’agit d’un acte d’exploitation courant, ne le plaçant pas à priori dans un état de dépendance économique ou technique.

 

Voir également :

Recommandation n° 97-01 : télésurveillance

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 272 Ko)

Numéro : cao031224.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, notion de non professionnel, abonnement à un systeme de télésurveillance, exploitant d’un commerce de tabac-journaux.

Résumé : Le contrat d’abonnement à un système de télésurveillance, qui a été souscrit par l’exploitant d’un commerce de tabac-journaux, est destiné à préserver son activité professionnelle, dès lors que les dommages provoqués par un vol des marchandises, des dégradations ou un sinistre seraient susceptibles d’interrompre cette activité, causant des pertes d’exploitation et des perturbations pour la clientèle et permet de conserver les biens de l’entreprise ; un tel contrat est donc directement lié à la sauvegarde de l’activité professionnelle et ne peut être examiné au regard des dispositions de l’article L 132-1 du code de la consommation.

N° de pourvoi: 12-26416
Non publié au bulletin

M. Espel (président), président
Me Brouchot, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 7 février 2012), que la société P…, aux droits de laquelle vient la société P…, devenue la société W… (la société W…) a fait installer par la société A…, à l’enseigne C…, devenue la société S… (la société S…) un système de télésurveillance ; qu’après plusieurs cambriolages subis aux cours des années 2002, 2003 et 2004, elle l’a assignée en responsabilité ; 

Sur le premier moyen : 

Attendu que la société W… fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen, que seuls les contrats conclus entre professionnels de la même spécialité ne peuvent bénéficier du régime protecteur des consommateurs en droit de se prévaloir de la nullité de clauses abusives ; que dans ses conclusions d’appel, la société W… avait fait valoir qu’elle était uniquement une professionnelle dans le domaine des matériaux de construction mais non en matière d’alarme et de vidéo-surveillance en dehors du champ de sa compétence professionnelle, pour solliciter en sa qualité de non-professionnelle de ces deux spécialités, le droit de se prévaloir de la clause abusive stipulée dans les deux contrats, excluant toute obligation de résultat à la charge de la société S…, installateur ; qu’en affirmant que les contrats de télésurveillance et de vidéo-surveillance avaient été conclus par la société W… dans le cadre de son activité professionnelle et pour répondre directement aux besoins de celle-ci, pour la priver du bénéfice du régime protecteur des non-professionnels et du droit de se prévaloir du caractère abusif de la clause excluant tout recours en cas d’insuffisance des systèmes de télésurveillance choisis, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses constatations desquelles résultait le défaut de qualité de la société W… de professionnelle de la même spécialité de la surveillance que la société S…, au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation qu’elle a ainsi violé ; 

Mais attendu que les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de service conclus entre sociétés commerciales ; que c’est donc exactement que la cour d’appel a retenu que la société W… ne pouvait prétendre que soient écartées, sur le fondement de ce texte, les clauses insérées dans les contrats ; que le moyen n’est pas fondé ; 

Sur le second moyen : 

Attendu que la société W… fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen : 

1°/ que tout vendeur-installateur de système de télésurveillance et de vidéo-surveillance est tenu à l’égard de son client d’une obligation de résultat à raison des dysfonctionnements des matériels vendus, livrés puis installés ; que dans ses conclusions d’appel, la société W…, en se fondant sur les constatations et conclusions des experts amiable et judiciaire, avait fait valoir que la société S… avait manqué à ses obligations contractuelles de livraison et d’installation de matériels en parfait état de fonctionnement susceptibles de ne faire l’objet que d’une maintenance et d’un entretien courants ; que tout en relevant les manquements stigmatisés dans les rapports d’expertise quant aux nombreux dysfonctionnements ayant entraîné de nombreuses interventions pour remédier aux pannes entre 2002 et 2004, pannes ayant permis la commission d’effractions et de vols, la cour d’appel qui a cependant considéré non rapportée la preuve de manquements de la société S… à ses obligations contractuelles pour rejeter les demandes de résolution des contrats, n’a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil qu’elle a ainsi violés ; 

2°/ que les clauses exclusives de responsabilité qui tendent à libérer le débiteur contractuel de son obligation essentielle doivent être réputées non écrites ; que pour rejeter le moyen soulevé par la société W… et tiré du manquement de la société S… à ses obligations de conseil et de renseignement, quant aux matériels nécessaires et requis pour assurer une totale et parfaite surveillance et sécurisation des locaux, objets des contrats de télésurveillance et de vidéo-surveillance, la cour d’appel s’est fondée sur l’opposabilité des clauses stipulées dans ces contrats excluant toute obligation de résultat au profit d’une seule obligation de moyens ; qu’en opposant ainsi à la société W… des clauses pourtant réputées non écrites, la cour d’appel a violé les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ; 

Mais attendu, en premier lieu, qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni des pièces de la procédure que la société W… avait soutenu que les clauses litigieuses contredisaient la portée de l’obligation essentielle des sociétés de surveillance ; que le grief, mélangé de fait et de droit est donc nouveau ; 

Attendu, en second lieu, que l’arrêt, relevant que les conditions générales du contrat de vidéo-surveillance prévoient que la société C… est tenue d’une obligation de moyen, à l’exclusion de toute obligation de résultat, a souverainement retenu que la preuve d’une faute n’était pas apportée ; qu’en l’état de ces appréciations qui rendent inopérant le grief de la seconde branche, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; 

D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n’est pas fondé pour le surplus ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne la société W… aux dépens ; 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société S… solutions de sécurité la somme de 3 000 euros ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille treize.

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 345 Ko)

Numéro : cal031105.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, prêt d’un véhicule automobile, gérant.

Résumé : Le prêt du véhicule nécessaire aux déplacements du gérant, a un lien direct avec son activité professionnelle et ne peut être soumis aux dispositions de l’article L 132-1 du code de la Consommation qui ne concernent que les contrats souscrits par des consommateurs ou non professionnels.

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 294 Ko)

Numéro : can031104.pdf

 

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, notion de non professionnel, crédit bail portant sur un photocopieur souscrit par un collège, portée.

Résumé : Le contrat de crédit bail portant sur un photocopieur souscrit par un collège peut être examiné à la lumière des textes relatifs aux clauses abusives en ce qu’un collège ne peut être considéré comme un professionnel dans la mesure où il n’a aucune activité professionnelle définie comme celle habituellement exercée par une personne pour se procurer les revenus nécessaires à son existence.

 

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, clause de résiliation, absence de démonstration de l’abus conférant un avantage excessif.

Résumé : Le demandeur qui se contente d’affirmer que son co-contractant a commis un abus lui conférant un avantage excessif, alors qu’il existe un équilibre certain entre les droits et obligations des parties au contrat ( moindre prix des prestations à condition de s’engager pour 5 ans -sanction en cas de non-respect de ce délai), et d’affirmer que cette clause est abusive reviendrait à entériner les caprices du consommateur au détriment au professionnel.